Henri Cornélis Agrippa/Lettre X

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X
Agrippa à un ami.

Mai 1519.

La question du péché originel et de la première transgression des hommes a été jugée de bien des manières par les plus savants, les plus éminents interprètes des Livres Saints, tant anciens que modernes. Bien que j’aie médité longtemps et souvent sur ces opinions, ces docteurs m’ont paru n’avoir écrit à ce sujet que des choses obscures et douteuses. Laissant de côté leurs avis, sans toutefois les dédaigner, je me suis formé une méthode toute nouvelle qui m’est personnelle, discutable sans doute, mais peut-être vraie : je la ferai connaître. Je ne sais si quelqu’un l’a formulée avant moi. Si cela était, je ne lui cause aucun tort en disant qu’elle procède de moi, puisque je l’ai arrachée aux ténèbres de l’indifférence avec le seul secours de mon travail, de ma raison et par l’examen attentif des Écritures. J’ai donc publié une dissertation courte et sommaire sur cette manière de voir ; je vous la dédie, honorable et estimable Père, afin qu’appuyée par l’autorité de votre nom contre la tourbe d’opposants qu’elle va faire surgir elle puisse résister avec honneur. Je sais, en effet, de quel déluge de syllogismes elle va être accablée de la part de certains Théosophistes ; je veux parier de ces gens qui font fi de toute explication simple, chez qui ne sont en vigueur que la recherche et l’affectation. Je ne pourrai faire crouler leur mur de pierres sèches, me frayer un passage à travers leurs syllogismes qu’avec votre secours, le seul efficace contre cette sorte de grenouilles égyptiennes du dieu Typhon.