Histoire de la Révolution française (Michelet)/Livre XIX/Chapitre 5

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CHAPITRE V

LOI DU 22 PRAIRIAL (10 JUIN 1794). — ÉCHEC DE RORESPIERRE.


Robespierre poussé fatalement à la dictature judiciaire. — Réaction imminente de l’Ouest et du Midi. — Tribunal d’Orange. — Loi du 22 prairial (10 juin 1794). — Irritation du Comité de salut public. — Résistance de la Convention.


La situation tout entière apparaît dans une circonstance peu remarquée de la fête. Robespierre ne fit attendre la Convention que parce que lui-même attendit le tribunal révolutionnaire.

Celui-ci, en réalité, était le premier pouvoir, ou plutôt le seul. Il représentait la Terreur, qui dominait également le gouvernement, l’Assemblée, le peuple.

L’autorité morale elle-même, je veux dire Robespierre, ce censeur, cet épurateur, ce sauveur, ce messie, qu’on appelait au secours de la société, il était plus que personne le serf de la Terreur. Il en paraissait le maître. L’horreur de son rôle double éclatait de plus en plus.

Le désappointement fut grand quand, au lieu de l’amnistie que la fête religieuse avait fait attendre, on apprit que les exécutions seraient seulement éloignées des quartiers du centre, qu’elles se feraient désormais au faubourg Saint-Antoine. On sentit parfaitement que ce n’était pas sans cause qu’on les écartait des regards. Tout changement de ce genre était une aggravation. Depuis que la guillotine cachait ses morts à Monceaux, elle consommait davantage. Elle devint bien plus avide encore du jour qu’elle fonctionnait à son aise dans ces quartiers reculés.

Quels que fussent les sentiments personnels de Robespierre, ses essais timides de modération, ses vues d’avenir, une terrible fatalité le poussait à la vraie dictature du temps, la dictature judiciaire.

Rappelons-nous le progrès de sa fortune. Évitant l’autorité et le maniement des intérêts, n’engageant sa responsabilité dans aucune affaire précise, il avait grandi surtout par l’accusation. Il avait représenté un côté très légitime de la Révolution, mais resserré, négatif, celui de la défiance. Jusqu’au 25 septembre 1793, il fut, pour dire son vrai nom, le grand accusateur de la République.

Depuis, maître de l’Assemblée et des Jacobins, du Comité de sûreté, du tribunal révolutionnaire, — c’est-à-dire pouvant accuser, arrêter, juger, — il eut, sans autre appareil, dans sa simplicité privée, la position redoutable de grand juge.

Mais lui-même il sentait qu’il avait autre chose en lui. Ce rôle si éminent, cette royauté négative ne contentait pas son cœur. Peu pitoyable, il n’était pourtant pas né cruel, et il était fils du dix-huitième siècle, du grand siècle d’humanité. La haute idéalité, l’amour du bien qu’il en avait reçu, il ne pouvait les satisfaire qu’en quittant cet âpre rôle d’implacable accusateur. Là pourtant était sa force et peut-être, en un tel moment, le salut de la Révolution. De là des mouvements doubles et contradictoires, qui donnèrent prise sur lui[1]. Il osa parfois en ce sens, mais timidement, et fut humain en dessous. On l’y surprit en octobre, en décembre, encore, et il se réfugia vite dans son rôle d’accusateur. C’était fait dès lors. Toute voie pacifique lui fut fermée pour l’avenir. Il fut violemment lancé vers le pouvoir politique, qui n’était alors rien autre que celui du glaive. De quelque part qu’il se tournât, la férocité du destin lui mit en mains le couteau.

« Dictateur ? Oui, si tu veux, mais dictateur de l’échafaud. Pontife ? Oui, si tu veux, mais pontife de la guillotine. »

La sanglante loi de prairial, lancée le 10 à l’Assemblée, en réponse aux injures du 8, ne fut pas cependant, comme l’ont dit quelques-uns, un fait tout accidentel, un simple piège où il crut faire tomber ses ennemis. Elle était dans la voie rigide de sa fatalité ; elle en était un pas nécessaire et logique[2].

Cette loi qu’on demandait à la Convention, avant d’être, elle agissait ; elle régnait dans le Midi. Elle était déjà le code du tribunal que les robespierristes avaient établi à Orange.

Suivons bien l’ordre des faits.

Quand Saint-Just, le 31 mars, demanda la mort de Danton, il dit nettement à l’Assemblée que ce sacrifice était le dernier, qu’après « elle serait tranquille ». Toute la France prit ce mot pour elle. Et elle le crut bien plus quand, le 15 avril, Saint-Just fît voter les commissions qui devaient purger les prisons, quand Couthon, le 7 mai, obtint que les tribunaux révolutionnaires de département seraient supprimés et toute justice politique concentrée à Paris.

Une espérance effrénée surgit tout à coup ; une immense réaction d’indulgence chez les patriotes, d’audace chez les royalistes, apparut à l’horizon dans l’Ouest et le Midi.

Les résultats déplorables du système d’extermination suivi l’hiver dans la Vendée avaient rejeté les esprits dans une voie tout à fait contraire. Les réclamations de Lequinio, vivement appuyées de Carnot, décidèrent le Comité à user de modération. En pratique, la modération devient faiblesse et relâchement. Bô et Bourbotte, successeurs de Carrier à Nantes, hébertistes comme lui, n’en furent pas moins entraînés par cette invincible réaction. Ils arrivèrent au moment où l’on venait d’exécuter, aux applaudissements de la ville, Lamberty, l’agent de Carrier. Eux-mêmes firent condamner à mort les dénonciateurs d’un officier qui n’avaient pu donner de preuves (28 mai). Peu de semaines après, effrayés des meurtres nocturnes que commettaient les chouans et de l’audace des réactionnaires, ils eurent de nouveau recours aux mesures de terreur.

Dans le Midi, les royalistes se chargèrent de démontrer combien peu l’on pouvait s’en écarter. Ils commencèrent, dès mai 1794, les assassinats de la Terreur blanche dans les environs d’Avignon. Le centre de leurs complots, la petite ville de Bédouin, fut dénoncé par un militaire très peu terroriste, Suchet (depuis maréchal). Le Comité de salut public ordonna de la brûler. Le représentant Maignet, robespierriste d’idée, sans rapport personnel avec Robespierre, réclama la création d’un tribunal spécial pour le Midi. Représentant du Puy-de-Dôme, collègue de Couthon, de Romme et de Soubrany, Maignet était un homme très honnête, incapable de composer avec le crime et la trahison. Il avait saisi Rovère et Jourdan dans leurs opérations honteuses, Rovère, par exemple, pour quatre-vingt mille francs (assignats), se faisant donner une terre qui en eût valu, en numéraire, plus de cinq cent mille. Royalistes et Girondins, gentilshommes et procureurs, usuriers et assassins, toute la lie des partis marchait d’ensemble à la conquête des biens nationaux. Ces coalitions ne pouvaient être poursuivies que sur la scène de leurs crimes. Le grand nombre des détenus, le nombre plus grand des témoins qu’il eût fallu faire voyager ne permettait pas d’appliquer la loi qui concentrait à Paris la justice politique. Il fallait juger sur les lieux, mais par des juges étrangers au pays. C’est ce que demanda Maignet. Immédiatement les comités, sur cette demande, appuyée de Couthon et de Payan, créèrent un tribunal révolutionnaire à Orange.

Cette création était une chose hardie où les comités avaient outrepassé leurs pouvoirs. La loi leur permettait de conserver un tribunal qu’ils jugeraient nécessaire, mais non pas d’en créer un. Encore moins leur permettait-elle d’organiser ce tribunal dans une forme toute nouvelle et de s’en faire législateurs.

Ils n’en adoptèrent pas moins celle que proposa Payan. Plus d’instruction écrite. Plus de jurés. Une forme toute sommaire.

Telle fut l’origine réelle et le premier essai de la loi de prairial, en vigueur dans la Provence dès le 3 juin, quoiqu’on ne l’ait demandée à la Convention que le 10.

Il y avait pourtant une différence notable. Le tribunal d’Orange, organisé dans un pays menacé par la Terreur blanche qui y commençait, avait l’excuse du péril. Commission temporaire, il agissait rapidement, militairement en quelque sorte. Cette rapidité, qui frappa trois cents détenus sur douze mille, libérait une foule d’hommes qui, par les formes ordinaires, eussent été longtemps en prison.

Mais la loi de prairial demandée pour la France entière, pour le tribunal central où les accusés de tous les départements devaient comparaître, semblait l’établissement d’un droit de proscription universelle.

À qui donnait-on ce droit ? À Robespierre seul. La loi conservait le jury (supprimé à Orange), mais un jury tout personnel, composé de ses dévoués, de ses fidèles, des plus aveugles fanatiques, prêts à frapper sans regarder.

Et cette loi pour Robespierre, qui la proposait ? Robespierre (Couthon, c’était la même chose). Les Comités n’en savaient rien. Saint-Just étant alors absent, la loi ne venait pas même du triumvirat ; elle n’avait pas même la faible garantie des trois signatures. Elle n’en fut pas moins présentée « au nom du Comité de salut public ».

Cette loi, lancée sur l’Assemblée, au moment où celle-ci venait de trahir sa haine pour lui, tirait d’un pareil moment une signification terrible. Présentée quelques jours plus tard, elle eût paru sans doute menaçante pour la France, mais moins pour la Convention. Pourquoi Robespierre précipita-t-il la mesure, au point de la hasarder au jour le moins opportun ? Ce fut dans l’idée (juste au fond) que la fête lui imprima : toutes ses forces restant entières, la puissance lui échappait, une ver lu lui échappait, la terreur, ce phénomène mystérieux de fascination qui rend la victime immobile, ou l’attire, la fait d’elle-même venir au-devant de la mort. Il n’y avait pas un moment à perdre pour voir si cette puissance s’exercerait encore une fois.

L’homme en qui elle fut au plus haut degré, Saint-Just, était à l’armée. Robespierre employa Couthon, c’est-à-dire la ruse. Couthon pauvre paralytique, doux de figure et de langage, touchant par le contraste de sa faiblesse physique et de sa grande volonté, était infiniment propre à ces grandes occasions de mensonge solennel. Très probe en toute affaire privée, il était prêt, pour le salut public, à faire litière, non seulement de sa vie, de son cœur, de son humanité, mais de l’honneur même.

Couthon présenta cette loi comme le simple accomplissement de ce que la Convention avait ordonné au Comité de salut public, comme un perfectionnement du tribunal révolutionnaire.

L’Assemblée trouva cette perfection effrayante.

Cinquante jurés, robespierristes.

Plus de défenseurs. « Défendre les traîtres, c’est conspirer. La loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes ; elles n’en accorde point aux conspirateurs. »

Plus d’interrogatoire préalable. Plus de dépositions écrites.

Plus de témoins, s’il n’est absolument nécessaire.

La preuve morale suffit. Sont condamnés, comme ennemis du peuple, ceux qui parlent mal des patriotes, ceux qui dépravent les mœurs, ceux qui empêchent l’instruction, etc.

À cette loi si terrible, sans doute préparée dès longtemps, la circonstance semblait avoir ajouté deux articles qui frappaient la Convention :

Nul n’est traduit au tribunal que par la Convention OU les deux comités. Donc les comités y envoient tout droit, sans la Convention. Eh quoi ! si les comités s’avisaient d’y envoyer la Convention elle-même ?

La Convention déroge à toutes lois précédentes. À toutes ? même à la loi qui fait sa dernière barrière, son unique garantie de vie, à la loi par laquelle nul représentant n’est envoyé au tribunal que sur un vote d’accusation accordé par l’Assemblée ?

Lorsque Couthon, de sa plus douce voix, eut lu ce décret perfide, il y eut encore un homme dans la Convention ; le maratiste Ruamps s’écria : « S’il passe, je me brûle la cervelle. »

Lecointre et Bourdon demandèrent l’ajournement.

Robespierre, avec l’appui du lâche et double Barère, usa la séance à réfuter ce que personne ne disait : Qu’il ne fallait point un nouveau jury. Il croyait, avec raison, qu’on n’oserait préciser la question, montrer dans sa main le lacs qu’il filait pour étrangler ses ennemis. Il s’adressa à la droite, lui rappela qu’il l’avait défendue, lui dit qu’après tout la loi ne menaçait que les conspirateurs (c’est-à-dire tels Montagnards).

Cette assurance réussit. Un article fut voté, puis deux, puis trois, enfin tous. Le tour était fait.

La Convention stupéfiée vota par-dessus (selon son usage, du reste) le renouvellement des pouvoirs du Comité.

Robespierre avait agi royalement dans l’affaire, sans consulter ses collègues. Le lendemain 11, au matin, il trouva le Comité exaspéré contre lui. Billaud lui demanda comment il avait osé présenter seul un décret. À quoi il dit avec une froide insolence que jusque-là tout se faisant de confiance au Comité, il avait pu agir seul avec Couthon. — « Dès ce moment, nous sommes donc sous la volonté d’un seul. » — Alors il battit la campagne ; pour faire taire la colère des autres, il feignit une grande colère, cria (les passants entendaient sur la terrasse du jardin, il fallut fermer les fenêtres) : « Je vois bien que je suis seul… Il y a un parti pour me perdre… — Je te connais, dit-il à Billaud avec fureur. — Et moi aussi je te connais… Tu es un contre-révolutionnaire. » Mot terrible qui, des deux côtés, précipita la guillotine, chacun voulant à tout prix se laver de ce reproche.

Robespierre alors, comme il lui arrivait souvent, s’attendrit sur lui-même, se mit à verser des larmes. Il consentit qu’on travaillât à modifier la loi.

Ce qui le rendait plus facile, c’est que, par deux ou trois fois, on vint avertir le Comité qu’une discussion, au moment même, s’engageait à l’Assemblée pour faire révoquer le vote de la veille. Que serait-il arrivé, si le Comité tout entier, laissant pleurer Robespierre et marchant à la tribune, l’eût désavoué, se fut déclaré étranger à tout ce qui s’était fait ? Bourdon (de l’Oise) avait eu le courage de poser la vraie question : L’Assemblée seule a le droit d’envoyer au tribunal un membre de l’Assemblée. Il avait été appuyé par Bernard (de Saintes), ennemi personnel des deux Robespierre. Merlin (de Douai) demanda et obtint la déclaration que l’Assemblée n’abandonnait pas son droit de décréter seule V arrestation d’un de ses membres, avec ce considérant : Attendu que ce droit de r Assemblée est inaliénable.

Battus ainsi à l’Assemblée et battus au Comité, Robespierre et Couthon exécutèrent le lendemain une solennelle reculade. Couthon assura que c’était une horrible calomnie d’accuser le Comité d’intentions si perfides. Et Robespierre s’indigna de ce qu’au lieu d’accuser le Comité absent, on ne lui demandait pas des explications fraternelles. Il se jeta de côté, dans une diversion contre Tallien, qui avait pris à la gorge un espion des comités, et enfin tomba sur Bourdon, échappant par la fureur à l’avilissement du mensonge.

Le secourable Barère avait en poche, tout à point, une belle carmagnole anglaise sur un bal masqué de Londres, où l’on avait vu une Charlotte Corday poursuivant un Robespierre de son poignard ensanglanté.

Donc on pouvait révoquer le considérant ajouté à l’article additionnel.

L’Assemblée ne réclama pas contre cette logique et révoqua de bonne grâce. Menaçante pour la France, la loi n’atteignait plus du moins la représentation nationale ni l’existence même de la République.

Cependant, pouvait-on croire qu’un tel homme, s’étant avancé si loin et s’étant vu condamné à ce mensonge évident, ne chercherait pas une autre arme ? La loi manquant, qui l’empêchait de recourir à la force, quand il tenait Paris par Henriot et Payan, quand l’agent même des comités, le chef de la police armée, Héron, prenait l’ordre de lui ? Un nouveau 31 mai lui eût été trop facile. Ses adversaires étaient morts, s’il savait vouloir un seul jour.

L’attaquer en ce moment, c’était une audace insensée. Tout le monde haussa les épaules, quand Lecointre, toujours absurde autant qu’intrépide, montra le 24 prairial à ses amis de la Montagne l’acte d’accusation de Robespierre tout dressé et prêt.

Lui-même le sut le lendemain et n’y fit nulle attention. Il connaissait sa forte base et ses profondes racines. Une attaque légale était impossible[3].

Pour l’attaquer en dessous et miner sa réputation, c’était chose dangereuse et longue. Quel moyen de ruiner tout à coup ce que tant d’années avait élevé, ce colosse de réputation ? On savait trop ce qu’il en avait coûté à Desmoulins, à Fabre d’Églantine. On ne pouvait l’égratigner ; il fallait d’un coup le détruire, sinon on était perdu. Comment le faire ? En le convainquant de vouloir la dictature ? Mais, dans ce pays monarchique, dans cette extrême lassitude, dans le grand progrès de la paresse, du doute, beaucoup la désiraient.

La position de Robespierre, d’autre part, qui restait si forte matériellement, n’en était pas moins devenue moralement assez mauvaise. Chose dangereuse en France, il avait paru ridicule. Il pleurait, se désolait de ce que cette méchante, cette cruelle Convention s’obstinait dans le caprice de ne pas vouloir se guillotiner elle-même. Elle ne sentait nullement ce que c’était que la grandeur, oubliant l’enseignement qu’il lui donnait en février : « Quoi de plus beau qu’une Assemblée qui va se purgeant, s’épurant ?… Qui a donné ce spectacle ? Vous, représentants, vous seuls ! »

Si cela n’eût été terrible, c’était chose du plus haut comique. Fabre d’Eglantine, s’il l’a su là-bas, dut être bien fâché d’être mort.

Notez que le philanthrope ne voulait point appliquer lui-même à l’Assemblée ce fer salutaire ; il voulait, exigeait qu’elle se l’enfonçât de sa propre main.

Lui, ainsi, fût resté pur, devant le monde et devant lui en sa propre conscience, pouvant se dire : « Telle est la loi !… Si je décime l’Assemblée, c’est qu’elle-même l’a voté ainsi. »

Ainsi, par un profond pharisaïsme intérieur, de lui pour lui-même, il eût trompé sa conscience et trouvé le secret, en exterminant la loi, de la respecter.

Insoluble fut pour lui la difficulté. Il ne la surmonta pas. Il tourna le dos dès lors à la Convention et aux Comités, indigné contre ces malades qui repoussaient l’amputation et ne voulaient pas guérir.

  1. Par exemple, Reverchon, bon robespierriste, à Lyon, et, dans le Jura, Robespierre jeune, en étaient encore à la modération, pendant que leur chef, poussé par de nouvelles circonstances, redevenait terroriste. Reverchon écrivait des lettres étonnées, désespérées, voyant Robespierre encourager les exagérés de Lyon qu’il décourageait la veille. Tels étaient les mouvements faux, contradictoires, destructifs les uns des autres, qui désorganisaient le parti.
  2. Cette tentative était-elle un tour de jésuite ou de procureur par lequel Robespierre voulait escamoter ses ennemis ? C’est ce qu’assurent ses enthousiastes de l’école catholico-robespierriste. Ils soutiennent qu’il ne voulait rien qu’attraper subtilement une douzaine de Montagnards, leur faire voter leur propre mort, que l’immense accélération du mouvement de la Terreur qui résulta de cette loi lui fut tout à fait étrangère. Autrement dit, que le machiniste maladroit, pour tuer ce petit nombre d’hommes, aurait sottement fabriqué cette immense et épouvantable guillotine à la vapeur.
  3. Déjà, en avril ou mai, un nommé Ferai proposait au Comité de faire le procès de Robespierre ; il offrait de prouver qu’au procès des hébertistes on avait supprimé les traces des rapports de Robespierre avec eux. Lindet lui dit : « Robespierre est encore trop fort. Nous le guettons. Il creuse son tombeau. » (Papiers manuscrits de Robert Lindet.)