Hændel/03

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Félix Alcan (p. 150-165).

Il nous reste, après avoir tâché d’indiquer les caractères généraux de l’art de Hændel, à esquisser l’esthétique des différents genres qu’il a traités.

À vrai dire, il est difficile de parler de l’opéra ou de l’oratorio de Hændel. Il faut dire : des opéras ou des oratorios : car on ne saurait les ramener à un type unique ; et nous vérifions ici ce que nous disions, au commencement de ce chapitre, de la magnifique indifférence de Hændel à choisir entre les formes d’art et les directions diverses de la musique de son temps.

Toutes les tendances de l’Europe d’alors se reflètent dans ses opéras : le modèle de Keiser, dans les œuvres du début, — le modèle vénitien dans son Agrippina, — le modèle de Scarlatti et de Steffani dans les premiers opéras de Londres, où s’introduisent bientôt des influences anglaises, dans la rythmique surtout ; — puis c’est Bononcini, avec qui il rivalise ; — puis, de grands essais de génie pour créer un drame musical nouveau : le Giulio Cesare, le Tamerlano, le Orlando ; — ensuite, les charmants opéras-ballets, inspirés de la France : Ariodante, Alcina ; — après, ces opéras où point l’opéra-comique et le style allégé de la seconde moitié du siècle : Serse, Deidamia… Hændel eût continué qu’il eut vraisemblablement essayé d’autres genres encore, sans faire choix, comme Gluck, d’un seul pour sen emparer.

Sans doute — et c’est là le plus grand défaut de son théâtre, — il était contraint par les conventions de l’opéra italien d’alors et par la composition de sa troupe de chanteurs, à se passer des chœurs, et à écrire des opéras pour soli, dont les principaux rôles étaient faits pour la primadonna et pour le contralto[1]. Mais toutes les fois qu’il l’a pu, il a écrit des opéras avec chœurs, comme Ariodante, Alcina ; et il n’a pas tenu qu’à lui qu’il ne rendît au ténor et à la basse leur place dans le concert des voix[2]. S’il ne lui était pas possible de rompre l’uniformité des soli vocaux par l’adjonction des chœurs, du moins il vivifiait ces soli par l’abondance et la variété de l’accompagnement instrumental. Tel de ses airs les plus célèbres, comme la scène du jardin dans Rinaldo : Augelletti che cantate, n’est en vérité qu’une peinture d’orchestre : la voix s’y mêle seulement comme un instrument[3]. Et avec quel art Hændel sait toujours dessiner ses mélodies, en dégager les belles lignes, tirer tout le parti possible des timbres purs de chaque instrument et de la voix, isolés, — puis réunis, — et aussi des silences !

Pour la coupe de ses airs, elle est beaucoup plus variée qu’on ne le croit d’ordinaire. Si la forme da capo abonde dans son œuvre[4] —, il s’en faut qu’elle soit seule pratiquée. Dès Almira, Hændel emploie, avec bonheur, la forme des petits lieder strophiques, dont Keiser avait donné des modèles ; et jamais il ne renoncera à l’usage de ces courtes mélodies, simples et touchantes, presque nues, où parle l’âme toute pure : il semble même y revenir avec prédilection dans ses opéras de la fin : Atalanta, Giustino, Serse, Deidamia[5]. Il donne aussi à Hasse et à Graun des modèles de ces cavatines, (airs en deux parties[6]), qu’ils devaient plus tard mettre en honneur. Nous trouvons également chez lui des airs dramatiques sans seconde partie, ni reprise[7].

Même dans le da capo, que de variétés de formes ! Non seulement Hændel y use de tous les styles, tantôt faisant concerter la voix avec les instruments dans des airs de brillante et libre virtuosité[8], tantôt s’appliquant avec prédilection à de beaux et sévères tissus contrapuntiques, comme le Cara Sposa de Rinaldo, ou le Ombra cara de Radamisto ; mais il cherche des combinaisons nouvelles dans la forme ancienne. Il est un des premiers à adopter les petites ariettes da capo, qui semblent avoir été mises à la mode, au commencement du XVIIIe siecle, par Bononcini, et dont Agrippina et Ottone fournissent de jolis exemples[9]. À la seconde partie de l’air, il donne un caractère et des mouvements différents de la première partie[10]. Même dans chaque partie, plusieurs mouvements se mêlent[11]. Parfois, la seconde partie est un récitatif[12] ; ou bien elle est extrêmement réduite[13]. Quand Hændel pourra disposer des chœurs, dans ses oratorios, c’est aux chœurs qu’il confiera souvent la reprise da capo[14]. Il ira plus loin : dans Samson, après que Micha a chanté, au second acte, les deux premières parties de l'air : O Komm, du Gott, le chœur reprend la seconde partie, tandis que Micha revient à la première. Il essaie enfin de partager le da capo entre deux personnages. Ainsi, au second acte de Saul, l'air de Jonathan : O frevle an dem Jüngling mehr, est suivi d’un air admirable de Saul, puis reprend textuellement.

Mais le plus beau titre de gloire de Hændel dans le solo vocal est la scène récitative.

C’était de Keiser qu’il avait appris l’art de ces émouvants récitatifs ariosi avec orchestre, dont il fait emploi déjà dans Almira, et dont J.-S. Bach devait reprendre, après lui, le style. Il ne cessa jamais d’en user dans ses opéras de Londres ; et il leur donna une ampleur superbe. Ce ne sont plus seulement des récitatifs isolés, ou des préambules à un grand air[15] ; le récit de César, au troisième acte de Giulio Cesare : Dall'ondoso periglio, est un large tableau musical, qui embrasse en son cadre un prélude symphonique, un récitatif, les deux premières parties d’un air sur l’accompagnement de la symphonie du début, un second récitatif, puis le da capo. La scène de la mort de Bajazet, au dernier acte de Tamerlano, est faite d'une série de récitatifs avec orchestre et d’airs, fondus ensemble, et passant par toutes les nuances de la passion, formant d’un bout à l’autre une même coulée de vie. La scène de l’agonie d’Admète, au début de l’opéra du même nom, égale en profondeur d’émotion et en liberté dramatique les plus belles scènes récitatives de Gluck. La scène de la folie, dans Orlando[16], et celle du désespoir de Déjanire, au troisième acte d’Héraklès, les dépasse en réalisme audacieux et en passion frénétique. Dans la première, le burlesque et le tragique se mêlent avec un art shakespearien. La seconde est un fleuve sauvage de fureur et de douleur qui se rue. Ni l'une ni l’autre de ces deux scènes n’a rien d’analogue dans tout le théâtre musical du XVIIIe siècle. Et Teseo, Rodelinda, Alessandro, Alcina, Semele, Joseph, Alexander Balus, Jephté, offrent des scènes récitatives ou des combinaisons, en une même scène, de récitatifs, d’airs très libres, et d’interludes instrumentaux, à peine moins originales. — Notons enfin une sorte de pressentiment du leit-motiv, et de son emploi psychologique, dans Belsazar, où certaines phrases instrumentales et récitatives semblent rattachées au caractère de Nitocris[17].

L’étude des airs et des récitatifs de Hændel soulève un assez gros problème d’interprétation artistique : celui de l’ornementation vocale.

On sait que les chanteurs de Hændel ornaient ses mélodies de fioritures, de figures mélismatiques, ou de cadences, parfois considérables, qui ont disparu, pour la plupart. Chrysander, en rééditant Hændel, se trouvait dans l’alternative ou de les supprimer (ce qui faussait la physionomie historique du texte), ou de les récrire lui-même. Ce fut à ce dernier parti qu’il s’arrêta, en s’entourant de toutes les garanties possibles d’exactitude, ou tout au moins de vraisemblance. Mais ses reconstitutions trouvèrent peu de partisans ; et il s’est élevé, à ce sujet, une polémique récente entre les musicologues allemands[18]. Ce débat, dans l’examen duquel la brièveté de ce volume ne nous permet point d’entrer, autorise, semble-t-il, les conclusions suivantes : 1° Les ornements vocaux n’étaient pas improvisés et laissés à la fantaisie du chanteur, comme on l'a souvent prétendu ; mais ils étaient marqués avec précision sur le rôle des chanteurs et sur la partition du claveciniste accompagnateur[19] ; — 2° ils n’étaient pas le simple caprice d’une virtuosité vide, mais le fruit d’une virtuosité réfléchie, et soumise au style général du morceau ; ils servaient à accentuer plus profondément l’expression des lignes mélodiques principales[20].

Maintenant, y a-t-il avantage à restaurer ces ornements ? Notre goût a changé, depuis lors ; et une piété trop étroite risque de nuire aux grandes œuvres du passé, en s’attachant servilement à tels détails de leur costume qui sont devenus désuets et surannés. Vaut-il mieux imposer au public d’aujourd’hui les œuvres d’autrefois avec toutes leurs rides, accentuées par la lumière des siècles, — ou les adapter sobrement à la façon de sentir actuelle, afin qu’elles continuent d’exercer sur nous leur action bienfaisante ? Les deux thèses ont été soutenues[21]. Pour moi, je crois que la première s’impose pour les publications de textes, la seconde pour les exécutions musicales. L’esprit doit chercher à connaître exactement quel a été le passé. Mais quand cela est fait, la vie peut et doit revendiquer ses droits ; qu’il lui soit permis de rejeter des modes usées, et de ne conserver des génies que ce qu’ils ont de toujours vivant.

Les morceaux vocaux d’ensemble tenaient une place des plus restreintes dans l’opéra italien ; et Hændel a moins innové sur ce terrain que sur celui du solo vocal. Cependant, on trouve chez lui quelques essais curieux. Ses duos sont le plus souvent écrits dans le style d’imitation, grave et un peu triste, de la vieille école italienne, de Provenzale et de Steffani[22], ou dans le style lullyste, où les deux voix cheminent ensemble, note contre note, avec raideur[23]. Mais Atalanta et Poro présentent aussi des duos, d’une liberté d’allure et d’une finesse rares. Et dans le duo du troisième acte d’Orlando, Hændel a tâché de marquer les caractères différents d’Angélique qui pleure et de Roland furieux. — De même, à côté de trios, écrits en style savant d’imitation, comme celui d’Alcina (au troisième acte), le trio d’Acis et Galatée dégage bien du couple des amants la colossale figure de Polyphème, le trio de Tamerlano oppose Tamerlan exaspéré à Bajazet et à Asteria, qui le provoquent, et le trio du Jugement de Salomon dessine les trois individualités diverses, la force calme de Salomon, les criailleries agressives de la mauvaise mère, et les supplications douloureuses de la bonne mère. Le trio de Susanna n’est pas moins libre, mais dans le style comique : l'un des deux vieillards madrigalise, l'autre menace ; l'ensemble forme une petite scène très vivante, que Mozart n’eut pas désavouée[24]. — Les quatuors sont rares. Il y en a deux petits dans le Trionfo del Tempo, écrit à Rome. Dans Radamisto, Hændel a fait un essai de quatuor dramatique, mais assez maladroit, et répété da capo[25]. Le plus émouvant de ses quatuors est celui du second acte de Jephté. — C’est aussi dans Jephté au troisième acte, que se trouve l’unique quintette qu’il ait écrit, à notre connaissance.

Les chœurs sont réduits, dans l'opéra italien du XVIIIe siècle[26], à un état rudimentaire : ils ne consistent guère qu’en l’union des voix des solistes, à la fin de la pièce, on en quelques acclamations banales et bruyantes, au cours de l'action. Hændel en a pourtant écrit de fort beaux dans Alcina ; ceux de Giulio Cesare, d’Ariodante, d’Atalanta, font aussi exception parmi les opéras du temps. Même dans les chœurs finaux, Hændel s’est arrangé de façon à sortir de la banalité courante : celui de Tamerlano est écrit dans la teinte mélancolique du drame. Celui d’Orlando tâche de conserver aux caractères individuels leur personnalité. Celui de Giulio Cesare enchâsse un duo. Il y a aussi des chœurs populaires, de matelots dans Giustino de chasseurs dans Deidamia, où le chœur reprend en refrain l'air entonné par le solo. Il en est de même dans Alessandro, où le chœur des soldats reprend l’hymne d’Alexandre sur la brèche.

Enfin, Hændel a tâché plusieurs fois de bâtir des architectures musicales, s’élevant par étages successifs des soli aux morceaux d’ensemble et aux chœurs. À la fin de l'acte I d’Ariodante, un duo en gavotte est repris en chœur, puis dansé sans chant, puis chanté et dansé. La fin de l’acte III du même opéra présente une succession de cortèges, de danses et de chœurs. Les dernières scènes d’Alessandro sont construites en vrai finale d’opéra : deux duos, un trio, et un chœur qui s’enchaînent.

Mais c’est dans ses oratorios que Hændel devait essayer plus largement ces combinaisons d’ensembles vocaux, et surtout cette fusion ou ces oppositions puissantes des soli et des chœurs, groupés en un même tableau.

On voit la variété des formes et des styles employés. Hændel était trop universel et trop objectif pour croire qu’une seule espèce d’art était la vraie. Il croyait seulement qu’il y avait deux sortes de musique : la bonne et la mauvaise. Hors cela, tous les genres se valaient. Aussi, a-t-il laissé des chefs-d’œuvre dans tous les genres. Mais il n’a ouvert aucune voie nouvelle à l’opéra, bien qu’il se soit avancé fort loin dans presque toutes. Constamment, il essaie, il invente, et toujours avec une sûreté singulière ; il semble qu’il ait la conscience la plus nette de son invention. Et cependant, presque aucune de ses conquêtes artistiques ne reste acquise pour lui. Il a beau faire un emploi magistral du récitatif à la Gluck, ou de l’arioso à la Mozart, écrire des actes de Tamerlano qui sont du drame le plus serré et le plus frémissant, à la manière d’Iphigénie en Tauride, des scènes débordantes de musique passionnée, comme telles pages d’Admeto et de Orlando, où le comique et le tragique se mêlent, à la manière de Don Giovanni ; il a beau essayer ici de rythmes nouveaux[27], là de formes nouvelles : duo ou quatuor dramatiques, symphonie descriptive ouvrant un opéra[28], orchestration raffinée[29], chœurs et danses[30] : jamais il ne s’y tient ; dans l’opéra suivant, nous le trouvons revenu aux formes ordinaires de l’opéra italien ou allemand de son temps.

  1. Voici la distribution vocale de quelques-uns de ses opéras de Londres :

    Radamisto (1720) : 4 soprani (dont 3 rôles d’hommes), 1 alto, 1 ténor et 1 basse ;

    Floridante (1722) : 2 soprani, 2 contralti, 2 basses ;

    Giulio Cesare (1724) : 2 soprani, 2 alti, 1 contralto (rôle de César), 2 basses ;

    Tamerlano (1724) : 2 soprani, 1 contralto (rôle d’homme), 1 alto (Tamerlan), 1 ténor, 1 basse ;

    Admeto (1727) : 1 soprani, 2 alti, 1 contralto (Admète), 2 basses ;

    Orlando (1732) : 2 soprani, 1 alto (Médor), 1 contralto (Orlando), 1 basse ;

    Deidamia (1741) : 3 soprani (dont le rôle d’Achille), 1 contralto (Ulysse), 2 basses.

    Même dans les oratorios, on trouve telle œuvre, comme Joseph (1744), qui est écrite pour 2 soprani, 2 alti, 1 contralto (Joseph), 2 ténors et 2 basses.

    Ainsi, sans parler de l’invraisemblance choquante des rôles ainsi « travestis », l’équilibre des voix tendait toujours à tomber à l’aigu ou au grave.

  2. En 1729, il alla chercher en Italie un ténor héroïque, Pio Fabri ; malheureusement, il ne put le garder que deux ans. — Acis et Galatée (1720) est écrit pour 2 ténors, 1 soprano et 1 basse. — Le rôle le plus tragique de Tamerlano (1724), Bajazet, est écrit pour le ténor Borosini. — Rodelinda, Scipione, Alessandro contiennent des rôles de ténor. — D’autre part, Hændel ne s’est pas contenté d’avoir dans son théâtre les basses les plus célèbres du siècle, les fameux Boschi et Montagnana, pour qui il écrivit d’admirables rôles, comme le Zoroastre d’Orlando et le Polyphème d’Acis et Galatée ; mais il chercha à ce que, dans un même opéra, plusieurs rôles importants fussent tenus par les basses. Dans sa première version d’Athalia (1733), il avait écrit un duo de basses pour Joad et Mathan. Mais la défection de Montagnana l’obligea à renoncer à cette idée, qu’il ne put réaliser que dans Israël en Égypte.
  3. Voir aussi Giulio Cesare, Atalanta, ou Orlando.
  4. Surtout dans certains opéras de concert, comme Alcina (1735), et aussi dans la dernière œuvre de Hændel, qui sent l’engourdissement final : Triumph of Time.
  5. Voire dans ses oratorios, où il ne craint pas, au besoin, d’enchâsser de petites chansons populaires, comme celle de la suivante de Susanna (1749).
  6. Ainsi, l'air de Médée au commencement du second acte de Teseo : Dolce riposo. — Voir aussi Ariodante et Herakles.
  7. Tel, l’air du début de Radamisto : Sommi Dei. — Je mentionnerai aussi les airs écrits sur des accompagnements de basse obstinée, sans da capo, dont le plus beau type est le Spirito amato de Cléofide, dans Poro.
  8. Par exemple, l'air : Per dar pregio, dans Rodrigo. Le hautbois joue un grand rôle dans ces joutes musicales. Tel air de Teseo est comme un petit concerto pour hautbois.
  9. Elles sont extrêmement courtes. Certaines sont des chansons populaires. Quelques-unes, dans Agrippina, ont juste une phrase. — Plusieurs de ces ariettes da capo, dans Teseo, dans Ottone, font penser à celles de l’Iphigénie en Aulide de Gluck.
  10. Dans Rinaldo, air : Ah crudel il pianto mio, la première partie est un largo douloureux, la seconde un presto furieux. — Le plus magnifique exemple de cette liberté est l’air de Timothée, au début du second acte de la Fête d’Alexandre. Les deux parties de l’air ne diffèrent pas seulement par les mouvements, mais par la couleur instrumentale, par le caractère harmonique, par l’essence même de la pensée : ce sont deux poèmes différents qui s’enchaînent, mais dont chacun est complet, en soi.
  11. Exemples : Teseo, air de Médée : Morirò, ma vendicata ; — Amadigi, air : T’amai quant'il mio cor.
  12. Riccardo I, air : Morte, vieni.
  13. Dans des airs da capo d’Ariodante, la seconde partie se restreint à cinq mesures, voire à trois.
  14. Allegro e Penseroso, premier air de la troisième partie, Come, with native : après la seconde partie, vient un récitatif, puis le chœur chante le da capo. — Dans la Fête d’Alexandre, air : He sung Darius, après la seconde partie, vient un récitatif, puis le da capo avec chœur, mais tout à fait librement ; à vrai dire, le da capo n’est que dans l’accompagnement instrumental.
  15. Hændel a cherché une langue musicale passant, par degrés insensibles, du recitativo secco, presque parlé, au recitativo accompagnato, puis à l'air. Dans Scipione (1726), des phrases de récitatif accompagné encadrent comme des rimes des fragments de récitatifs parlés. (Voir p. 23 de la grande édition, air : Oh sventurati.) L’air final du premier acte est un compromis entre la parole et le chant. Le récitatif accompagné aboutit naturellement à l'air.
  16. Dans la suite de récitatifs et d’airs de toute sorte qui se succèdent ou se mêlent, avec une étonnante liberté, reflétant tour à tour, ou même à la fois, les idées contradictoires qui se heurtent dans le cerveau de Roland, Hændel ne craint pas d’employer des rythmes inusités, comme le 5/8, qui donne l’impression de la folie du héros.
  17. Il faudrait aussi étudier à part les airs bouffes. On a dénié à Hændel le don du comique. C’est le connaître mal. Il était plein d’humour, et l’a souvent exprimé dans ses œuvres. Dans son premier opéra, Almira, le rôle de Tabarco est dans le style comique de Keiser et de Telemann. C’est à la même manière que se rattachent certains traits un peu caricaturesques du rôle de saint Pierre dans la Passion de Brockes. Le Polyphème d’Acis et Galatée a une ampleur superbe de bouffonnerie sauvage. Mais dès Agrippina, Hændel a pris à l’Italie sa fine ironie ; et le style léger, aux gestes menus, aux rythmes saccadés, de Vinci et de Pergolesi avant la lettre, apparaît chez lui dès Teseo (1713), Radamisto, Rodelinda, Alessandro, Tolomeo, Partenope, Orlando, Atalanta en offrent de nombreux exemples. La scène d’Alexandre et de Roxane endormie, ou qui fait semblant de l’être, est une petite scène de comédie musicale. Serse et Deidamia sont des tragi-comédies, dont l’action et le style mènent à l’opéra-comique. — Mais le génie comique aura une bien autre envergure dans les oratorios, où Hændel dessinera non seulement des types complexes ou colossaux, comme Dalila et Harapha dans Samson, ou comme les deux vieillards dans Susanna, mais où son rire olympien débordera dans les chœurs de l’Allegro, secouant de sa joie irrésistible la salle entière.
  18. Voir surtout Hugo Goldschmidt : Die Lehre von der vokalen Ornamentik, t. I, 1907 ; — Max Seiffert : Die Verzierung der Sologesänge in Hændels Messias (Sammelbände der I. M. G., juillet-septembre 1907, et Bulletin mensuel de l'I. M. G., février 1908) ; — Rudolf Wustmann : Zwei Messiasprobleme (Bulletin mensuel de l'I. M. G., janvier-février 1908).
  19. M. Seiffert a signalé toute une série de copies des opéras et oratorios de Hændel, appartenant à la collection Lennard, du Fitzwilliam Museum, à Cambridge. On y trouve, au crayon, l’indication des ornements et vocalises exécutés par les chanteurs. Suivant M. Seiffert, ces notations étaient de Christoph Schmidt, l’ami et le factotum de Hændel. Suivant M. Goldschmidt, elles sont de la fin du XVIIIe siècle. En tout cas, elles attestent une tradition vocale, qui a grand chance de nous conserver la physionomie des exécutions musicales au temps de Hændel.
  20. Ceci est surtout vrai pour les oratorios. Pour les opéras, l’ornementation était beaucoup plus touffue et plus indifférente à l’expression.
  21. La première, par M. Seiffert ; la seconde, par M. Goldschmidt.
  22. Teseo, duo : Addio, mio caro bene ; — Esther, duo d’Esther et de Ahasverus : Wer raft zum Leben.
  23. Arminio (1737), duo du troisième acte. — Il est à remarquer qu’Arminio débute aussi par un duo, ce qui est exceptionnel.

    D’autres duos sont en siciliennes, comme celui de Giulio Cesare, ou en style populaire anglais, à la hornpipe, comme celui de Teofane et d’Othon dans Ottone : A’ teneri affetti.

  24. On trouve aussi de beaux trios, d'un style sobre et viril, dans la Passion de Brookes (Trio des âmes croyantes : O Donnerwort !) et dans les Anthems Chandos.
  25. Voir aussi le quatuor du premier acte de Semele.
  26. À l’exception des opéras italiens joués à Vienne, où se maintint, grâce à Fux, la tradition de la polyphonie vocale, dont Hasse et surtout Jommelli surent faire ensuite un bel usage.
  27. Le 5/8 dans Orlando, le 9/8 dans Berenice.
  28. L’introduction de Riccardo I représente un vaisseau qui aborde, par une mer agitée.
  29. Giulio Cesare : scène du Parnasse.
  30. Ariodante, Alcina.