Guide manuel de l’ouvrier relieur/Définition

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Librairie polytechnique Ch. Béranger (p. 3-5).

DÉFINITION DE LA RELIURE


L’art ou industrie du relieur consiste à assembler les feuilles d’un livre en masse compacte, agencée sous une couverture solide pour en faciliter l’usage et en assurer la conservation.

On distingue divers genres de reliures, savoir : la reliure pleine, cousue sur nerfs ou à dos brisé, la demi-reliure, le reliure ou cartonnage à la Bradel et, enfin, la reliure ou cartonnage emboîté (emboîtage).

On désigne sous le nom de reliure pleine celle dont le dos et les plats de la couverture sont entièrement recouverts en peau (il en est de fabriquées spécialement pour cet usage) ou d’un tissu quelconque. On entend par demi-reliure celle dont le dos ainsi qu’une partie des plats sont seuls recouverts soit en peau, en toile, etc. ; la reliure genre Bradel ou cartonnage perfectionné ; puis l’emboîtage dont la couverture s’adapte ensuite au volume agencé d’autre part selon les besoins de la cause, et ce, en vue d’établir des reliures à des prix relativement réduits.

Après l’impression, on fait sécher les feuilles en les étendant par petites pincées à califourchon avec l’aide d’un ferlet ou étendoir, soit sur des ficelles, soit sur des traverses ou tringles en bois, dans un endroit sec ou chaud (séchage). On les satine en les mettant en presse entre des cartons glacés, dits cartons de Lyon (satinage). On plie ensuite les feuilles imprimées, selon l’imposition ou agencement des pages imprimées sur la feuille (pliure) pour en faire des cahiers que l’on assemble en volume (assemblage).

On bat les volumes à l’aide d’un lourd marteau de forme spéciale (battage) ou on les lamine entre des plaques de zinc ou de cuivre (laminage). On les met en presse entre des ais en carton ou en bois bien unis, puis on collationne le livre à l’aide des chiffres, ou signatures, qui se trouvent au bas de la première page de chaque cahier.

On procède ensuite à la couture, soit sur nerfs, telle que la pratiquaient les anciens relieurs, soit sur rubans ou, enfin, sur ficelles, à la grecque, telle qu’on la pratique pour la plupart de nos jours. La grecqure consiste à entailler le dos du volume à l’aide d’une scie à main (grecque) ou à la machine à grecquer ; ces entailles ou encoches, faites à des distances déterminées, servent à enchâsser ou dissimuler les ficelles sur lesquelles on coud le volume et à faciliter en même temps le travail de la couture. Ce travail se fait sur un métier à coudre (cousoir) sur lequel l’ouvrière tend les ficelles ; les fils de lin écru dont elle se sert et qu’elle enfile dans les cahiers, en passant l’aiguille dans les encoches qui lui servent de guide, y compriment en même temps les ficelles qui, après l’opération, font corps avec le volume et servent à y rattacher les cartons de la couverture.

Le travail de l’endossure consiste à approprier les cartons au volume et à donner à celui-ci la forme voulue, la forme d’une reliure, à l’aide de presses de divers genres affectées à cet usage. On égalise ensuite les tranches du volume au moyen d’une presse à rogner, sur laquelle glisse le fût ou rognoir, armé d’un couteau affûté en fer de lance ; puis on procède à la dorure ou au coloriage des tranches.

La couvrure forme un ensemble d’opérations dont les préliminaires consistent dans le placement des signets (rubans de soie ou ? que l’on fixe par un bout au haut du volume et dont la partie restée mobile sert à marquer telle page du livre que le lecteur désire retrouver) et des tranche-fils servant d’assise à la coiffe de la reliure et que l’ouvrière agence, aux extrémités du dos, à l’aide de fils de soie ou de lin (tranchefilure) ou qui, fabriquées préalablement en bandes, se fixent alors à la colle. À solidifier le dos du volume, à l’aide de collages de bandes de peau ou vélin assoupli, de toile ou de papier ; à l’appropriation des nerfs ou faux-nerfs ; à la coupe et à la parure des peaux de maroquin, de chagrin ou chèvre, de veau, de basane ou mouton, etc., fabriquées spécialement pour la reliure ; à l’application de l’une d’elles sur la reliure en cours, ce qui constitue la couvrure proprement dite.

La partie artistique par excellence, et dont il sera question dans la seconde partie du présent ouvrage, consiste à empreindre en or, en gaufrures ou en couleurs typographiques ou mosaïques, etc., sur la couverture, soit à la main ou à l’aide de presses à balancier, les pièces gravées sur bronze (fers à dorer), caractères, etc., servant à l’ornementation de la couverture du livre ou à désigner le titre de l’ouvrage. On achève la reliure par le collage des gardes, la mise en presse et le vernissage. N’oublions pas quelques travaux intermédiaires, tels que le placement des gravures ou planches, s’il y a lieu, qui se fait après la pliure ; l’ébarbage des tranches qui se fait aux livres d’amateurs, et ce, avant de coudre le volume.