Henri Cornélis Agrippa/Lettre LVIII
Depuis longtemps, homme remarquable, vous fûtes pour moi un devin de la tournure que prenaient mes affaires. Je suis encore embarrassé au milieu de ces financiers, usuriers et prévaricateurs, comme le bouc arrêté au milieu des buissons. On me renvoie d’Hérode à Pilate et notre Panormitain Caïaphas ne me prédit point de bonnes choses. Aussi ai-je complètement résolu de m’arracher à cette véritable servitude d’Égypte. S’ils ne veulent pas me faire justice, je susciterai contre eux mouches, moustiques, cousins, grenouilles, scorpions. Je me retirerai et serai l’Esprit vengeur : je leur susciterai mille maux divers à ces Midas monstrueux, à ces hommes des plus ingrats qui furent jamais. Je renouvellerai la fable de l’Escarbot et de l’Aigle[1]. Vous apprendrez le reste par une lettre que j’ai confiée à Bernard[2]. J’ai répondu à mes calomniateurs de Louvain avec modération sans doute, mais non pas sans ironie, non pas sans sel, sans vinaigre et sans moutarde, laissant complètement l’huile de côté. Je publierai cela aussitôt que je le pourrai. Ce sera sans doute le signal d’une tragédie nouvelle, puisque d’ordinaire une vérité nouvelle amène une recrudescence de haine. Il ne manquera pas de gens à qui la dite tragédie plaira assurément.
Adieu, très cher, recommandez-moi humblement au Révérend Seigneur Légat, mon puissant protecteur[3].
P.-S. Vous connaîtrez la suite des événements qui se passent ici par des notes subséquentes, datées de Bruxelles et tenues au courant.