Grammaire de l’hébreu biblique/Écriture/Paragraphe 17

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Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 50-52).
[PHONÉTIQUE]
§ 17. Changements dans les consonnes.

a Consonne ajoutée au commencement du mot : alef prosthétique. Un alef initial (en réalité non prononcé) avec sa voyelle est ajouté quelquefois pour faciliter la prononciation, p. ex. אֱתְמוֹל hier (5 fois) à côté de תְּמוֹל (23 f.), אֶזְרוֹעַ bras (2 f.) à côté de l’usuel זְרוֹעַ[1]. On observe le même phénomène phonétique dans nos langues, p. ex. en latin vulgaire iscientia, istare, estatio, Estephanus ; fr. esprit, espérer. Très rarement on a alef formant demi-syllabe ouverte, p. ex. אֲבַתִּחִים melons (ar. biṭṭīḫ بِطِّيخ) cf. § 88 L a.

b Métathèse de consonne. Dans la conjugaison hitpael, le ת permute avec une première sifflante, p. ex. *hit-ša̦mmẹr > הִשְׁתַּמֵּר se garder. On évite ainsi les groupes ts, , tṣ qui répugnaient déjà au sémitique commun (cf. § 53 e).

Au point de vue lexicographique, on peut observer quelquefois la métathèse, p. ex. à côté de l’usuel כֶּ֫בֶשׂ agneau (107 f.) et de כִּבְשָׂה agnelle (8 f.) on a כֶּ֫שֶׂב (13 f.) et כִּשְׂבָּה (1 f.) ; à côté de שִׂמְלָה manteau (30 f.) on a שַׂלְמָה (16 f.).

c Chute de consonne. Le phénomène est fréquent en hébreu, soit au commencement du mot (aphérèse), soit à l’intérieur (syncope) soit à la fin (apocope). Les consonnes qui peuvent tomber sont surtout les deux consonnes vocaliques ו et י, les deux gutturales faibles א et ה, le נ (qui en hébreu tend à l’assimilation), rarement le ל.

d Aphérèse. Une consonne initiale ו, י, נ, ל, א sans voyelle pleine peut tomber : p. ex. dans les verbes פ״ו impér. שֵׁב ; dans les verbes פ״ן impér. גַּשׁ ; dans le verbe לָקַח prendre, impér. קַח ; au lieu de l’usuel אֲנַ֫חְנוּ nous on a 6 fois נַ֫חְנוּ.

e Syncope. Le ה est ordinairement syncopé dans les conjugaisons causatives au futur et au participe, p. ex. יַקְטִיל pour יְהַקְטִיל* (§ 54 a). Le ה de l’article est syncopé après les prépositions בְּ, כְּ, לְ, p. ex. לַמֶּ֫לֶךְ pour לְהַמֶּ֫לֶךְ* (§ 35 e).

L’א est assez souvent syncopé, mais reste généralement écrit, p. ex. לִקְרַאת in occursum pour לְקִרְאַת* ; מוּם tache pour מְאוּם* (2 f. מאוּם).

f Apocope. L’apocope est fréquente dans les formes verbales et nominales des racines ל״ה, p. ex. וַיַּ֫עַן et il répondit (rac. ענה) pour וַיַּֽעֲנֶה (1 f.) ; לְמַ֫עַן à cause de pour לְמַֽעֲנֶה*.

g Assimilation. La consonne נ dépourvue de voyelle tend à s’assimiler à la consonne suivante, laquelle est alors redoublée, p. ex. le נ de la préposition מִן ; ainsi מִן + שָׁם > מִשָּׁם de là, מִן + זֶה > מִזֶּה de celui-ci, d’ici. Le phénomène est ordinaire dans les formes verbales et nominales de racines פ״ן, p. ex. יִגַּשׁ pour יִנְגַּשׁ* de נגשׁ (pour le détail, cf. § 72)[2].

L’assimilation n’a pas lieu dans les verbes à 3e radicale נ, p. ex. שָׁכַ֫נְתָּ tu as habité ; exception נָתַ֫תָּה tu as donné (sans doute à cause du premier נ).

Le ת de la préformante הִתְ s’assimile à une dentale suivante, p. ex. *mitda̦bbẹr > מִדַּבֵּר ; *hitṭa̦mmåʾ > הִטַּמָּא. Il s’assimile partiellement à l’emphatique צ, c.-à-d. devient emphatique, p. ex. *hitṣa̦ddẹq devient (avec métathèse, § b) הִצְטַדֵּק (cf. § 53 e).

Le ל est assimilé dans le verbe לָקַח, p. ex. יִקַּח (§ 72 j).

Le ד est assimilé dans אַחַ֫ת une, de ʾaḥadt (§ 100 b).

  1. La voyelle initiale a été adoptée probablement parce que était senti comme la voyelle la plus faible, en cette position ; cf. § 9 c ◌ֱ comme ḥaṭef très faible ; § 21 i ◌ֱ plus faible que ◌ֲ ; § 68 a N.
  2. Pour עֵז chèvre la racine ענז, qui n’apparaît pas en hébreu, ne peut être induite que de la comparaison avec les langues apparentées, p. ex. ar. ʿanz ﻋَﻨْﺰ ; cf. § 96 A o.