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Histoire anonyme de la première croisade/Appendice

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Traduction par Louis Bréhier.
Texte établi par Louis BréhierHonoré Champion (p. 221-223).

APPENDICE[1]


Description de la ville d’Antioche.

Cette ville d’Antioche est magnifique et grandiose, car, à l’intérieur de ses remparts, sont quatre montagnes énormes et très élevées[2]. Sur la plus haute est un château bien construit, remarquable et fort[3]. En bas s’étend la cité magnifique et agréable, ornée de toute espèce de beautés, car elle possède de nombreuses églises, au nombre de trois cents, et elle contient soixante monastères. Le patriarche tient sous sa domination cent cinquante-trois évêques[4].

La cité est close de deux murailles : la plus grande est très haute, merveilleusement large et construite en bel appareil : quatre cent cinquante tours y sont disposées[5] et à tout point de vue la cité est belle. À l’est, elle est bornée par quatre grandes montagnes ; à l’ouest, près des murs, coule un fleuve appelé Farfar[6]. Cette cité a une grande renommée, car elle fut constituée d’abord par soixante-quinze rois[7], dont le premier fut Antiochus, d’où vient son nom d’Antioche[8]. Les Francs tinrent cette cité assiégée pendant huit mois et un jour[9], puis ils y furent, à leur tour, assiégés pendant trois semaines par les Turcs[10] et autres païens, dont le nombre était tel qu’il n’y eut jamais une si grande réunion d’hommes, chrétiens ou païens. Cependant, avec l’aide de Dieu et du Saint-Sépulcre, ils furent vaincus par les chrétiens, et nous nous reposâmes dans la joie et l’allégresse pendant cinq mois et huit jours[11].


  1. Nous rappelons que nous avons renvoyé en appendice ce passage interpolé dans les manuscrits entre les chapitres xxxi et xxxiii. Voir plus haut, p. 170.
  2. Ce sont les quatre éperons formés par le mont Cassius, le Silpius, l’Orocassias et le Phrynimus au sud de la ville.
  3. La citadelle d’Antioche, située à l’endroit le plus élevé de l’enceinte.
  4. Ce chiffre correspond à celui de la Notice du patriarche Anastase, composée dans la deuxième moitié du vie siècle, époque de la prospérité du patriarcat. Au xe siècle, le nombre des évêchés melkites suffragants est évalué à soixante-dix environ, et il devait être encore moindre en 1098. Voir S. Vailhé, dans les Échos d’Orient, t. X (1907), et dans le Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, publ. par Baudrillart, Vogt et Rouziès, t. I, col. 581-612, article : Antioche (1922).
  5. Cette enceinte avait été reconstruite par Justinien après la prise de la ville par Chosroès en 540 (Diehl, Justinien et la civilisation byzantine, 1901, p. 581-583).
  6. Nom donné à l’Oronte à cette époque.
  7. La liste entièrement fabuleuse de ces rois est donnée par Tudebode, p. 89.
  8. En fait, la ville fut fondée en 300 av. J.-C. par Séleucus Nicator, qui l’appela Antioche en l’honneur de son père Antiochus. Le fils de Séleucus, Antiochus Ier, qui lui succéda en 280, en fit sa capitale.
  9. Du 21 octobre 1097 au 3 juin 1098, ce qui fait sept mois et quinze jours.
  10. Du 5 au 28 juin 1098, soit vingt-trois jours.
  11. Du 28 juin au 23 novembre 1098 (date à laquelle Raimond de Saint-Gilles quitte Antioche) (cinq mois moins cinq jours). Ces détails chronologiques prouvent que ce morceau a été écrit bien après le départ des croisés d’Antioche. Voir p. 170, n. b.