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Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/CHARLES II, roi d’Angleterre, fils du précédent et de Henriette de France

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Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 4p. 1015).

CHARLES II, roi d’Angleterre, fils du précédent et de Henriette de France, né en 1630, mort en 1686. Avant la fin des guerres civiles, il vint avec sa mère chercher un asile en France, prit le titre de roi après l’exécution de Charles Ier, et se jeta en Écosse, berceau de sa famille, où ses partisans le proclamèrent roi (1651). Il jura le covenant, mais ne tarda pas à scandaliser les rigides presbytériens par son caractère frivole et par sa vie dissolue. Vaincu par Cromwell à Worcester, il erra en fugitif à travers l’Angleterre, finit par gagner la France, où il vécut dans le dénûment, négligé par Mazarin, et se retira ensuite à La Haye, où il fut soutenu par le secours de son oncle le prince d’Orange. En 1660, au moment où la fortune des Stuarts paraissait à jamais brisée, le général Monk, profitant de la lassitude des partis, cassa le parlement et en convoqua un nouveau, auquel il dicta le rappel de Charles, qui fit son entrée à Londres le 29 mai et qui prit possession du trône sans que les pouvoirs publics songeassent à imposer aucune limite à son autorité. Une réaction terrible suivit cette restauration. Malgré une amnistie formelle, l’échafaud se dressa pour ceux qui avaient pris part à l’exécution de Chartes Ier, et l’on inventa pour eux les plus cruels supplices ; le cadavre de Cromwell fut arraché de Westminster, traîné sur une claie et enterré sous le gibet, à Tiburn. L’Écosse presbytérienne fut récompensée de sa fidélité par des persécutions religieuses d’autant plus odieuses que le nouveau monarque était plus qu’indifférent pour quelque communion que ce fût. L’épiscopat fut rétabli avec tous les abus que la révolution avait essayé de détruire. Charles II, homme spirituel et fin, sensuel, égoïste, indolent, méprisant les hommes autant que les principes et les idées, sceptique et immoral, avide et prodigue, livré à d’indignes favoris et abandonné à tous les plaisirs, accomplit dans les mœurs la même réaction que dans les lois et le gouvernement, et fit passer la nation de la rigidité républicaine et de l’exaltation religieuse à la dissolution la plus effrénée. Un trait caractéristique de ce prince et de ce règne, c’est la continuelle pénurie d’argent. Ni les revenus énormes de la liste civile, ni les dotations, ni les subsides extraordinaires votés par un parlement servile, ni le trafic des places et le pillage des deniers publics ne pouvaient satisfaire à l’avidité du roi et des courtisans. Charles se mit aux gages de Louis XIV, lui vendit Dunkerque et Mardick, et sacrifia, au prix d’une riche pension l’honneur et la dignité de l’Angleterre aux intérêts et à la politique du roi de France. Toutes ces ressources ne l’empêchèrent point cependant de se traîner dans les embarras financiers jusqu’à la fin de sa vie. La guerre contre la Hollande (1666) n’avait pas d autre mobile que la cupidité ; elle ne tourna point d’ailleurs à l’avantage de l’Angleterre, et la flotte hollandaise remonta la Tamise et imposa la paix humiliante de 1667. Ces revers, arrivant à la suite de la peste et du grand incendie de Londres, augmentèrent la détresse publique et le mécontentement de la nation. Charles entra dans la triple alliance contre la France, mais il trahissait en même temps ses alliés par ses intelligences secrètes avec Louis XIV, qui augmenta sa pension, et le poussa, en 1672, dans une nouvelle guerre contre les Pays-Bas. Livré tout entier au ministère de la cabale, il multiplia les actes arbitraires, les mesures despotiques et spoliatrices, inquiéta la nation par les faveurs accordées aux catholiques, et porta enfin tant d’atteintes aux libertés publiques que le parlement, longtemps docile, entra dans la voie des résistances ouvertes en votant l’acte du test et le bill d’exclusion contre le duc d’York, héritier présomptif, qui avait ouvertement embrassé le catholicisme et qui trempait dans des complots contre la religion nationale, en rendant l’acte célèbre d’habeas corpus, pour la liberté personnelle et en manifestant une opposition décidée contre la cour et le gouvernement. Le roi cassa successivement deux parlements, essaya de gouverner seul, anéantit les franchises des municipalités, lutta contre de nombreux complots, qui furent réprimés avec une cruauté implacable, et sacrifia d’illustres victimes, lord Russell et Algermon Sidney, impliqués à tort ou à raison dans la conspiration de Rye House. Il mourut sans laisser d’héritier et eut pour successeur son frère Jacques II, Il paraît qu’au dernier moment il se fit assister par un prêtre catholique. En 1660, il avait fondé la Société royale de Londres. C’est sous son règne que fut commencée l’église Saint-Paul.

Charles II ou le Labyrinthe de Woodstock, comédie en trois actes et en prose, par M. Alexandre Duval, représentée pour la première fois sur le théâtre de l’Odéon le 11 mars 1828. C’est un roman de Walter Scott que tout le monde a lu et admiré, c’est Woodstock, ce contraste si émouvant de la gravité puritaine et de la frivolité jacobite, qui a fourni le canevas de sa pièce à l’auteur de Charles II. Au premier acte, on apprend que sir Henry et son fils Albert ont quitté Woodstock pour courir la campagne et se réunir aux partisans de Charles Stuart. Ce prince, sous le nom de Louis Kerneguy, a été présenté à sir Henry par Albert, comme un de leurs cousins d’Écosse, échappé à la déroute de Worcester. Le château de Woodstock, bâti par Henri II, pour arracher Rosemonde à la jalousie d’Éléonore, offre au roi une retraite assurée, ainsi qu’à son écuyer Rochester, Maître Kerneguy, en possession de la tour de Rosemonde et de la société de sa belle cousine, oublie bientôt, avec sa légèreté royale, ses dangers, son royaume et jusqu’à l’hospitalité de sir Henry. Il n’est occupé que des beaux yeux de miss Alice. On se rappelle le caractère simple, naïf et timide que le romancier a donné à cette jeune fille. M. Duval a eu le soin de n’y rien changer, et il lui fait repousser doucement les galanteries plus vives que passionnées de Kerneguy. D’ailleurs, elle aime Markham Everard, son cousin, qui suit les drapeaux du parlement, et que sir Henry lui a défendu de revoir. Un hasard, dû en partie à l’intervention de la sensible Betty, suivante d’Alice, amène une entrevue entre les deux amants. Alice présente au colonel son cousin Kerneguy, qu’Everard, élevé en Écosse, ne reconnaît point. Il ne doute pas que ce prétendu parent ne soit un royaliste fugitif ; mais il est trop généreux pour descendre au rôle de délateur. Il contribuera même, autant que son devoir le permet, au salut du proscrit, en éloignant de Woodstock le régiment qu’il commande. Il ne demande à Alice pour récompense que quelques moments d’entretien dans ce château, qu’ils ont si longtemps habité ensemble. Charles, malgré ses périls, se livre à ses folles amours ; miss Lee, qui ne voit plus en lui qu’un étranger, redouble de froideur ; le roi s’en irrite, et, pour regagner plus qu’il n’a perdu, il va jusqu’à livrer à Alice le secret de son rang et de sa vie. On conçoit l’émotion de la jeune fille, en voyant devant elle Charles Stuart, l’idole de sa famille. Cependant, elle persiste à lui refuser son amour, et Markham survient pendant cette scène. Quelques mots du roi lui font supposer que ce séducteur ne peut être qu’un des courtisans dissolus de Charles, Rochester peut-être. Sa colère s’exhale en injures contre le prince et le favori ; un cartel s’ensuit ; la rencontre aura lieu dans la forêt, sous le chêne royal. Alice arrive à temps pour suspendre le combat. Le colonel qui, de même que son adversaire, a remis, en présence de la jeune miss, l’épée au fourreau, somme Alice de déclarer pour qui ont été ses vœux. Miss Lee déclare que, de toutes les personnes qui vivent en Angleterre, l’adversaire de Markham est celle dont les jours sont, à ses yeux, du plus haut prix. À ces mots, Everard, qui croit n’être plus aimé, s’apprête à dire un éternel adieu à sa maîtresse. Mais Charles, dont l’égoïsme fait place alors à un élan de générosité, s’avance vers le colonel, le retient, et, pour justifier les paroles de miss Lee, se nomme, et ne craint pas de découvrir Charles Stuart à l’officier de Cromwell. Celui-ci promet au prince fugitif de protéger son évasion ; mais le roi reçoit presque aussitôt la nouvelle des succès inespérés de ses partisans ; il va remonter sur son trône, et le premier acte de son autorité est d’ordonner à la fille de sir Henry d’accepter la main du colonel Everard.

La pièce d’A. Duval n’est pas sans mérite ; elle a donné lieu à une critique un peu sévère, que nous croyons devoir transcrire, persuadé que nos lecteurs n’en regretteront pas la lecture : « Il me semble qu’en annonçant une pièce de M. Duval on est dispensé de donner l’analyse de cette pièce. C’est un ouvrage connu d’avance. Il y a mille à parier contre un qu’on trouvera, dans un drame de cet auteur, un homme, quelle que soit sa condition, roi, noble ou bourgeois, déguisé sous un faux nom, parce que sa vie ou son intérêt l’exige ; que cet homme se cachera dans un cabinet, si la scène se passe dans un salon ; derrière les arbres, si le théâtre représente un jardin, et qu’il y aura entre lui et les autres personnages force apartés et équivoques... Telle est l’analyse que l’on peut faire six mois d’avance d’un ouvrage que doit composer M. Duval. C’est son système dramatique, et, comme M. Beaufils, il ne sort pas de là... Le jour de la première représentation d’un ouvrage de M. Duval, on peut aller passer la journée à la campagne et dire hardiment qu’on a vu cet ouvrage. Pour moi, je n’y aurais fait aucune façon, je serais rentré me coucher, j’aurais dormi comme si j’eusse assisté à la représentation, et j’aurais, ce matin, parlé de la pièce de M. Duval aussi pertinemment que j’en discours maintenant. J’aurais même annoncé hardiment que l’ouvrage avait eu du succès, et cela sans crainte de me tromper, par une raison bien simple ; puisque les soixante-quatre actes précédents ont réussi, les trois derniers doivent réussir également. Il faudrait que le public fût étrangement changé ou de bien mauvaise humeur pour siffler une pièce qu’il applaudit depuis vingt-cinq ans, car c’est toujours la même pièce que donne M. Duval. Il ne varie guère que sur les noms, c’est toujours le même sujet ; mais qui s’appelle quelquefois les Héritiers, ou les Projets de mariage, ou le Menuisier de Livonie, ou Stanislas en Pologne, ou la Jeunesse de Henri V, ou bien encore Édouard en Écosse, etc., etc. On dirait cependant qu’il y a quelque intention de varier, et un partisan fanatique de M. Duval me faisait observer, avec beaucoup de sens et de finesse, l’extrême habileté de son auteur et combien son imagination était féconde et variée. Dans Édouard, c’est un roi d’Angleterre qui se cache en Écosse, et dans Charles II, c’est un roi d’Écosse qui se cache en Angleterre. Je n’avais pas remarqué cette profondeur de combinaisons nouvelles, et j’ai bien remercié cet ami dont la perspicacité m’a frappé. Au surplus, on assure que c’est par dépit que M. Duval a fait le Château de Woodstock. Tout le monde sait que c’est dans ce lieu que Walter Scott a placé la scène d’un de ses derniers romans : le Cavalier, et combien, dans cet ouvrage, il a jeté d’intérêt et de gaieté sur son héros, Charles II. M. Duval a prétendu que sir Walter Scott l’avait pillé, et qu’il avait le monopole des rois déguisés... Afin de ne pas laisser périmer son privilège dramatique de monarques pseudonymes, il a inventé de nouveau, d’après le roman anglais, trois actes de prince incognito. Il y a bien eu quelques esprits mal faits, qui, en sifflant un peu, ont eu l’air de faire croire qu’ils avaient déjà vu cet ouvrage autre part ; mais la grande masse des spectateurs vulgaires et bénévoles est restée fidèle à ses doctrines. Elle a loyalement applaudi une pièce qu’elle savait par cœur, et elle s’est fait nommer l’auteur, comme si elle ne l’eût pas d’avance reconnu à la façon. » Il est impossible de démolir avec plus d’esprit un succès, mais le public n’entend rien à ces finesses-là. Trouvant dans Charles II d’habiles péripéties, un intérêt soutenu, de l’esprit, une pointe de sentiment, il n’en demanda pas davantage, et le public eut grandement raison. Lockroy, Provost, Bocage, Mlles Charton et Wenzel interprétaient cet ouvrage avec un zèle bien voisin du talent.