Grammaire de l’hébreu biblique/Phonétique/Paragraphe 42

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Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 98-101).
§ 42. Flexion du parfait qal.

a La flexion du parfait qal (et des autres parfaits) se fait au moyen d’afformantes, dans la plupart desquelles on reconnaît facilement les pronoms séparés. Aux troisièmes personnes le pronom est sous-entendu ; le fém. est marqué par åh pour *at (comme dans les noms) : קָֽטְלָה ; le pluriel par ū : קָֽטְלוּ. La forme du parfait semble avoir été employée d’abord avec les verbes statifs, p. ex. כָּבַ֫דְתָּ = כָּבֵד + אַתָּה : lourd-toi = tu es lourd. Semblablement pour exprimer une action on a dit, avec une forme telle que *qatal, קָטַ֫לְתָּ tueur-toi, d’où le sens du passé : « tu es un qui a tué », tu as tué.

b Le parfait des verbes d’action est toujours du type *qatal, qui devient normalement קָטָ֑ל (forme pausale), comme dans les noms p. ex. *dabar devient דָּבָר parole (forme pausale et contextuelle). En contexte la forme est קָטַל avec ◌ַ[1]. Cette seconde voyelle a de *qatal tombe en syllabe ouverte : קָֽטְלָה, קָֽטְלוּ, mais reparaît en pause : קָטָ֑לָה, קָטָ֑לוּ. La première voyelle a tombe en syllabe ouverte antéprétonique dans קְטַלְתֶּם, קְטַלְתֶּן dont les afformantes lourdes ont le ton (§ 30 e).

c Le parfait statif du type כָּבֵד perd également son ◌ֵ dans כָּֽבְדָה, כָּֽבְדוּ. En syllabe fermée, ◌ֵ devient normalement ◌ַ (§ 29 d), p. ex. כָּבַ֫דְתָּ, כְּבַדְתֶּם (on a de même קִטֵּל, קִטַּ֫לְתָּ ; הִקְטִיל, הִקְטַ֫לְתָּ).

Le parfait statif du type rare קָטֹן perd également son ◌ֹ dans קָֽטְנָה, קָֽטְנוּ. En syllabe fermée tonique ◌ֹ se maintient, par exemple קָטֹ֫נְתָּ ; il s’abrège en ◌ָ en syllabe atone קְטָנְתֶּם, וְיָֽכָלְתָּ֫ et tu pourras.

d Au lieu de ◌ַ on trouve quelquefois ◌ִ (dans un ex. ◌ֶ) en syllabe fermée atone. Ainsi du verbe statif יָרַשׁ hériter (pour *יָרֵשׁ) on trouve, p. ex. וִֽירִשְׁתֶּם Dt 4, 1 etc., où le i a pu être favorisé par la voyelle primitive et par la sifflante ; du verbe statif שָׁאַל demander (pour *שָׁאֵל), שְׁאִלְתִּיו 1 S 1, 20 etc., שְׁאֶלְתֶּם 1 S 12, 13 ; 25, 5 ; Job 21, 29. (Cf. affaiblissement de a en ◌ֶ § 29 e et en ◌ִ § 29 g).

e La rencontre du ת ou du נ des afformantes avec un ת ou un נ radical produit une contraction (§ 18 c), p. ex. כָּרַ֫תִּי j’ai coupé Ex 34, 27 (כָּרַת) ; נָתַ֫נּוּ nous avons donné Gn 34, 16 (נָתַן).

f Remarques sur les personnes.

3e sing. fém. La forme primitive est qatalat. Le ת est conservé devant les suffixes (§ 62 a) et dans les verbes ל״ה (§ 79 d). De plus on trouve avec ת : וְנִשְׁכַּ֫חַת צֹר[2] et Tyr sera oubliée Is 23, 15 ; אָ֣זְלַת יָד la force s’en est allée Dt 32, 36 (nesīgah) ; וְשָׁבַת לַנָּשִׂיא et elle reviendra au prince Éz 46, 17 (verbe שׁוב  ; p.-ê. ⸮).

2e sing. masc. Forme primitive qatalta, avec a final bref[3]. Dans קָטַ֫לְתָּ l’å posttonique est bref, ce qui a pu favoriser la graphie sans ה, au contre de אַתָּה (§ 39 a). La graphie avec ה est usuelle dans נָתַ֫תָּה (beaucoup plus fréquent que נָתַ֫תָּ ; sorte de compensation pour l’abrègement graphique provenant de la contraction). On la trouve aussi sporadiquement, sans raison apparente, p. ex. Gn 21, 23 ; 2 S 2, 26 ; 2 R 9, 3 (après 4 formes sans ה). De même au hifil, par exemple 2 R 9, 7.

Pour la forme וְקָֽטַלתָּ֫ cf. § 43.

2e sing. fém. Forme primitive qatalti, avec i bref. La forme ancienne קָטַ֫לְתִּי se trouve sporadiquement, par exemple Ruth 3, 3, 4 (au milieu de formes קָטַלְתְּ), surtout, chose remarquable, dans Jérémie et Ézéchiel. Dans le Pentateuque samaritain on a תי ou ת (voir l’éd. von Gall, p. LXVIII, qui préfère תי). La voyelle brève posttonique s’est affaiblie en shewa (prononcé) : קָטַלְתְּ qåṭalte qui est la forme ordinaire. Mais l’i reparaît, allongé, devant les suffixes (§ 62 a)[4].

1re sing. commune. La forme sémitique primitive est qatalku ; le k est devenu t sous l’influence du t de la 2e pers. ; u est devenu i à l’analogie du pronom séparé et suffixe de la 1re pers. On trouve quelquefois la graphie קָטַ֫לְתִּ sans י, ordinairement dans le ketīb, p. ex. Ps 140, 13.

Pour la forme וְקָֽטַלְתִּ֫י cf. § 43.

3e plur. commune. Forme primitive qatalū. On trouve trois fois קָֽטְלוּן avec un nun paragogique suspect ou fautif : Dt 8, 3, 16 ; Is 26, 16. Sur le nun paragogique du futur, cf. § 44 e.

Pour le féminin, le sémitique primitif avait une forme qatalā qui aurait donné normalement en hébreu *קָֽטְלוֹ. On trouve dans notre texte certaines formes קָֽטְלָה qui ont un sujet féminin pluriel, p. ex. בָּנוֹת צָֽעֲדָה Gn 49, 22 ; יָדֵ֫ינוּ שָֽׁפְכֻה Dt 21, 7 (qeré-ketīb). Mais ces exemples (qui se rencontrent surtout comme ketīb) sont en réalité des 3e pers. sing. fém. (cf. § 150 h). Dans quelques cas il peut y avoir mégraphie de ה pour ו, peut-être sous l’influence de l’araméen, lequel a gardé la forme qatalā (devenue קְטַ֫לָה)[5].

2e plur. masc. La forme primitive qataltumu est devenue qataltim > קְטַלְתֶּם à l’analogie du féminin (comme le pronom séparé, § 39 a). L’u est conservé devant les suffixes (§ 62 a).

2e plur. fém. La forme primitive qataltinna est devenue קְטַלֵתֶּן, forme très peu usitée ; comp. אַתֵּן § 39 a.

1re plur. commune. Forme primitive qatalna. L’hébreu a remplacé na par nu, à l’analogie du pronom séparé et suffixe.

  1. Comparer le ◌ַ de l’état construit du nom, p. ex. דְּבַר (§ 95 d).
  2. Il y a nesīgah ; la forme est segolisée. En araméen biblique on trouve de même הִשְׁתְּכַ֫חַת a été trouvée Dn 5, 14 et (p.-ê. avec nesīgah) 5, 11, 12 ; 6, 5, 23.
  3. Dans les lettres de Tell el Amarna on a toujours ta ; cf. P. Dhorme, Revue Biblique 1913, p. 388 sq. L’a serait long d’après Brockelmann 1, 572, et d’autres.
  4. Comp. la forme ancienne du pronom 2e f. *אַתִּי à côté de אַתְּ § 39 a.
  5. Sur cette question, voir Mayer Lambert, Une série de qeré ketīb (1891), qui admet en hébreu une 3e p. pl. fém. en ◌ָה.