Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Pronom/Paragraphe 143
CHAPITRE V : PRONOM.
a I. Le démonstratif proprement dit de l’hébreu est זֶה celui-ci, celui-là (§ 36), avec l’article הַזֶּה ce…-ci, ce…-là (§ 137 e).
Originairement זֶה est un adverbe démonstratif (ici, ci ; là, çà adverbe)[1] et on le trouve encore employé comme tel (enclitiquement ou non) : Gn 27, 21 אַתָּה זֶה littéralement toi-ci (all. du da) ; 2 S 2, 20 ; 1 R 19, 5 הִנֵּה־זֶה ecce hīc ; Is 21, 9 ; — au sens temporel : Gn 31, 41 זֶה־לִּי עֶשְׂרִים שָׁנָה בְּבֵיתֶ֑ךָ il y a maintenant 20 ans que je suis chez toi (littéralt : hīc = nunc) ; Jos 14, 10 voici 45 ans depuis que… ; Nb 14, 22 זֶה עֶ֫שֶׂר פְּעָמִים (ils m’ont tenté) maintenant (= déjà) 10 fois ; Gn 27, 36 ; Nb 22, 28 ; 24, 10 ; 2 S 14, 2 זֶה יָמִים רַבִּים nunc multo tempore = depuis longtemps ; Jos 22, 3.
À cet emploi adverbial se rattache l’emploi (rare) de זֶה au sens neutre : cela : Dt 14, 12 זֶה אֲשֶׁר לֹא־תֹֽאכְלוּ מֵהֶם voici ce dont vous ne mangerez pas ; Gn 6, 15 voici ce que tu la feras (à savoir : ses dimensions) ; Ex 29, 38 (cf. § 152 a).
b Comme pronom זֶה peut se trouver à tous les cas, comme le nom : Is 29, 11 קְרָא נָא־זֶה lis donc ceci ; 2 S 13, 17 אֶת־זֹאת hanc ; Gn 2, 23 לְזֹאת à celle-ci ; 29, 27 שְׁבֻעַ זֹאת la semaine de celle-ci ; 1 R 21, 2.
Pour pouvoir employer זה il suffit que la chose puisse être montrée d’une façon quelconque, réellement ou par l’imagination. De même pour הַזֶּה.
זה peut se rapporter à ce qui précède (Gn 2, 4 ; 9, 17, 19) ou à ce qui suit (5, 1).
c L’hébreu ne distingue pas le démonstratif de l’objet rapproché (celui-ci) et le démonstratif de l’objet éloigné (celui-là) : 1 R 3, 23 « celle-ci זֹאת dit… et celle-là זֹאת dit… » ; Job 1, 16 « celui-ci זֶה parlait encore que celui-là (= un autre) זֶה arriva… ».
d זֶה ne comporte pas en soi de nuance de mépris, mais il peut parfois avoir cette nuance par omission d’une locution plus pleine : 1 S 10, 27 ; 1 R 22, 27 (opp. 20, 39 הָאִישׁ הזּה sans mépris ; Gn 24, 58) ; זֹאת 2 S 13, 17 (opp. הָאִשָּׁה הַזֹּאת 1 S 2, 20 ; 1 R 3, 18 ; 2 R 6, 28).
e Parfois le démonstratif est employé avec une nuance qui semble répondre à peu près à certain emploi de notre possessif[2] : 2 R 4, 12 קְרָא לַשּֽׁוּנַמִּית הַזֹּאת appelle notre Sunamite (vv. 25, 36) ; 2 R 3, 10 ces trois rois = nous trois rois (comp. 1 S 29, 4 les têtes de nos hommes où ההם étrange pour האלּה § k) ; p.-ê. Ex 32, 1 זֶה משֶׁה notre Moïse[3] (§ i). Comp. § 137 f 2.
f הַזֶּה ne semble parfois employé que pour ajouter une nuance emphatique : 1 S 12, 16 הַדָּבָר הַגָּדוֹל הַזֶּה אֲשֶׁר׳ « cette grande chose que Jéhovah va faire à vos yeux » ; Dt 10, 21 « ces choses grandes et prodigieuses que tes yeux ont vues »[4].
g On ajoute souvent זֶה à un mot interrogatif, sans modification notable du sens (comp. fr. qui ? qui ça ?) : Job 38, 2 מִי זֶה qui donc ? (quis hīc ? ou quis hĭc ?). Pour quoi donc ? on a généralement מַה־זֹּאת (fém. pour l’idée du neutre § 152 a) : Gn 3, 13 מַה־זֹּאת עָשִׂית qu’as-tu fait là ? ; 12, 18 ; 26, 10 ; 29, 25 ; Ex 14, 5, 11 ; Jug 2, 2 ; Jon 1, 10 ; rarement מַה־זֶּה : 1 S 10, 11 (comme sujet) : qu’est-il donc arrivé à… ? On trouve aussi מַה־זֶּה au sens de comment donc ? : Gn 27, 20 ; Jug 18, 24 ; — pourquoi donc ? : 1 R 21, 5 ; 2 R 1, 5. Avec l’adverbe interrogatif אֵי où ? : אֵי־זֶה où donc ? (comp. fr. où çà ?) ; rarement quoi ? : Eccl 2, 3 ; 11, 6 (interrogation indirecte).
h Comme attribut du nom זֶה est employé généralement avec l’article : הַזֶּה § 137 e (exception § 138 g). Quand il y a un adjectif, le démonstratif vient généralement après : Ex 3, 3 הַמַּרְאֶה הַגָּדֹל הַזֶּה ce grand spectacle ; 1 S 12, 16 (cité § f).
Pour la différence entre הַזֶּה et הַהוּא cf. §§ j-k.
i Dans quelques cas très rares זֶה semble employé en fonction adjectivale devant le nom[5] : Ex 32, 1 זֶה משֶׁה ce Moïse (§ e : notre M.) ; Ct 7, 8 זֹאת קֽוֹמָתֵךְ haec statura tua = ta taille que voici[6] ; 1 S 23, 13 ; Ps 104, 25 ; p.-ê. 49, 14.
j II. Outre le démonstratif proprement dit זֶה, הַזֶּה, il existe un quasi démonstratif ou démonstratif faible הַהוּא[7]. Le sens propre de ההוּא semble être le même, en particulier le même dont on a parlé, d’où ce …-là (dont il est question). On peut appeler ההוּא adjectif d’identité. Le sens fort le même apparaît bien p. ex. 1 S 4, 12 « il courut… et arriva à Silo le même jour בַּיּוֹם הַהוּא » ; Dt 21, 23 « tu l’enterreras le même jour » ; Gn 26, 32 « Or, le même jour arrivèrent… ». Généralement, avec affaiblissement du sens : ce jour-là (où eut lieu telle action dont on a parlé)[8] : Gn 15, 18 ; souvent chez les prophètes : Is 5, 30 ; 7, 18, 20, 21, 23. (Opposer בַּיּוֹם הַזֶּה Lév 8, 34 etc. en ce jour, aujourd’hui ; rarement sans בּ : 1 S 17, 10 ; 24, 11 הַיּוֹם הזּה aujourd’hui)[9] ; — בָּעֵת הַהִיא dans le même temps Esth 8, 9 (opp. בּעת הַזֹּאת en cette occasion-ci 4, 14).
k La différence entre הַהוּא et הַזֶּה apparaît bien p. ex. dans Jér 25, 13 הָאָ֫רֶץ הַהִיא ce pays-là (la Babylonie, dont il vient de parler) et v. 9 הארץ הַזֹּאת ce pays-ci (la Judée, où il se trouve). Bien entendu, on peut employer הזּה, même quand il s’agit d’une chose dont on a déjà parlé, quand l’idée démonstrative domine : 1 S 10, 9 כָּל־הָֽאֹתוֹת הָאֵ֫לֶּה tous ces signes (énumérés vv. 2-6), suivi de בַּיּוֹם ההוּא en ce jour-là. Autres exemples remarquables de הזּה : Gn 7, 11 בַּיּוֹם הזּה en ce jour-là ; 7, 13 etc. בְּעֶ֫צֶם הַיּוֹם הזּה en ce jour-là même (non : en ce même jour) ; 2 R 4, 4 ; Néh 9, 1 ; mais Jos 10, 27 jusqu’à ce jour-ci même = jusqu’aujourd’hui-même ; Éz 24, 2 ce jour-ci même (cf. § 147 a).
Par contre, ההוּא fait parfois difficulté : Dt 1, 19 ; 29, 2 ; 1 S 29, 4 (§ e) ; 2 R 3, 17.
- ↑ Par ex. dans : cet homme-ci, cet homme-là ; voici, voilà ; or çà ; çà et là.
- ↑ Parfois la détermination peut se faire par le démonstratif ou par le possessif : « Ce livre est une des meilleures études psychologiques de ce temps » (= notre).
- ↑ Comp. Dn 6, 4, 6, 29 דָּנִיֵּאל דְּנָה qui semble signifier notre Daniel.
- ↑ Cf. Mt 18, 32 πᾶσαν τὴν ὀφειλὴν ἐκείνην toute cette (énorme) dette.
- ↑ Comp. un phénomène semblable pour מה § 144 d. — En arabe le démonstratif se met avant le nom déterminé par l’article, après le nom déterminé par un suffixe et après le nom propre.
- ↑ Mais Jos 9, 12 זֶה לַחְמֵ֫נוּ celui-ci (est) notre pain = voici notre pain (cf. v. 13).
- ↑ Le pronom personnel de la 3e p. הוּא etc., qui semble originairement démonstratif, a pratiquement perdu cette valeur, comme fr. il, lui (du démonstratif latin ille). En soi הוּא n’est pas plus démonstratif que les suffixes de la 3e p. Si le groupe ההוּא a une certaine valeur démonstrative, il le doit sans doute à l’article, lequel a une valeur démonstrative faible (§ 137 f 1). — (Sur הוּא fautif pour ההוּא cf. § 138 h). — De même, aux adverbes proprement démonstratifs פֹּה ici, עַתָּה maintenant, כֹּה ainsi, s’opposent les adverbes démonstratifs au sens large שָׁם y, là, אָז alors, כֵּן ainsi, de la même façon (cf. § 102 h).
- ↑ Ce jour-là, au sens de un certain jour : 1 S 3, 2.
- ↑ Mais aujourd’hui, sans emphase, se dit הַיּוֹם § 137 f 1.