Histoire de Jules César/Livre II/Chapitre 5

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Plon (Tome 1p. 373-410).

CHAPITRE CINQUIÈME.

CONSULAT DE CÉSAR ET DE BIBULUS.

(695)

Tentatives de conciliation.

I. César est parvenu à la première magistrature de la République. Consul avec Bibulus à quarante et un ans, il n’a pas encore acquis la juste célébrité de Pompée, il ne jouit pas des trésors de Crassus, et cependant son influence est peut-être plus grande que celle de ces deux personnages. L’influence politique, en effet, ne dépend pas seulement des succès militaires ou de la possession d’immenses richesses ; elle s’acquiert surtout par une conduite toujours d’accord avec des convictions arrêtées. César seul représente un principe. Depuis l’âge de dix-huit ans, il a affronté les colères de Sylla et l’inimitié des grands, pour faire valoir sans cesse et les griefs des opprimés et les droits des provinces.

Tant qu’il n’est pas au pouvoir, exempt de responsabilité, il marche invariablement dans la voie qu’il s’est tracée, ne transige avec personne, poursuit sans ménagement les adhérents du parti opposé, et soutient énergiquement ses opinions, au risque de blesser ses adversaires ; mais, une fois consul, il abdique tout ressentiment et fait un appel loyal à ceux qui veulent se rallier à lui ; il déclare au sénat qu’il n’agira pas sans son concours, qu’il ne proposera rien de contraire à ses prérogatives[1]. Il offre à son collègue Bibulus une généreuse réconciliation, le conjurant, en présence des sénateurs, de mettre un terme à des dissentiments dont les effets, déjà si regrettables pendant leur édilité et leur préture communes, deviendraient funestes dans leur nouvelle position[2]. Il fait des avances à Cicéron, et, après lui avoir envoyé, dans sa villa d’Antium, Cornelius Balbus pour l’assurer qu’il est prêt à suivre ses conseils et ceux de Pompée, il lui propose de l’associer à ses travaux[3].

César devait croire que ces offres de coopération seraient accueillies. Devant les périls d’une société profondément troublée, il supposait aux autres les sentiments qui l’animaient lui-même. L’amour du bien public, la conscience de s’y dévouer tout entier, lui donnaient dans le patriotisme d’autrui cette confiance sans réserve qui n’admet ni les rivalités mesquines, ni les calculs de l’égoïsme : il se trompait. Le sénat n’avait que des préjugés, Bibulus que des rancunes, Cicéron qu’un faux amour-propre.

Il était essentiel pour César d’unir plus étroitement à ses destinées Pompée, dont le caractère manquait de fermeté ; il lui donna en mariage sa fille Julie, jeune femme de vingt-trois ans, remplie de grâces et d’intelligence, déjà fiancée à Servilius Cæpion. Afin de dédommager ce dernier, Pompée lui promit sa propre fille, engagée, elle aussi, à un autre, à Faustus, fils de Sylla. Peu de temps après, César épousa Calpurnie, fille de Lucius Pison[4]. Caton s’élevait avec force contre ces mariages, qu’il qualifiait de trafics honteux de la chose publique[5]. Les nobles, et surtout les deux Curion, se faisaient les échos de cette réprobation. Leur parti, cependant, ne négligeait pas de se fortifier par des alliances. Certes, lorsque Caton donnait sa fille à Bibulus, c’était par un motif politique ; et, lorsqu’il cédait à Hortensius sa propre femme[6], quoique mère de trois enfants, pour la reprendre ensuite enrichie après la mort de son dernier mari, il y avait là encore un intérêt peu honorable, que César dévoila plus tard dans un livre intitulé l’Anti-Caton[7].

Le premier soin du nouveau consul fut d’établir l’usage de publier jour par jour les actes du sénat et ceux du peuple, afin que l’opinion publique pesât de tout son poids sur les résolutions des pères conscrits, dont jusque-là les délibérations avaient été souvent secrètes[8]. L’initiative que prit César dès le début de son consulat, en interpellant les sénateurs sur les projets de lois, est un indice qu’il eut les faisceaux avant Bibulus. On sait, en effet, que les consuls jouissaient de cet honneur alternativement pendant un mois, et c’est dans la période où ils étaient entourés des signes distinctifs du pouvoir qu’il leur était permis de demander l’avis des sénateurs[9].


Lois agraires.

II. Il proposa ensuite, au mois de janvier, une loi agraire qui reposait sur de sages principes et respectait tous les droits légitimes. En voici les principales dispositions :

Partage de toute la partie libre de l’ager publicus, sauf celui de la Campanie et celui de Volaterræ, le premier d’abord excepté à cause de sa grande fertilité[10], et le second garanti à tous les détenteurs[11]. — En cas d’insuffisance du territoire, acquisitions nouvelles, au moyen, soit de l’argent provenant des conquêtes de Pompée, soit de l’excédant des revenus publics. — Interdiction de l’expropriation forcée. — Nomination de vingt commissaires pour présider à la distribution des terres, avec exclusion de l’auteur de la proposition. — Estimation des terres privées à vendre, d’après la déclaration faite au dernier cens, et non d’après l’appréciation des commissaires. — Obligation pour chaque sénateur de prêter serment à la loi et de s’engager à ne jamais proposer rien de contraire.

C’était, on le voit, le projet de Rullus dégagé des inconvénients signalés par Cicéron avec tant de verve. En effet, au lieu de dix commissaires, César en proposa vingt, afin de répartir entre un plus grand nombre un pouvoir dont on redoutait l’abus. Lui-même, pour éviter tout soupçon d’intérêt personnel, s’interdit la possibilité d’en faire partie. Les commissaires n’étaient pas, comme dans la loi de Rullus, autorisés à agir selon leur gré et à taxer arbitrairement les propriétés. On respectait les droits acquis ; on ne partageait que les territoires dont l’État avait encore la libre disposition. Les sommes provenant des conquêtes de Pompée devaient être employées en faveur des anciens soldats, et César disait lui-même qu’il était juste de faire profiter de cet argent ceux qui l’avaient gagné au péril de leur vie[12]. Quant à l’obligation imposée aux sénateurs de prêter serment, ce n’était pas une innovation, mais une coutume établie. Dans le cas présent, la loi ayant été votée avant les élections, tous les candidats, et surtout les tribuns de l’année suivante, durent prendre l’engagement de l’observer[13].

« Personne, dit Dion-Cassius[14], n’eut à se plaindre de lui à ce sujet. La population de Rome, dont l’accroissement excessif avait été le principal aliment des séditions, fut appelée au travail et à la vie de la campagne ; la plupart des contrées de l’Italie qui avaient perdu leurs habitants furent repeuplées. Cette loi assurait des moyens d’existence non-seulement à ceux qui avaient supporté les fatigues de la guerre, mais encore à tous les autres citoyens, sans causer de dépenses à l’État ni de dommage aux grands ; au contraire, elle donnait à plusieurs des honneurs et du pouvoir. »

Ainsi, pendant que quelques historiens accusent César de chercher dans la populace de Rome le point d’appui de ses desseins ambitieux, lui, au contraire, provoque une mesure dont l’effet est de transporter dans les campagnes la partie turbulente des habitants de la capitale.

César lut donc son projet au sénat ; puis, appelant les sénateurs par leurs noms, les uns après les autres, il demanda à chacun son opinion, se déclarant prêt à modifier la loi ou à la retirer même, si elle ne leur convenait pas. Mais, suivant Dion-Cassius, « elle était inattaquable, et, si on ne l’approuvait pas, on n’osait cependant pas la combattre ; ce qui affligeait le plus les opposants, c’est qu’elle était rédigée de manière à ne susciter aucune plainte[15]. » Aussi se borna-t-on à l’ajourner à plusieurs reprises, sous de frivoles prétextes. Caton, sans y faire une opposition directe, alléguait la nécessité de ne rien changer à la constitution de la République et se déclarait l’adversaire de toute espèce d’innovation ; mais, le moment venu de se prononcer, il renouvela son ancienne tactique, et rendit toute délibération impossible en parlant la journée entière, ce qui lui avait déjà réussi pour priver César du triomphe[16]. Celui-ci perdit patience, et fit conduire en prison l’orateur obstiné ; Caton fut suivi d’un grand nombre de sénateurs, et M. Petreius, l’un d’eux, répondit au consul, qui lui reprochait de se retirer avant que la séance fût levée : « J’aime mieux être en prison avec Caton qu’ici avec toi. » Regrettant néanmoins ce premier mouvement de colère, et frappé de la démonstration de l’assemblée, César rendit aussitôt la liberté à Caton ; puis il congédia le sénat et lui adressa ces paroles : « Je vous avais faits juges et arbitres suprêmes de cette loi, afin que, si quelqu’une de ses dispositions vous déplaisait, elle ne fût pas portée devant le peuple ; mais, puisque vous avez refusé la délibération préalable, le peuple seul décidera. »

Sa tentative de conciliation ayant échoué auprès du sénat, il la renouvela auprès de son collègue, et, dans l’assemblée des tribus, adjura Bibulus de soutenir sa proposition. De son côté, le peuple joignit ses instances à celles de César, mais le consul, inflexible, se contenta de dire : « Vous ne l’obtiendrez pas, quand même vous le voudriez tous, et, tant que je serai consul, je ne souffrirai aucune innovation[17]. »

Alors César, jugeant d’autres influences nécessaires, fit appel à Pompée et à Crassus. Pompée saisit avec bonheur cette occasion de parler au peuple ; il dit que non-seulement il approuvait la loi agraire, mais que les sénateurs eux-mêmes en avaient admis autrefois le principe, en décrétant, lors de son retour d’Espagne, une distribution de terres à ses soldats et à ceux de Metellus ; si cette mesure avait été différée, c’était à cause de la pénurie du trésor, qui, grâce à lui, avait cessé maintenant ; ensuite, répondant à César, qui lui demandait s’il appuierait la loi dans le cas où on s’y opposerait par la violence, « Si quelqu’un osait tirer le glaive, s’écria-t-il, moi, je prendrais même le bouclier, » voulant dire par là qu’il viendrait sur la place publique armé comme pour un combat. Cette déclaration hardie de Pompée, appuyée par Crassus et par Cæpion[18], fit taire toutes les oppositions, excepté celle de Bibulus, qui, avec trois tribuns ses partisans, réunit le sénat dans sa maison, où l’on résolut qu’à tout prix il fallait repousser ouvertement la loi[19].

Le jour des comices fixé, le peuple envahit le Forum pendant la nuit. Bibulus accourut avec ses amis au temple de Castor, où son collègue haranguait la multitude ; il essaya en vain de parler, fut précipité du haut des degrés et contraint de s’enfuir, après avoir vu briser ses faisceaux et blesser deux tribuns. Caton, à son tour, tenta d’aborder les rostres ; expulsé par la force, il y revint, mais, au lieu de traiter la question, voyant que personne ne l’écoutait, il attaqua César avec aigreur, jusqu’à ce qu’on l’arrachât une seconde fois de la tribune. Le calme rétabli, la loi fut adoptée. Le lendemain, Bibulus essaya d’en proposer l’abrogation au sénat. Personne ne le soutint, tant l’élan populaire avait subjugué les esprits[20]. Dès ce moment il prit le parti de se renfermer chez lui pendant toute la durée du consulat de César. Quand celui-ci présentait une loi nouvelle les jours de comice, il se contentait de protester et de lui faire dire par ses licteurs qu’il observait le ciel, et qu’ainsi toute délibération était illégale[21]. C’était avouer hautement le but politique de cette formalité.

César ne se laissa pas arrêter par ce scrupule religieux, qui, d’ailleurs, avait perdu de son autorité. Lucrèce, à cette époque, écrivait un poème audacieux contre la crédulité populaire, et depuis longtemps l’observation des auspices était regardée comme une superstition puérile ; deux siècles et demi auparavant, un grand capitaine en avait donné une preuve éclatante. Annibal, réfugié auprès du roi Prusias, l’engageait à accepter ses plans de campagne contre les Romains ; le roi refusait parce que les auspices n’avaient point été favorables. « Eh quoi ! s’écria alors Annibal, avez-vous plus de confiance dans un méchant foie de veau que dans l’expérience d’un vieux général comme moi[22] ? »

Quoi qu’il en soit, l’obligation de ne point tenir de comices lorsqu’un magistrat observait le ciel était une loi, et, pour se disculper de ne l’avoir pas observée, comme pour empêcher que ses actes ne fussent déclarés nuls, César, avant de sortir de charge, porta la question au sénat, et fit ainsi légitimer sa conduite.

La loi adoptée par le peuple, chaque sénateur fut appelé à venir en jurer l’observation. Plusieurs membres, et, entre autres, Q. Metellus Celer, M. Caton et M. Favonius[23], avaient déclaré ne vouloir jamais s’y soumettre ; mais, le jour de prêter serment arrivé, les protestations s’évanouirent devant la crainte de la peine établie contre les abstentions, et, excepté Laterensis, chacun jura, même Caton[24].

Irrité des obstacles qu’il avait rencontrés, et sûr de l’approbation du peuple, César fit comprendre, par une nouvelle loi, dans la distribution du domaine public, les terres de la Campanie et de Stella, omises d’abord par déférence pour le sénat[25].

En exécution de la loi, les vétérans de Pompée reçurent des terres à Casilinum en Campanie[26], à Minturnæ, Lanuvium, Volturnum, Aufidena, en Samnium, à Bovianum, Clibes, Veïes, en Étrurie[27] ; vingt mille pères de famille ayant plus de trois enfants furent établis dans la Campanie, de sorte qu’environ cent mille personnes devinrent cultivateurs, repeuplèrent d’hommes libres une grande partie du territoire, et Rome fut délivrée d’une populace incommode et avilie. Capoue devint colonie romaine : c’était rétablir l’œuvre démocratique de Marius, détruite par Sylla[28]. Il paraît que l’ager de Leontinum, en Sicile, fut aussi compris dans la loi agraire[29]. On procéda ensuite à la nomination de vingt commissaires, choisis parmi les consulaires les plus recommandables[30]. De ce nombre étaient C. Cosconius, Atius Balbus, mari de la sœur de César. Clodius ne put obtenir d’en faire partie[31], et Cicéron, après la mort de Cosconius, refusa de le remplacer[32]. Dans ses lettres à Atticus, ce dernier blâme surtout le partage du territoire de Capoue, comme privant la République d’un revenu important, et se demande ce qui restera à l’État, si ce n’est le vingtième sur l’affranchissement des esclaves, puisqu’on avait déjà abandonné les droits de péage dans toute l’Italie ; mais on a objecté avec raison que, d’un autre côté, l’État se trouvait exonéré des charges énormes imposées par la nécessité de distribuer du blé à tous les pauvres de Rome.

Cependant le partage de l’ager campanus et de l’ager de Stella éprouva bien des retards ; il n’était pas encore terminé en 703, puisqu’à cette époque on conseillait à Pompée de presser la distribution des dernières terres, afin que César, à son retour des Gaules, n’en eût pas le mérite[33].


Différentes lois de César.

III. Nous avons vu que, les années précédentes, Caton avait fait refuser aux fermiers des impôts de l’Asie la diminution du prix de leur bail. Par cette mesure sévère, le sénat s’était aliéné l’ordre des chevaliers, dont la réclamation n’était pas sans fondement. En effet, le fermage des revenus de l’Asie avait été onéreux pendant la guerre contre Mithridate, comme on peut s’en convaincre par le discours de Cicéron pour la loi Manilia, et la remise d’une partie des sommes dues à l’État n’était pas sans quelque apparence de justice. César, devenu consul, s’empressa, autant par équité que par politique, de proposer une loi pour décharger les publicains du tiers des sommes dont ils étaient redevables[34]. Il s’adressa d’abord au sénat ; mais, l’assemblée ayant refusé d’en délibérer, il se vit contraint de soumettre la question au peuple[35], qui adopta son opinion. Cette libéralité, bien au delà de leurs espérances, les remplit de joie et les rendit favorables à celui qui se montrait si généreux ; il leur recommanda cependant publiquement d’être plus prudents à l’avenir, et de ne point enchérir d’une manière inconsidérée lors de l’adjudication des impôts[36].

La loi agraire et la loi sur les redevances avaient donné satisfaction aux intérêts des prolétaires, des vétérans et des chevaliers ; il n’était pas moins important de faire droit aux justes réclamations de Pompée. Aussi César obtint-il du peuple la sanction de tous les actes du vainqueur de Mithridate[37]. Lucullus avait été jusqu’alors un des plus ardents adversaires de cette mesure. Il ne pouvait oublier la gloire dont l’avait frustré Pompée ; mais la crainte d’une poursuite en concussion fut telle, qu’il tomba aux genoux de César et abjura toute opposition[38].

L’activité du consul ne se bornait pas aux réformes intérieures, elle s’étendait encore aux questions soulevées à l’étranger. La situation de l’Égypte était précaire : le roi Ptolémée Aulète, fils naturel de Ptolémée Lathyre, craignait qu’en vertu du testament supposé de Ptolémée Alexandre ou Alexas, à la chute duquel il avait contribué, son royaume ne fût incorporé à l’empire romain[39]. Aulète, sentant son autorité ébranlée dans Alexandrie, avait recherché l’appui de Pompée pendant la guerre de Judée, et lui avait envoyé des présents et des sommes considérables pour l’engager à soutenir sa cause auprès du sénat[40]. Pompée s’était porté son défenseur, et César, soit par politique, soit pour être agréable à son gendre, fit déclarer Ptolémée Aulète ami et allié de Rome[41]. Sur sa demande, la même faveur fut accordée à Arioviste, roi des Germains, qui, après avoir fait la guerre aux Éduens, s’était retiré de leur pays sur l’invitation du sénat, et avait manifesté le désir d’une alliance avec Rome. Il y avait tout intérêt pour la République à ménager les Germains et à les reléguer de l’autre côté du Rhin, quelles que fussent d’ailleurs les prévisions du consul sur son futur commandement des Gaules[42]. Il accorda ensuite des privilèges à certains municipes et contenta bien des ambitions, « car, dit Suétone, il donnait tout ce qu’on lui demandait ; personne n’osait s’opposer à lui, et, si quelqu’un l’essayait, il savait bien l’intimider[43]. »

Une des premières préoccupations du consul devait être la nomination de tribuns dévoués, puisque c’étaient eux généralement qui proposaient les lois à l’acceptation du peuple.

Clodius, à cause de sa popularité, était un des candidats qui pouvaient lui être le plus utiles ; mais sa qualité de patricien l’obligeait, pour être élu, à passer par adoption dans une famille plébéienne, et il ne le pouvait qu’en vertu d’une loi. César hésitait à la faire voter, car si, d’une part, il ménageait Clodius, de l’autre, il connaissait ses projets de vengeance contre Cicéron, et ne voulait pas lui donner une autorité dont il pouvait abuser. Mais lorsque, vers le mois de mars, dans le procès de C. Antonius, accusé pour sa conduite déshonorante en Macédoine, Cicéron, défenseur de son ancien collègue, se permit d’attaquer violemment les dépositaires du pouvoir, le même jour Clodius fut admis dans les rangs des plébéiens[44], et bientôt après désigné, avec Vatinius, pour le tribunat[45]. Il existait un troisième tribun, dont le nom est inconnu, mais dont le dévouement était également acquis au consul[46].

Ainsi César, de l’aveu même de Cicéron, était déjà à lui seul plus fort que la République[47]. Il était l’espoir des uns, l’effroi des autres ; pour tous, irrévocablement le maître. L’abstention de Bibulus n’avait fait qu’augmenter son pouvoir[48]. Aussi disait-on à Rome, en plaisantant, qu’on ne connaissait que le consulat de Julius et de Caius César, faisant ainsi d’un seul nom deux personnages, et l’on colportait les vers suivants :

Non Bibulo quidquam nuper, sed Cæsare factum est :
Nam Bibulo fieri consule nil memini[49].

Et comme la faveur populaire, lorsqu’elle s’attache à un homme en évidence, voit du merveilleux dans tout ce qui se rapporte à sa personne, la foule tirait un augure favorable de l’existence d’un cheval extraordinaire né dans ses écuries. Ses sabots étaient fourchus et présentaient la forme de doigts. César seul avait pu dompter cet étrange animal, dont la docilité, disait-on, lui présageait l’empire du monde[50].

Pendant son premier consulat, César promulgua un grand nombre de lois, dont la plupart ne sont pas arrivées jusqu’à nous. Cependant il nous est resté des fragments précieux des plus importantes, entre autres, les modifications aux prérogatives sacerdotales. Le tribun Labienus, nous l’avons déjà vu, pour faire parvenir César à la dignité de grand pontife, avait rendu à dix-sept tribus tirées au sort le droit d’élection. Quoique cette loi semblât autoriser les absents à briguer le sacerdoce, le peuple et les pontifes contestaient ce droit à ceux qui ne venaient pas solliciter la dignité en personne. De là des altercations et des troubles continuels. Pour y remédier, César, tout en confirmant l’acte de Labienus, fit déclarer admissibles comme candidats au sacerdoce, non-seulement les postulants présents, mais encore tous les absents ayant un titre quelconque à cet honneur[51].

Il se préoccupa ensuite des provinces, dont le sort avait toujours excité sa sympathie. La loi destinée à réformer les vices de l’administration (De provinciis ordinandis) n’a pas de date certaine ; elle porte le même titre que celle de Sylla et s’en rapproche beaucoup. Ses prescriptions garantissaient les habitants contre la violence, l’arbitraire, la corruption des proconsuls et des propréteurs, et fixaient les allocations auxquelles ceux-ci avaient droit[52]. Elle affranchissait de la dépendance des gouverneurs les États libres, liberæ civitates, et les autorisait à se régir par leurs propres lois et leurs propres magistrats[53]. Aussi Cicéron considérait-il cette mesure comme ayant garanti la liberté des provinces[54], car, dans son discours contre Pison, il lui reproche de l’avoir violée en réunissant des peuples libres à son gouvernement de Macédoine[55]. Enfin, une disposition particulière réglait la comptabilité et les dépenses de l’administration, en exigeant qu’au sortir de charge les gouverneurs livrassent, au bout de trente jours, un compte rendu justificatif de leur gestion et de leurs dépenses, dont trois exemplaires devaient être déposés, l’un à l’ærarium, à Rome, et les autres dans les deux villes principales de la province[56]. Les propréteurs devaient rester un an et les proconsuls deux ans à la tête de leur gouvernement[57].

Les généraux soumettaient les pays administrés par eux à deux lourdes charges : ils exigeaient, sous le prétexte du triomphe, des couronnes d’or d’un prix considérable (aurum coronarium), et faisaient supporter aux pays qu’ils traversaient leurs dépenses et celles de leur suite. César remédia à ces abus en défendant aux proconsuls d’exiger la contribution coronaire avant que le triomphe eût été décidé[58], et en soumettant aux règles les plus sévères les prestations en nature qu’on devait fournir[59]. On peut juger combien ces prescriptions étaient nécessaires par ce fait que Cicéron, dont l’administration passait avec raison pour intègre, avoue avoir retiré, huit ans après la loi Julienne, de fortes sommes de son gouvernement de Cilicie[60].

La même loi défendait à tout gouverneur, sans la permission du sénat et du peuple, de sortir de sa province, ou d’en faire sortir ses troupes, de s’immiscer dans les affaires d’un État voisin[61] ou d’exiger de l’argent des provinciaux[62].

Elle atténuait également les abus des légations libres (De liberis legationibus). On appelait ainsi les missions données aux sénateurs qui, se rendant dans les provinces pour leurs propres affaires, se faisaient revêtir abusivement du titre de légats du peuple romain pour être défrayés de toute dépense et de tous frais de transport. Ces missions, d’une durée indéfinie, étaient l’objet de réclamations incessantes[63]. Cicéron les avait limitées à un an ; César fixa un terme encore plus court, mais qui est ignoré[64].

Comme complément des mesures précédentes il provoqua une loi (De pecuniis repetundis) dont les dispositions ont souvent été confondues avec celles de la loi De provinciis ordinandis. Cicéron en vante la perfection et la justice[65]. Elle contenait un grand nombre d’articles : il est question, dans une lettre de Cœlius, du cie chapitre de la loi[66]. Elle était destinée à prévenir tous les cas de concussion, tant à Rome que hors de l’Italie. Les personnes lésées pouvaient réclamer juridiquement la restitution des sommes injustement perçues. Quoique les dispositions principales fussent empruntées à la loi de Sylla, la pénalité en était plus sévère et la procédure plus expéditive ; ainsi, comme les riches parvenaient, en s’exilant avant le jugement, à se soustraire à la peine, il fut établi qu’alors leurs biens seraient confisqués en partie ou en totalité, suivant la nature du crime[67]. Si la fortune du coupable ne suffisait pas au payement des restitutions, tous ceux qui avaient profité de la prévarication étaient recherchés et condamnés solidairement[68]. Enfin la corruption était atteinte sous toutes ses formes[69], et la loi allait même jusqu’à veiller sur la moralité des transactions. Un article particulier est à remarquer : c’est celui qui défendait d’accepter comme terminé un ouvrage qui ne l’était pas. César avait sans doute en vue l’action qu’il avait inutilement intentée contre Catulus pour le non-achèvement du temple de Jupiter Capitolin.

On peut encore enregistrer comme lois de César la plupart de celles que présentèrent sous son inspiration, soit le tribun P. Vatinius, soit le préteur Q. Fufius Calenus[70].

Une loi du premier autorisait dans les procès l’accusateur comme l’accusé à rejeter, une fois seulement, la totalité des juges ; jusque-là ils n’avaient pu en récuser qu’un certain nombre[71]. C’était donner à tous la même garantie que Sylla avait réservée exclusivement aux sénateurs, puisque, pour les chevaliers et les plébéiens, il avait limité la récusation à trois juges[72].

Vatinius fit aussi conférer à cinq mille colons établis à Côme (novum Comum) le droit de cité romaine. Cette mesure[73] flattait l’orgueil de Pompée, dont le père, Pompée Strabon, avait réédifié la ville de Côme, et elle offrait à tous les Transpadans la perspective d’obtenir la qualité de citoyens romains, que César leur accorda plus tard[74].

Un autre partisan dévoué du consul, le préteur Q. Fufius Calenus[75], proposa une loi qui, dans les délibérations judiciaires, faisait peser la responsabilité sur chacun des trois ordres dont se composait le tribunal : les sénateurs, les chevaliers et les tribuns du trésor. Au lieu d’émettre un avis collectif, ils furent appelés à exprimer leur opinion séparément. Dion-Cassius explique la loi en ces termes : « Voyant que dans les procès tous les votes étaient confondus et que chaque ordre s’attribuait les bonnes résolutions et rejetait les mauvaises sur les autres, Calenus fit rendre une loi pour que les différents ordres votassent séparément, afin de connaître ainsi, non l’opinion des individus, puisque le vote était secret, mais celle de chaque ordre[76]. »

Toutes les lois de César portèrent le nom de lois Juliennes ; elles furent sanctionnées par le sénat et adoptées sans opposition[77], et Caton lui-même ne les combattit pas ; mais, lorsque, devenu préteur, il se vit obligé de les appliquer, il eut la petitesse d’esprit de ne pas vouloir les désigner par leur nom[78].

On peut se convaincre par les faits précédents que, pendant son premier consulat, un mobile unique animait César, l’intérêt public. Sa pensée dominante était de porter remède aux maux qui affligeaient le pays. Ses actes, que plusieurs historiens ont incriminés comme subversifs et inspirés par une ambition démesurée, n’étaient, à les examiner attentivement, que le résultat d’une sage politique et l’exécution d’un programme bien connu, proclamé autrefois par les Gracques et récemment par Pompée lui-même. Comme les Gracques, César avait voulu la distribution du domaine public, la réforme de la justice, le soulagement des provinces, l’extension des droits de cité ; comme eux, il avait protégé l’ordre des chevaliers pour l’opposer aux résistances obstinées du sénat ; mais, plus heureux, il avait accompli ce que les Gracques et Pompée avaient été impuissants à réaliser. Plutarque fait l’éloge de la sagesse de son gouvernement dans la Vie de Crassus[79], quoiqu’un jugement passionné ait entraîné cet écrivain à comparer ailleurs sa conduite à celle d’un tribun factieux[80].

Suivant le goût de l’époque et surtout comme moyen de popularité, César donna des jeux splendides, des spectacles, des combats de gladiateurs, empruntant de Pompée et d’Atticus des sommes considérables pour satisfaire à son luxe, à ses profusions et à ses largesses[81]. Suétone, toujours prêt à enregistrer indistinctement le vrai et le faux qui se débitaient alors, rapporte que César aurait soustrait au trésor trois mille livres d’or, auxquelles il aurait substitué un métal doré ; mais l’élévation de son caractère fait rejeter bien loin cette calomnié. Cicéron, qui n’avait, à ce moment, aucune raison de le ménager, n’en parle ni dans ses lettres, où se révèle sa mauvaise humeur, ni dans son Discours contre Fatinius, dévoué à César ; et, d’un autre côté, Pline[82] cite un fait analogue arrivé pendant le consulat de Pompée.


César reçoit le gouvernement des Gaules.

IV. César ne bornait pas son ambition à être consul et législateur, il désirait obtenir un commandement à la hauteur de son génie, reculer les frontières de la République et les préserver de l’invasion de ses plus puissants ennemis. On se souvient que, lors de l’élection des consuls, le sénat leur avait attribué la surveillance des forêts et des chemins publics. Il y avait donc peu à compter sur un retour bienveillant de la part de l’assemblée, et, si la distribution des commandements était de sa compétence, l’histoire offrait des exemples de provinces données par un vote populaire : la Numidie fut assignée à Marius, sur la proposition du tribun L. Manlius, et L. Lucullus, après avoir reçu du sénat la Gaule cisalpine, obtint du peuple la Cilicie[83]. C’est ainsi que le commandement de l’Asie avait été déféré à Pompée. Fort de ces précédents, Vatinius proposa au peuple de confier à César, pendant cinq ans, le commandement de la Gaule cisalpine et de l’Illyrie, avec trois légions[84]. Pompée appuya cette motion de toutes ses forces. Les amis de Crassus[85], Clodius[86] et L. Pison votèrent en faveur de la loi.

Au premier abord, il semble étonnant que la proposition du tribun concernât seulement la Gaule cisalpine, sans parler de l’autre côté des Alpes, où se présentaient uniquement les chances d’acquérir de la gloire ; mais, en y réfléchissant, on découvre combien cette manière de poser la question était habile et politique. Solliciter à la fois le gouvernement des deux Gaules eût pu paraître exorbitant et exposer à un échec. Demander le gouvernement de la Gaule proprement dite offrait des dangers, car, si on l’avait accordé sans y joindre la Gaule Cisalpine, dévolue à un autre proconsul, César se serait trouvé complètement séparé de l’Italie, dans l’impossibilité de s’y rendre pendant l’hiver et de conserver avec Rome des relations suivies. Le projet de loi de Vatinius, au contraire, n’ayant pour objet que la Gaule cisalpine et l’Illyrie, on ne pouvait guère refuser un commandement contenu dans les bornes ordinaires, et César acquérait par là une base d’opérations solide, au milieu de populations dévouées, où ses légions pouvaient être facilement recrutées. Quant à la province au delà des Alpes, il était probable qu’un événement fortuit ou une proposition nouvelle la placerait sous ses ordres. C’est ce qui arriva plus tôt qu’il ne s’y attendait, car le sénat, par un calcul habile, mais rare à cette époque, ajouta à ce commandement une troisième province, la Gaule chevelue (comata) ou transalpine, et une quatrième légion. Il se donnait ainsi le mérite d’une initiative que le peuple aurait prise de lui-même, s’il n’eût été devancé[87].

Transporté de joie à cette nouvelle, César, d’après Suétone, se serait écrié, en plein sénat, que maintenant, parvenu au but de ses désirs malgré ses ennemis, il marcherait sur leurs têtes[88].

Cette anecdote n’est pas vraisemblable. Il était trop prudent pour provoquer en face ses adversaires, au moment où il allait s’éloigner de Rome. « Toujours maître de lui-même, dit un ancien auteur, il ne heurtait personne inutilement[89]. »


Opposition de la noblesse.

V. Pendant qu’aux prises avec les difficultés les plus sérieuses, César s’efforçait d’asseoir la République sur de meilleures bases, le parti aristocratique se consolait de ses défaites successives par une petite guerre de sarcasmes et de chicanes. Au théâtre, il applaudissait toutes les allusions blessantes pour Pompée, et recevait César avec froideur[90]. Bibulus, gendre de Caton, publiait des édits contenant les plus grossières attaques ; il renouvelait les accusations de complots contre la République, et de prétendus rapports honteux avec Nicomède[91]. On accourait lire et copier ces placards injurieux. Cicéron les envoyait avec bonheur à Atticus[92]. Aussi le parti auquel appartenait Bibulus le portait aux nues et faisait de lui un grand homme[93]. Son opposition, cependant, n’avait réussi qu’à retarder les comices consulaires jusqu’au mois d’octobre. Cette prorogation était faite dans l’espoir de contrarier l’élection des consuls dévoués aux triumvirs. César, à cette occasion, l’attaqua dans un violent discours, et Vatinius proposa de l’arrêter. Pompée, de son côté, ému de diatribes auxquelles il n’était pas accoutumé, se plaignit devant le peuple de l’animosité dont il était l’objet ; mais son discours paraît n’avoir pas eu beaucoup de succès.

Il est triste de voir l’accomplissement de grandes choses entravé souvent par les petites passions d’hommes à courte vue, qui ne connaissent le monde que dans le cercle étroit où ils vivent renfermés. En secondant César, Bibulus pouvait acquérir une juste renommée, il préféra être le héros d’une coterie et aima mieux obtenir les applaudissements intéressés d’un petit nombre de sénateurs égoïstes que de mériter avec son collègue la reconnaissance publique. Cicéron, de son côté, prenait pour l’expression véritable de l’opinion les clameurs d’une faction aux abois. Il était d’ailleurs de ceux qui trouvent que tout va bien quand ils sont au pouvoir et que tout périclite dès qu’ils n’y sont plus. Dans ses lettres à Atticus, il parle de la haine générale contre ces nouveaux rois, prédit leur chute prochaine[94] et s’écrie : « Quels murmures ! quelle irritation ! quelle haine contre notre ami Pompée ! Son nom de grand vieillit comme celui du riche Crassus[95]. »

Il explique avec une naïveté parfaite la consolation que trouve son amour-propre dans l’abaissement de celui qui faisait autrefois son admiration. « J’étais tourmenté de la crainte que les services rendus par Pompée à la patrie ne parussent, dans les temps à venir, plus grands que les miens : j’en suis bien revenu ; il est si bas, si bas, que Curius lui même me semble un géant près de lui[96]. » Et il ajoute : « Aujourd’hui rien de plus populaire que de détester les hommes populaires ; ils n’ont pour eux personne. Ils le savent, et c’est ce qui me fait redouter les violences. Je ne pense pas sans frémir aux explosions qui sont inévitables[97]. » La haine qu’il portait à Clodius et à Vatinius égarait sa raison.

Lorsque César poursuivait laborieusement le cours de sa destinée, le génie de Cicéron, au lieu de comprendre l’avenir et de hâter le progrès par sa coopération, résistait à l’élan général, niait l’évidence, et ne savait pas, à travers les défauts de certains adhérents du pouvoir, discerner la grandeur de la cause.

César supportait avec peine les attaques de Cicéron ; mais, comme ceux que guident de grandes vues politiques, supérieur aux ressentiments, il ménageait tout ce qui pouvait exercer de l’ascendant sur les esprits, et la parole de Cicéron était une puissance. Dion-Cassius explique ainsi la conduite de César : « Il ne blessa Cicéron ni par ses paroles ni par ses actes ; il disait que souvent bien des hommes lancent à dessein de vains sarcasmes contre ceux qui sont au-dessus d’eux, pour les pousser à la dispute, dans l’espérance de paraître avoir quelque ressemblance avec eux et d’être mis sur le même rang, s’ils parviennent à être injuriés à leur tour. César crut donc ne devoir entrer en lice avec personne. Telle fut sa règle de conduite envers tous ceux qui l’insultaient, et, comme il voyait bien alors que Cicéron cherchait moins à l’offenser qu’à faire sortir de sa bouche quelques propos injurieux, par le désir qu’il avait d’être regardé comme son égal, il ne se préoccupa aucunement de lui, ne tint pas compte de ce qu’il disait, et laissa même Cicéron l’insulter tout à son aise et se louer outre mesure. Cependant il était loin de le mépriser ; mais, naturellement doux, il ne se mettait pas facilement en colère. Il avait beaucoup à punir, comme cela devait arriver au milieu des grandes affaires auxquelles il était mêlé ; mais jamais il ne cédait à l’emportement[98]. »

Il survint un incident qui montra toute l’animosité d’un certain parti. L. Vettius, ancien espion de Cicéron dans la conjuration de Catilina, puni pour avoir faussement accusé César, fut arrêté sous la prévention de vouloir attenter à sa vie ainsi qu’à celle de Pompée. On trouva sur lui un poignard, et, interrogé devant le sénat, il dénonça, comme instigateurs de son crime, le jeune Curion, Cæpion, Brutus, Lentulus, Caton, Lucullus, Pison, gendre de Cicéron, Cicéron lui-même, M. Laterensis et d’autres encore ; il nomma aussi Bibulus, ce qui ôta toute vraisemblance à ses dénonciations, Bibulus ayant déjà fait avertir Pompée de se tenir sur ses gardes[99]. Les historiens, tels que Dion-Cassius, Appien, Plutarque, traitent sérieusement ce complot ; le premier soutient formellement que Cicéron et Lucullus avaient armé le bras de l’assassin. Suétone, au contraire, reproche à César d’avoir suborné Vettius afin de jeter le blâme sur ses adversaires.

En présence de ces renseignements contradictoires, le mieux est, comme dans les procès ordinaires, de juger de la valeur de l’accusation d’après les antécédents de ceux que l’on accuse. Or Cicéron, malgré sa mobilité, était trop honnête pour tremper dans un complot d’assassinat, et César avait le caractère trop élevé, il avait trop la conscience de sa force pour s’abaisser jusqu’à chercher dans une misérable intrigue le moyen d’accroître son influence. Un sénatus-consulte fit mettre Vettius en prison ; mais César, intéressé et résolu à la manifestation de la vérité, appela l’affaire devant le peuple et força Vettius de monter à la tribune aux harangues. Celui-ci, par une versatilité suspecte, dénonça ceux qu’il avait déchargés la veille et déchargea ceux qu’il avait dénoncés, entre autres Brutus. À l’égard de ce dernier, on disait que ce changement était dû à la liaison de César avec sa mère. Reconduit en prison, Vettius fut trouvé mort le lendemain. Cicéron accusa Vatinius de l’avoir fait tuer[100] ; mais, suivant d’autres, les véritables auteurs de sa mort furent ceux qui l’avaient poussé à cette honteuse manœuvre et qui redoutaient ses révélations[101].

La comparaison des divers récits nous conduit à conclure que cet obscur agent de menées ténébreuses s’était fait l’instigateur d’un complot pour avoir le mérite de le révéler et s’attirer la bienveillance de César en signalant comme complices ses adversaires politiques. L’événement néanmoins profita à César, et le peuple lui permit de prendre des mesures pour sa sûreté personnelle[102]. C’est sans doute à cette époque que fut rétabli l’ancien usage d’accorder au consul, pendant le mois où il n’avait pas les faisceaux, le droit de se faire précéder par un appariteur (accensus) et suivre par des licteurs[103].

Sans changer les lois fondamentales de la République, César avait obtenu un grand résultat : il avait remplacé l’anarchie par un pouvoir énergique, dominant à la fois le sénat et les comices ; par l’entente des trois hommes les plus importants, il avait substitué aux rivalités personnelles une autorité morale qui lui avait permis d’établir des lois favorisant la prospérité de l’empire. Mais il était essentiel que son départ n’entraînât pas la chute de l’édifice si laborieusement élevé. Il n’ignorait ni le nombre ni la puissance de ses ennemis : il savait que, s’il leur abandonnait le Forum et la Curie, non-seulement on reviendrait sur tous ses actes, mais qu’on irait jusqu’à lui enlever son commandement. Si l’on doutait du degré de haine dont il était l’objet, il suffirait de rappeler qu’une année plus tard Arioviste lui avoua, dans une entrevue sur les bords du Rhin, que bien des grands de Rome en voulaient à ses jours[104]. Contre de pareilles inimitiés il fallait, chose difficile, pouvoir diriger les élections ; or la constitution romaine faisait surgir tous les ans de nouveaux candidats aux honneurs : il était indispensable d’avoir des partisans parmi les deux consuls, les huit préteurs et les dix tribuns nommés dans les comices. À toutes les époques, au temps même où l’aristocratie exerçait le plus d’influence, elle ne put empêcher ses adversaires de s’introduire dans les charges publiques. D’ailleurs, les trois personnages qui avaient fait cause commune devaient craindre l’ambition et l’ingratitude des hommes qu’ils avaient élevés, et qui bientôt voudraient devenir leurs égaux. Enfin un dernier danger, et peut-être le plus sérieux, c’était l’impatience et l’indiscipline du parti démocratique, dont ils étaient les chefs.

En présence de ces périls, les triumvirs s’entendirent afin de faire arriver au consulat, pour l’année suivante, L. Pison, beau-père de César, et A. Gabinius, partisan dévoué de Pompée. Ils furent, en effet, désignés consuls le 18 octobre, malgré les efforts des grands et l’accusation de Caton contre Gabinius.

À la fin de l’année 695, César et Bibulus cessèrent leurs fonctions. Ce dernier, en exposant sa conduite, selon l’usage, entreprit de peindre sous les plus noires couleurs l’état de la République ; mais Clodius l’empêcha de parler[105]. Quant à César, ses prévisions sur les attaques auxquelles il allait être en butte n’étaient que trop fondées, car à peine était-il sorti de charge que le préteur L. Domitius Ahenobarbus et C. Memmius, amis de Cicéron[106], proposaient au sénat de le poursuivre à raison des actes de son consulat, et surtout pour n’avoir tenu aucun compte des auspices. Le sénat recula devant cette proposition[107]. Cependant on traduisit en justice le questeur de César ; lui-même y fut cité par le tribun L. Antistius ; mais le collège tout entier se désista de la plainte en vertu de la loi Memmia, qui défendait d’accueillir aucune accusation contre un citoyen absent pour le service de la République[108].

César se trouvait encore aux portes de Rome, investi de l’imperium, et, suivant les lettres de Cicéron[109], à la tête de troupes nombreuses, composées, selon toute apparence, de vétérans volontaires[110]. Il y resta même plus de deux mois, pour veiller à ce que son départ ne devint pas le signal du renversement de son œuvre.


Lois de Clodius. Exil de Cicéron.

VI. Pendant ce temps Clodius, esprit inquiet et turbulent[111], fier de l’appui qu’il avait prêté aux triumvirs comme de celui qu’il en recevait, n’écoutait plus que sa passion et faisait voter des lois, dont quelques-unes, flattant la populace et même les esclaves, menaçaient l’État d’anarchie. En vertu de ces lois, il rétablissait les associations politiques (collegia), clubs dangereux pour la tranquillité publique[112], que Sylla avait dissous, qui s’étaient depuis réorganisés, pour être encore supprimés en 690[113] ; il faisait des distributions gratuites de blé au peuple, ôtait aux censeurs le droit de rayer du sénat qui bon leur semblait, leur permettant d’exclure seulement les sénateurs frappés d’une condamnation[114], défendait aux magistrats de prendre les auspices ou d’observer le ciel les jours de délibération des comices[115], enfin il infligeait des peines sévères à ceux qui auraient condamné à mort, sans les entendre, des citoyens romains. Cette dernière disposition était évidemment dirigée contre Cicéron, quoique son nom ne fût pas prononcé. Afin d’en assurer l’adoption, son auteur désirait l’acquiescement de César, retenu aux portes de Rome par le commandement militaire qui lui en interdisait l’entrée. Clodius alors convoqua le peuple hors des murs, et, quand il demanda au proconsul son opinion, celui-ci répondit qu’elle était bien connue par son vote dans l’affaire des complices de Catilina ; que, néanmoins, il désapprouvait une loi prononçant des peines sur des faits qui appartenaient au passé[116].

À cette occasion le sénat prit le deuil, afin de faire paraître à tous les yeux son mécontentement ; mais les consuls Gabinius et Pison obligèrent les sénateurs à renoncer à cette démonstration intempestive.

César, pour soustraire Cicéron au danger qui le menaçait, lui proposa de l’emmener avec lui dans les Gaules comme son lieutenant[117]. Celui-ci repoussa cette offre, se faisant illusion sur sa propre influence[118], et comptant d’ailleurs sur la protection de Pompée. Il paraît positif, d’après cela, que Clodius allait au delà des vues de César : preuve nouvelle que de pareils instruments, lorsqu’on les emploie, sont une arme à deux tranchants, dont la direction échappe aux mains les plus habiles. C’est ainsi que plus tard Vatinius, aspirant à devenir préteur, reçut de son ancien patron ce sanglant avertissement : « Vatinius n’a rien fait gratuitement pendant son tribunat. Quand on ne recherche que l’argent, on doit se passer aisément des honneurs[119]. » En effet, César, dont les efforts pour rétablir les institutions populaires ne s’étaient jamais ralentis, ne voulait ni anarchie ni lois démagogiques, et, de même qu’il n’avait pas approuvé la proposition de Manilius pour l’émancipation des affranchis, de même il repoussait la réorganisation des corporations, les distributions de blé gratuites et les projets de vengeance de Clodius, qui cependant se vantait sans cesse de son appui.

Crassus, de son côté, désirant être utile à Cicéron sans se compromettre[120], engagea son fils à lui venir en aide. Quant à Pompée, balançant entre la crainte et l’amitié, il imagina un prétexte pour ne pas recevoir Cicéron, lorsque celui-ci vint réclamer son appui. Privé de cette dernière ressource, le grand orateur ne conserva plus d’illusions, et, après quelques velléités de résistance, s’éloigna volontairement. À peine eut-il quitté Rome, que la loi contre lui était rendue sans aucune opposition, avec le concours de ceux que Cicéron considérait comme ses amis[121]. On confisqua ses biens, on rasa sa maison et on l’exila à une distance de quatre cents milles.

César avait habilement pris toutes ses précautions pour que son action se fît encore sentir à Rome pendant son absence, autant que l’instabilité des magistratures pouvait le permettre. Par l’influence de sa fille Julie, dont les charmes et l’esprit captivaient son mari, il retint Pompée ; par la distinction accordée au fils de Crassus, jeune homme d’un haut mérite, nommé son lieutenant, il s’assura du père. Cicéron est éloigné, mais bientôt César consentira à son retour et se le conciliera de nouveau en appelant près de lui son frère Quintus. Reste l’opposition de Caton ; Clodius se charge de l’écarter sous l’apparence d’une honorable mission : il est envoyé en Chypre pour détrôner le roi Ptolémée, dont les déréglements excitaient la haine de ses sujets[122]. Enfin tous les hommes importants qui avaient quelque chance d’arriver aux emplois sont gagnés à la cause de César ; quelques-uns même s’y engagent par écrit[123]. Il peut donc partir ; le destin va lui frayer une nouvelle route : une gloire immortelle l’attend au delà des Alpes, et, en rejaillissant sur Rome, cette gloire changera la face du monde.


Explication de la conduite de César.

VII. Nous avons montré César n’obéissant qu’à ses convictions politiques, soit comme promoteur ardent de toutes les mesures populaires, soit comme partisan déclaré de Pompée ; nous l’avons montré aspirant, de par une noble ambition, au pouvoir et aux honneurs ; mais nous n’ignorons pas que les historiens en général donnent d’autres motifs de sa conduite. On le représente, dès 684, comme ayant déjà ses plans arrêtés, ses embûches dressées, ses instruments tout prêts. On lui suppose la prescience absolue de l’avenir, la faculté de diriger les hommes et les choses au gré de sa volonté, et de rendre chacun, à son insu, complice de ses profonds desseins. Toutes ses actions ont un mobile caché, que l’historien se vante de découvrir après coup. Si César relève le drapeau de Marius, se fait le défenseur des opprimés et le persécuteur des sicaires de la tyrannie passée, c’est pour acquérir un concours nécessaire à son ambition ; s’il lutte avec Cicéron en faveur de la légalité dans le procès des complices de Catilina, ou pour soutenir une loi agraire dont il approuve le but politique ; si, pour réparer une grande injustice de Sylla, il appuie la réintégration dans leurs droits des enfants des proscrits, c’est pour compromettre le grand orateur devant le parti populaire ; si, au contraire, il met son influence au service de Pompée ; si, à l’occasion de la guerre contre les pirates, il contribue à lui faire accorder une autorité jugée exorbitante ; s’il seconde le plébiscite qui lui confère, en outre, le commandement de l’armée contre Mithridate ; si, plus tard, il lui fait décerner, quoique absent, des honneurs extraordinaires, c’est encore dans le but machiavélique de faire tourner la grandeur de Pompée à son profit. De sorte que, s’il défend la liberté, c’est pour perdre ses adversaires ; s’il défend le pouvoir, c’est pour habituer les Romains à la tyrannie. Enfin, si César recherche le consulat, comme tous les membres de la noblesse romaine, c’est, dit-on, parce que déjà il entrevoit, à travers les faisceaux du consul et la poussière des batailles, la dictature, le trône même. Pareille interprétation vient de cette faute, trop commune, de ne pas apprécier les faits en eux-mêmes, mais d’après le caractère que les événements postérieurs leur ont prêté.

Étrange inconséquence, que de supposer à la fois aux hommes supérieurs et des mobiles mesquins, et des prévoyances surhumaines ! Non, ce n’est pas la pensée misérable de faire échec à Cicéron qui guidait César ; il n’avait pas recours à une tactique plus ou moins habile, il obéissait à une conviction profonde, et, ce qui le prouve d’une manière évidente, c’est qu’une fois élevé au pouvoir, ses premiers actes sont d’exécuter comme consul ou comme dictateur ce qu’il avait appuyé comme citoyen, témoin la loi agraire et la réhabilitation des proscrits. Non, s’il soutient Pompée, ce n’est pas parce qu’il croit pouvoir l’abattre après l’avoir grandi, mais parce que cet illustre capitaine avait embrassé la même cause que lui ; car il n’eût été donné à personne de lire dans l’avenir au point de deviner l’usage que ferait le vainqueur de Mithridate de ses triomphes et de sa véritable popularité. En effet, lorsqu’il débarqua en Italie, Rome fut dans l’anxiété. Licenciera-t-il son armée[124] ? Tel fut de toutes parts le cri d’alarme. S’il revient en maître, personne ne peut lui résister. Contre l’attente générale, Pompée licencia ses troupes. Comment donc César pouvait-il prévoir d’avance une modération si peu dans les habitudes du temps ?

Est-il plus vrai de dire que César, devenu proconsul, aspirait à la souveraine puissance ? Non, en partant pour la Gaule, il ne pouvait penser à régner sur Rome, pas plus que le général Bonaparte, en partant pour l’Italie, en 1796, ne pouvait rêver l’Empire. Était-il possible à César de prévoir que, pendant un séjour de dix ans dans les Gaules, il y enchaînerait toujours la fortune, et que, au bout de ce long espace de temps, les esprits, à Rome, seraient encore favorables à ses projets ? Pouvait-il deviner que la mort de sa fille briserait les liens qui l’attachaient à Pompée ? que Crassus, au lieu de revenir triomphant de l’Orient, serait vaincu et tué par les Parthes ? que le meurtre de Clodius bouleverserait toute l’Italie ? enfin, que l’anarchie, qu’il avait voulu étouffer par le triumvirat, serait la cause de son élévation ? César avait devant les yeux de grands exemples à suivre ; il marchait glorieusement sur les traces des Scipion et des Paul-Émile : la haine de ses ennemis le força de se saisir de la dictature comme Sylla, mais pour une cause plus noble et par une conduite exempte de vengeances et de cruauté.

Ne cherchons pas sans cesse de petites passions dans de grandes âmes. Le succès des hommes supérieurs, et c’est une pensée consolante, tient plutôt à l’élévation de leurs sentiments qu’aux spéculations de l’égoïsme et de la ruse ; ce succès dépend bien plus de leur habileté à profiter des circonstances que de cette présomption assez aveugle pour se croire capable de faire naître les événements, qui sont dans la main de Dieu seul. Certes César avait foi dans sa destinée et confiance dans son génie ; mais la foi est un instinct, non un calcul, et le génie pressent l’avenir sans en deviner la marche mystérieuse.


FIN DU TOME PREMIER.
  1. Dion-Cassius, XXXVIII, i.
  2. Appien, Guerres civiles, II, x.
  3. Cicéron, Lettres à Atticus, II, iii. Consul, il voulait que je prisse part aux opérations de son consulat. – « Sans les approuver, je dus cependant lui savoir gré de sa déférence. » (Discours sur les provinces consulaires, xvii.)
  4. Plutarque, César, xiv. — Suétone, César, xxi.
  5. Plutarque, César, xiv.
  6. Plutarque, Caton, xxiv.
  7. Plutarque, Caton, lix.
  8. Suétone, César, xx.
  9. Tite-Live, IX, viii.
  10. Appien, Guerres civiles, II, vii.
  11. Cicéron, Lettres familières, XIII, iv.
  12. Dion-Cassius, XXXVIII, i.
  13. Lettres à Atticus, I, xviii. — À propos d’une loi antérieure on lit ce qui suit : « Les sénateurs qui ont discuté la présente loi seront tenus, dans les dix jours qui suivront le plébiscite, de jurer son maintien devant le questeur, dans la trésorerie, en plein jour et en prenant pour témoins Jupiter et les dieux pénates. » (Table de Bantia, Klenze, Philologische Abhandlungen, iv, 16-24.)
  14. Dion-Cassius, XXXVIII, i.
  15. Dion-Cassius, XXXVIII. ii.
  16. Ateius Capiton, Traité sur les devoirs du sénateur, cité par Aulu-Gelle, IV, x. — Valère Maxime, II, x, § 7.
  17. Dion-Cassius, XXXVIII, iv.
  18. Suétone, César, xxi.
  19. Appien, Guerres civiles, II, xi.
  20. Dion-Cassius, XXXVIII, vi.
  21. Les consuls, les préteurs, et en général tous ceux qui présidaient une assemblée du peuple, ou même qui s’y trouvaient en qualité de magistrats, avaient un droit de veto fondé sur la superstition populaire. Ce droit s’exerçait en déclarant qu’un phénomène céleste avait été observé par eux, et qu’il n’était plus permis de délibérer. Jupiter lançant la foudre ou la pluie, on ne peut plus traiter des affaires avec le peuple : tel était le texte de la loi religieuse ou politique rendue en 597. Il n’était pas nécessaire qu’il tonnât ou qu’il plût en effet ; l’affirmation d’un magistrat ayant qualité pour observer le ciel suffisait. (Cicéron, Discours pour Sextius, xv ; — Discours sur les provinces consulaires, xix. — Asconius, In Pison. p. 9, éd. Orelli. — Orelli, tables de son édition de Cicéron, VIII, 126, Index legum, articles Lois Ælia et Fufia.)
  22. Valère Maxime, III, vii, 6.
  23. Plutarque, Caton, xxxvii.
  24. Dion-Cassius, XXXVIII, vii. « La loi campanienne contient une disposition qui astreint les candidats à jurer, dans l’assemblée du peuple, qu’ils ne proposeront jamais rien de contraire à la législation julienne sur la propriété. Tous ont juré, excepté Laterensis, qui a mieux aimé se désister de la candidature au tribunat que de prêter le serment, et on lui en sait un gré infini. » (Cicéron, Lettres à Atticus, II, xviii.)
  25. C’est ce qui résulte des paroles de Dion-Cassius, XXXVIII, i. Plusieurs érudits n’ont pas admis l’existence de deux lois agraires ; cependant Cicéron, dans sa lettre à Atticus (II, vii), écrite en avril, annonce que les vingt commissaires sont nommés. Dans cette première loi (Lettres familières, XIII, iv), il mentionne l’ager de Volaterra, qui n’était certainement pas dans la Campanie. Dans une autre lettre du commencement de mai (Lettres à Atticus, II, xvi) il parle pour la première fois de la Campanie, et dit que Pompée avait approuvé la première loi agraire. Enfin dans celle écrite au mois de juin (Lettres à Atticus, II, xviii), il parle du serment prêté aux lois agraires. Suétone (César, xx), Appien (Guerres civiles, II, x), font mention des lois agraires juliennes, au pluriel. Tite-Live (Epitome du livre CIII) parle des leges agrariæ de César, et Plutarque (Caton, xxxviii) dit positivement : « Enflé de cette victoire, César proposa une nouvelle loi pour partager aux citoyens pauvres et indigents presque toutes les terres de la Campanie ; » et précédemment, au chapitre xxxvi, le même auteur avait dit de César, qu’il proposa des lois pour distribuer des terres aux citoyens pauvres. Ainsi il y eut positivement deux lois rendues à quelques mois d’intervalle ; et, si l’objet de la seconde était la distribution de l’ager campanus, la première avait sans doute un caractère plus général. — Dion-Cassius, après avoir rapporté la proposition de la première loi agraire, où la Campanie était exceptée, dit également : « En outre, le territoire de la Campanie fut donné à ceux qui avaient trois enfants ou plus. » (XXXVIII, vii.)
  26. Cicéron, Deuxième Philippique, xv.
  27. Liber coloniarum, éd. Lachmann, p. 220, 235, 239, 259, 260. — Plusieurs de ces colonies ne remontent peut-être qu’à la dictature de César.
  28. Suétone, César, xx. — Velleius Paterculus, II, xliv. — Appien, Guerres civiles, II, x. « Capua muro ducta coloria Julia Felix, jussu imperatoris Cæsaris a xx viris deducta. (Liber coloniarum, I, p. 231, éd. Lachmann.)
  29. Cicéron, Deuxième Philippique, xxxix.
  30. Dion-Cassius, XXXVIII, i. — Cicéron, Lettres à Atticus, II, xix.
  31. Cicéron, Lettres à Atticus, II, vii.
  32. Discours sur les provinces consulaires, xvii.
  33. Cicéron, Lettres familières, VIII, x.
  34. Appien, Guerres civiles, II, xiii. — Scholiaste de Bobbio, Sur le discours de Cicéron pour Plancus, p. 261, éd. Orelli.
  35. Cicéron, Discours pour Plancus, xiv.
  36. Cicéron, Lettres à Atticus, II, i. — Suétone, César, xx.
  37. Suétone, César, xx. — Dion Cassius, XXXVIII, vii. — Appien, II, xiii.
  38. Suétone, César, xx.
  39. Cicéron, Deuxième discours contre la loi agraire, xvi. — Scholiaste de Bobbio, Sur le discours de Cicéron « In rege Alexandrino, » p. 350, éd. Orelli. Ce Ptolémée Alexas ou Alexandre paraît avoir été un bâtard d’Alexandre Ier, frère cadet de Ptolémée Lathyre, qui est appelé aussi Soter II ; dans ce cas, il aurait été, par naissance illégitime, cousin de Ptolémée Aulète. Il avait succédé à Alexandre II, fils légitime d’Alexandre Ier, qui épousa sa belle-mère Bérénice, unique fille légitime de Soter II.
  40. Cicéron, Lettres à Atticus, II, xvi. — Le roi d’Égypte donna près de 6 000 talents (35 millions de francs) à César et à Pompée. (Suétone, César, liv.)
  41. Suétone, César, liv. — Dion-Cassius, XXXIX, xii. — Ce que dit César, Guerre d’Alexandrie, xxxiii, et Guerre civile, III, cvii, montre l’amitié que Ptolémée Aulète témoignait aux Romains.
  42. César, Guerre des Gaules, I, xxxv. — Plutarque, César, xxi. — Dion-Cassius, XXXVIII, xxxiv.
  43. Suétone, César, xx.
  44. Plutarque, Caton, xxxviii. — « Ce fut vers la sixième heure que, plaidant devant un tribunal pour C. Antonius, mon collègue, je me plaignis de quelques abus qui régnaient dans la République et qui me paraissaient n’être point étrangers à la cause de mon malheureux client. Des malveillants rapportèrent à quelques hommes de grande considération mes paroles autrement qu’elles n’avaient été dites, et, le même jour, à la neuvième heure, l’adoption de Clodius fut votée. » (Cicéron, Discours pour sa maison, xvi.)
  45. Appien, Guerres civiles, II, xiv. — Dion-Cassius, XXXVIII, xii. — Plutarque, Pompée, l ; — Cicéron, xxxix.
  46. Cicéron, Pour Sextius, l. c.
  47. Cicéron, en parlant à Atticus du premier consulat de César, dit : « Tout faible qu’il était alors, César était plus fort que toute la République. » (Lettres à Atticus, VII, ix.)
  48. « Bibulus croyait rendre César suspect, il le rendit plus puissant. » (Velleius Paterculus, II, xliv.)
  49. Suétone, César, xx.
  50. César montait un cheval remarquable, dont les pieds étaient presque de forme humaine, le sabot étant fendu de manière à présenter l’apparence de doigts. Il avait élevé avec un grand soin ce cheval, né dans sa maison ; car les aruspices avaient promis l’empire de la terre à son maître. César fut le premier qui le dompta ; jusque-là l’animal n’avait souffert aucun cavalier. Dans la suite, il lui érigea, une statue devant le temple de Vénus Genitrix. (Suétone, César, lxi.)
  51. « Je pense tout à fait que les titres des candidats absents aux sacerdoces peuvent être examinés par les comices, car cela a déjà eu lieu précédemment. C. Marius, étant en Cappadoce, fut fait augure d’après la loi Domitia, et aucune autre loi n’a interdit d’en user ainsi plus tard ; car dans la loi Julia, la dernière sur les sacerdoces, il est dit : Celui qui demande ou celui dont les titres sont examinés. » (Cicéron, Lettres à Brutus, I, v.)
  52. Cicéron, Discours contre Pison, xxxvii.
  53. Cicéron, Discours sur les provinces consulaires, iv ; — Discours contre Pison, xvi.
  54. Cicéron, Discours contre Pison, xvi ; — Lettres à Atticus, V, x, xvi, xxi ; — Première Philippique, viii.
  55. « Tu as obtenu (s’adressant à Pison) une province consulaire sans autres limites que celles de ta cupidité, au mépris de la loi de ton gendre. En effet, par une loi de César, aussi équitable que salutaire, les peuples libres jouissaient d’une liberté pleine et entière. » (Cicéron, Discours contre Pison, xvi.)
  56. Cicéron, Discours contre Pison, xxv ; — Lettres familières, II, xvii ; — Lettres à Atticus, VI, vii. — « J’ajouterai que, si le droit ancien et l’antique usage subsistaient encore, je n’aurais remis les comptes qu’après en avoir conféré et les avoir arrêtés de bon accord et avec les procédés que comportent nos relations intimes. Ce que j’eusse fait à Rome suivant l’ancien mode, j’ai dû, sous le régime de la loi Julia, le faire en province : y déposer mes comptes et reporter seulement au trésor les copies conformes… Il fallait bien exécuter les prescriptions de la loi. On a déposé dans deux villes les comptes dûment arrêtés et collationnés, et j’ai choisi, aux termes de la loi, les deux plus considérables, Laodicée et Apamée… J’arrive à l’article des gratifications. Sachez que je n’y ai compris que les tribuns militaires, les préfets et les officiers de ma maison (contubernales). J’ai même commis une erreur. Je croyais avoir toute latitude quant au temps. Depuis j’ai su que la proposition devait en être régulièrement faite dans les trente jours de la reddition des comptes… Heureusement que les choses sont dans leur entier, en ce qui concerne les centurions et les contubernales des tribuns militaires, car la loi est muette à l’égard de ces derniers. » (Cicéron, Lettres familières, V, xx.)
  57. Dion-Cassius, XLIII, xxv.
  58. « Je ne parle pas de l’or coronaire qui t’a si longtemps mis à la torture, dans ton incertitude si tu devais le demander ou non. En effet, la loi de ton gendre défendait de le donner ou de l’accepter, à moins que le triomphe n’eût été accordé. » (Cicéron, Discours contre Pison, xxxvii.)
  59. Cicéron, Discours contre Pison, xxxvii ; — Lettres à Atticus, V, x et xvi.
  60. « Faites attention, s’il vous plaît, que j’ai déposé à Éphèse, entre les mains des publicains, une somme qui m’appartient très-légitimement, 22 millions de sesterces, et que Pompée a fait main basse sur le tout. J’en ai pris mon parti bien ou mal, n’importe. » (Cicéron, Lettres familières, V, xx.)
  61. Cicéron, Discours contre Pison, xxi.
  62. Cicéron, Discours sur les provinces consulaires, ii, iii, iv.
  63. « Y a-t-il rien de plus honteux qu’un sénateur, député sans le moindre mandat de la République ? C’est cette espèce de députation que j’aurais abolie pendant mon consulat, même de l’avis du sénat, quelque avantageuse qu’elle lui parût, sans l’opposition irréfléchie d’un tribun. J’en ai du moins fait diminuer la durée ; elle n’avait point de termes, je la réduisis à une année. » (Cicéron, Des lois, III, viii.)
  64. « D’ailleurs, je crois que la loi Julia a limité la durée des légations libres et qu’il est difficile de les renouveler (nec facile addi potest). » (Cicéron, Lettres à Atticus, XV, xi. — Orelli, Index legum, p. 192.)
  65. Cicéron, Discours pour Sextius, lxiv. — « La liberté ravie à des peuples et à des particuliers à qui elle avait été accordée et dont les droits avaient été, en vertu de la loi Julia, si formellement garantis contre toutes les entreprises contraires. » (Cicéron, Discours contre Pison, XXXVII, xvi.)
  66. Cicéron, Lettres familières, VIII, viii. Plusieurs de ces chapitres ont été conservés dans le Digeste, liv. XLVIII, tit. xi. — On regarde généralement comme tirés de la même loi des fragments consignés sur une table d’airain du musée de Florence, fragments qui ont été publiés par Maffei (Museum Veronense, p. ccclxv, n° 4), et commentés par le célèbre Marini, dans son ouvrage sur les monuments des frères Arvales, t. Ier, p. 39, 40, note 44.
  67. Suétone, César, xlii.
  68. Cicéron, Discours pour Rabirius Postumus, iv, v.
  69. Fragments de la loi Julia De repetundis conservés dans le Digeste, XLVIII, tit. xi :

    La loi est dirigée contre ceux qui, revêtus d’une magistrature, d’une légation ou d’un pouvoir quelconque, ou faisant partie de la suite de ces fonctionnaires, reçoivent de l’argent.

    Ils peuvent accepter de l’agent indéfiniment de la part de leurs cousins, de leurs parents plus proches encore, ou de leurs femmes.

    Sont frappés par la loi ceux qui auraient reçu de l’argent : Pour dire leur avis dans le sénat ou dans un conseil public ; — pour faire leur devoir ou pour s’en écarter ; — pour renoncer à un mandat public ou pour l’outrepasser ; — pour prononcer un jugement, soit dans une affaire criminelle, soit dans une question d’argent, ou pour ne pas le prononcer ; — pour condamner ou absoudre ; — pour adjuger ou taxer un objet en litige ; — pour donner un juge ou arbitre, le changer, lui ordonner de juger, ou pour ne pas le donner, ni le changer, ou pour l’empêcher de juger ; — pour faire emprisonner un homme, le mettre aux fers, ou le délivrer de ses chaînes ; — pour accuser ou ne pas accuser ; — pour produire un témoignage ou pour le supprimer ; — pour reconnaître comme reçu un ouvrage public qui n’est pas achevé ; — pour accepter du blé public sans s’être assuré de sa bonne qualité ; — pour se charger de l’entretien des édifices publics sans que leur bon état ait été constaté ; — pour enrôler un soldat ou pour le congédier.

    Tout ce qui a été donné au proconsul ou au préteur contre la présente loi ne peut s’acquérir par usucapion.

    Sont nulles les ventes et locations faites, pour un prix bas ou élevé, en vue de l’usucapion par un tiers.

    Les magistrats doivent s’abstenir de toute avarice et ne recevoir en don que cent pièces d’or par an.

    L’action est donnée même contre les héritiers de l’accusé, mais seulement dans l’année après sa mort.

    Celui qui est frappé par cette loi ne peut plus être ni juge, ni accusateur, ni témoin.

    Les peines prononcées sont l’exil, la déportation dans une île ou la peine capitale, selon la gravité du délit.

  70. Dion-Cassius, XXXVIII, viii.
  71. De alternis consiliis rejiciendis. (Cicéron, Contre Vatinius, xi, et le scholiaste de Bobbio, édit. Orelli, p. 321 et 323.)
  72. « Les citoyens qui, n’étant pas de votre ordre, ne peuvent, grâce aux lois Cornéliennes, récuser plus de trois juges. » (Cicéron, Deuxième action contre Verrès, IIe discours, xxxi.)
  73. Suétone, César, xxviii.
  74. Cicéron, Lettres familières, XIII, xxxv. — « Pompeius Strabon, père du grand Pompée, repeupla Côme. Quelque temps après, Scipion y établit trois mille habitants, et enfin le divin César y envoya cinq mille colons, dont les plus distingués étaient cinq cents Grecs. » (Strabon, cxix.)
  75. Cicéron, Lettres à Atticus, II, xviii. — Dion-Cassius, XXXVIII, viii.
  76. Dion-Cassius, XXXVIII, viii. — Orelli, Index legum, 178.
  77. Dans son discours contre Vatinius (vi), Cicéron, en lui reprochant de ne pas avoir tenu compte des auspices, s’écrie : « Je te demande d’abord : T’en es-tu rapporté au sénat, comme l’a fait César ? » — « Il est vrai que les actes de César ont été, pour le bien de la paix, confirmés par le sénat. » (Cicéron, Deuxième Philippique, xxxix.)
  78. Dion-Cassius, XXXVIII, vii.
  79. « César se conduisit avec sagesse dans son consulat. » (Plutarque, Crassus, xvii.)
  80. « César publia des lois dignes non d’un consul, mais du tribun le plus audacieux. » (Plutarque, César, xiv.)
  81. Cicéron, Lettres à Atticus, VI, i. — Appien, Guerres civiles, II, xiii.
  82. Pline, Histoire naturelle, XXXIII, v. Les professeurs Drumann et Mommsen s’élèvent comme nous contre l’assertion de Suétone.
  83. Plutarque, Lucullus, ix.
  84. Suétone, César, xxii. — Plutarque, César, xiv.
  85. Plutarque, Crassus, xvii.
  86. Appien, Guerre civiles, II, xiv.
  87. Dion-Cassius, XXXVIII, viii. — Suétone, xxii.
  88. Suétone, César, xxii.
  89. Dion-Cassius, XL, xxxiv.
  90. « Aux gladiateurs, on a reçu à coups de sifflets celui qui les donnait et tout son cortège. Aux jeux Apollinaires, le tragédien Diphilus a fait une allusion bien vive à notre ami Pompée, dans ce passage, « C’est notre misère qui te fait grand ; » on l’a fait répéter mille fois. Plus loin, les cris de l’assemblée entière ont accompagné sa voix, lorsqu’il a dit : « Un temps viendra où tu gémiras profondément sur ta malheureuse puissance, » etc. Car ce sont des vers qu’on dirait faits pour la circonstance par un ennemi de Pompée. Ces mots : « Si rien ne te retient, ni les lois, ni les mœurs, » etc. ont été accueillis par des acclamations frénétiques. À son arrivée, César ne trouva qu’un accueil glacé. Curion, qui le suivit, fut au contraire salué de mille bravos, comme autrefois Pompée aux temps heureux de la République. César était outré, et vite il a, dit-on, dépêché un courrier à Pompée, qui est à Capoue. » (Cicéron, Lettres à Atticus, II, xix.)
  91. Suétone, César, ix.
  92. Cicéron, Lettres à Atticus, II, xix.
  93. « On porte aux nues Bibulus, je ne sais trop pourquoi ; mais enfin on l’exalte comme l’homme unique qui, en temporisant, a rétabli les affaires. Pompée, mon idole, Pompée, sur qui je pleure aujourd’hui, s’est lui-même abîmé ; il n’a plus personne qui tienne à lui par dévouement ; je crains bien que la terreur ne leur paraisse une conseillère indispensable ; pour moi, d’un côté, je m’abstiens de les combattre à cause de mon ancienne amitié, et, de l’autre, mon passé me défend d’approuver ce qu’ils font ; je garde un juste milieu. Les dispositions du peuple se manifestent surtout dans les théâtres. » (Cicéron, Lettres à Atticus, II, xix, xx, xxi.)
  94. « Il se tient prudemment à l’écart, mais espère assister de loin à leur naufrage. » (Cicéron, Lettres à Atticus, II, vii.)
  95. Cicéron, Lettres à Atticus, II, xiii.
  96. Cicéron, Lettres à Atticus, II, xvii.
  97. Cicéron, Lettres à Atticus, II, xx, xxi.
  98. Dion-Cassius, XXXVIII, xi.
  99. Cicéron, Lettres à Atticus, II, xxiv.
  100. Cicéron, Discours contre Vatinius, xi. — Dion-Cassius, XXXVIII, ix.
  101. Scholiaste de Bobbio, Sur le discours de Cicéron contre Vatinius, p. 320, éd. Orelli. — Appien, Guerres civiles, II, ii et xii.
  102. Appien, Guerres civiles, II, xii.
  103. Suétone, César, xx.
  104. « Il (Arioviste) sait, par des messagers, qu’en faisant périr César il plairait à plusieurs des grands de Rome ; sa mort lui vaudrait leur faveur et leur amitié. » (César, Guerre des Gaules, I, xliv.)
  105. Dion-Cassius, XXXVIII, xii.
  106. Cicéron, Lettres à Quintus, I, ii.
  107. Suétone, César, xxiii ; — Néron, ii.
  108. Suétone, César, xxiii. — Valère Maxime, III, vii, 9.
  109. « Aux portes de Rome était un général, avec un commandement pour plusieurs années et disposant d’une grande armée (cum magno exercitu). Était-il mon ennemi ? Je ne le dis pas ; mais je sais que, quand on le disait, il gardait le silence. » (Cicéron, Discours après son retour au sénat, xiii.) « Oppressos vos, inquit, tenebo exercitu Cæsaris. » (Cicéron, Lettres à Atticus, II, xvi.) « Clodius disait qu’il envahirait la curie à la tête de l’armée de César. » (Cicéron, Discours sur la réponse des aruspices, xxii.) « César était déjà sorti de Rome avec son armée. » (Dion-Cassius, XXXVIII, xvii.)
  110. Dans plusieurs passages des lettres de Cicéron, César est représenté comme étant aux portes de Rome à la tête de son armée, et cependant on sait, par la lecture des Commentaires, qu’il n’avait, au commencement de la guerre des Gaules, que quatre légions, dont la première se trouvait sur les bords du Rhône et les trois autres à Aquilée, en Illyrie. Il est donc difficile de comprendre comment il aurait eu aux portes de Rome des troupes, dont il n’est plus fait mention dans le cours de sa campagne. Le moyen de concilier les lettres de Cicéron et les Commentaires est d’admettre que César, indépendamment des légions qu’il trouva hors de l’Italie, appela sous ses drapeaux les volontaires et les vétérans romains qui désiraient le suivre. Réunis aux portes de Rome, ils le rejoignirent plus tard dans les Gaules et furent versés dans les légions. Cette supposition est d’autant plus probable, qu’en 700, lorsqu’il s’agit de renommer consuls Pompée et Crassus, César envoya à Rome un grand nombre de soldats pour voter dans les comices ; or, toutes ses légions ayant été recrutées dans la Cisalpine, dont les habitants n’avaient pas le droit de cité romaine, il fallait bien qu’il eût dans son armée d’autres soldats citoyens romains. D’ailleurs, si César fit appel aux vétérans, il suivit en cela l’exemple de presque tous les généraux romains, et, entre autres, de Scipion, de Flamininus et de Marius. En effet, lorsque Cornelius Scipion partit pour la guerre contre Antiochus, il y avait aux portes de Rome cinq mille volontaires, tant citoyens qu’alliés, qui avaient fait toutes les campagnes sous les drapeaux de son frère, Scipion l’Africain. (Tite-Live, XXXVII, iv.) — « Lorsque Flamininus partit pour rejoindre les légions qui étaient en Macédoine, il prit avec lui trois mille vétérans qui avaient combattu contre Annibal et Asdrubal. » (Plutarque, Flamininus, iii.) — « Marius, avant de partir pour la guerre contre Jugurtha, fit un appel à tout ce que le Latium avait de plus vaillants soldats. La plupart lui étaient connus pour avoir servi sous ses yeux, le reste de réputation. Par ses sollicitations, il força jusqu’aux vétérans à partir avec lui. » (Salluste, Guerre de Jugurtha, lxxxiv.)
  111. « Aujourd’hui il (Clodius) s’agite, il s’emporte, il ne sait ce qu’il veut, il fait des démonstrations hostiles à droite et à gauche, et semble vouloir laisser à l’occasion à décider de ses coups. Quand il pense à l’impopularité de l’ordre de choses actuel, on dirait qu’il va se ruer contre ses auteurs ; mais, quand il voit de quel côté sont les moyens d’action et la force armée, il fait volte-face contre nous. » (Cicéron, Lettres à Atticus, II, xxii.)
  112. Ces clubs (collegia compitalitia) avaient une organisation presque militaire, divisée par quartiers et composée exclusivement de prolétaires. (Voyez Mommsen, Histoire romaine, III, p. 290.) — « Les esclaves enrôlés sous prétexte de former des corporations. » (Cicéron, Discours après son retour au sénat, xiii.)
  113. On excepta cependant, en 690, les corporations d’artisans. — Asconius, « In Pisone », IV, p. 7 ; « In Corneliana », p. 76, éd. Orelli.
  114. Cicéron, Discours contre Pison, iv. — Asconius, Sur le Discours de Cicéron contre Pison, p. 7, 8, éd. Orelli. — Dion-Cassius, XXXVIII, xiii.
  115. Dion-Cassius, XXXVIII, xiii.
  116. Dion-Cassius, XXXVIII, xvii.
  117. « Je reçois de César les avances les plus généreuses pour me rendre comme lieutenant auprès de lui. » (Cicéron, Lettres à Atticus, II, xviii.) « Il a fait passer mon ennemi (Clodius) dans l’ordre plébéien, soit qu’il fût irrité de voir que ses bienfaits mêmes ne pouvaient m’attacher à lui, soit qu’il cédât aux importunités. Cela ne pouvait être considéré comme une injure, car depuis il me conseilla, il me pria même, de lui servir de lieutenant. Je n’acceptai pas ce titre, non que je le jugeasse au-dessous de ma dignité, mais j’étais loin de soupçonner que la République dût avoir, après César, des consuls si scélérats (Pison et Gabinius). » (Cicéron, Discours sur les provinces consulaires, xvii.)
  118. « Grâce à mes soins, ma popularité et mes forces augmentent chaque jour. Je ne me mêle en rien de politique, absolument en rien… ma maison ne désemplit pas ; on m’entoure quand je sors ; c’est mon consulat qui recommence. Les protestations de dévouement me pleuvent, et ma confiance est telle, que parfois je désire la lutte, au lieu d’avoir toujours à la craindre. » (Cicéron, Lettres à Atticus, II, xxii.) — « Vienne l’accusation de Clodius, l’Italie entière se lèvera en masse. » (Cicéron, Lettres à Quintus, I, ii.)
  119. Cicéron, Discours contre Vatinius, xvi.
  120. Plutarque, Pompée, xlviii.
  121. Plutarque, Cicéron, xli.
  122. Velleius Paterculus, II, xlv.
  123. Suétone, xxiii.
  124. « Les bruits qui précédèrent Pompée y causèrent un grand trouble, parce qu’on avait dit qu’il entrerait dans la ville avec son armée. » (Plutarque, Pompée, xlv.) — « Cependant tout le monde craignait au plus haut point Pompée : on ne savait pas s’il congédierait son armée. » (Dion-Cassius, XXXVII, xliv.)