Histoire amoureuse des Gaules/Tome 3/Le Divorce royal

La bibliothèque libre.



LE DIVORCE ROYAL OU GUERRE CIVILE DANS LA FAMILLE DU GRAND ALCANDRE.


Depuis que le grand Alcandre a commencé à travailler avec tant de zèle et d’application à réunir les deux religions qui partageoient son royaume[1], quoique ce dessein fût l’entreprise d’un grand prince dont l’unique gloire étoit de laisser à la postérité une œuvre digne de sa grandeur, cependant le succès n’a pas répondu à ses attentes, et, au lieu de procurer à son royaume une paix perpétuelle par cette réunion, elle a plutôt mis le feu aux quatre coins de la France, qui a ressemblé à une maison embrasée, de laquelle se sauve qui peut[2]. Grand nombre de personnes, ne voulant pas être forcées, aimèrent mieux tout quitter et se sauver que de s’accommoder à la religion du Roi ; plusieurs tombèrent dans les filets que l’on leur avoit tendus aux frontières pour les empêcher de déserter, ce qui fit que d’autres aimèrent mieux rester que de se commettre à un châtiment très rude en cas qu’ils fussent pris. Cependant, sous main chacun employoit son crédit, ses amis et son argent proche des catholiques qui avoient quelque pouvoir, pour tâcher d’obtenir des passeports. Mademoiselle M. D. fut une de celles qui, craignant les mauvaises suites du couvent, ne voulurent pas se hasarder à partir sans passeport. Elle eut assez d’adresse et d’amis pour s’introduire chez madame de Montespan, où elle sut si bien faire, qu’elle la persuada à s’employer pour elle, cette dame étant bien aise de s’attirer par là l’estime d’un grand nombre de personnes de la religion prétendue réformée, et leur faire connoître, par ce petit service, qu’elle n’avoit aucune part à toutes les violences qui se commettoient dans les provinces, ni aux excès dont on accuse les dragons : Poco di bene, e poco di male. Madame de Montespan ayant donc pris résolution de s’employer tout de bon pour cette demoiselle, elle rêva assez longtemps comme elle s’y prendroit pour en venir à bout, connoissant la conscience tendre de Sa Majesté et sa délicatesse sur ce sujet, lequel croit qu’autant de personnes à qui il donne congé, ce sont autant d’âmes qu’il laisse échapper du paradis. Aussi ne fait-il rien sur semblables affaires qu’il n’ait consulté son conseil de conscience, qui ne l’abandonne que fort peu[3]. Madame de Montespan crut donc qu’il falloit en prévenir le R. P. La Chaise[4], qui est considéré présentement en cour comme le lieutenant de saint Pierre ; et c’est presque lui seul qui ouvre et ferme le paradis du côté de France. Pour ce faire, cette bonne dame crut qu’elle ne pouvoit mieux s’adresser qu’à madame de Maintenon, laquelle, par humilité, se dit fille indigne de la vénérable société[5] ; et comme elle avoit autrefois été sous elle et mangé de son pain, elle crut aussi qu’elle ne refuseroit pas de s’employer avec chaleur pour son ancienne maîtresse, qui avoit été la cause première de la fortune dont elle jouit présentement. Mais elle se trouva trompée, car, comme dit le proverbe, Honores mutant mores[6] ; elle ne répondit pas à l’attente de son ancienne patronne, comme nous verrons dans la suite dans une conversation qu’elles eurent ensemble, que je mettrai ici au long pour la satisfaction du lecteur curieux qui sera bien aise d’être informé de ces petits démêlés, que souvent l’on n’ose pas mettre au jour. Je ne veux pas vous promettre de pouvoir vous rapporter ici mot pour mot tout ce qu’elles se dirent l’une à l’autre dans cette visite, mais bien de vous en rapporter le plus essentiel et les principales circonstances.

Madame de Montespan prit un prétexte pour aller voir madame de Maintenon, qui étoit un peu incommodée et gardoit la chambre ce jour-là. Voici ce qui s’y passa :

Madame de Maintenon fit l’ouverture, et demanda quelles bonnes affaires lui procuroient l’avantage de sa présence ; à quoi madame de Montespan répondit qu’un motif de charité l’avoit obligée à la venir prier en faveur d’une pauvre demoiselle huguenotte, qui souhaiteroit de s’aller retirer en Suisse, proche de ses parents ; et comme elle n’osoit se hasarder de sortir du royaume sans la permission du Roi, elle désiroit de pouvoir obtenir un passeport ; mais comme elle savoit fort bien que Sa Majesté étoit délicat sur ces sortes d’affaires, et qu’il n’en feroit rien sans consulter son conseil de conscience, avant de lui en parler, qu’elle souhaiteroit que madame de Maintenon lui fit la faveur d’en dire un mot au Père La Chaise, afin de le prévenir avant que le Roi lui en parlât. Madame de Maintenon lui répliqua qu’elle avoit raison de croire que le Roi étoit délicat sur ce chapitre-là, « et je ne crois pas même, lui dit-elle, que vous feriez bien de lui en parler, puisque c’est vous commettre à un refus dont vous pourriez avoir de la mortification dans la suite. »

Cette espèce de conseil ne plut pas à madame de Montespan, qui lui répondit d’un ton assez fier qu’elle ne venoit pas là pour demander conseil, parce qu’elle se croyoit assez capable et assez grande pour le prendre d’elle-même ; mais, poursuivit-elle, je viens pour vous prier d’en dire un mot au Père La Chaise, afin qu’il y donne les mains.

Madame de Maintenon, qui se sentit piquée de cette brusque repartie, lui demanda pourquoi elle vouloit qu’elle parlât au Père La Chaise plutôt qu’elle, puisqu’elle le connoissoit aussi particulièrement qu’elle, et le pourroit faire elle-même. « La raison, dit madame de Montespan, en est aisée à donner : c’est, dit-elle, que je vous crois mieux dans son esprit que moi, et qu’au dire du Père, vous êtes une sainte, et moi une grande pécheresse, comme je l’avoue aussi. »

Madame de Maintenon, qui a de l’esprit, et qui voyoit bien où tout ceci alloit, et qui auroit été bien aise de finir la conversation, lui dit : « A quoi bon, madame, tout ce détail de sainteté ? — A vous faire connoître, continua madame de Montespan, que je sais fort bien ce que vous pouvez, et qu’étant fille de la société, il y a toujours plus de grâce pour une enfant sage et obédiente[7], comme je crois que vous êtes, que pour une étrangère. — Puis, dit madame de Maintenon, que vous me croyez sage et obédiente, je vous dirai que le Père m’a défendu de lui parler jamais de ces sortes d’affaires. — Je comprends bien, dit madame de Montespan, par vos discours, que vous n’en voulez rien faire ; vous feriez mieux, continua-t-elle, de me parler catégoriquement, oui ou non.

— Je n’ai pas d’autre réponse à vous donner, lui dit madame de Maintenon, sinon que vous auriez pu vous éviter la peine que vous vous êtes donnée, en m’envoyant seulement faire ce message par l’une de vos domestiques.

— Vous m’en dites assez, dit madame de Montespan, pour me faire connoître que vous n’en voulez rien faire. Je n’ai pas jugé à propos, poursuivit-elle, d’envoyer personne de ma part, mais de venir moi-même pour avoir le plaisir de recevoir le refus de votre bouche propre, et de voir quelle mine vous tiendriez en le donnant à celle qui vous a commandé pendant plusieurs années.

— Il est vrai, lui dit madame de Maintenon, que j’ai été sous vous, je ne le nie pas, mais j’estime qu’il m’est plus glorieux d’avoir été ce que j’ai été, que d’être ce que vous êtes. » Ce discours piqua madame de Montespan au vif, qui ne put retenir son ressentiment et [s’empêcher] de la traiter de petite femme de Scarron.

Sur cet intervalle, une femme de chambre vint dire à madame de Maintenon que madame la princesse de Conti[8] venoit lui rendre visite ; laquelle se leva aussitôt, et après lui avoir fait donner un fauteuil, chacune reprit sa place. Cette visite fut causée en suite d’une collation que monseigneur le dauphin[9] avoit donnée les jours précédents à madame de Conti, où, après quelque raillerie, madame de Conti porta à monseigneur la santé de la bonne vieille sa belle-mère. Le Dauphin, en faisant raison, porta la santé du bon-homme. [Mais comme il y a toujours des esprits qui tâchent de faire leur fortune aux dépens d’autrui, cette petite galanterie ne manqua pas d’être rapportée dès le même jour à madame de Maintenon, qui de même suite le dit au Roi. Quelques jours après, Monseigneur étant à table, le Roi ayant un plat devant lui d’un ragoût que le Dauphin aimoit, le Roi le lui fit mettre devant. Monseigneur en ayant mangé d’un grand appétit, le Roi dit : « Vous en avez assez mangé pour boire », et lui porta la santé du bon-homme.][10]

Le Dauphin ne répondit que par une profonde révérence, faisant semblant de ne le pas comprendre ; mais au sortir de table il ne manqua pas d’en avertir aussitôt madame la princesse de Conti, et lui conseilla d’aller voir la bonne vieille madame de Maintenon ; et c’est ce qui fut la cause de cette présente visite. Madame de Conti fit rouler la conversation sur le plaisir innocent que souvent l’on avoit dans la compagnie d’une amie, où l’on avoit la liberté de dire quelquefois une parole en liberté, sans dessein pourtant d’offenser personne. La Maintenon applaudissant à ce que madame de Conti disoit, après avoir bien tourné, la princesse dit que ces jours passés, pendant la collation que Monseigneur lui donna, ils s’entretinrent pendant une heure de toute la Cour et de madame de Maintenon même, sans dessein pourtant de choquer personne ; et comme elle ne doutoit pas que ces innocents divertissements sont souvent rapportés avec emphase, qu’elle ne savoit pas si l’on le lui avoit dit, mais qu’en tout cas elle n’avoit eu aucun dessein de l’offenser. La Maintenon, qui faisoit la dissimulée, auroit été bien aise de savoir de la bouche de madame de Conti ce qui s’étoit passé ; mais la princesse, qui ignoroit jusqu’où elle en étoit informée, n’osa se découvrir davantage, de peur d’en trop dire.

Ainsi finit sa visite, et elle dit en sortant : « Si vous m’aimez toujours autant que vous l’avez protesté, permettez-moi que je vous baise. » Là-dessus la Maintenon, fine et subtile, lui dit : «Madame, l’on ne baise pas des vieilles. »

Alors madame de Conti connut assez que la mine étoit éventée, et, quelque protestation qu’elle fît, il n’y eut pas moyen de la réconcilier, et ainsi elles se quittèrent fort froidement.

Madame de Conti en eut de la mortification, et, dans le chagrin où elle étoit, étant de retour chez elle, elle écrivit ce billet au Dauphin :

Monseigneur,


Suivant votre conseil, je viens de rendre visite à la dame de Maintenon ; mais je ne puis vous exprimer la froideur avec laquelle nous nous sommes séparées : son dédain et manque de respect m’obligent à vous dire que, si je n’avois des considérations pour le R.., je puis vous assurer que je lui donnerois des marques de mon ressentiment. Celle qui vous remettra ce billet vous dira le reste. Adieu.

Après le départ de la princesse, et que l’esprit de la Maintenon (à laquelle cette visite avoit causé quelque émotion) fut un peu remis, madame de Montespan prit la parole, lui disant : « Quand je considère bien ce que je viens de voir et d’entendre, je me représente la fable de l’âne qui portoit une idole dessus son dos, pour laquelle les peuples avoient beaucoup de vénération, et se mettoient à genoux lorsqu’elle passoit par les rues. L’âne crut que c’étoit à lui que cet honneur se rendoit, lequel en devint si orgueilleux, qu’il marchoit d’une grande fierté et d’un pas grave, se carrant comme si c’étoit à son mérite que l’on rendoit cet hommage. Mais l’idole lui étant ôtée, et étant question de retourner à son gîte, croyant de marcher avec la même gravité, il fut bien surpris que son maître lui lâcha quelques coups pour l’obliger à marcher plus vite, et il connut alors sa méprise, et qu’au lieu de lui faire honneur comme auparavant, chacun crioit : Frappe, frappe. Ainsi, Madame, ne croyez pas que c’est pour votre mérite que l’on vous fait la cour. Je laisse à vous-même de faire l’application du reste. »

Madame de Maintenon, qui entendoit fort bien ce qu’elle vouloit dire, ne voulut pas s’en fâcher, parce qu’elle prétendoit lui rendre le change. Elle lui dit : « Sur ce que vous dites, Madame, il n’y a pas de commentaire à faire : vous dites les choses si nettement et avec tant de circonstances, qu’il faudroit être bien stupide pour ne le pas comprendre ; mais, de grâce, permettez-moi que je vous en entretienne aussi d’une à mon tour.

« Un chien s’étant donné pour sa vie durant à un bon bourgeois pour le servir et garder la maison, comme il étoit trop à son aise, il ne put plus supporter la graisse, et se promenoit un jour à la campagne ; un autre sien camarade l’aborda, et l’ayant obligé de lui faire le récit de sa fortune, après l’avoir entendue, il lui conseilla de quitter son maître et de venir demeurer avec lui chez un grand seigneur, là où, lui dit le chien, nous n’avons rien à faire qu’à fournir au plaisir de notre maître, et où nous avons bonne table et bon lit, et sommes considérés comme domestiques d’un grand seigneur, de sorte que personne n’oseroit vous tirer les oreilles ; et si par bonne fortune le seigneur prend amitié pour toi, tu coucheras sur son lit à ses pieds. Le chien bourgeois, attiré par les belles promesses que lui fit l’autre, quitta son premier maître pour se donner à ce seigneur ; et comme pour l’ordinaire toutes choses nouvelles plaisent, il fut assez heureux d’être caressé pendant un temps. Mais qu’arriva-t-il à la pauvre bête ? L’âge décrépit commença à paroître, il devint puant par sa vieillesse ; ce seigneur s’en dégoûta et mit affection à un autre, et chassa le vieux puant chien de sa cour, qui, ne sachant où se retirer, s’en alla retrouver son premier maître et le pria de le recevoir en grâce. Mais il n’y fut pas trop bien reçu. Ce maître, le voyant, lui dit : Malheureuse et méchante bête, ne t’étois-tu pas donnée à moi, et ne m’avois-tu pas promis de me servir toute ta vie et de m’être fidèle ? Cependant, dans le temps où j’avois le plus de besoin de toi, tu m’as quitté sans sujet : à présent, rapporte ta vieillesse puante là où tu as laissé ta jeunesse riante. Ainsi le pauvre chien, ne sachant où se retirer, fut obligé d’aller mourir sur un fumier.

« Je vous laisse, dit madame de Maintenon, la peine d’en tirer la morale et de l’appliquer où vous le jugerez à propos, et là où elle conviendra le mieux. »

Dans ce moment un valet de chambre vint de la part du Dauphin pour parler à madame de Maintenon. Elle qui croyoit que c’étoit pour la prier de quelque affaire ou de parler au Roi, elle fut bien aise, pour faire voir à madame de Montespan la considération que l’on avoit pour elle, de le faire entrer, où étant, il s’adressa à elle et lui dit :

Madame,


Monseigneur a été extrêmement surpris d’apprendre le méchant accueil que vous avez fait à madame la princesse de Conti, et il m’a commandé de vous venir voir et assurer de sa part de son ressentiment, et vous dire que si, à l’avenir, vous n’en usez plus honnêtement que vous n’avez fait par le passé, il passera par-dessus toute considération et vous donnera lieu de vous en repentir.

Ce compliment surprit extrêmement la Maintenon, qui se trouva décontenancée de ce qu’il avoit été fait en présence de la Montespan ; mais pourtant elle eut assez de présence d’esprit pour lui repartir : Que Monseigneur étoit le maître après le Roi.

Tout ceci causa une secrète joie à la dame de Montespan, qui ne vouloit pas pourtant la faire éclater qu’avec ses amis et amies. Ce valet de chambre étant sorti, elle reprit le fil du discours que l’on venoit de quitter.

« Je viens, dit madame de Montespan, d’entendre le récit que vous avez fait avant la venue du valet de chambre de Monseigneur ; je le trouve spirituel, mais n’ai pas assez d’esprit pour en pouvoir tirer une morale fine, comme vous le souhaiteriez ; je n’ai rien de meilleur que la mémoire : je me ressouviens de votre mariage avec le bonhomme Scarron, cul de jatte. Vous m’avouerez, dit la Montespan, qu’il faut l’avoir heureuse pour se ressouvenir depuis si longtemps ; c’est aussi tout ce que je puis faire. S’il pouvoit retourner et qu’il vous vît au suprême degré où vous êtes présentement, je crois que sa veine ne seroit pas assez forte pour exprimer sa surprise par quelques vers burlesques, car c’étoit là son fort. En effet, bien d’autres que lui le seroient de trouver la femme du poëte Scarron, à l’âge de soixante ans[11], être la mignonne du plus grand roi du monde. Il y a de quoi s’étonner que les RR. PP. jésuites ont pu porter l’affaire à un tel degré ; et à ne pas vous flatter, continua la Montespan, il y a bien des gens qui croient, et vous ne leur ôteriez pas de la tête, qu’il ne leur ait fallu un aide surnaturel pour en venir à bout. Si l’on en croit les huguenots, et ils le disent ouvertement, leur perte a été le prix de votre reconnoissance ; et vous aviez promis au Père La Chaise que, s’il vous introduisoit dans les bonnes grâces du Roi, toute votre étude seroit de prôner au Roi la sainteté et le mérite de la Société, et qu’ensuite unanimement vous travailleriez à la destruction de la religion huguenote ; que pour cet effet vous fîtes un vœu au grand saint Ignace entre les mains du père La Chaise, et que sans vous le Roi n’auroit jamais songé à fausser sa foi ni révoquer ses édits et ceux de ses ancêtres[12]. » Sur cette parole, madame de Maintenon crut qu’elle en avoit assez dit pour avoir prise sur elle. « Ha ! que dites-vous là, Madame ? je suis bien aise d’entendre de semblables discours de votre bouche. »

Madame de Montespan, qui comprit bien ce qu’elle vouloit faire, qui étoit sans doute d’en faire le rapport au Roi, lui répliqua : « Je ne vous dis pas que c’est moi qui le dis ; écoutez-moi bien, et ne faisons pas de qui pro quo d’apothicaire[13]. Je ne vous dis pas non plus que cela soit vrai, mais que les huguenots le disent : allez leur empêcher d’en parler où ils sont présentement épars par toute la terre ; et pour ne vous pas flatter, continua madame de Montespan, je crois que, s’ils vous tenoient à Genève, ils ne vous traiteroient pas beaucoup mieux que les Anglois firent la Pucelle d’Orléans, qu’ils accusèrent d’être sorcière, et firent brûler. »

Madame de Maintenon, qui cherchoit une échappatoire pour se tirer du méchant pas où elle se trouvoit, sauta du coq à l’âne[14], et changea le discours sur monsieur Scarron, duquel elle dit qu’elle ne croyoit pas que les huguenots en diroient du mal, d’autant que la plupart de ces messieurs étoient de ses amis, jusqu’aux ministres mêmes, qui le venoient souvent visiter[15].

C’est ce qui fournit matière à madame de Montespan de pousser sa pointe, et de dire à la Maintenon que c’étoit ce qui la faisoit encore plus haïr, qu’elle rendoit de si méchants offices aux bons amis de feu son mari : « Et je suis, continua-t-elle, de l’opinion qu’ils étoient des amis du défunt, et qu’il se confioit à eux. Car, à ce qu’ils disent, il leur a souvent fait confidence de beaucoup de petites particularités de votre mariage : ils m’ont conté que, comme M. Scarron eut pris résolution de se marier, il le leur communiqua, et qu’ils ne manquèrent pas aussitôt de lui représenter son misérable état et la foiblesse de son corps, dans lequel ils ne voyoient pas grande apparence de pouvoir contenter une femme, qui ressembloit à une terre, laquelle veut être cultivée, et que, quand nous ne le faisons pas nous-mêmes, souvent notre voisin le fait pour nous ; et qu’ainsi, sans songer, il pourroit s’enrôler dans la nombreuse famille d’Actéon ; que là-dessus le bonhomme Scarron répondit que ce n’étoit pas cela qui le mettoit le plus en peine, et qu’afin qu’on ne puisse lui rien reprocher sur ce chef-là, il vouloit prendre de la chasse blessée, et qu’alors l’ayant su, l’on ne pouvoit le railler là-dessus. » Ce récit déconcerta extrêmement madame de Maintenon, qui ne savoit comment se retirer de la presse, et dans le chagrin où elle étoit, elle dit à la Montespan : « Vous pourriez dans un besoin, Madame, fournir des mémoires pour l’histoire de la vie de feu monsieur Scarron. Je vous enverrai les personnes qui en auront besoin. » Mais madame de Montespan, qui avoit entrepris de la pousser à bout pour se venger de bien des affaires que je ne rapporterai point ici, ne s’arrêta pas en si beau chemin, et lui dit que jusques à présent cela ne la regardoit pas personnellement, et que Scarron n’avoit parlé encore que dans le général ; qu’il n’y avoit rien qui la pût fâcher. « Mais finalement, lui dit-elle, pour le bonheur de monsieur Scarron, le sort échut sur votre personne, et il vous épousa en face de sainte mère Église. N’est-il pas vrai ? » Madame de Maintenon, qui ne cherchoit que d’esquiver, lui dit : « Que trouvez-vous à critiquer là-dessus ? Je ne crois pas, dit-elle, que votre mariage fût plus ferme ni plus assuré que le nôtre, puisqu’il n’a pas été de longue durée : on n’a pas eu besoin de vous délier l’éguillette ; vous l’avez fort bien su faire vous-même. Si vous étiez en Suisse ou à Genève, comme vous m’avez dit il y a un moment, je crois que l’on vous feroit passer un heure de méchant temps, et qu’un vent d’acier couronneroit votre infidélité. » Madame de Maintenon crut se venger par cette petite égratignure ; mais la Montespan, qui avoit encore le plus sensible à débiter, lui dit : « De grâce, Madame, achevons votre histoire ; nous voici arrivées au plus bel endroit de l’affaire. Je n’ai plus que trois mots à dire, puis je finis. Comme donc les amis de feu votre mari le vinrent féliciter sur son mariage : « Parbleu, leur dit-il, Messieurs, l’on ne me reprochera pas que ma foiblesse est cause que ma femme sera coquette et qu’elle me trompe, car je l’ai prise P…., et si bien, qu’elle a déjà fait une fille (que vous lui portâtes dans le mariage pour tout douaire)[16]. Il leur dit encore que vous aviez voulu mettre dans votre contrat de mariage que vous ne seriez obligée de rester avec lui que depuis six heures du matin, qu’il se levoit, jusques à dix heures du soir, qu’il se couchoit ; mais que depuis ces mêmes dix heures jusqu’au lendemain six, vous étiez votre propre maîtresse et qu’il vous abandonnoit à votre sage conduite, sans relever pour ce temps-là que de vous-même. » Madame de Maintenon, qui étoit outrée jusques à l’âme de tous ces discours, lui dit : « Ne me sauriez-vous pas dire aussi chez quel notaire ce contrat fut passé ? — Il y aura moyen, lui repartit la Montespan, d’en trouver la note dans la poésie de feu monsieur Scarron. Mais à propos de cette fille, que nous appelions, ce me semble, Babbé, elle avoit de l’esprit comme un petit ange, elle ressembloit en cela à son père adoptif. Si elle vit encore, vous auriez bien le moyen de la marier présentement fort richement sous le nom de nièce, non elle seule, mais quand vous en auriez autant qu’en avoit feu le cardinal Mazarin. Mais ce n’est pas à moi à vous donner conseil, puis que c’est vous qui en donnez aux autres ; pourtant je veux bien vous dire que, si le bonhomme Scarron pouvoit ressusciter, ce seroit une diable d’affaire en France ; car, outre sa surprise, il feroit sans doute un procès au Roi, ce qui embarrasseroit fort la Cour du Parlement, qui ne pourroit pas lui refuser justice, et de vous condamner à quitter les honneurs royaux, avec le nom de Maintenon, pour vous rejoindre avec votre premier mari et reprendre vos anciens titre et place, sous peine d’être punie comme d’un crime de malicieuse désertion. Cela arrivant, j’en serois au désespoir pour l’amour de vous, continua la Montespan, car vous êtes encore utile à la Cour, puisque vous rendez service à bien des personnes, à ce que je puis remarquer. Si cela pouvoit arriver, je vous assure que je ne parlerois jamais que vous avez été ma femme de chambre, pour ne pas causer du bruit dans votre ménage. — Je vous suis, repartit la Maintenon, fort obligée de toutes vos bontés et de toutes vos considérations ; je ne manquerai pas aussi de mon côté, lui dit-elle, aussitôt que je verrai monsieur le marquis de Montespan, de vous recommander, et l’assurer qu’à l’avenir vous voulez vivre d’une vie plus réglée que par le passé, et de l’exhorter à vouloir retirer une Madeleine repentante, lui faisant comprendre que mal aisément vous avez pu vous défendre des charmes du Prince, et je me garderai bien de l’instruire de tout ce qui se passe. Je vous ferai présent de quelque coussinet de senteur que j’apportai de Montpellier, pour cacher vos imperfections[17]. Je ne lui dirai pas aussi dans quel chagrin la Reine défunte est morte pour l’amour de vous ; je tâcherai, s’il m’est possible, de le désabuser des accusations dont l’on vous a chargée au sujet de la mort tragique de la pauvre mademoiselle de Fontange[18], que vous avez sacrifiée à vos passions ; et je ne doute pas après cela, continua-t-elle, que si vous voulez lui rendre les soumissions que doit une femme repentante, qu’il ne vous pardonne, car il est bon homme. Voilà, lui dit la Maintenon, tout ce que je puis faire pour vous.

— En voilà aussi, repartit madame de Montespan, plus que je ne vous en demande : l’on appelle cela des œuvres de superérogation. Si vous savez si bien prôner ces jeunes demoiselles que vous avez sous votre direction, elles sont dans une bonne école, et je crois que sous une si bonne maîtresse elles ne sont pas oisives, et que vous leur faites faire souvent l’exercice.— Elles le feroient encore mieux, repartit la Maintenon, si elles étoient à votre manége, car, comme vous avez souvent passé par les piques, je crois que vous ne les exerceriez pas mal. »

Comme cette conversation alloit dans l’excès, et que les parties commençoient à s’échauffer, les domestiques qui étoient dans la chambre voisine, voyant bien que les suites n’en pouvoient être que fâcheuses, s’avisèrent d’en aller avertir le capitaine qui avoit ce jour-là la garde chez le Roi[19], qui ne manqua pas de le faire savoir aussitôt à Sa Majesté, lequel commanda que le sieur de Serignan[20], aide-major, iroit porter les ordres de sa part à ces dames de se séparer, ce que ledit sieur fit sur-le-champ. Mais les ayant trouvées tout en feu et près d’en venir aux mains, il eut de la peine à les faire obéir, chacune voulant conter son affaire et faire sa cause bonne, suivant la coutume des femmes. Cette querelle donna lieu à toute la Cour, aux uns de s’en divertir, et aux autres de prendre parti.

Cette querelle, comme j’ai dit, ne fut pas bornée à ces deux amazones : presque toute la maison royale se divisa pour l’une ou l’autre de ces championnes. Ce fut une petite guerre civile dans le domestique, et, sur la sollicitation des uns et des autres, le Roi avoit de la peine à terminer ce différend au gré des parties. Il n’y eut pas jusqu’à la Société des Jésuites et à celle des Carmes qui ne s’en mêlassent, les uns pour madame de Maintenon, et les autres pour madame de Montespan. Peu s’en fallut que cette affaire ne causât un divorce dans l’Église aussi bien que dans la famille royale, ce qui obligea le Roi de la terminer promptement, et, par un jugement judicieux, leur défendre de se visiter jamais, écrire ni parler l’une de l’autre, sur peine de son indignation, ce qui fut approuvé par toute la Cour. Le Roi ne laissa pas de faire quelque réprimande à monseigneur le Dauphin, ce qui ne servit qu’à augmenter sa colère contre la Maintenon, et il jura que lorsqu’il seroit roi il la feroit enfermer entre quatre murailles ; que ni le Père La Chaise, ni Scarron même, s’il ressuscitoit, ne l’empêcheroient pas de la faire repentir de sa témérité et de l’abus qu’elle faisoit de l’autorité que la facilité du Roi lui a mise en main.

Je me persuade que cette guerre dureroit encore, si elle n’avoit pas été dissipée par une assez plaisante aventure qui arriva à monseigneur le Dauphin, qui divertit la Cour pendant quelques jours et tira le Roi de l’humeur chagrine où tous ces divorces l’avoient jeté ; la voici : Monseigneur ayant fait une partie de chasse pour le loup[21], il s’en alla à dix ou douze lieues de Versailles, accompagné de monsieur le Grand Prieur[22] et de diverses autres personnes de qualité, et des chasseurs ; ensuite Monseigneur, accompagné seulement du Grand Prieur, s’écarta dans un bois de sa compagnie, seul avec le Grand Prieur, soit à dessein ou par mégarde. La nuit les ayant surpris sans y songer, ils résolurent de la passer à la première maison qu’ils rencontreroient. Le sort voulut que ce fût une église avec une maisonnette de curé d’un village, à un quart de lieue de là, où ayant heurté, le prêtre ouvre, croyant que l’on le venoit appeler pour quelque malade. Il fut étonné de voir deux personnes à cheval, lui demandant à loger pour cette nuit-là. Comme il n’y avoit plus moyen de reculer, le curé, sans les connoître, leur offrit honnêtement ce qu’il avoit. Etant entrés et ayant mis leurs chevaux à couvert le mieux qui leur fut possible, comme la faim pressoit ces nouveaux hôtes, il leur offrit un membre de mouton qu’il avoit, par bonne fortune, gardé pour le lendemain, le mit à la broche, et lui à tourner. Cependant les hôtes ayant demandé du vin, Monsieur le curé protesta qu’il n’en avoit pas à la maison, mais que, si quelqu’un vouloit prendre sa place, il iroit au prochain village pour en acheter une bouteille : à quoi nos chasseurs furent de nécessité d’acquiescer, et, n’ayant pas de valet avec eux, le Grand Prieur se mit à faire son apprentissage de marmiton et à tourner la broche. Pendant que le curé étoit allé au village, nos deux hôtes s’entretenoient proche du feu. Monseigneur se ressouvint de leurs chevaux, qui n’avoient rien à manger, et dit au Grand Prieur qu’il falloit chercher un peu de foin ou de la paille au grenier pour donner à ces pauvres bêtes. « Ma foi, lui dit le Grand Prieur, je ne puis faire la fonction de palefrenier et de cuisinier tout à la fois ; choisissez, Monseigneur, l’un des deux, et moi je ferai l’autre. » Mais comme le Dauphin avoit ses grosses bottes et qu’il falloit grimper au grenier par une échelle, il aima mieux se mettre à la place du Grand Prieur, jugeant qu’il n’y avoit pas tant de risque et ne pouvant de là tomber de fort haut. Ainsi le Grand Prieur, ayant quitté le métier de marmiton et pris celui de palefrenier, monta au grenier, où il trouva quelque peu de foin et de paille pour satisfaire à la pressante faim de leurs chevaux, qui avoient couru tout le jour sans débrider. Dans cet intervalle, Monsieur le curé arriva avec la provision et tâcha de les régaler le mieux qu’il put, n’ayant pour tout dessert qu’un peu de vieilles noix et un morceau de fromage vieux au pied de messager. Mais tout est bon quand on a faim, la meilleure sauce que l’on puisse faire ne la valant pas. Après souper, Monsieur le curé, qui n’avoit pour tout ornement de chambre qu’un lit, le leur céda agréablement et alla coucher au prochain village, d’où il étoit venu, chez quelque paysan de ses amis, dans l’espérance de revoir ses hôtes le lendemain au matin. Mais, à la pointe du jour, la suite de monseigneur le Dauphin, qui le cherchoit partout, étant venue près de cette maison, donnèrent du cor, ce qui obligea le Grand Prieur de se faire voir à la fenêtre, et la compagnie ayant environné la maison, qui n’étoit pas assez grande pour en contenir la moitié, le Dauphin fut bientôt levé, et encore plus tôt habillé, sans aide d’aucun valet de chambre, et Monseigneur confessa n’avoir jamais été si promptement habillé, puisqu’ils couchèrent tout bottés. Ils ne tardèrent pas de monter à cheval et de s’en retourner à Versailles. Mais partant de la maisonnette, comme les grands seigneurs ne sont pas accoutumés de fermer les portes chez eux, ils partirent sans fermer celle du curé, qui arriva un peu après avec quelques bouteilles de vin pour faire déjeuner ses hôtes ; mais ne trouvant personne et les portes ouvertes, il crut avoir logé des larrons, qui n’auront pas manqué, disoit il à un paysan qu’il avoit amené, de prendre tous les ornements de l’église qui étoient dans la sacristie au côté de sa maison. Cela l’alarma tellement que quelques passants s’arrêtèrent et obligèrent le curé de voir ce qui lui manquoit ; mais après la recherche faite, trouvant que tout y étoit, il se prit à dire que, s’ils étoient des larrons, ils n’étoient pas des plus méchants, puisqu’ils ne lui avoient rien pris, et qu’il en avoit été quitte pour un gigot de mouton. « Il est vrai, dit le paysan, aussi il n’y avoit rien à craindre, car les bohêmes, qui sont les plus grands larrons, ont cette politique de ne dérober jamais où ils couchent, autrement personne ne les voudroit plus loger. » Aussitôt que Monseigneur fut de retour à la Cour, il y conta son aventure, et il fut curieux de faire informer de ce qui s’étoit passé lorsque Monsieur le curé revint à la maison, dont il avoit trouvé ses hôtes partis. L’ayant appris par un homme qu’il envoya sur le lieu, le Roi le sut, qui fut bien aise de s’en divertir avec toute sa Cour. Il envoya dire au curé de lui venir parler, ce qu’il fit le lendemain. Comme il n’étoit pas accoutumé de paroître devant de si grands seigneurs, c’étoit une espèce d’amende honorable pour lui. Le Roi lui dit qu’ayant entendu parler de sa probité et de sa piété, il étoit étonné qu’étant pasteur, il donnoit retraite la nuit à des larrons. Il protesta au Roi qu’il ne les connoissoit pas, et que quand il les avoit retirés il ne les avoit pas crus tels ; mais que du moins ils ne lui avoient rien pris. Le Roi lui demanda s’il les reconnoîtroit bien en cas qu’il les vît ; il répondit qu’il croyoit qu’oui. Le Roi donna ordre tout bas d’appeler Monseigneur et le Grand Prieur, et comme ce dernier vint un peu le premier, le curé, l’apercevant, se mit à crier : « Sire, en voilà un ! » Et le Dauphin venant ensuite, il s’écria derechef : « Sire, voilà l’autre ! » Le Roi lui dit : « Je vous ferai faire bonne justice, ne vous mettez pas en peine. » Mais comme le curé vit que toute la Cour portoit un grand respect à Monseigneur, qu’il n’avoit jamais vu et ne connoissoit que par ouï dire, ne s’étant jamais bougé de son village, il revint à lui, et, connoissant sa méprise, il demanda pardon de sa faute. Le Roi, qui est naturellement fort généreux, lui fit donner une pension de cinq cents écus par an pour passer sa vie à son aise et se ressouvenir d’avoir logé le Dauphin de France. « Allez, dit le Roi, logez toujours dans votre maison de tels larrons, et ressouvenez-vous de moi dans vos prières. » Je laisse à juger avec quelle joie monsieur le curé s’en retourna chez lui. Et cette aventure fut l’entretien de la Cour pendant un temps.

  1. La révocation de l’édit de Nantes n’est point, en effet, un acte isolé, mais le couronnement d’une série de mesures que l’on voit se succéder d’année en année, avec des rigueurs de plus en plus arbitraires, et dont l’acte de révocation n’est guère que le résumé. Ajoutons que la date des premiers édits est de beaucoup antérieure à l’époque où madame de Maintenon commença à exercer son influence sur le monarque.
  2. Entre autres documents intéressants sur la question des réfugiés protestants, nous signalerons, sans parler des histoires spéciales des réfugiés, les nombreuses pièces insérées dans les divers volumes du Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français ; de plus, dans la France protestante de MM. Haag, t. 7, part. 1re, le « Relevé général des persécutions exercées contre les protestants de France, depuis la révocation de l’édit de Nantes jusqu’à la révolution française » ; et enfin, à la Bibliothèque impériale, deux manuscrits : 1º Abjurations de l’hérésie faites en l’église de Saint-Eloi de Paris, 1668 (Barnab. 4) ; et 2º Registre de plus de mille cinq cents hérétiques convertis à Paris de 1675 à 1679, présenté au Roi par le P. Alexandre de Saint-Charles, no 6995.
  3. Le conseil de conscience examinoit et traitoit toutes les affaires qui, avant qu’il fût créé, étoient portées devant le secrétaire d’État pour les affaires ecclésiastiques ou le confesseur du Roi.
  4. Voy. ci-dessus, p. 137.
  5. Voy. ci-dessus, p. 138.
  6. Les honneurs changent les mœurs.
  7. Obédiente, terme formé sur le mot obédience. On appeloit obédience, chez les jésuites, auxquels on suppose ici que madame de Maintenon étoit affiliée, les ordres émanés d’un supérieur, et même les permissions qu’il accordoit.
  8. La princesse de Conti, Marie-Anne de Bourbon, étoit la fille légitimée de Louis XIV et de mademoiselle de La Vallière. Née en octobre 1666 (voy. t. 2, p. 46), elle épousa, en 1680, Louis-Armand de Bourbon, prince de Conti, fils d’Armand, prince de Conti, et d’Anne-Marie Martinozzi. Madame de Conti perdit son mari le 9 novembre 1685. Celui-ci étoit mort en disgrâce, et madame de Conti elle-même étoit mal vue de Louis XIV, à cause, dit Dangeau, d’une lettre qu’elle avoit écrite en l’absence de son mari (Journal, t. I, p. 221).
  9. Il s’agit ici du fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse ; le fils de ce premier dauphin porta ensuite le même titre. Sur ce titre de monseigneur appliqué au dauphin, voyez le commentaire de Saint-Simon sur le Journal de Dangeau, t. 1, p. 431 ; et sur l’anecdote elle-même, voyez Saint-Simon.
  10. Le passage compris entre crochets, nécessaire au sens, manque dans l’édition de 1754.
  11. Madame de Maintenon avoit alors cinquante ans, et non soixante.
  12. Voy. ci-dessus la note 127 de la page 157. Une Revue qui n’est pas suspecte d’être partiale en faveur de madame de Maintenon, le Bulletin de l’histoire du protestantisme françois, ôte à la marquise toute participation à la révocation de l’édit de Nantes et justifie presque Louis XIV lui-même. « Il est impossible, lit-on à la page 259 du Bulletin, 4e année, de chercher dans le fanatisme du Roi et de son entourage l’explication de l’acte de ce règne qui devoit avoir les plus longues et les plus déplorables conséquences. Madame de Maintenon n’y eut aucune part. C’est alors que le Roi n’a que vingt-quatre ans, en 1662, que commence la série des lois oppressives contre les protestants ; c’est en 1669, six ans avant que madame de Maintenon ait des relations suivies avec Louis XIV, qu’une loi dérisoire veut bien défendre qu’on enlève les enfants de la R. P. R., et qu’on les induise à faire aucune déclaration de changement de religion avant l’âge de quatorze ans accomplis pour les mâles, et de douze ans pour les femelles. » Tout ce que l’on peut reprocher à madame de Maintenon sur ce triste sujet, c’est d’avoir partagé l’erreur commune et d’avoir cru qu’une mesure de violence pouvoit être utile à la cause du christianisme. » (Ibid., p. 265-267.)
  13. Ce mot quiproquo s’est dit d’abord exclusivement des erreurs des apothicaires, puis de celles des notaires ; enfin ce mot est devenu un terme général qui s’applique à toutes sortes de méprises.
  14. On dit encore un coq-à-l’âne pour un propos interrompu et sans suite ni liaison.
  15. Les huguenots et les catholiques vivant alors dans une parfaite égalité, et, en ce qui touche les gens de lettres, étant également admis à l’Académie françoise, toute fondée qu’elle avoit été par un cardinal, y a-t-il donc lieu d’être surpris que Scarron fût visité par des protestants ? Entre ses amis, Conrart, protestant zélé, comptoit Godeau, l’évêque de Grasse, et Arnault, évêque d’Angers, ce dernier d’une famille où l’on n’est pas suspect de relâchement et de tiédeur en matière de foi.
  16. On ne trouve nulle trace ailleurs de ces sortes de calomnies.
  17. Les parfums de Montpellier avoient alors la vogue. Dans le Traité des parfums publié en 1693 par Simon Barbe (1 vol. in-12), sous ce titre : « Le Parfumeur françois, qui enseigne toutes les manières de tirer les odeurs des fleurs et à faire toutes sortes de parfums », on trouve, p. 11, « la manière de parfumer la poudre de cypre comme à Montpellier », et, p. 85, la recette pour les « toilettes de senteur de Montpellier. »
  18. Nous avons cité plus haut, p. 58, une lettre où Louis XIV défend de faire des recherches qui auroient pu confirmer les bruits, déjà répandus, au sujet de la mort de mademoiselle de Fontanges.
  19. Le capitaine des gardes du corps. Il y avoit quatre compagnies, commandées chacune par un capitaine. Le capitaine des gardes est toujours « proche de la personne du Roy, quelque part qu’il aille, à table, à cheval, en carrosse, et partout ailleurs, sans que qui que ce soit doive se mettre ni passer entre lui et le Roy, afin que rien ne l’empêche d’avoir toujours sa vue sur la personne de Sa Majesté… Le capitaine des gardes qui est en quartier est toujours logé au Louvre et assez proche de la chambre du Roy. » (États de la France.)
  20. M. de Serignan, aide-major des gardes du corps, fut nommé depuis, en mars 1693, brigadier de cavalerie.
  21. Monseigneur étoit passionné pour la chasse, et surtout pour la chasse au loup. Le Journal de Dangeau, à la date du 15 juin 1686 (tome 1, page 349), nous fournit à ce sujet une particularité curieuse : « Monseigneur ordonna que tous les gens qui le voudroient suivre à la chasse du loup fussent vêtus de la même manière ; il veut qu’ils aient tous des habits de drap vert avec du galon d’or. » Et les éditeurs ajoutent cette note, que nous croyons devoir reproduire : « Ce galon prit le nom de galon du loup. Les uns ont mis sur leurs habits un passe-poil d’un petit galon léger en double, ou bien un galon tout plat fort léger, qui est fait d’un cordonnet d’argent avec deux lames au bord. On l’a nommé d’abord galon de paille, puis galon du loup, à cause qu’on en voyoit sur les habits de ceux qui alloient à cette sorte de chasse avec monseigneur le Dauphin. Il est devenu si commun qu’il a été ordonné à tous ceux qui ont l’honneur de l’accompagner quand il va prendre ce divertissement de mettre ce galon sur du drap de Hollande vert, de sorte que ce prince y a déjà été plusieurs fois à la tête de trente personnes vêtues de ce justaucorps. » (Cf. Mercure de juin 1686.)
  22. L’ordre de Malte étoit divisé en huit langues, dont la France avoit les trois premières : Provence, Auvergne et France. La langue de Provence avoit deux grands prieurs, la langue d’Auvergne un seul, et la langue de France trois, dont l’un étoit particulièrement appelé le grand prieur de France. Cette dignité étoit alors occupée par Philippe de Vendôme.