Histoire de Charles XII/Édition Garnier/Avertissement de Beuchot

La bibliothèque libre.
Histoire de Charles XIIGarniertome 16 (p. 119-121).


AVERTISSEMENT
DE BEUCHOT.

L’Histoire de Charles XII, écrite en 1727 et 1728, fut imprimée pour la première fois en 1731, deux volumes in-12. L’auteur la retoucha à différentes époques, comme il le dit dans la Préface, page 128, et dans sa note, page 226.

Dans la première édition, Voltaire accusait les Hambourgeois (voyez page 311) d’avoir acheté à prix d’argent la perte d’Altena, et d’avoir refusé asile à ses malheureux habitants. Un anonyme combattit cette opinion dans le tome IX de la Bibliothèque raisonnée, page 469. Voltaire n’eut que longtemps après connaissance de cet article. Convaincu par les raisons que donnait l’anonyme, il se rétracta. Cette rétractation est le sujet de la Lettre sur l’incendie d’Altena, imprimée dans les Mélanges à la date de 1732.

La Motraye, qui, pendant le séjour à Bender, avait été attaché à Charles XII, publia, sous la forme d’une lettre à M. de Voltaire, des Remarques historiques et critiques sur l’Histoire de Charles XII, 1732, in-12. Voltaire, l’année suivante, fit imprimer les Remarques à la suite d’une nouvelle édition de son ouvrage, et les accompagna de notes qui jusqu’à ce jour n’ont été données dans aucune édition des Œuvres de Voltaire. On trouvera ces notes, au nombre de soixante-six, à la fin du présent ouvrage, précédées, chacune, du passage de La Motraye nécessaire pour son intelligence.

Les Remarques d’un seigneur polonais sur l’Histoire de Charles XII par M. de Voltaire parurent en 1741, un volume petit in-8°. Voltaire en parle, dans sa préface, page 129, et dans une note, page 256. Il avait fait son profit de celles qu’il croyait justes et importantes. J’ai rapporté une partie des autres en notes dans le courant du volume.

Les Réflexions sur les talents militaires et sur le caractère de Charles XII, roi de Suède, par Frédéric II, roi de Prusse, imprimées en 1760 à douze exemplaires, et faisant partie du tome IV des Œuvres du monarque prussien, n’ont aucun trait à l’ouvrage de Voltaire, qui n’y est pas nommé une seule fois.

Le P. Barre, chanoine de Sainte-Geneviève, est fréquemment cité dans les notes des deux premiers livres. Quoique Voltaire s’explique clairement à cet égard dans l’Autre Avis, page 144, et encore dans la XIXe des ' Honnêtetés littéraires (voyez les Mélanges, année 1767), on ne saurait trop répéter que le génovéfain ne publia qu’en 1748 son Histoire de l’empire d’Allemagne en onze volumes in-4°, dans lesquels il reproduisit, textuellement et sans citation, plusieurs passages de l’Histoire de Charles XII, publiée dès 1731, et que ce fut Voltaire qui fut traité de plagiaire.

Je possède un exemplaire des Œuvres de Voltaire (Dresde, 1748-54) qui paraît avoir été destiné à une réimpression, puisque plusieurs volumes contiennent des corrections de la main de Longchamp, valet de chambre et secrétaire de Voltaire, que je n’ai trouvées que dans l’édition de 1751[1] ; encore y en avait-il une qui avait été omise ; mais, quoique admises dans l’édition de 1751, ces corrections n’ont point passé dans les éditions suivantes. Cependant elles étaient toutes justes, et quelques-unes très-importantes[2]. Aussi n’ai-je pas hésité à les admettre. Leur authenticité m’a paru suffisamment établie par la copie que j’en possède de la main de Longchamp, et par leur existence dans l’édition de 1731.

Je n’en puis dire autant pour les deux corrections que je me suis permis de faire aux pages 131 et 244, n’ayant l’autorité d’aucune édition ni d’aucun manuscrit ; j’ai donné en note mes raisons, qu’on rejettera si on ne les trouve pas fondées.

J’étais fort embarrassé sur la manière d’écrire les noms propres. Il n’est pas toujours possible de concilier l’exactitude avec le système de Voltaire, qu’il me fallait respecter. J’ai eu recours à l’obligeance de M. Eyriès, à qui les langues et l’histoire du Nord sont familières. C’est d’après ses avis que j’ai écrit Dahlberg, Rehnskold, etc., au lieu de d’Alberg, Renschild, etc. Mais quelque bons que fussent ses conseils, je ne les ai pas toujours suivis. Voltaire s’est prononcé trop formellement[3] contre l’emploi des W en français pour qu’il me fût possible d’écrire Lewenhaupt et Wallenstein. J’ai donc laissé Levenhaupt et Valstein. Ce dernier mot, au reste, est admis par d’autres écrivains français[4]. Voltaire toutefois a écrit, ou du moins laissé imprimer Wratislau et Alexiowitz.

Quant à Sheremetof, voyez, sur les différentes manières d’écrire ce nom, la note de Voltaire au chapitre VIII de la première partie de son Histoire de Russie.

Malgré tout mon désir, je ne me dissimule pas l’impossibilité, dans l’impression d’un auteur tel que Voltaire, d’écrire toujours le même nom de la même manière.

Voltaire avait publié, en 1744, une Lettre à M. Nordberg, in-8° de 16 pages. En 1750 il fit imprimer, dans le même volume qu’Oreste, une Lettre au maréchal de Schulenbourg, datée du 15 septembre 1740. Ce n’est qu’en 1752 que ces deux lettres ont été imprimées avec l’Histoire de Charles XII, et on les y a toujours laissées depuis lors. Aucune des éditions des Œuvres de Voltaire, données de son vivant, ne contenant sa correspondance, on pouvait placer à peu près où l’on voulait le petit nombre de ses lettres qu’on imprimait. Mais en donnant sa correspondance il fallait y rassembler autant que possible toutes ses lettres. C’est ce que j’ai fait pour les deux dont je viens de parler, ainsi que pour beaucoup d’autres, qui seront mises à leurs dates dans la Correspondance.

Les notes signées d’un P sont du comte Poniatowski, auteur des Remarques d’un seigneur polonais, publiées en 1741.

Paris, 1er décembre 1820.

B.

  1. Et dans une édition séparée de l’Histoire de Charles XII, 1764, petit in-12.
  2. Il suffira d’en indiquer deux : page 254 ou trouvera « Mais les Moscovites se présentaient », mots nécessaires pour le sens, et qui sont omis depuis 1751 ; page 274, on verra « les Grecs », au lieu de « ses gens ».
  3. Voyez l’article Orthographe dans le Dictionnaire philosophique.
  4. On trouve dans les Œuvres de J.-F. Sarrasin, auteur du XVIIe siècle, l’histoire de la Conspiration de Valstein. M. B. Constant a donné, en 1809, Walstein, tragédie.