Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/CHARLES-ÉDOUARD, dit le Prétendant, fils de Jacques Stuart et petit-fils de Jacques II

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Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 4p. 1015).

CHARLES-ÉDOUARD, dit le Prétendant, fils de Jacques Stuart et petit-fils de Jacques II, né à Rome en 1720, mort à Florence en 1788. Nourri dans l’espérance d’une restauration de la famille des Stuarts sur le trône d’Angleterre, il sollicita longtemps le gouvernement français pour en obtenir les secours nécessaires à une expédition à main armée ; fatigué de n’obtenir que des promesses, il tenta en 1743 une descente en Écosse, la terre classique des mouvements stuartistes, entraîna quelques clans montagnards, battit quelques troupes anglaises, se fit proclamer à Perth régent des trois royaumes pour son père Jacques III, et s’empara d’Édimbourg, où il perdit un temps précieux à attendre des secours de France, au lieu de profiter de l’éclat de ses premiers succès pour marcher immédiatement sur Londres. Il pénétra néanmoins en Angleterre jusqu’à Derby, mais dut s’arrêter devant l’opposition de ses chefs d’Higlands, qui, doutant de la fortune, refusèrent d’aller plus loin. Le prince, contraint à la retraite au moment où son aventureuse et romanesque expédition prenait les proportions d’une conquête, versa, dit-on, des larmes de douleur et de dépit. Poursuivi à travers l’Écosse par les lieutenants du duc de Cumberland, il se retira cependant en bon ordre, remporta encore les victoires de Clifton et de Falkirk, mais fut vaincu à la mémorable bataille de Culloden (1746), où la fortune des Stuarts fut brisée sans retour. Le duc de Cumberland déshonora sa victoire par une impitoyable répression, et le Prétendant, après avoir erré en fugitif sur les côtes et dans les Hébrides, traqué nuit et jour, couvert de haillons et mourant souvent de faim, put enfin s’embarquer sur un navire français et gagna les côtes de Bretagne. Le traité d’Aix-la-Chapelle l’obligea à quitter la France. Depuis il s’épuisa en vaines sollicitations auprès des cabinets de. l’Europe pour en obtenir des secours, fit même deux voyages secrets à Londres (1753, 1761) pour conférer avec ses partisans, prit à la mort de son père le titre de roi (1766), épousa peu après la princesse de Stolberg, plus jeune que lui de trente ans, et scandalisa le monde par ses discordes domestiques. Ses brutalités et son ivrognerie éloignèrent de lui sa jeune épouse, qui, après sa mort, épousa le poète Alfieri. Il mourut délaissé à Florence, désigné depuis longtemps sous le nom de comte d’Albany. Son frère, Henri-Benoît, cardinal d’York et dernier héritier des Stuarts, officia sur son cercueil. V. Histoire de Charles-Édouard, par M. Amédée Pichot.

Charles-Édounrd (HISTOIRE DE), précédée d’une histoire de la rivalité de l’Angleterre et de l’Écosse, publiée en 1830, par M. Amédée Pichot. Les aventures de ce prétendant sont trop connues pour qu’il soit nécessaire d’analyser le consciencieux travail de M. Pichot ; nous nous Contenterons d’en faire ressortir l’esprit. Quelles que fussent les qualités personnelles de ce prince, quelque intérêt qu’excitent sa courageuse tentative et les romanesques incidents de son existence après sa défaite, les événements de 1745 ne sauraient être qu’un court épisode de l’histoire de la Grande-Bretagne. Ainsi l’avait d’abord jugé l’auteur, qui avait primitivement l’intention de les renfermer dans ses Voyages historiques et littéraires en Angleterre et en Écosse. Mais, si, au lieu de considérer Charles-Édouard simplement comme le représentant d’une dynastie déchue, nous lui restituons sa véritable physionomie historique en voyant en lui le champion de l’Écosse elle-même, jalouse de reprendre son rang parmi les nations, il n’est plus possible de ne trouver autour du petit-fils de Jacques II qu’une poignée de rebelles faisant une pointe jusqu’à trente lieues de Londres. Pour apprécier toutes ses chances de succès, il faut compter aussi ce qu’il avait avec lui de forces morales ; il faut connaître ce que valaient encore à cette époque, dans les cœurs écossais, la mémoire de quatre siècles d’hostilité entre les deux pays, et la vue de cette bannière de Wallace et de Bruce qui, effaçant l’affront de l’Union, associait la vieille indépendance nationale à la restauration des Stuarts. L’expédition de 1745 fut en effet le terme de ces invasions continuelles qui, depuis les trois Édouard, conduisaient tour à tour l’Écosse en armes au sein de l’Angleterre, et l’Angleterre au sein de l’Écosse. L’invasion de Charles-Édouard intéressait la France ; aussi le but de son historien a-t-il été d’en réunir les traits saillants, en s’aidant des chroniques et des traditions populaires, pour conserver, autant que possible, aux scènes qui se succèdent dans ce tableau, la naïveté et la couleur de chaque époque.

L’histoire de cet infortuné prince élevé parmi nous, prétendant à perpétuité, ne laissant jamais abattre son courage par la mauvaise fortune, plus grand dans les revers qu’au sein de la victoire, ne se vengeant des cruautés du vainqueur qu’en redoublant d’humanité envers les vaincus et trahi par les rigueurs du sort, est un drame émouvant sous la plume de M. Amédée Pichot, en même temps qu’un excellent ouvrage historique. Le style est net, simple, sobre, tel qu’il convient au récit ; les événements sont assez éloquents par eux-mêmes pour se passer des ornements de ïa rhétorique. Quant à l’esprit du livre, nous ne pouvons que féliciter M. Pichot de sa manière de voir. Il se montre légèrement jacobite, et l’on sent un petit levain de républicanisme même au fond de ses idées monarchiques. Dans un sujet qui, à l’époque de sa publication, devait faire naître de nombreuses allusions, l’auteur a pris le plus sage parti : il ne les a nullement cherchées, mais il ne les a pas non plus évitées ; souvent même il a pris soin de nous en indiquer l’application, de peur que des maladroits ne détournassent le trait de son but. Il a habilement fait ressortir le côté philosophique de cette histoire singulière qui contient plus d’un enseignement d’une haute portée, et les conclusions qu’il tire des événements portent toujours l’empreinte d’un esprit frappé au coin d’un libéralisme éclairé. Aussi, tout en rendant justice à l’exactitude des documents, à l’excellence du côté historique, le principal mérite de l’Histoire de Charles-Édouard est-il à nos yeux la leçon qu’elle renferme à l’usage des prétendants, si l’un d’eux a jamais le malheur, comme Charles-Édouard (car c’est un malheur même pour les victorieux), d’être ramené en armes par une guerre civile sur le sol de sa patrie ; une étude historique qui s’appuie sur l’amour de la patrie et de la liberté ne peut être qu’un bon livre, s’il est bien écrit. M. Pichot nous l’a heureusement démontré dans son Histoire de Charles-Édouard.