Henri Cornélis Agrippa/Lettre XLI

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XLI
Agrippa à Chapelain.

Lyon, 16 septembre 1526.

Tu me conseilles de parler christianisme à notre roi très-chrétien. J’ai besoin de beaucoup refléchir avant de suivre ce conseil, et je me demande si, au lieu de traduire à son usage ce que les autres ont écrit là-dessus, je ne ferais pas mieux de lui envoyer mes impressions personnelles. Mais s’il est plus sûr de se tromper sous le couvert d’un autre, il est encore plus sûr de se taire, surtout à cette époque où la religion trouve tant d’interprètes et où il est bon de la pratiquer sans la commenter, si l’on ne veut être persécuté par les schismatiques d’un côté et de l’autre par les Sorbonisants, qui sont d’ailleurs très doctes Scribes et Pharisiens non en la loi de Moise ou bien en celle du Christ, mais en celle d’Aristote. Nous devons subir absolument cette philosophie, cette palinodie, si nous ne voulons pas faire connaissance avec le fagot.

Puisque j’ai vu qu’il s’agissait d’une inimitié mortelle irréductible et que mon silence ne faisait que les rendre[1] plus insolants et plus agressifs, j’ai résolu de lever le masque et d’accepter la lutte ouverte et publique. Oui, je veux que la guerre soit éternelle avec cette tourbe de mauvais sophistes et de fainéants, et je les peindrai avec leurs couleurs, et je les attirerai avec moi en pleine lumière pour que tout le monde puisse bien les voir dans leur turpitude, pour que les peuples s’en écartent, pour que nous sachions tous enfin par qui, depuis tant de siècles, nous sommes séduits et trompés.

  1. Les Moines.