Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Verbe/Paragraphe 41
a La conjugaison qal comprend des verbes d’action et des verbes statifs (§ 40 b).
Les verbes d’action sont de la forme *qatal > קָטַל, קָטָ֑ל, p. ex. נָתַן donner, יָשַׁב s’asseoir, אָכַל manger.
Au futur la seconde voyelle est généralement *u > ◌ֹ dans le verbe fort. On a la voyelle *i > ◌ֵ dans יִתֵּן (§ 72 i), dans le type יֵשֵׁב (§ 75 c), dans le type יֹאכֵ֑ל (ici par dissimilation, cf. § 73 c). Quant à la première voyelle (voyelle de la préformante), cf. § e.
Les verbes d’action expriment une action (transitive ou intransitive). Quelques verbes peuvent exprimer aussi l’action réfléchie, p. ex. רָחַץ laver et se laver, se baigner (de même en latin lavare) ; סוּךְ verser, oindre et s’oindre ; מָשַׁח oindre et (Am 6, 6) s’oindre ; טָבַל tremper et se tremper. Dans certains cas le sens réfléchi semble provenir d’une ellipse, p. ex. הָפַךְ tourner et se tourner (Jug 20, 39 etc.), סָעַד sustenter et se sustenter (1 R 13, 7 † à savoir sustenter son cœur לֵב).
Certains verbes d’action sont dénominatifs, p. ex. לָבַן fabriquer des briques (לְבֵנָה), מָלַח (1 f.) saler (de מֶ֫לַח sel), שָׁבַר acheter du grain (שֶׁ֫בֶר), אָהַל (2 f.) planter la tente (אֹ֫הֶל), « tenter ».
b Les verbes statifs, qui sont des « adjectifs conjugués »[1] ont deux formes, une forme plus fréquente *qatil, p. ex. כָּבֵד il est lourd et une forme moins fréquente *qatul, p. ex. קָטֹן il est petit. À ces deux formes du parfait répond une forme unique de futur, avec seconde voyelle a : יִכְבַּד il sera lourd, יִקְטַן il sera petit. Quant à la première voyelle (voyelle de la préformante), cf. § e.
À l’origine tous les verbes statifs devaient sans doute exprimer ce qui, au point de vue des Sémites, était conçu plutôt comme un état ou une qualité que comme une action. Mais de nombreux verbes statifs expriment actuellement ce qui pour nous est vraiment une action, p. ex. שָׁמַע, שָׁמֵ֑עַ entendre. Certains verbes, outre le sens purement statif, comme il est lourd (כָּבֵד), ont des nuances qui se rapprochent de l’action, comme il devient lourd, il s’alourdit. D’une façon générale on peut dire que les verbes statifs tendent à devenir des verbes d’action soit pour le sens, soit pour la vocalisation[2]. L’envahissement de l’actif sur le statif est dû à l’évolution du sens, au fait que les verbes d’action sont de beaucoup les plus nombreux, et parfois à des raisons phonétiques particulières.
Dans quelques verbes, au parfait statif répond un futur d’action : שָׁכֵ֑ן, שָׁכַן, fut. יִשְׁכֹּן habiter ; חָפֵץ, f. יַחְפֹּץ aimer, vouloir ; נָבֵל, f. יִבֹּל se flétrir ; *עָמֵל, עָמַל־, f. יַֽעֲמֹל se fatiguer ; מֵת, f. יָמוּת mourir ; *שָׁמֵם, f. יִשֹּׁם être stupéfié, désolé.
Au parfait la voyelle ◌ֵ des verbes statifs a été souvent supplantée par la voyelle ◌ַ des verbes d’action : 1) surtout en contexte, p. ex. שָׁכַן, mais שָׁכֵ֑ן ; 2) assez souvent même en pause, p. ex. חָזָ֑ק être fort[3]. Parfois la voyelle ◌ֵ n’a pu se maintenir que devant suffixe, p. ex. שְׁאֵֽלְךָ mais שָׁאַל, שָׁאָ֑ל ; גְּדֵלַ֫נִי (Job 31, 18 ⸮), mais גָּדַל[4].
c Un verbe strictement statif ne devrait pas avoir de participe mais seulement un adjectif verbal, p. ex. חָזֵק, יָרֵא craignant. Mais en fait, par suite de l’évolution du statif vers l’actif, souvent un verbe statif a un participe, p. ex. אֹהֵב aimant ; שׂנֵא haïssant. Parfois il y a participe et adjectif verbal, p. ex. שֹׁכֵן habitant (habitans), שָׁכֵן un habitant (habitator), un voisin.
d En pratique, un verbe statif se reconnaît surtout à la voyelle a du futur (pourvu que cet a ne soit pas dû à une cause phonétique, p. ex. à une gutturale) ; dans certaines classes de verbes à la voyelle i, ẹ de la préformante (cf. § e) ; moins souvent à la voyelle ẹ du parfait (laquelle a été souvent supplantée par a).
Il y a quelques autres indices secondaires, p. ex. l’existence d’un adjectif verbal (types כָּבֵד, קָטֹן), l’existence d’un infinitif en ◌ָה (car, de fait, les infinitifs קַטְלָה, קִטְלָה, קָטְלָה ne se trouvent guère que dans des verbes statifs, § 49 d).
e De la voyelle de la préformante du futur dans les verbes actifs et statifs. D’après une vue qui semble sérieusement probable, la voyelle de la préformante du futur était primitivement a dans les verbes actifs, i dans les verbes statifs. En hébreu ces voyelles apparaissent quand la syllabe est ouverte, à savoir : dans les verbes ע״ע : f. actif יָסֹב, f. statif יֵקַל (§ 82 b) ; dans les verbes ע״ו : f. actif יָקוּם, f. statif יֵבוֹשׁ (pour *i̯ibāš, § 80 b). En syllabe fermée, la voyelle primitive a des verbes d’action s’est affaiblie en i, selon une tendance très générale (§ 29 g) : *i̯aqtul[5] est devenu יִקְטֹל, avec i comme dans les verbes statifs, p. ex. יִכְבַּד. Cependant, même en syllabe fermée (et semi-fermée), les voyelles primitives apparaissent : 1) dans les verbes à 1re gutturale, p. ex. f. actif יַֽעֲמֹד, f. statif יֶחְזַק, יֶֽחֱזַק (§ 21 d) ; 2) dans les verbes פ״י (en syllabe primitivement fermée), p. ex. f. actif יֵשֵׁב (pour *i̯ai̯šib), f. statif יִירַשׁ (pour *i̯ii̯raš), cf. § 75 b, c.
f Liste des verbes statifs les plus usuels, groupés d’après le sens[6] :
I. Qualités.
- Pf. טוֹב, f. יִיטַב (rac. יטב), inf. cst. טוֹב ; verbe défectif, § 85 a, être bon ; adj. טוֹב.
- רַע, f. יֵרַע être mauvais ; adj. רַע.
- *גָּדֵל, גָּדַל (1 f.), גְּדֵלַ֫נִי (Job 31, 18 ⸮) ê. grand ; adj. גָּדוֹל (forme qatul § 88 D c).
- קָטֹן ê. petit ; adj. קָטֹן et קָטָן § 18 f.
- גָּבַהּ ê. haut ; adj. גָּבֹהַּ.
- שָׁפֵל ê. bas ; adj. שָׁפָל.
- חָזַק, חָזָ֑ק ê. fort ; adj. חָזָק (adj. verbal חָזֵק 2 fois).
- דַּל, f. יִדַּל ê. faible ; adj. דַּל.
- *כָּבֵד, כָּבַד (1 fois) ê. lourd ; adj. כָּבֵד.
- קַל, f. יֵקַל ê. léger ; adj. קַל.
- רָחַק, רָחָ֑ק ê. loin ; adj. רָחוֹק (forme qatul § 88 D c).
- *קָרֵב, קָרַב, קָרֵ֑בָה ê. près ; adj. קָרוֹב (forme qatul § 88 D c).
- *נָגֵשׁ, f. יִגַּשׁ approcher (§ 72 g ; verbe défectif § 85 b).
- דָּבַק, דָּבֵ֑ק adhérer.
- טָהֵר ê. pur ; adj. טָהוֹר (forme qatul § 88 D c).
- טָמֵא ê. impur ; adj. טָמֵא.
- מָלֵא ê. plein ; adj. מָלֵא[7].
II. État de l’âme.
- אָהַב, אָהֵ֑ב, f. יֶֽאֱהַב aimer.
- חָפֵץ, f. יַחְפֹּץ (§ b) aimer, vouloir.
- שָׂנֵא haïr.
- יָרֵא, f. יִירָא craindre.
- יָגֹר, f. יָגוּר (rac. גּור) redouter[8] ; verbe défectif, § 85 a.
- חָרַד, f. יֶֽחֱרַד trembler.
- פָּחַד trembler.
- *שָׁכֵחַ, שָׁכַח, שָׁכֵ֑חוּ oublier.
III. État du corps.
- לָבַשׁ, לָבֵ֑שׁ ê. vêtu.
- *שָׂבֵעַ, שָׂבַע, שָׁבֵ֑עוּ ê. rassasié ; adj. שָׁבֵעַ.
- רָעֵב avoir faim ; adj. רָעֵב.
- צָמֵא avoir soif ; adj. צָמֵא.
- *יָשֵׁן, f. יִישַׁן dormir.
- שָׁכַב, שָׁכָ֑ב ê. couché, se coucher ; inf. שְׁכַב § 49 c.
- שָׁכֹל ê. privé de ses enfants, orbum esse.
IV. Varia.
- ↑ H. Bauer, Die Tempora im Semitischen (1910), p. 33.
- ↑ Cf. Verbes actifs et verbes statifs dans Mélanges Beyrouth, 5, p. 356 sqq.
- ↑ Ici peut-être sous l’influence du ק ; mais l’adj. verbal est חָזֵק. Comp. רָחַק être loin, malgré l’adjectif רָחוֹק ; adj. verbal רָחֵק (1 f.).
- ↑ Dans ces deux verbes l’a a été probablement favorisé par le ל de la syllabe fermée.
- ↑ Dans une glose cananéenne des lettres de Tell el Amarna (§ 2 e) on trouve la forme i̯azkur (228, 19).
- ↑ Le futur est en a, à moins d’indication contraire.
- ↑ L’antonyme ê. vide ne se trouve pas ; adj. רֵק.
- ↑ Le f. יָגוּר est traité comme verbe d’action (il craint ; cf. Dt 32, 27 ; Os 10, 5 ; Job 41, 17) ; cf. § b.
- ↑ Comp. שְׁאֵלָה, שְׁאֵֽלָתִי demande § 97 B d.