Histoire de Jonvelle/Troisième époque/Chapitre V-2

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§ II. — Séjour de Gallass en Franche-Comté

Gallass arrive sur la Saône - Jussey saccagé par Turenne - Excès des impériaux - Camp de Champlitte - Conseil de guerre sur le mont de Morey Déroute de Gallass en Bourgogne - Il reprend aux Suédois Jussey et Jonvelle - Son départ, après les conférences de Colombier et de Charriez.

(1er septembre 1636 au 21 janvier 1637)

Pendant que le duc de Lorraine faisait lever le siège de Dole, la cour d’Allemagne nous préparait une autre armée, que le parlement avait sollicitée dès le commencement du siège, et que l’on fit partir enfin, à titre de secours généreux en apparence, mais en réalité dans une politique tout intéressée. L’empereur Ferdinand II, d’un âge avancé, voulait, avant sa mort, faire couronner roi des Romains son fils aîné, déjà roi de Hongrie[1]. Mais pour tenir avec succès la diète convoquée dans ce but à Ratisbonne, il fallait éloigner le maréchal de la Force, Weymar et le cardinal de la Valette. On ne vit point de moyen plus efficace que de lancer Gallass[2] contre la France, par la Franche-Comté[3]. Or, son armée, qu’on nous envoyait pour nous défendre, ne servit qu’à nous ramener sur les bras les armées suédoise et française, et fut elle-même pour notre pays le plus horrible des fléaux.

Le baron de Savoyeux[4], colonel de cavalerie dans l’armée impériale, et le baron de Scey-Bauffremont avaient été députés en dernier lieu auprès de Gallass, à son camp de Spire (fin d’août), pour négocier cette importante intervention, de laquelle nous devions naturellement attendre notre salut. Mais le feld-général, avec ses principaux officiers, voulait traverser la province dans sa longueur, pour couvrir le bailliage d’Aval, seul en danger, disait-il, les attaques des ennemis sur le bailliage d’Amont n’étant qu’une diversion peu inquiétante. Pour obtenir qu’il marchât sur la France par le chemin le plus court, il fallut lui promettre dix mille écus et deux chevaux, de plus mille écus à Colloredo, son maréchal de camp, et cent pistoles à son quartier-maître[5]. Le colonel de Marmier-Sallenoue fournit les chevaux promis, au prix de cent cinquante pistoles chacun. Toutefois, à cause des montagnes, Gallass repoussa la proposition de passer par le col de Bussang, ensuite par Faucogney ou Remiremont, d’où il serait arrivé en un jour ou deux sur le Bassigny, par les ponts de Corre et de Jonvelle[6]. Parti de Brisach sur la fin d’août, et prenant la direction de Mulhouse, il tourna Belfort et Héricourt[7], et vint camper à l’Isle le 4 septembre, à Montjustin le 7, à Saulx le 9, à Conflandey le 12. Ici se trouvait le meilleur pont de la Saône supérieure[8]. Pour le guider à travers le pays et surtout pour lui suggérer les conseils favorables, la cour lui avait donné le baron de Scey, qu’il tenait en estime et en affection, pour avoir été page de son parent le baron de Bauffremont, chambellan du duc de Lorraine[9]. Jean Bresson, de Jonvelle, avait été attaché à l’armée pour la munitionner de vivres. Cette armée, tant cavalerie qu’infanterie, se montait à vingt-cinq mille hommes environ, Allemands, Hongrois et Croates, traînant avec eux un bagage immense et une multitude de valets, de vivandiers et de femmes, une fois plus nombreuse que les soldats effectifs[10]. Beaucoup de ces femmes étaient instruites au maniement des armes et figuraient dans les régiments[11]. Sous les ordres de Gallass servaient les colonels Mansfeld, Butler et Gœutz, le prince de Florence, de la maison de Médicis, Edouard de Bragance, prince de Bergame, de la maison de Portugal et de Castille, Vermerade, commissaire général des munitions, le baron d’ Ingfort, gouverneur de Ratisbonne, favori de Gallass et l’un de ses sergents de bataille, le marquis de Bassompierre, le comte de Colloredo et le marquis de Grane, hommes influents du conseil, le baron de Neustein, enfin la fleur des officiers impériaux[12]. Il n’avait avec lui que du demi-canon : les marquis de Grane et de Calaffe et François de Carretto le suivaient, à quinze journées d’étape, avec la grosse artillerie, escortée de deux mille cinq cents fantassins et d’autant de chevaux. A l’étape de Conflandey, Gallass avait d’abord établi son quartier général à Purgerot ; puis il le reporta le lendemain à Chaux. Les tentes alignées comme des rues et en arrière les bagages, couvraient toute la plaine qui se développe entre Port-sur-Saône, Amance et Faverney. En outre, l’armée occupait Lambrey, Arbecey, Fouchécourt, Gevigney, Mercey, Aboncourt, Gesincourt, Bougnon, Amoncourt, Fleurey, Villers, Gratery et plusieurs autres villages, tous envahis par la contagion[13].

L’empereur avait bien calculé. Aussitôt que son feld-général eut pris le chemin de la Franche-Comté, Weymar et la Valette le suivirent, en côtoyant la province, par une marche collatérale, et vinrent couvrir la France, dans le Bassigny et le Langrois. Pendant que l’armée impériale était sur la Saône, le duc de Saxe attaqua Champlitte, et, d’un autre côté, le cardinal jeta sur Jussey le vicomte de Turenne, son maître de camp, avec 1, 500 chevaux, 1,500 hommes de pied et trois canons. La ville, qui comptait quatre cents feux avant les malheurs de cette guerre, n’était alors protégée que par la compagnie du jeune Gaucher, forte de quatre-vingts maîtres. Trois jours auparavant, celui-ci avait provoqué l’ennemi par une course sur Blondefontaine, où il avait enlevé un quartier de l’armée française, tué soixante hommes et fait quelques prisonniers, qui lui révélèrent l’état et la position des forces ennemies. Puis il avait mis le feu au pays et mandé ces renseignements à Gallass, encore à Saulx. Turenne venait donc rendre la pareille, en attaquant Jussey. Du Magny escarmoucha contre les Français et leur tint tête jusqu’à midi, en leur tuant un cornette, avec perte de trois hommes seulement. Telle est du moins la narration du capitaine, qui était un brave soldat, mais assez fanfaron, comme on le voit par ses lettres. Enfin la supériorité du nombre le contraignit à la retraite, et Turenne entra, le fer et la flamme à la main, dans Jussey et Cemboing, qui furent mis à sac. La plupart des habitants avaient fui dans les bois : ce qui resta fut passé par les armes, au nombre de quatre-vingts personnes, ou demeura prisonnier (12 septembre)[14]. A la nouvelle de ce coup de main, Rantzau, maréchal de camp du prince de Condé, fut immédiatement dépêché pour soutenir le vicomte dans sa position conquise[15], et Gaucher, retiré sur la rive gauche de la Saône, mais toujours harcelant l’ennemi, perdit encore vingt-sept de ses cavaliers, sans aucune utilité.

A cette date, Fauquier d’Aboncourt était depuis trois ou quatre mois sorti des prisons de Dole, entièrement lavé, aux yeux du moins de la justice humaine, de l’accusation capitale portée contre lui au mois d’avril précédent. Dans le cours de l’été, il avait levé deux compagnies de cavalerie légère, dont l’une, sous le commandement du sieur de Chauvirey, son fils, occupait Richecourt. Avec la sienne, complétée à quatre-vingts maîtres, il occupait Chauvirey, et se trouvait investi, comme auparavant, de la confiance du parlement et des fonctions de gouverneur de Jonvelle[16]. Mais nul document ne nous dit quelle part il prit à la défense du pays contre l’invasion de Turenne.

Gallass apprit cette insolence de l’ennemi en son quartier général de Purgerot, et fit aussitôt commandement à Lamboy de s’avancer pour le rejoindre. Celui-ci, après la retraite des Français devant Dole, avait suivi le duc de Lorraine au siège de Verdun-sur-Saône ; mais dès la fin d’août, sur les ordres exprès du général, il avait quitté l’opération et remonté la Saône, pour se tenir prêt à rejoindre son chef, qui voulait avoir toutes ses forces réunies avant de s’attaquer à la France. De toutes les troupes impériales, nulle autre ne sévit sur notre province avec autant de brigandage et de cruautés que celle du sergent de bataille[17]. Il était à Soing quand il reçut les derniers ordres de Gallass (13 septembre). Il ordonne aussitôt le boute-selle, s’avance par Pontcey et Scey-sur-Saône et arrive au camp d’Arbecey (15 septembre). Le lendemain il marche droit à Jussey ; mais déjà Turenne et Rantzau n’y étaient plus, ayant été mis en retraite par le bruit de son approche et par le voisinage de l’armée impériale.

Sur ces entrefaites, le baron de Scey réussit à ménager une réconciliation, de laquelle il espéra merveille pour le succès de la campagne. Le prince de Lorraine gardait une grosse colère contre Gallass, depuis que Lamboy, quittant le duc devant Verdun, par les ordres de son chef, avait fait échouer l’opération commencée contre cette place. Bauffremont fut assez heureux pour les rapprocher. « A cest effect, écrit-il au parlement, ils choisirent ma maison de Scey, et sambady (13 septembre), Son Altesse de Lorraine, M. le comte de Gallass, le prince de Florence, le prince de Bergame et quantité d’aultres princes et seigneurs, me firent l’honneur de venir disner à mon chasteau, où je les receus le mieux qu’il me fust possible. L’entrevue ne se passa pas sans boire plus que l’on n’eust pas faict si la compagnie ne l’eust bien mérité. Mais, du reste, tout alla si bien, que la bonne intelligence en a esté rétablie. Son Altesse de Lorraine s’en retourna content et M. le comte Gallass aussi. » En effet, le surlendemain, l’armée de Conflandey acheva de passer la Saône, par le pont de ce village et par celui de Port. Prenant ensuite la triple direction de Chargey, de Purgerot et d’Aboncourt, elle vint faire halte dans la plaine qui s’étend d’Arbecey à Combeaufontaine, pendant que derrière elle son immense attirail de gens, de bestiaux, de chariots et de bagages, gravissait péniblement les rudes chemins de la montagne[18].

Quoique munitionnés de viande comme d’autres vivres par le commissaire Bresson, les impériaux chassaient devant eux des troupeaux entiers de bœufs, de vaches et de moutons, enlevés de toutes parts. Fuyant leur approche, les habitants de ces rives de la Saône s’étaient réfugiés, avec leur bétail, comme leurs prédécesseurs et leurs ancêtres de tous les âges, au sein des profondes forêts qui couvrent les plateaux et les versants, sur les territoires de Chargey, Purgerot, Port-sur-Saône, Arbecey, Combeaufontaine et Scey-sur-Saône. Mais cet asile était trop voisin cette fois des marches et des stations allemandes, pour ne pas être violé : aussi les malheureux paysans, traqués de toutes parts, éprouvèrent-ils les rapines et les cruautés commises partout sur le passage de ces gendarmeries étrangères. Jusque là cependant, Bauffremont, Jean Clerc et Bresson, de bonne foi sans doute, ou du moins sans trop mentir, avaient pu vanter la discipline que Gallass maintenait de son mieux dans une multitude composée d’éléments si divers et si difficiles[19]. Mais il ne fut pas longtemps maître de contenir son monde, dans cette conduite de ménagements que le roi de Hongrie et le cardinal infant lui avaient si expressément prescrite en faveur de la province : dès son arrivée sur la Saône, tout le pays traversé ne fut plus qu’une libre curée pour cette immense multitude. Il n’en pouvait pas être autrement avec une armée sans solde, avec des gens que la seule avidité du butin attirait et retenait sous les enseignes. En effet, les souverains allemands n’ayant pas moyen de payer des armées si nombreuses, leur entretien se prenait en campagne, sur le territoire ami comme sur celui des ennemis. Pour trouver des vivres, la soldatesque courait donc le pays par grosses parties commandées, enlevant de gré ou de force tout ce qu’elles trouvaient à leur convenance, brûlant les villages et les petites villes qui résistaient, traquant les bois, forçant les châteaux et les maisons fortes, mettant les habitants à la torture, soit pour leur extorquer des rançons, s’ils étaient de condition aisée, soit pour obtenir la révélation des richesses cachées, s’ils n’étaient que de pauvres misérables. Le profit de ces rapines maraudeuses était apporté aux chefs, qui en laissaient une partie au menu soldat, et gardaient le reste pour fournir à leurs tables somptueuses, à leurs habits luxueux, à leurs magnifiques équipages[20]. Dès le 6 septembre, la cour de Dole était informée des excès commis par les alliés, qui, parcourant nos contrées en bandes de trente, quarante ou cinquante, pillaient, brûlaient, tuaient, violaient, comme ils eussent fait en pays ennemi[21]. Il est vrai, le fournisseur Bresson ne leur faisait pas défaut[22] ; mais ce qu’il fallait acheter leur était vendu à un prix exorbitant, qui les poussait naturellement aux violences et qui semblait les y autoriser, tellement que la cour fut obligée de pourvoir à une taxe plus raisonnable[23]. Elle gémissait d’ailleurs avec le pays sur les déportements des étrangers, s’apitoyait timidement sur le sort des victimes, hasardait même d’humbles remontrances et supplications à Gallass ; mais ses lettres au roi de Hongrie ou à l’infant ne renfermaient que des éloges au sujet du général ; tant on craignait de blesser et de mécontenter ceux en qui reposait tout l’espoir de la patrie[24]. Plus tard, l’excès du mal fit bien jeter les hauts cris auprès des souverains, mais il n’était plus temps : le pays était ruiné ; et ce qu’il y eut de plus navrant, les alliés, auteurs principaux de cette désolation, finirent par avoir pour complices les gendarmeries mêmes de la province.

Quoi qu’il en soit, les brigandages des auxiliaires attirèrent bientôt, comme on devait s’y attendre, les plus rudes représailles de la part des Comtois irrités et poussés au désespoir. Gallass se plaignit à la cour, au nom de ses officiers, que les gens de leur suite étaient partout attaqués, maltraités, assommés par les paysans. Un Croate avait été enterré tout vif, dans les environs de Lavigney[25]. Pour empêcher ces cruautés des paysans sur les étrangers, dont ils autorisaient et provoquaient ainsi les sévices envers eux-mêmes, le parlement proposa de les ranger sous un chef, dans chaque village, avec défense de porter les armes et de sortir sans son ordre[26]. Mais ce projet n’eut pas de suite.

Cependant l’armée impériale, continuant sa marche, alla camper autour de Lavigney, où Gallass avait couché l’avant-veille, avec l’avant-garde et l’état-major. De Lavigney, faisant une pointe sur la France, il était tombé comme la foudre sur le bourg de Fayl-Billot, qui éprouva toutes les horreurs d’une ville prise d’assaut (14 septembre) [27]. Les autres villages de cette lisière française n’ eurent pas un meilleur sort. La Valette crut bien rendre la pareille aux Comtois par la surprise de Champlitte, qu’il fit attaquer le jour même du sac de Fayl. Mais la place tint bon, quoique dépourvue de garnison[28], et sa résistance donna le temps aux impériaux de tourner ou de franchir la montagne de Morey, et d’arriver par Farincourt, par Fouvent et Roche, par tous les passages, devant la place assiégée (16 septembre). A son approche, les Français levèrent le siège en toute hâte et se replièrent vers Langres. A la date du 17, Gallass avait son quartier général aux Augustins de Champlitte. L’armée entière, qui se montait à 30,000 combattants, moins quelques contingents encore en arrière, occupait tout le pays comtois, de Jussey à Gray, et la frontière du Langrois, de l’Amance à la Vingeanne[29]. Le duc Charles s’était logé à Montureux, avec ses Lorrains. Dans son quartier se trouvait le jeune Bresson, à la tête de cinquante maîtres. Lamboy n’avait pas quitté Jussey. La position avancée du feld-général était magnifique, tandis que les généraux ennemis, qui auraient dû le prévenir, se voyaient acculés contre Langres et Dijon et réduits à la défensive, sans pouvoir empêcher le territoire français de souffrir tous les malheurs de la guerre, autant de la part de ses propres armées que de celles de la Comté ; car les Suédois traitaient le Bassigny comme les impériaux notre province. Or, une situation aussi défavorable, qui tenait la France ouverte à l’invasion la plus formidable, était la faute du prince de Condé, que le duc Bernard et le cardinal avaient attendu deux jours à Langres (7 au 9 septembre), pour y tenir conseil de guerre avec lui. Aussi Weymar disait-il dans son impatience : « Le temps que nous perdons ici coûte au roi plus de cent mille écus par jour. » En effet, ces retards, donnant l’avance à Gallass, lui avaient permis de saisir le terrain que l’on se proposait d’occuper, et par suite les forces françaises étaient rejetées sur la ligne de Fontaine-Française, Montsaujon, Coiffy, Laferté et Bourbonne[30].

Lamboy, posté à Jussey avec quatre mille chevaux, couvrait cette frontière et poussait des courses en France, avec une audace et un acharnement inouïs. Dès les premiers jours, il surprit le château de Pressigny, où se trouvaient abritées en abondance des munitions de guerre et de bouche, qui furent vendues aux Comtois. Ensuite, Forkatz l’ayant joint avec ses Croates, et Clinchamp avec un escadron lorrain, ils rançonnèrent ensemble et brûlèrent tout le Bassigny, jusqu’aux portes de Langres, à la barbe de la Valette[31]. Mais au retour de ces expéditions, ou dans les cas d’insuccès, les villages de la {{noir|__PAGESEPARATOR__prévôté}} de Jussey et même de la terre de Jonvelle, voyaient revenir sur eux ces magnanimes alliés. Du Magny, rejeté à Cendrecourt depuis le sac de Jussey et l’arrivée de Lamboy, avait assez à faire de garder la rive gauche de la Saône de leurs sinistres visites. Dans les premiers jours d’octobre, il eut à repousser cent Allemands ou Croates, qui avaient passé la rivière à la nage, devant le bois de Jussey. Ils entraînaient avec eux un grand nombre de femmes et de filles, qu’ils avaient surprises dans ce refuge, et quantité de chevaux enlevés aux paysans. Gaucher eut le bonheur d’arracher aux brigands leurs prisonnières et leur butin, et de les refouler sur leurs quartiers. En écrivant cet incident à la cour, il demandait instamment du renfort en cavalerie, pour l’aider à garder sa ligne contre de tels excès, et, comme d’Agay en mars précédent, il sollicitait une ordonnance qui fit rompre tous les gués et tous les bacs depuis Jonvelle jusqu’à Port-sur-Saône[32]. En même temps, les officiers et échevins de Jussey demandaient une garnison de nationaux, pour les protéger contre l’inhumanité et l’impiété des impériaux[33]. Mais déjà le parlement avait dirigé de ce côté le sieur de Mandre avec ses deux compagnies, qui revirent, pour la troisième fois dans la même année, ces parages désolés par tous les fléaux ensemble. Néanmoins, comme au printemps, cet officier n’avait accepté qu’avec une extrême répugnance le périlleux mandement d’aller, à la tête d’une poignée de monde, affronter à la fois un si puissant ennemi et de si indignes alliés[34]. Jonvelle, qui avait jusque-là résisté aux attaques de l’ennemi, était plein de gens qui s’y étaient retirés des alentours, avec ce qu’ils avaient pu sauver de leur bétail. Mais, plus fort et plus irrésistible que les Suédois et les Français, le fléau de la peste avait bien su forcer l’enceinte de la place, et il y sévissait avec fureur sur la multitude entassée de ses habitants, bourgeois, soldats, retrahants et autres réfugiés[35].

Gallass avait donc un pied sur la France ; et le parlement le sollicitait avec instance d’y porter son armée en toute hâte, pour le soulagement de la province épuisée. Mais le feld-général, qui avait les instructions de ses augustes maîtres, tirait le temps en longueur, pour n’avoir pas à exposer son armée en lui faisant conquérir des quartiers d’hiver à la pointe de l’épée, et il se contentait d’escarmoucher avec l’ennemi, sur les lisières du Langrois. Avant de marcher plus loin, tantôt il attendait son canon, tantôt il réclamait le contingent de six mille Bourguignons que les gouverneurs lui avaient promis et qu’ils ne savaient où prendre, tantôt il voulait qu’on lui amassât à Champlitte quarante mille mesures de farine, sous la garde de cent mousquetaires. Il n’en demanda pas moins pour Jonvelle, dont la bonne assiette, demeurée jusqu’alors invulnérable, comme celle de Champlitte, au milieu de la désolation générale des alentours, lui inspirait seule assez de confiance sur cette frontière menacée[36]. Pour le contenter, la cour signifiait commandements sur commandements aux soldats débandés depuis le siège de Dole ; mais ses ordres étaient lentement obéis. On activa cependant quelque peu les retardataires, en signifiant, sous peine de mort, à tous ceux qui avaient reçu chevaux, armes ou argent, de rejoindre les drapeaux dans la huitaine, à l’un des douze quartiers désignés[37]. Pour sa part, le bailliage d’Amont fit des sacrifices désespérés, et s’arracha les entrailles pour fournir les hommes et les vivres demandés[38]. De Ray à Champlitte, toutes les communautés ayant des moulins sur la Saône, le Salon, la Gourgeonne et le Vanon, furent requises de les mettre en bon état, pour moudre les grains de l’armée impériale[39]. Mais quand le blé fut arrivé dans ces moulins, les soldats le pillèrent de toutes parts, malgré la vigilance et les archers de Bresson. On ne pouvait attendre moins de gens qui avaient dévoré, sur leur passage, toute la récolte des vignobles de Purgerot, de Jussey, de Morey, de Ray, de Pierrecourt, de Champlitte et des alentours. Ils se plaignaient tous les jours, à grands cris, de ne pas recevoir les rations et la solde promises ; mais Bresson démontrait, contre les plaignants, que le pain, la viande et le vin ne leur avaient jamais manqué, ou du moins que c’était leur faute. En effet, l’armée perdait plus de vivres qu’elle n’en consommait. Tantôt les magasins étaient pillés et les convois enlevés avec leurs chevaux ; tantôt les munitions restaient en chemin, sans attelages pour les conduire à destination[40]. Cependant Jonvelle et Champlitte furent approvisionnés et gardés, selon les désirs de Gallass. Jonvelle reçut plus de dix mille muids de blé, avec d’autres munitions en abondance[41].

Les chaleurs de l’automne redoublaient dans cette ville les ravages de la contagion, qui sévissait avec la même violence partout ailleurs, en particulier dans les rangs de l’armée. Devant Champlitte, en date du 19 septembre, elle comptait plus de deux mille malades, et ce nombre croissait tous les jours[42]. Sur la proposition de Bresson, la cour leur assigna pour ambulance les villages français situés le long du Vanon, c’est-à-dire les deux Fouvent, Saint-Andoche, Trécourt et Roche. Mais Gallass, trouvant ce quartier trop restreint, le fit étendre jusque sur la terre de Rupt[43].

Cependant le marquis de Grane, arrivant par Brisach, Thann, Giromagny, Lure, Vesoul et Conflandey, avait amené au camp de Champlitte (28 septembre) l’avant-garde de l’artillerie, composée de six demi-canons de vingt-deux livres de balle, suivie de deux cents chariots de munitions de guerre et escortée de cinq cents fantassins. Il s’établit à Morey, où déjà se trouvaient son régiment et celui de Beck, sous les ordres des lieutenants colonels Mora et Varadiso[44]. Quelques jours après, le marquis de Calaffe amena vingt-deux pièces de grosse artillerie, convoyée de deux mille chevaux et d’autant de fantassins[45]. On n’attendait plus que le corps d’armée du marquis de Bade, appartenant au roi d’Espagne. Le parlement l’avait instamment demandé, dans la ferme conviction que le salut du pays ne pouvait venir que d’un tel secours, parce que ces troupes étaient commandées par un illustre Comtois, le marquis de la Baume-Saint-Martin, de la première noblesse d’Aval, officier de grande réputation, sincèrement dévoué à son pays. C’est ainsi que les malheureux espèrent jusqu’au bout, même contre toute espérance. Mais, hélas ! Cette dernière ancre, sur laquelle on aimait à se reposer encore, devait se briser elle-même dans la tempête ; ce dernier espoir allait bientôt être déçu, comme tous les autres, par un cruel dénouement. Saint-Martin se mit en route (1er octobre) par le même chemin que les corps précédents, excepté que de Lure il gagna Conflandey par Luxeuil et la vallée de la Lanterne. Ce soulagement pour Vesoul était une gentillesse accordée aux prières des officiers et du magistrat de cette ville. Bresson et le baron de Cléron-Voisey le reçurent, à son entrée dans la province, le premier pour le service des vivres, le second pour la direction des chemins et surtout pour la répression des désordres, chose à laquelle le général veillait lui-même de son mieux, mais avec peu de succès[46]. Son effectif était de quatre mille et quelques cents mousquetaires et de mille hommes de cavalerie, la plupart vieux guerriers de grande expérience et d’insigne valeur, mais traînant derrière eux, comme les autres milices d’outre-Rhin, plus de femmes et de valets qu’ils n’étaient de soldats. Quand ils quittèrent l’étape de Luxeuil, il y restait cinq mille quatre cents rations de pain préparées pour eux. Pour les faire partir à leur suite, Bresson ne put trouver un seul cheval au pays, ni même obtenir ceux de l’armée, et les munitions demeurèrent à Luxeuil en consignation, pendant que les régiments s’acheminaient vers la Saône[47]. Les ponts de Conflandey et de Port tremblèrent de nouveau sous le passage de ces bandes étrangères, devant lesquelles les malheureux habitants de nos pays vingt fois désolés s’enfuirent encore dans la profondeur des forêts.

A l’approche de cette division, Gallass, dont l’entrée en France était réclamée à cor et à cri par le parlement, au nom de la province écrasée, n’avait plus de prétexte pour différer l’expédition. Il tint conseil de guerre au château de Suaucourt, où il réunit le duc de Lorraine, les barons de Scey et de Ville-sur-Illon[48] et quelques autres représentants de la cour, avec les chefs de ces différents corps. Le prince lorrain voulait qu’on attaquât la Champagne et qu’on emportât Langres, dût-on y perdre quinze mille hommes. Cet avis était un peu intéressé : son auteur voyait dans la campagne ainsi dirigée l’espérance assurée de reconquérir son duché perdu. De leur côté, les officiers franc-comtois soutinrent vivement cette proposition, qui poussait décidément les alliés loin de la province, au cœur du territoire ennemi. Mais Gallass, qui ne voulait faire qu’une pointe peu avancée et peu risquée sur la France, déclara qu’il fallait entreprendre par le duché de Bourgogne, où il ne voyait que le prince de Condé. Pour le gagner à leur plan d’attaque, le duc et ses partisans le conduisirent, avec tout le conseil, sur la montagne de Morey, d’où ils lui montrèrent la ville de Langres et le Bassigny, placés comme sous la main. Le feld-général braque sa lunette de ce côté, et il contemple, mieux encore qu’il ne l’avait pu faire des hauteurs du Fayl-Billot, les créneaux aériens et la formidable position de la place, que deux puissantes armées se tenaient prêtes à couvrir. L’instrument lui tombe des mains : Laissons Langres, dit-il, et marchons contre Dijon. » Tous ses officiers l’appuyèrent, et comme les partisans de cet avis étaient les maîtres, il prévalut[49]. Le lendemain (18 octobre), le marquis de Saint-Martin joignit l’armée impériale, et le soir même le général en chef dépêchait ses ordres de tous côtés pour mettre ses divers corps en mouvement au lever du jour, avec armes et bagages. Aucune invasion ne fit si peur à la France ; car la frayeur, prenant pour des soldats réguliers les bandes vagabondes attachées aux régiments, grossissait l’armée à plus de cent mille hommes. De Mandre et Fauquier d’Aboncourt faisaient partie du contingent bourguignon, avec leurs compagnies, tandis que le jeune Gaucher était envoyé avec la sienne au siège de Lure, puis à celui d’Héricourt[50]. Ainsi Jonvelle et sa ligne se trouvaient dégarnis ; mais pour le moment il n’y avait rien à craindre de ce côté, car l’ennemi avait nécessairement son attention toute concentrée sur le Duché.

Il n’entre pas dans notre sujet de suivre la marche de cette campagne de trois semaines, dont l’histoire n’est point inédite, comme celle du séjour de Gallass en Franche-Comté[51]. Résumons seulement les principaux faits. Après avoir pris le château de la Romagne et reconnu Fontaine-Française, les alliés forcèrent Mirebeau en trois jours (21-24 octobre). Ensuite Saint-Jean-de-Losne fut bloqué (25 octobre au 3 novembre). Mais dès ce moment, le ciel, jusque-là si radieux et si clément, se couvrit de nuages ; des pluies torrentielles, gonflant soudain les rivières, inondèrent les vastes plaines de la Saône et de la Tille, au milieu desquelles se trouvait campée l’armée de Gallass. Il était plus que temps pour lui d’effectuer son plan de prompt retour, bien décidé à l’avance. Le mot d’ordre fut lâché aux premières pluies : on allait battre en retraite et prendre les quartiers d’hiver en Comté. De Mandre courut porter à la cour cette affreuse nouvelle, qui fit crier à la trahison[52] et consterna les esprits, en les plongeant de nouveau dans toutes les angoisses de l’épouvante. Après quelques moments donnés à la stupeur et à l’hésitation, la première pensée du parlement, que la peste avait fait fuir à Salins, fut de fermer les places importantes les plus voisines des chemins que les alliés allaient prendre, pour se renverser sur nous. Le sieur de Raincourt, maître de camp d’un terce d’infanterie alors en quartier dans la Franche-Montagne, reçut ordre d’accourir avec ses régiments, de jeter deux cents hommes à Dole et à Gray, de se loger dans Pesmes avec le reste de son monde, et de refuser l’entrée de cette ville à toute gendarmerie étrangère[53]. Mais, déjà dix jours avant ce commandement, tous les corps du feld-général avaient décampé (3 novembre) et repris le chemin de notre province, harcelés par l’ennemi et marchant avec des difficultés inouïes, au milieu d’un pays noyé, où plusieurs canons demeurèrent embourbés avec une grande partie des bagages. Le 14, Gallass était à Renève, annonçant son retour au parlement et dissimulant mal son désastre ; il demandait qu’on lui préparât des quartiers[54]. Le pont d’Apremont le ramena sur la Comté, n’ayant plus que la moitié de son monde et de ses équipages. Mais toujours la terreur marche devant ses soldats, et la dévastation les suit[55]. Il étend ses troupes au-dessus de Gray, entre la Saône et l’Ognon ; sa cavalerie, qui était encore de dix à douze mille hommes, chasse devant elle, comme une ennemie, la cavalerie de la province, que le marquis de Conflans conduit en désordre dans le bailliage d’Aval. Quant aux généraux de la France, après avoir poursuivi les alliés jusqu’à la frontière, ils viennent prendre position, avec toutes leurs forces, derrière l’Amance, autour de Bourbonne et de Coiffy.

Cependant le général allemand voulait encore essayer quelque entreprise qui pût couvrir le déshonneur de sa retraite et rendre un peu d’éclat à ses armes. Dans ce but, il fait partir en avant-garde le régiment lorrain-allemand de Mercy et mille chevaux croates, qui remontent la Saône par la rive droite et se rapprochent du Bassigny pour reconnaître l’armée française. Mercy[56] arrive à Jussey, dont la population était diminuée d’un quart depuis le mois de septembre. Tandis que ses bagages filaient à Cendrecourt pour s’y abriter derrière la Saône, et qu’il dormait en sécurité dans ses logements de la ville, soudain, le dimanche 16 novembre dès le matin, Tourbadel, général-major de Weymar, fond sur Jussey, avec un gros de cavalerie. Les Lorrains, les Allemands et les Croates, sont taillés en pièces avant d’avoir pu se reconnaître ni tirer un seul coup de mousquet. Ils prennent la fuite, laissant à l’ennemi trois cents chevaux et deux cents prisonniers, dont trois capitaines et un lieutenant. Pendant la lutte, et même avant l’arrivée des impériaux, les habitants avaient fui de toutes parts, les uns dans les bois, les autres au delà de la Saône, à Cendrecourt et à Montureux. Il en était resté à peine deux cents, qui se retirèrent au couvent des Capucins[57], comme dans un asile sacré, avec plusieurs habitants de Cemboing, de Saint-Marcel et de Cendrecourt. Mais ils y sont bientôt investis. Pour sauver l’honneur des femmes et des filles, la liberté de tous et la ville d’un incendie général, il fallut composer pour une rançon de 14,300 francs, dont trente pistoles pour l’officier négociateur de la capitulation. En attendant le paiement, qui devait s’effectuer dans la semaine, quatre notables bourgeois furent emmenés en otage[58].

Lamboy suivait Mercy avec quatre mille chevaux, et se trouvait du côté de Morey quand les Croates fugitifs lui apportèrent la nouvelle de l’échec de Jussey. Aussitôt il monte à cheval et arrive sur les Suédois. Tourbadel se retranche aux Capucins et s’y défend longtemps, jusqu’à ce que Weymar lui-même vienne le dégager. Lamboy les poursuivit dans leur retraite sur Coiffy, et plusieurs fois le duc de Saxe fut obligé de faire volte-face l’épée à la main. Mais enfin une brigade de mille chevaux vint à sa rescousse ; les impériaux tournèrent bride et rentrèrent dans leurs quartiers, auprès de Gallass[59]. Sur la fin de la semaine, les habitants fugitifs de Jussey étaient revenus à leurs foyers. Mais aucun d’eux ne voulut se reconnaître solidaire de la composition faite avec les Suédois, et la rançon ne put être fournie dans le délai convenu. Furieux de ce manque de parole et bravant le voisinage de Gallass, les Suédois reviennent à la charge, avec quatre pièces de canon et des forces considérables (24 novembre). Comme il ne se trouvait plus rien à prendre à Jussey que les cloches, qu’ils ne pouvaient emporter, ils livrent aux flammes tout ce qui avait échappé à l’incendie du 12 septembre[60]. Puis ils font mine de manœuvrer pour marcher contre les impériaux[61]. C’était une ruse de guerre : rebroussant chemin subitement, ils tournent sur Jonvelle, qu’ils convoitaient depuis si longtemps, surtout depuis que Gallass en avait fait son principal magasin. La place était presque sans garnison, et le sieur de Chauvirey, son gouverneur, n’avait point de troupes à proximité pour la protéger. Il est vrai, le feld-général, à la nouvelle de cette invasion, s’était ébranlé avec quelques régiments de cavalerie légère, laissant derrière lui ses bagages, afin de marcher avec plus de célérité au secours de la ville menacée. Mais il arriva trop tard ; le 27 novembre, Jonvelle était forcé, malgré la belle défense du gouverneur[62], et les Suédois se trouvaient maîtres de toutes les munitions impériales amassées dans cette forteresse. Trop faible pour entreprendre une attaque sérieuse contre le vainqueur, Gallass revint tout confus sur ses pas jusqu’à [Choye |Choye]]}} (3 décembre). Dès lors son parti fut pris de s’arracher aux malédictions qui retentissaient de toutes parts contre lui, de faire retraite sur le Rhin avec les débris de ses troupes, malgré la saison rigoureuse, enfin d’abandonner la Comté à son malheureux sort. Déjà il amasse ses bagages ; son canon, traîné par les chevaux des vivandiers, s’achemine vers Lure, et l’armée royale se tient prête à le suivre. En apprenant ces tristes nouvelles à la cour, le conseiller Buson ajoutait : « Si le comte Gallass nous abandonne à présent, sans même nous laisser les troupes du roi, et sans autre fruit que d’avoir désolé nos campagnes, ruiné la province et attiré sur nos bras deux armées ennemies qui vont se lancer au cœur du pays, ce sera justement combler la mesure de la véritable opinion que nous devons avoir de son assistance[63]. » Informé de ces dispositions, Weymar alla prendre ses quartiers d’hiver dans les environs de Torcenay, après avoir muni Jonvelle d’une bonne garnison. Mais à la première nouvelle de sa retraite, le feld-général remonte de nouveau la Saône avec le colonel Picolomini, et reparaît soudain devant Jonvelle. Il en chasse les Suédois, et les pousse, l’épée dans les reins, jusqu’à Bourbonne, qui est également emporté (20 au 25 décembre).

La cour de Dole s’empressa de le complimenter de cet heureux coup de main, et le supplia d’en profiter pour décharger la province, autant que possible, en prenant des quartiers sur le territoire français et en se maintenant sur la rive droite de la Saône, ou du moins en ne passant pas l’Ognon[64]. Mais Gallass en avait assez de cette campagne trois fois malheureuse. Du reste, notre frontière était affranchie et l’ennemi refoulé jusque dans le Bassigny. Satisfait d’avoir un peu relevé l’honneur de sa vieille réputation par ces minces et tardifs succès, le général revient brusquement de Bourbonne sur Jonvelle, où il prend à peine quelques jours de repos, pour continuer ensuite sa marche rétrograde, la face tournée vers le Rhin. Sur son passage, Saponcourt, où il campa[65], Clairefontaine, Faverney et tous les villages de cette ligne, furent dévastés à leur tour, excepté le château de Saint-Remy, que le sieur de Villersvaudey avait muni d’une solide garnison pour le préserver de la terrible visite des Allemands[66]. Bresson lui-même, leur pourvoyeur infatigable, se vit détrousser en chemin par une de leurs bandes rapaces[67].

Le 6 janvier (1637), Gallass campait à Colombier. C’est là que les barons de Scey et de Voisey, députés par la cour, s’abouchèrent avec lui et avec Toréguso, général de l’artillerie royale (11 janvier), afin de régler le contingent des troupes étrangères à laisser pour la garde de la province et les quartiers qu’elles devraient occuper. D’après leurs instructions, les commissaires ne voulaient que six mille hommes pour soutenir les milices du pays et le corps de Lorraine. Mais Gallass prétendit nous laisser dix mille impériaux, sans compter les gens du roi : « Tels sont les ordres, ajouta-t-il avec humeur, que je viens de recevoir aujourd’hui même de Sa Majesté le roi des Romains. Vous accepterez ce chiffre, ou bien je ne vous laisserai pas un seul mousquetaire. » Bauffremont et Voisey répondirent avec une patriotique éloquence : « Nous rendons grâces à la sollicitude paternelle de nos bien-aimés souverains et aux services de leurs armées. Mais la province est ruinée par la guerre, ruinée par la peste et la famine, suites de la guerre ; et c’est notre fidélité au roi qui nous a valu ces trois fléaux. Voilà bientôt cinq mois que la Franche-Comté nourrit les armées de secours, montant à 30,000 hommes de pied et 50,000 chevaux, avec une suite de plus de 600,000 bouches. Assurément le roi ne veut pas qu’elle périsse écrasée sous le faix ; il est temps de la soulager : c’est l’intention des ambassadeurs de Leurs Majestés[68]. » Le général fut inflexible, et les députés sortirent de la conférence de Colombier sans avoir rien arrangé. Mais le surlendemain il leur dépêcha son quartier-maître à Charriez, pour leur dire que, cédant à leurs représentations et aux désirs des gouverneurs, il leur laissait six mille hommes seulement. Puis il partit le soir même pour Luxeuil, où il s’arrêta huit jours, attendant la répartition des quartiers et voulant savoir où seraient logés ses régiments ; car Toréguso, qui de son côté avait envoyé son quartier-maître à la conférence de Charriez, ne voulut pas se mêler des troupes impériales ; de plus, il refusa de traiter avec le duc de Lorraine ; fatale division, qui apporta les plus grandes difficultés à l’opération des commissaires[69]. Quand ils eurent fini, Gallass investit le baron de Furnimont de ses pouvoirs et donna sa démission de commandant en chef de l’armée impériale. Ensuite il prit, avec une simple escorte, le chemin de l’Allemagne, par Sainte-Marie, le Tillot, Thann et Brisach (21 janvier)[70]. Ainsi quitta-t-il notre province comme un fugitif et un vaincu ; il y avait quatre mois et trois semaines qu’il en avait franchi la frontière pour la première fois. Peu d’hommes de guerre ont laissé dans nos contrées un souvenir aussi funèbre et aussi profond. Longtemps encore le Bassigny continua de trembler au souvenir de celui qui l’avait si affreusement ravagé pendant six semaines, et dont les troupes, après son départ, le ravagèrent de nouveau pendant cinq ans. Dans leur juste effroi, les habitants de ce pays ajoutaient aux litanies des Saints cette naïve supplication : « A Galà et à Forcâ libera nos, Domine : de Gallass et de Forcatz, délivrez-nous, Seigneur[71]. » Et pourtant les échecs désastreux de Gallass et la ruine de sa belle armée comme de sa gloire militaire, lui valurent un peu de commisération : au siècle dernier, on disait encore en Bourgogne et en Comté : « Malheureux comme Gallass[72]. »

Les débris des deux armées qui ne devaient pas rester chez nous, déjà licenciés en partie, furent acheminés sur l’Alsace, et quelques-uns sur Héricourt, dont le siège fut tenté vers la fin de janvier, mais sans résultat. Pendant qu’ils s’éloignaient, les commissaires répartiteurs achevèrent leurs opérations. Le contingent convenu comprenait douze régiments du roi, dont quatre de cavalerie, et sept régiments de l’empereur, dont trois de cavalerie ; en tout quatre à cinq mille soldats effectifs, avec un nombre triple de femmes et de valets. Les gouverneurs avaient entendu que les villes et les châteaux de l’intérieur seraient confiés aux garnisons nationales, et que les étrangers seraient placés sur les frontières. Il fallut de longs débats pour faire accepter cet arrangement par les officiers allemands ; car, sentant leur faiblesse, ils redoutaient de voir leurs quartiers à chaque instant surpris et enlevés par l’ennemi. Ils refusèrent donc énergiquement Lure, Bussang, Passavant, Jonvelle et Morey, comme étant les plus exposés de tous les postes. Enfin, ils acceptèrent Jonvelle, où Furnimont logea Bornival avec un régiment de Croates. Les places de Richecourt, Magny, Jussey, Gevigney, Bougey, Chauvirey, la Rochelle, Suaucourt, Artaufontaine, Montot, Champlitte[73], Gatey, et dans l’intérieur, Mailley, Cussey, Baume et Marnay, eurent pareillement leurs garnisons allemandes, de cinquante à deux cents hommes, dont les quartiers furent étendus chacun à vingt ou trente villages des alentours, les abbayes seules exceptées. Les alliés voulurent un aussi vaste rayon de parcours, afin d’y trouver de quoi vivre ; car la contrée avait perdu plus de la moitié de sa population : plus de quatre cents villages d’Amont étaient brûlés et déserts, le plus grand nombre de leurs habitants étant morts de la peste ou de la faim, ou par les sévices de la soldatesque, et les autres s’étant retirés dans les bois, « se croyant plus assurés avec les bêtes fauves qu’avec les hommes. » Si l’on n’eût donné aux étrangers le nombre de villages demandés, ils menaçaient de courir et de ravager toute la province.

Les barons de Bauffremont et de Voisey n’eurent pas moins de difficultés avec le duc Charles, pour les quartiers de ses trois mille et quelques cents hommes. Ils furent placés, pour la grande partie, en seconde ligne, derrière les Allemands, le long de la Saône, depuis Darney jusqu’à Ray et Morey. Le reste fut porté en Barrois et en Lorraine, pour occuper Lamarche, Charmes, Remiremont, Plombières, le Tillot et leurs environs. Ces troupes étaient payées par la province : on donnait aux fantassins vingt sous de solde quotidienne, avec la ration ordinaire, une livre et demie de pain ; les cavaliers recevaient deux francs, avec deux livres de pain et une ration d’avoine. On était convenu dans les conférences de Charriez que le roi nourrirait ses régiments et ceux de l’empire ; mais aucun ordre n’étant venu de ce côté pour les munitions, il fallut bien y pourvoir. Un marché fut passé avec Jean Bresson pour un mois de fournitures. D’ailleurs, on tenait en réserve 1,500 mesures de blé au château de Veset, 4,000 à Montmartin et 40,000 à Rupt[74].


Terminons ce nouveau chapitre de nos malheurs par un trait édifiant, dont la place est ici, et qui fait trop d’honneur à notre catholique Franche-Comté pour ne pas être signalé. Les temps étaient bien calamiteux, et pourtant la foi des peuples ne relâchait rien de son obéissance rigoureuse aux lois de l’Église. L’abstinence religieuse était observée dans toute sa rigueur, et les gendarmeries elles-mêmes mangeaient maigre. Mais cette année, l’approche du carême, la cour supplia l’Ordinaire de permettre aux diocésains l’usage des œufs et du fromage pendant la sainte quarantaine, et aux armées l’usage de la chair, « conformément, dit la supplique, à ce qui s’est fait autrefois, en semblables occasions de guerre et de disette, et prévoyant qu’autrement le peuple ne pourra se sustenter, ni les soldats s’entretenir. Et prions Dieu de nous faire la grâce d’une saison plus paisible, pour n’estre contraincts à discéder encore des commandements de l’Église et de nos édits[75]. » Hélas ! Dieu n’exauça point les vœux si résignés de nos pieux gouverneurs : laissant peser son bras sévère sur nos infortunés aïeux, il continua de les éprouver par les calamités de tout genre. Achevons le récit douloureux de ces incroyables désastres.

  1. Frère du roi d’Espagne et du cardinal infant, qui gouvernait les Pays-Bas et la Franche-Comté.
  2. Telle est la véritable orthographe de sa signature. Mathieu Gallass, feld-général des armées impériales, né en 1589, dans le comté de Trente, mourut à Vienne en 1647.
  3. Girardot, P. 188.
  4. Claude-Emmanuel-Philibert de Fouchier, qui fut plus tard gouverneur de Griy.
  5. Encore le parlement trouva-t-il cette offre trop mesquine : « Monsieur des Trois-Rois (l’abbé Philippe-Emmanuel de Montfort, receveur général des finances) parlera plus gros. » (Lettre de la cour aux conseillers Matherot et Brun, à Gray, 11 septembre). Après la levée du siège de Dole, Lamboy et ses officiers avaient reçu 100,000 francs de gratification, et 80,000 après la retraite de Verdun, pour ne pas exiger qu’on leur livrât du canon. Charles de Lorraine avait aussi reçu la plus riche gratification. Ces largesses épuisèrent le trésor. (La cour aux mêmes, 23 septembre, et au baron de Savoyeux, 18 septembre, B, 786, 787.)
  6. Corr. du parlem., B, 786, passim. Aux Preuves, 11 septembre.
  7. Il se contenta de reconnaître ces deux villes, ainsi que Montbéliard et Lure, qui toutes les quatre étaient occupées par les Français. Gallass se promettait de les visiter d’un peu plus près à son retour. (Béguillet, Guerres de Louis XIII II, 41.)
  8. Le canon ne peut passer que par le pont de Conflandey. (Jean Clerc à là cour, 27 septembre)
  9. Feller.
  10. « Telle est la coustume des Allemands, qui ne peuvent autrement supporter la fatigue de la guerre, non plus que les autres nations septentrionales. Ils habitent en leurs tentes, que le comte Gallasse rangeoit par rues, en forme de grandes villes, et portent la pluspart des officiers allemands tous leurs avoirs dans leurs chariots. » (Girardot, P. 148.)
  11. Béguillet, II, 43.
  12. Gallass avait pour secrétaire français le docteur Jean-Baptiste Jacquel, de Foncine, homme de mérite, de qui nos gouverneurs implorèrent quelquefois le crédit auprès de son maître. En 1641, il fut député par le parlement auprès de la cour d’Espagne.
  13. Preuves, 13 septembre, Bresson à la cour.
  14. Preuves, 16 septembre et 6 octobre.
  15. Béguillet, II, 37.
  16. Corr, du parlem., B 787 788 ; lettres des conseillers Natherot et Brun à la cour, Gray, 15 septembre et 1er octobre.
  17. Ibid. passim, en particulier 14 septembre, la cour au cardinal infant ; aux Preuves, 19 septembre, la cour à Gallass ; 7 octobre, lettre de Bresson.
  18. Preuves, 16 septembre, le baron de Scey à la cour.
  19. Corr. du parlem., B, 786 et -787. « L’armée est conduicte très régulièrement et pollicée rudement ; Gallass et ses officiers ménagent le pays. » (Jean Bresson à la cour ; Saulx, 10 septembre, et Conflandey,13 septembre, aux Preuves.) « M. le baron de Scey, le bailly Clerc, Bresson et quelques autres, nous avoient dit merveilles de la bonne discipline de l’armée impériale. » (La cour aux conseillers Matherot et Brun, à Gray, 23 septembre.) Mais à l’Isle, déjà ils avaient vendangé les vignes à peine mûres, pillé les bourgeois volé le bétail et cent cinquante chevaux du voisinage. (Durand officier de Baume, à la cour, 19 septembre ; plaintes de la cour à Gallass, 9 septembre.)
  20. Girardot, p. 150
  21. Corr. du parlem., B, 887 ; les conseillers Boitouset, Buzon, Lampinet et Lulier à la cour, Besançon, 16 septembre.
  22. « Pour de l’avoienne, ils en trouvent tout ce qu’ils veuillent et la prodiguent, ainsi que les gerbes de froment, en sorte qu’ils en font litières à leurs chevaulx. Et fault adiouster que où ils logent, qu’ils ne trouvent leur hoste pour les servir, ils perdent tout ce qu’ils rencontrent. » (Preuves, 13 septembre, lettre de Bresson.)
  23. Ibid., Besançon, il septembre, les conseillers Boitouset, Buzon, Lampinet et Lulier à la cour. Le baron de Scey se plaint lui-même de cette cherté outrée - « Tout m’a esté si cher, écrit-il à la cour, que pour un jour et une nuict que j’ay séjourné à Vesoul, l’on m’a faiet payer quinze pistoles ; ainsi à l’advenant aux aultres lieux où j’ay passé. » (Preuves, 16 septembre.)
  24. Ibid., 14 et 23 septembre et passim. « Je prévoy que ceste province ne peut éviter de grands maux, et pour détourner une désolation universelle, n’y a d’autre remède que de se résouldre à une foule volontaire et ruine d’une partie plustôt que du tout. » Ainsi pensait Girardot, le 4 septembre. (Aux Preuves.) Mais les événements lui apprirent bientôt à mieux connaître les intentions de Gallass. Matherot et Brun auraient voulu moins de compliments et plus de sincérité dans les lettres de la cour à Gallass et aux princes. (Gray, 21 septembre.) On leur répond : « On pourra dresser des mémoires de ce qu’a fait M. de Lamboy ; mais nous n’en attendons pas grand fruit. Et vous voyez que M. le marquis de Castaneda (ambassadeur d’Espagne à Vienne) vous escrit qu’il faut dissimuler les plainctes qui n’ont pas suffisantes probabilités ny considération, parce qu’elles discréditeraient les grandes, auprès de gens qui ont veu des oppressions mille fois plus criantes, et n’y ont pu apporter aucuns remède. » ( 23 septembre, la cour aux conseillers Matherot et Brun.)
  25. Lettre de Gallas à la cour ; Lavigney, 13 septembre, aux Preuves.
  26. La cour aux conseillers Matherot et Brun, à Gray, 19 septembre.
  27. « Leur séjour fut de six semaines entières, durant lequel temps ne resta qui que ce fust audict lieu qui ne fust tué ou emmené. Les grains et le bestial furent consumez ou enlevez ; et de tous les habitants qui estaient sauvez dans les bois, les rochers ou villes voisines, fort peu restèrent en vye. La peste, la dizette et les maladies en firent mourir la pluspart. Ceux qui retournèrent audict Fay n’y trouvèrent que des restes de bastiments incendiés, des cadavres et charongnes, lesquels infectaient l’air ; de bestial et de grains, en aulcune façon. » (Histoire de Fayl-Billot, page 59.)
  28. Le magistrat de cette ville avait précédemment refusé d’en recevoir. Lettres de la cour à Matherot et à Brun, 12 et 13 septembre. Drouaillet à la cour. Champlitte, 15 septembre.)
  29. Béguillet, II, 15.
  30. Béguillet, II, 46 ; Journal de Macheret, fol. 15 17, 14, et passim.
  31. Béguillet, 47.
  32. Preuves ; Cendrecourt, 6 octobre.
  33. Corr. du parlem., B, 789 ; Gray, 9 octobre, Matherot à la cour.
  34. Preuves, Besançon, 8 octobre. De Mandre le jeune, déjà commissaire général de cavalerie, était alors capitaine de la garnison de Besançon, à la place de son cousin, décédé au mois d’août. La charge de commissaire général de la cavalerie, que le défunt avait aussi tenue, venait d’être donnée au baron de Scey. (Dole, 15 octobre, dépêche de la cour.)
  35. Déjà la province avait perdu le quart de ses habitants. À Vesoul, de Mongenet restait seul aux affaires ; à Besançon, il n’y avait plus que Boitouset ; à Dole, Boyvin restait seul valide, avec quatre conseillers malades ou barrès. (Lettres de la cour, 24 septembre et 1er octobre.) À la fin d’octobre, le parlement se transporta à Salins, comme en 1568, et y resta jusqu’à la fin de novembre.
  36. Gray, 17 septembre, Brun à la cour, aux Preuves.
  37. La Charité, 4 octobre, le marquis de Conflans à la cour.
  38. Dépêches du 19 septembre au 1er octobre et jours suivants.
  39. Gray, 25 septembre, mandement des conseillers Matherot et Brun.
  40. Corr. du parlem., B, 787 à 792, passim. Voir en particulier : Gray, 30 septembre. Matherot et Brun à la cour ; 1er  octobre, la cour à Gallass ; Gray, 2 octobre, Matherot et Brun à Bresson ; Champlitte, 7 octobre, réponse de Bresson, « Vellexon pouvoit fournir mille mesures, si on ne l’avoit pillé et bruslé, comme Montarlot. Nous lui avons subrogé Vezet, Greucourt et Frasne-Saint-Mamès. Mais encore faut-il du temps. Ceux, de Morey ont demandé quelques villages pour les ayder à fournir leurs contributions. » (Gray, 2 octobre, Matherot et Brun à Bresson, qui se trouvait alors à Vellexon.) Port-sur-Saône déclara (24 octobre) ne pouvoir absolument rien fournir, vu la ruine totale que lui avait laissée le passage de Gallass. La dépêche du 2 octobre finit par un ordre qui n’est pas sans intérêt. « Bresson, sur la demande adressée à la cour par le roy d’Hongrie (24 septembre), establissez la poste incontinent de Champlitte à Faucogney, ou au plus droit, pour tirer à Brisach. Nous enverrons des mandements aux gens des lieux où vous l’establirez, pour qu’ils y pourveoient. » Ce nouveau service de poste était pour les communications de Gallass avec la cour d’Allemagne.
  41. Béguillet, II, 241. « Il faut accorder au comte de Gallass ce qu’il demande pour Champlitte et Jonvelle, à savoir le logement de cent hommes en chaque lieu, pour garder ses provisions. Ecrivez-en à Bresson. Encore que nous prévoyions bien que ces pauvres villes auront assez à souffrir, elles y auront tousjours meilleur marches que le bourg désolé de Jussey, et éviteront un semblable désastre. » (Corr. du Parlem., B, 787 ; Dole, 19 septembre, la cour à MM Matherot et Brun, à Gray.)
  42. « Nous sommes en incroyable peine du logement et entretien de deux mille malades qu’on nous veut laisser sur les bras. Encor eschapperoit-on du logement ; mais l’entretien nous en est impossible. Faites tout ce que vous pourrez pour nous en excuser sur la contagion qui ravage la province. Mais qu’en tout cas on nous donne deniers pour les nourrir et assister. » (La cour à MM. Matherot et Brun, à Gray, 19 septembre.)
  43. Champlitte, 30 septembre, Bresson à MM. Matherot et Brun, aux Preuves.
  44. Ces régiments étaient entrés en Comté le 16 juin. Ils se distinguèrent entre tous par leur insubordination, leurs ravages et leurs plaintes incessantes. (Girardot, P. 116 117 ; corr. du parlem., 7 octobre, Bresson à Matherot et à Brun, aux Preuves, et passim.)
  45. Vesoul, 18 septembre, lettre de Jean Clerc à la cour, signalant l’approche d’un corps d’armée qu’il était chargé de munitionner, depuis son entrée en Comté jusqu’au camp de Champlitte. Simonnez, de Jussey, commis-receveur des finances, fut aussi chargé d’y pourvoir, en leur trouvant dix mille rations. (Gray, 21 septembre, Matherot et Brun à la cour.)
  46. « Le marquis de Saint-Martin, avec lequel j’ai esté dois son entrée en ce païs jusques à Champlite, a fait, comme bon patriot, tout ce qu’il a pehu pour empescher toutes sortes de désordres ; ce qui estoit très difficile, estant l’armée composée de tant de sortes de langues barbares, de nations et de religions, avec un nombre de femmes et de valets aussi grand que de soldats, et tous à qui rien ne peust eschapper, s’il ne brusle ou s’il ne détruit. » (Mailley, 24 octobre, Cléron-Voisey à la cour (*).) Cependant, outre la ration quotidienne d’une livre et demie de pain, on leur fournissait du vin et de la viande un jour sur trois. Les officiers avaient ceci tous les jours. Ils ne voulaient que du vin vieux, mais on ne put les satisfaire. (Luxeuil, 7 octobre ; Jean Clerc à la cour.) (*) François de Cléron maître d’artillerie, colonel du régiment de Dole, seigneur de Mailley et de Voisey du chef de sa mère, Madeleine de Plaisant, épousa 1° Clauda de Mormier. 2°Adrienne de Thomassin. (Dunod, Nobil.. 203.) Il fut député par la cour à la diète de Ratisbonne tenue pour l’életion du roi des Romains.
  47. Preuves, Luxeuil, 15 octobre
  48. Charles de Livron, premier officier et gentilhomme du duc de Lorraine, parent de Charles de Livron, marquis de Bourbonne.
  49. Joumal de Macheret, fol. 18. Girardot parle aussi de ce conseil de guerre, mais sans mentionner Suaucourt ni l’incident qui s’y rattache. Après avoir exposé les divers motifs invoqués à l’appui des deux plans d’attaque, il termine ainsi : « Mais je vis, par les lettres de l’empereur que le marquis de Conflans receut en ce temps-là, que la marche de Dijon ne fut à autre fin que pour occuper Weymar et la Valette, tandis que l’infant raisonnerait de Picardie en Flandre, et pour luy asseurer sa retraicte ; après quoi Gallasse se retireroit et rentrerait en Allemagne, où la diette électorale estoit achevée (p. 148). »
  50. La ville de Lure fut reprise aux Français le 21 septembre, et l’abbaye ou le château, le 22 octobre (Corr. du parlem., passim.) Héricourt fut assiégé vers la fin de janvier, mais sans succès.
  51. Voir Béguillet, tome II ; Girardot, P. 148 et suiv.
  52. Corr. du parlem. ; Besançon, 2 novembre, Buson à la cour.
  53. Lettre de la cour au sieur de Raincourt ; Salins, 14 novembre. Christophe-Louis de Raincourt, seigneur de Bremondans et Fallon en partie et chevalier de Saint-Georges, fut investi de la confiance du parlement et figura toujours avec honneur parmi les braves défenseurs de la cause nationale. Les troupes qu’il commandait avaient été levées par lui dans les seigneuries de Granges, de Clerval, de Passavant et dans la Franche-Montagne (Maîche, le Russey et les environs). Gouverneur de Lons-le-Saunier en 1687 et 1688, il défendit vaillamment cette place contre le duc de Longueville, Henri d’Orléans. Christophe de Raincourt était parent de Girardot de Beauchemin.
  54. Corr. du parlem., B, 791, dépêche de Gallass à la cour, datée du camp impérial de Renève, 14 novembre.
  55. " Gallass se plaint de quelques villageois, que l’on dit avoir tué quelques soldats qui les alloyent rechercher jusques au milieu des forêts où ils estoient réfugiés. Or il est fort estrange que ledict comte face plainte de si peu de chose, et que jusques à présent il n’aye fait chastier un seul de ses soldats, qui vollent, assassinent et violentent impunément, par tous les quartiers de par deçà. Que si ce train devoit durer un mois, il n’y restera âme vivante en tous les villages du voysinage. " (Besançon, 19 nov. ; lettre du conseiller Buson à la Cour.) Voir aux Preuves, Gray, 26 nov.
  56. Mercy devint plus tard feld-général et perdit contre le maréchal de Turenne la fameuse bataille de Nordlingen, où il périt (3 août 1645).
  57. Construit en 1622 sur les ruines du vieux château.
  58. Aux Preuves, Il septembre, Enquête sur les désastre de Jussey.
  59. Béguillet, II, 288, 239.
  60. Journal de Macheret, fol. 18, verso.
  61. Corr. du parlem., B, 792 ; Besançon, 29 novembre, Buson à la cour.
  62. Preuves, 17 décembre ; la cour à M. d’Aboncourt.
  63. Corr. du parlem. ; Besançon. 5 et 7 décembre.
  64. La cour au baron de Savoyeux, 27 décembre.
  65. Entre Saponcourt et les fermes de Mouhy. (Annuaire de la Haute-Saône, 1842)
  66. La cour à Villersvaudey, 27 décembre,
  67. La cour à Gallass, pour lui demander réparation de ce dommage, 6 janv.
  68. Le marquis de Castagneda, ambassadeur de l’empereur, et le comte d’Oignate, ambassadeur du roi d’Espagne
  69. " Ceste désunion nous at apporté tant d’embarrasses et d’embrouillements au répartement des quartiers, que peu s’en est faillu que nous n’ayons estés réduicts au désespoir. Et quoy que nous travaillassions jour et nuict, s’estoit tosiours en vain. Enfin, aujourd’hui vendredi, nous avons achevé comme nous avons pu ledit répartement, avec les deux quartiers maistres généraux. " (Rapport des commissaires ; Charriez, 16 janvier 1687.)
  70. Même rapport.
  71. M Bonvalet, Notice sur Coiffy, p. 10. Le nom de Gallass est resté à une foule de lieux dits dans nos contrées, et celui de Forcatz comme synonyme d’intraitable et de brigand.
  72. Béguillet, 11, 241.
  73. Lorsque le colonel Mendre se présenta aux portes de Champlitte avec son régiment, les habitants refusèrent de le recevoir et en écrivirent à la cour, exposant que le séjour de Gallass leur avait coûté 25,000 rations, 7,300 mesures de blé, 50 muids de vin, leurs vendanges et tous leurs fourrages. Mais on leur répondit que les autres localités étaient aussi épuisées qu’eux-mêmes, et ils durent s’exécuter. (Corr. du parlem., B, 794, 25 janvier.)
  74. Corr du parlem. ; mois de janvier 1687, en partie ; divers rapports des commissaires Bauffremont et Yoisey, Charriez, 16 janvier, Scey-sur-Saône et Cléron, 25 janvier ; marché de Bresson, 1er février.
  75. Corresp. du parlem., 795, Dole, 3 février.