Histoire de France (Jules Michelet)/édition 1893/Henri IV/Chapitre 18

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Œuvres complètes de J. Michelet
(Histoire de Francep. 279-280).

CHAPITRE XVIII

Conspiration de Biron. (1601-1602.)


Peu de temps après cette guerre foudroyante de Savoie, qui avertit si bien l’Europe de la résurrection de la France, le roi montrait à Biron une statue où on l’avait fait en dieu Mars et couronné de lauriers. Il lui dit malignement : « Cousin, que pensez-vous que dirait mon frère d’Espagne s’il me voyait de la sorte ? — Lui ! il ne vous craindrait guère ! »

Voilà comme on le traitait. Sa puissance si bien prouvée, sa renommée militaire, tant de vigueur, tant d’esprit, tout cela n’empêchait pas qu’on ne le traitât lestement, sans ménagement, avec une légèreté bien près du mépris. Lui-même il en était cause. Personne n’avait moins de tenue. Sa camaraderie étrange avec Bellegarde, Bassompierre, les jeunes gens qui riaient de lui et qui lui soufflaient ses maîtresses, semblait d’une débonnaireté plus qu’humaine. On le trompait, on s’en moquait, et il n’en faisait pas plus mauvaise mine. Il se faisait lire les libelles, allait voir les farces où on le jouait, et riait plus que personne. Sa première femme, Marguerite, avait illustré sa patience. La seconde, Marie de Médicis, fut maîtresse dès le premier jour, signifiant qu’elle garderait et ses cavaliers servants et sa noire entremetteuse.

L’inconsistance du roi dans la vie privée était excessive, il faut l’avouer.

Pendant que la reine voyageait lentement de Lyon à Paris, il était auprès d’Henriette à Verneuil, où elle le reçut dans son nouveau marquisat. La vive et charmante Française, gagnant par la comparaison avec la grosse sotte Allemande, le ressaisit à ce point que le capucin, agent d’Henriette, fut enfin envoyé à Rome avec la lettre de créance que le roi lui avait donnée. Il devait voir les cardinaux, montrer l’engagement du roi avec elle et tâter si l’on ne pourrait obtenir un second divorce. Ce pauvre homme, qui n’était autorisé que du roi et non des ministres, fut reçu par notre agent, le cardinal d’Ossat, avec mépris, avec haine et sans ménagement. Rome entière fut contre lui ; à grand’peine il put revenir en France. On voulait le retenir dans un couvent de son ordre, le murer jusqu’à la mort dans un in pace d’Italie.

Le roi semble l’avoir oublié. On lui avait fait entendre qu’il ne pouvait renvoyer Marie sans motif spécieux, ni surtout sans rendre la dot. D’ailleurs, elle arrivait grosse. Les ministres étaient pour elle, pour un Dauphin qui allait simplifier la succession, assurer la paix, écarter toute chance de guerre civile. Mais il fallait un Dauphin ; malheur à elle si elle eût eu une


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