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Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BONAPARTE (Marie-Anne-Élisa), sœur de Napoléon Ier

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Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 3p. 951).

BONAPARTE (Marie-Anne-Élisa), sœur de Napoléon Ier, naquit à Ajaccio le 3 janvier 1777. Son père, dans un voyage qu’il fit la même année comme député de la noblesse corse à la cour, obtint pour elle une bourse à la maison royale de Saint-Cyr, qu’elle ne quitta qu’après l’achèvement de son éducation pour retourner en Corse, à l’âge de quinze ans. Lorsque son pays natal fut tombé au pouvoir des Anglais, elle l’abandonna avec le reste de sa famille, et alla se fixer à Marseille. Elle y fit la connaissance d’un compatriote dénué de toute fortune, mais de famille noble, le capitaine d’infanterie Félix Bacciochi, avec lequel elle se maria le 5 mai 1797. Napoléon, qui se vengeait sur les Vénitiens de leur conduite équivoque après le traité de Leoben, n’apprit ce mariage qu’après sa conclusion ; moins puissant à cette époque qu’en 1805, lorsqu’il fit annuler celui de Jérôme avec Mlle Paterson, il laissa seulement deviner son mécontentement. L’année suivante, Mme Bacciochi vint à Paris, et se déclara la protectrice des lettres et des arts, qu’elle aimait avec passion. Son salon devint un terrain neutre où les hommes marquants de tous les partis se donnaient rendez-vous : Chateaubriand et Lemercier s’y rencontraient avec Legouvé, La Harpe, Boufflers et Fontanes. Lorsque, en 1805, Napoléon fit sa distribution de couronnes dans sa famille, il érigea en principauté, pour sa sœur Élisa, Lucques et Piombino. La nouvelle princesse se montra digne sœur de Napoléon, et déploya des talents et une dignité en rapport avec sa haute position. Bacciochi, couronné en même temps qu’elle, régna, mais ne gouverna pas. Éclipsé par l’esprit supérieur de sa femme, il eut le bon esprit de lui laisser la direction des affaires, et ne fut pour ainsi dire que le premier de ses sujets. Élisa, se sentant à la hauteur de sa tâche, gouverna par elle-même, présida le conseil de ses ministres, simplifiant les rouages administratifs avec un tact, une fermeté et un esprit d’organisation rares, même chez un homme. Elle porta surtout son attention sur la réparation des routes, les travaux d’utilité publique et l’établissement de nouvelles fortifications. L’empereur, en récompense du talent dont elle avait fait preuve, lui conféra, le 5 mars 1809, le titre de grande-duchesse de Toscane, avec le gouvernement général de cette province. Son mérite sembla grandir avec son pouvoir, et elle continua de marcher hardiment dans la voie du progrès. La princesse Élisa, tout en protégeant les arts et les lettres, imprima une nouvelle impulsion à l’agriculture en lui accordant habilement des primes, développa l’instruction populaire et fit construire des établissements utiles. Un des plus grands services qu’elle rendit à la Toscane fut de la purger des bandes de brigands qui infestaient les routes. Aussi le surnom de Sémiramis de Lucques, qui lui fut donné par les adulateurs de l’empire, ne parut-il pas une épigramme. Ses connaissances politiques, administratives et militaires lui avaient assuré un certain crédit auprès de l’empereur, qui se montrait flatté de trouver dans une femme de sa famille un caractère assez énergique pour s’identifier pleinement avec sa politique ambitieuse. Quant à son mari, excellent homme d’ailleurs, ce n’était guère que son aide de camp, même quand elle passait les troupes en revue.

Lorsque, en 1814, l’empereur fut accablé sous les coups de l’Europe coalisée contre nous, la princesse Élisa se retira à Bologne, d’où elle partit en 1815 pour se rendre à Trieste, puis près de sa sœur Caroline, la veuve de Murat, au château de Haimbourg. Elle quitta ce château pour celui de Brunn, et enfin résida près de Trieste, au château de Santo-Andrea, où elle mourut à quarante-trois ans d’une fièvre nerveuse, sous le nom de comtesse de Campignano, le 7 août 1820.BONAPARTE (Lucien), prince de Canino, frère puîné de Napoléon Ier

Mme Bacciochi laissa deux enfants : 1° Charles-Jérôme, né le 3 juillet 1810, mort à Rome, d’une chute de cheval, à l’âge de vingt ans ; 2° Napoleone-Elisa, née le 3 juin 1806, mariée au comte Camerata. L’empereur Napoléon III lui a donné rang à la cour avec les titres de princesse et d’altesse. Elle partage le goût de sa mère pour l’agriculture, à laquelle, dans un magnifique château qu’elle possède en Bretagne, elle se plaît à consacrer ses loisirs.


BONAPARTE (Louis), troisième frère de Napoléon, né à Ajaccio le 4 septembre 1778. Après avoir suivi à Marseille sa famille expulsée par Paoli, il fut envoyé à l’école de Châlons pour y subir l’examen nécessaire pour entrer dans l’artillerie. Sur la fausse nouvelle du licenciement de cette école, il retourna près de sa mère ; mais son frère, qui venait d’être nommé général, l’attacha à sa personne avec le grade de sous-lieutenant, et lui fit faire ses premières armes à la prise d’Oneille et au combat de Cairo. Placé comme lieutenant dans une compagnie de canonniers volontaires, il fut détaché à l’école de Châlons, et presque aussitôt rappelé par son frère, qui l’emmena en Italie. Là, il se distingua au passage du Pô et au pont d’Arcole. Ce fut lui qui porta la nouvelle de la paix de Campo-Formio à Paris, d’où, afin de l’arracher à une passion naissante pour la fille d’un émigré, Napoléon l’emmena en Égypte. Renvoyé en France pour demander des renforts, il n’avait encore rien pu obtenir, lorsque son frère débarqua à Fréjus. L’ayant secondé au 18 brumaire, il reçut les épaulettes de colonel ; toutefois, il se rendit en Prusse, afin de ne pas être contraint à épouser Hortense de Beauharnais. Une seconde fois il évita cette union en partant pour l’expédition de Portugal ; mais, cédant enfin aux sollicitations de Mme Bonaparte, il se maria le 4 janvier 1802, malgré lui, pour obtenir la tranquillité. Parvenu, en 1804, au grade de général de division, nommé conseiller d’État à la section de législation, il reçut, après l’établissement de l’empire, le titre de prince et celui de connétable, enterré dans un oubli de deux siècles ; puis remplaça Murat dans le commandement de la garnison de Paris, à la condition de ne s’occuper que des affaires militaires. Son activité à organiser une armée destinée à protéger le nord de la France lui valut de l’empereur des témoignages publics de satisfaction. Une autre distinction onéreuse l’attendait : il fut placé, malgré lui, par son frère, sur le trône de Hollande le 5 juin 1806. Aimé du peuple, quoique au début il eût trop favorisé les Français, il s’attacha aux Hollandais et manda à l’empereur qu’il abdiquerait si la France ne rendait à la Hollande ce qu’elle lui devait, si on laissait à sa charge l’entretien des troupes françaises, et si on ne lui permettait pas de diminuer les armements. Napoléon céda, et Louis, faisant habilement revenir sa flottille de Boulogne, prit ses précautions pour se suffire à lui-même au besoin. À la tête d’un corps de 15, 000 hommes, il marcha contre les Prussiens et leur prit Munster, Osnabruck et Paderborn, bloqua les places fortes de Hameln et de Nieubourg, et occupa Rinteln. Blessé d’un ordre de l’empereur, qui lui enjoignait de s’emparer du Hanovre, il refusa d’obéir et rentra à La Haye. Le décret du 21 novembre 1806 relatif au blocus des îles Britanniques étant un arrêt de ruine pour ses sujets, il l’éluda d’abord, puis ferma ses ports à tous les vaisseaux sans exception. Louis se consacra alors au bonheur de ses peuples ; il fit rédiger un code civil et criminel, régularisa les contributions que les exigences de la France l’avaient obligé d’établir, le cadastre, les finances, créa une direction des beaux-arts et un institut des sciences et des arts, et ouvrit une grande exposition des produits de l’industrie nationale. Il créa en même temps l’ordre de l’Union et du Mérite. Accablé de la perte de son fils aîné Louis, enlevé par le croup, il alla passer deux mois dans les Pyrénées, puis, après être resté quelque temps à Utrecht, il choisit en 1808 pour capitale de la Hollande la ville d’Amsterdam.

Pendant ce temps, les relations entre les deux frères s’aigrirent par suite des exigences de l’empereur, qui ne ménageait pas l’amour-propre de Louis, et le forçait même à rapporter ses lois. Néanmoins Louis, dont le fils Napoléon-Louis venait d’être investi du titre de grand-duc de Clèves et de Berg, à la première nouvelle du débarquement des Anglais dans l’île de Valcheren, marcha contre eux afin de protéger Anvers, lorsque Bernadotte arriva pour lui ravir le commandement. Comprenant que Napoléon avait l’intention d’envahir la Hollande, Louis ne se rendit qu’avec peine au congrès des rois alliés formé par l’empereur en décembre 1809. Ayant soutenu avec force les intérêts de son pays contre son frère, qui ne prenait plus la peine de dissimuler ses projets, il se vit l’objet d’une surveillance active. L’empereur, apprenant qu’en dépit de sa police Louis avait réussi à faire passer en Hollande l’ordre de défendre les lignes à l’aide de la marine et des inondations, entra en fureur et lui donna le choix entre décommander les travaux ou renoncer au trône. Louis céda, espérant s’échapper nuitamment ; mais il était gardé à vue par la gendarmerie. Après quatre mois de luttes, il fut obligé de signer un traité qui lui interdisait tout commerce avec l’Angleterre, lui imposait des troupes et des douanes françaises pour veiller à l’exécution de ce traité, et lui arrachait la cession, en faveur de l’empereur, du Brabant hollandais, de la Zélande, y compris l’île de Schourren, et de plusieurs autres lieux importants. Alors seulement il put retourner dans ses États.

Une querelle futile entre un bourgeois d’Amsterdam et le cocher de l’ambassadeur français servit de prétexte à une si violente missive de l’empereur que Louis, voyant ses ministres reculer devant le projet d’inonder la capitale plutôt que de se rendre, abdiqua le 1er juillet 1810 en faveur de son fils, sous la régence de sa mère, assistée d’un conseil de régence. L’armée française entra le 4 à Amsterdam, mais Louis s’était déjà réfugié en Bohême, aux bains de Tœplitz, sous le titre de comte de Saint-Leu, qu’il conserva depuis. À la nouvelle de la réunion de la Hollande à l’Empire français, Louis protesta entre les mains des empereurs d’Autriche et de Russie, puis il partit pour Grœtz, d’où il offrit ses services à l’empereur lors du désastre de Russie. Espérant recouvrer son trône, il essaya d’intéresser l’Autriche en sa faveur, et passa en Suisse pour mieux suivre les événements. Après la bataille de Leipzig, au lieu d’écouter Murat, qui lui conseillait de solliciter l’appui des alliés, il réclama son trône à Napoléon par une lettre, qui ne le précédait que de quelques heures. Il fut averti en route que l’empereur refusait de le recevoir, et il trouva sa réponse en Suisse. À aucun prix Napoléon ne consentait à sa restauration ; il lui permettait de l’essayer par les armes. Se retournant alors du côté de ses anciens sujets, il apprit qu’ils traitaient avec la maison d’Orange, sans avoir même prononcé son nom.

Retiré à Soleure, d’où il dut sortir en décembre 1813, il se rendit à Paris, où il eut deux entrevues très-froides avec l’empereur : Ce dernier ne suivit pas ses conseils réitérés de faire la paix, et fut obligé d’abdiquer. Louis accompagna Marie-Louise à Blois, et