Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Verbe/Paragraphe 53

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Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 118-120).
§ 53. Conjugaison hitpael.

a Le hitpael est la conjugaison réfléchie de l’action intensive (§ 40 a). Les deux caractéristiques du hitpael sont le redoublement de la seconde radicale comme au piel (§ 52 a) et un ת qui exprime l’idée réfléchie (comme le נ du nifal § 51 a)[1].

L’explication des formes doit commencer par le futur.

Futur : La forme hébraïque est i̯itqa̦ṭṭẹl יִתְקַטֵּל (comp. piel יְקַטֵּל).

Parfait : Le groupe iṯ, composé de la voyelle de la préformante et du caractéristique passe au parfait, où la voyelle doit être nécessairement précédée d’une consonne. Cette consonne est ה (au lieu de א)[2], comme à l’impératif et à l’inf. cst. nifal (§ 51 a), d’où הִת. Le reste de la forme est à l’analogie du futur, d’où הִתְקַטֵּל. Le groupe הִת se trouve aussi à l’impératif et à l’infinitif הִתְקַטֵּל. Au participe on a מִתְקַטֵּל avec les voyelles du futur.

b Remarques générales. Outre le type ordinaire en , duquel seul nous avons parlé jusqu’ici, il existe un type secondaire et rare qui a la voyelle a au parfait, au futur et à l’impératif. La forme hitpaal se trouve dans 7 verbes, dont 3 verbes ל״א : הִתְאַנַּף se mettre en colère, הִתְאַפַּק se contenir, הִתְנַפַּל se précipiter, הִתְעַנַּג s’abandonner mollement ; הִתְחַטָּא s’enlever le péché, הִטַּמָּא (§ e) se rendre impur, הִתְפַּלָּא se montrer étonnant (?). La forme hitpaal est ordinaire en araméen ; en hébreu, où elle est rare, elle est probablement aramaïsante[3].

c Les formes pausales du type en , au parfait, au futur et à l’impératif, ont la voyelle a, à savoir ◌ַ en pause moyenne, ◌ָ en grande pause (§ 32 c) p. ex. יִתְיַצֵּב il se placera devient יִתְיַצַּ֔ב 1 S 3, 10 (avec zaqef), יִתְיַצָּ֑ב Job 41, 2 ; de même יִתְנַשֵּׂא devient יִתְנַשָּׂ֑א Nb 23, 24. Cette voyelle pausale a n’est pas primitive ; elle provient du type hitpaal, et supplante en pause la voyelle propre , à cause de sa sonorité plus grande.

d Comparaison avec le piel. Au parfait du piel, la 1re voyelle primitivement a s’est affaiblie en i : קִטֵּל ; elle s’est maintenue au hitpael : הִתְקַטֵּל. Au parfait du piel la voyelle a de la forme de liaison קִטַּל est abrégée de ◌ֵ ; dans le type הִתְקַטֵּל l’a est pausal, et provient du type הִתְקַטַּל.

e Le ת subit la métathèse devant une sifflante, p. ex. hiṯ-ša̦mmẹr devient הִשְׁתַּמֵּר (§ 17 b).

Le ת s’assimile à une dentale suivante, p. ex. *mit-da̦bbẹr devient מִדַּבֵּר ; *hit-ṭa̦mmåʾ devient הִטַּמָּא. Il s’assimile partiellement à l’emphatique צ, à savoir devient emphatique, p. ex. *hit-ṣa̦ddẹq devient, avec métathèse, הִצְטַדֵּק (§ 17 g). Quelquefois le ת s’assimile à un נ, p. ex. הִנַּבֵּא à côté de הִתְנַבֵּא ; à un כ, p. ex. תִּכַּסֶּה Pr 26, 26 ; à un שׁ Eccl 7, 16 תִּשּׁוֹמֵם.

f Remarques sur les diverses formes.

Au parfait, dans la flexion on a ◌ַ, comme au piel, par exemple הִתְקַטַּ֫לְתָּ, comme on a קִטַּ֫לְתָּ. On trouve quelques formes comme וְהִתְגַּדִּלְתִּ֫י Éz 38, 23, avec affaiblissement de a en i en syllabe fermée atone.

Futur. Au plur. fém. la finale est ordinairement ◌ַ֫לְנָה, p. ex. תִּתְהַלַּ֫כְנָה (§ 29 d).

L’inf. cst. a la finale araméenne dans Dn 11, 23 הִתְחַבְּרוּת (§ 88 M j).

g Remarques particulières.

Dans le verbe פָּקַד passer en revue, etc., on a une forme הִתְפָּקֵד ê. passé en revue, ê. recensé, sans redoublement du ק, p. ex. Jug 20, 15, 17 ; 21, 9. D’après les uns, cette forme serait un hitpael où le redoublement aurait été omis à cause de la nature du ק ; mais on peut objecter que le piel est très rare (seulement Is 13, 4). D’après les autres, on aurait ici un réfléchi du qal (p. ex. Brockelmann, 1, p. 529). On trouve aussi 4 fois הָתְפָּֽקְדוּ qui est la forme הִתְפָּֽקְדוּ passivée secondairement par le changement de la 1re voyelle i en u () ; mais cette forme étrange est d’autant plus suspecte qu’elle a le même sens ê. passé en revue, ê. recensé (Nb 1, 47 ; 2, 33 ; 26, 62 ; 1 R 20, 27).

h La forme hitpael est passivée secondairement en hotpaal dans quelques cas très rares : inf. הֻכַּבֵּס ê. lavé (sans nuance réfléchie) Lév 13, 55, 56 ; הֻטַּמָּ֔אָה Dt 24, 4, proprement on l’a fait se souiller, mais peut-être simplement elle a été souillée ; הֻדַּ֫שְׁנָה, pour הֻדַּשְּׁנָ֫ה, Is 34, 6 elle s’est engraissée.

i Sens. Le sens fondamental est le réfléchi du piel, p. ex. הִתְקַדֵּשׁ se sanctifier (קִדַּשׁ sanctifier). D’une façon générale, l’hitpael peut avoir les divers sens du nifal, avec, en plus, les nuances propres du piel. Ainsi il peut avoir le sens du moyen grec, p. ex. הִתְפָּרֵק s’arracher qc. Ex 32, 3. Il peut aboutir à un pur passif, p. ex. הִשְׁתַּכַּח ê. oublié. Il a parfois la nuance se faire ou se montrer (vraiment ou faussement) tel ou tel, p. ex. הִתְחַלָּה faire le malade 2 S 13, 5, 6.

Comme dénominatif, il peut avoir le sens privatif comme le piel (§ 52 d), p. ex. הִתְחַטָּא s’enlever le péché (comp. חִטֵּא enlever le péché).

  1. La forme correspondante en arabe est tafaʿʿala تَفَعَّلَ, et non pas ʾiftaʿala إِفْتَعَلَ, comme le note justement Abu᾿l Walīd contre les grammairiens de son temps.
  2. On a א dans אֶתְחַבַּר 2 Ch 20, 35 (pataḥ final exceptionnel).
  3. En araméen la forme hitpaal est probablement une forme réfléchie passivée secondairement ; cf. Biblica, 1, p. 354 sq.