Histoire de la littérature grecque/Chapitre XLII

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Librairie Hachette et Cie (p. 507-516).


CHAPITRE XLII.

ÉCRIVAINS GRECS CONTEMPORAINS D’AUGUSTE ET DES PREMIERS EMPEREURS


Imitateurs de Polybe. — Juba. — Denys d’Halicarnasse. — Diodore de Sicile. — Strabon. — Apion. Josèphe. — Sophistes nouveaux. — Dion Chrysostome. — Histoire Eubéenne. — Philon.

Imitateurs de Polybe.


Polybe n’eut point d’héritiers vraiment dignes de lui. Toutefois il eut de nombreux imitateurs, et quelques-uns d’entre eux furent des écrivains utiles et estimables, sinon des penseurs bien profonds et des historiens bien parfaits. Il est à croire pourtant que la continuation de l’Histoire générale, dont Posidonius était l’auteur, se recommandait par des qualités analogues à celles que nous prisons dans l’ouvrage du héros de Mégalopolis. Mais il ne reste rien de ce travail, non plus que des compositions historiques de Castor, de Théophane, de Juba.


Juba.


Ce dernier est cité fréquemment par Plutarque et avec de grands éloges. La perte de son Histoire romaine est fort regrettable. Il avait fait des recherches très-consciencieuses, et il avait visé surtout à l’exactitude et à la clarté. Il était fils de ce roi Juba qui fut vaincu par César. Il fut amené enfant à Rome, et suivit le char triomphateur. César le fit élever avec soin, et Auguste le dédommagea plus tard des biens qu’il avait perdus : « La captivité, dit Plutarque dans la Vie de César, fut pour lui le plus heureux des accidents. Né barbare et Numide, il lui dut d’être compté parmi les plus savants des historiens grecs. »


Denys d’Halicarnasse.


Nous possédons, du moins en partie, l’Histoire ancienne de Rome par Denys d’Halicarnasse. Cet ouvrage embrassait toute la période qui s’étend depuis la fondation de Rome jusqu’à la première guerre Punique, et finissait par conséquent au point même où commence celui de Polybe. Denys était venu se fixer à Rome après la bataille d’Actium, pour étudier la langue latine, et pour préparer les matériaux nécessaires à l’exécution de son dessein. Il y fit un long séjour ; et c’est là qu’il écrivit et publia son Histoire, fruit de vingt-deux ans de recherches. Des vingt livres qu’avait cet ouvrage nous possédons les onze premiers, ainsi qu’un certain nombre de fragments des neuf autres, retrouvés pour la plupart dans ces derniers temps par Angelo Mai.

Denys d’Halicarnasse présente les Romains comme un peuple d’origine grecque ; et c’est la Grèce qui leur a fourni, à l’entendre, leurs mœurs, leur culte, leurs institutions. Il conclut sans cesse de l’analogie plus ou moins réelle à l’imitation directe ; souvent même il lui arrive de voir des concordances là où il n’y a que des contrastes. On conçoit qu’une pareille préoccupation ne pouvait manquer de le jeter dans de graves erreurs. Ce n’est donc pas un guide auquel on se puisse fier, surtout dans les questions d’origines. Il a d’ailleurs altéré à plaisir la vérité de ses récits en prêtant à ses personnages, même aux êtres quasi fabuleux des temps héroïques, des discours d’une prolixité révoltante, et qui n’ont guère d’autre but que de faire admirer aux amateurs son habileté à manier la langue oratoire. Cependant il y a quelques parties traitées avec simplicité, des morceaux intéressants et où le goût n’a pas trop à reprendre ; et le style, assez recherché en général, se détend quelquefois et ne sent pas toujours le rhéteur.

Rollin, qui fait un grand éloge de Denys, est bien forcé d’avouer que son mérite principal est d’être un utile magasin de documents. Il critique même assez vivement l’opinion d’un traducteur de l’Histoire ancienne de Rome, qui mettait sans façon Denys sur la même ligne que Tite Live. Il montre, dans ce qui est commun aux deux historiens, le plus frappant contraste : chez le Romain, partout des qualités de premier ordre ; chez le Grec, presque toujours faiblesse, prolixité, langueur même. Il compare le récit du combat des Horaces et des Curiaces, tel que Tite Live l’a donné, avec les pages correspondantes de l’Histoire ancienne de Rome ; et le pauvre talent de Denys ne se trouve pas très-bien de cette confrontation. Soyez sûr que ce n’est point Denys qui a fourni à Corneille la dramatique et saisissante matière des vers que vous savez par cœur.

Il faut bien le dire, Denys d’Halicarnasse était au-dessous de sa tâche d’historien. Ses livres de critique sont très-inférieurs pourtant à son Histoire. Ce qui est au moins bizarre, c’est que ce compilateur des annales du peuple roi n’a pas l’air de se douter que Rome ait une littérature. Il ne dit pas un mot de l’éloquence latine. Il ne prononce pas même le nom de Cicéron. Au reste, ses jugements sur les orateurs prouvent qu’il ne savait pas ce que c’est que l’éloquence, et qu’il la mettait tout entière dans les artifices de la diction. Ses jugements sur les historiens sont presque ridicules. Il reproche par exemple à Thucydide d’avoir mal choisi son sujet, et d’avoir retracé à ses concitoyens de tristes et humiliants souvenirs. Il voudrait que l’historien eût réservé sa belle oraison funèbre pour une meilleure occasion, parce que les premières escarmouches de la guerre n’en valaient pas la peine : comme si Thucydide n’avait songé qu’à faire un discours dont la place était indifférente, et non pas à reproduire à sa manière ce qui s’était réellement passé aux funérailles des premières victimes. Denys d’Halicarnasse ne voit partout que des mots et des phrases. Aussi ne faut-il pas s’étonner de l’entendre s’extasier sur la renaissance de l’éloquence dans le siècle où il écrit lui-même. L’homme qui regardait le Phèdre de Platon comme une œuvre sans valeur était de force à prendre pour des orateurs tous les rhéteurs du temps, et à se croire lui-même un phénix entre tous les écrivains anciens et modernes.


Diodore de Sicile.


Diodore, né à Argyrium en Sicile, a compilé, sous le titre de Bibliothèque historique, une histoire universelle en quarante livres. Il avait voyagé dans une grande partie de l’Europe et de l’Asie, il avait visité l’Égypte, et il n’avait rien négligé pour ramasser partout des matériaux utiles. Mais il n’a pas su coordonner ces matériaux et en former un tout harmonieux. Sa préface, où il expose en fort bons termes les devoirs de l’historien, n’est, comme on l’a remarqué, que la brillante façade d’un médiocre édifice. Diodore est ordinairement ennuyeux. Il écrit simplement, mais sans chaleur, sans intérêt. Pourtant Diodore a eu des fanatiques. Henri Estienne, le premier éditeur de la Bibliothèque historique, va jusqu’à dire que Diodore brille parmi tous les historiens anciens que nous connaissons, comme le soleil parmi les astres. En revanche, la plupart des critiques parlent de Diodore avec un souverain mépris. L’abbé Terrasson, qui l’a traduit en français, le traitait d’inepte et de pis encore. Il disait à ses amis : « Je traduis Diodore dans toute sa turpitude. »

Diodore n’est pas un grand écrivain ; ce n’est pas non plus un penseur profond ; ce n’est même pas toujours une autorité à laquelle on puisse se fier sans réserve. On a constaté, dans la Bibliothèque historique, d’assez nombreuses erreurs de faits et de dates. Diodore est inférieur non-seulement à Hérodote et à Thucydide, mais à Denys même. Ce n’est pas dire qu’il soit sans mérite. Il a pour nous un mérite tout particulier, c’est d’avoir été un compilateur consciencieux. Si l’on considère son ouvrage non point proprement comme une histoire, mais seulement comme une collection de documents historiques, c’est un des plus précieux monuments de l’antiquité ; car ce qu’on retrouve, sous Diodore, ce sont des textes empruntés à une foule d’historiens, dont les écrits n’existent plus, tels que Hécatée, Ctésias, Philistus et bien d’autres. C’est donc une véritable bibliothèque historique ; et l’ouvrage, sous ce rapport, n’est pas trop indigne de son titre. Nous possédons les cinq premiers livres, qui traitent de l’Égypte, de l’Assyrie et des premiers temps de la Grèce, et dix autres livres (XI-XX) qui vont jusqu’à la bataille d’Ipsus. Les fragments des vingt-cinq livres perdus ne sont pas très-considérables ; et c’est encore à M. Mai qu’on en doit le plus grand nombre. Diodore avait poussé le récit des événements jusqu’aux campagnes de César dans les Gaules. Diodore était contemporain de Denys d’Halicarnasse, et il passa de longues années à Rome, sous César et Auguste.


Strabon.


Strabon le géographe, né vers l’an 50 avant notre ère à Amasée en Cappadoce, vivait par conséquent vers le même temps que Denys et Diodore. Comme eux il habita longtemps à Rome. Il avait d’ailleurs fait de lointains voyages, et visité la plupart des contrées qu’il décrit. Sa Géographie en dix-sept livres, que nous possédons peu s’en faut tout entière, est une véritable encyclopédie, pleine de détails intéressants et d’aperçus lumineux sur l’histoire, la religion, les mœurs, les institutions politiques des anciens peuples. On y trouve même des discussions de critique littéraire assez importantes. Strabon a fort bien vu tout le parti qu’on peut tirer des fables antiques, comme témoignage naïf et spontané des idées et de la sagesse des temps primitifs. Esprit judicieux, érudit consommé, écrivain clair et correct, son ouvrage n’est pas seulement une mine inépuisable pour les historiens, les littérateurs et les philologues ; c’est une agréable lecture, et surtout une des plus utiles qu’on puisse faire.


Apion. Josèphe.


Un certain Apion, grammairien, que les habitants d’Alexandrie avaient député à Caligula pour se plaindre des Juifs, avait composé divers ouvrages historiques ou politiques. Il était Égyptien, et son ouvrage le plus considérable était une Histoire d’Égypte. Cette histoire a péri, ainsi que tous les autres écrits d’Apion. On connaît pourtant assez bien son traité contre les sectateurs de la religion de Moïse, parce qu’Apion a eu un contradicteur, et que la réponse en faveur des Juifs nous est parvenue.

Le contradicteur d’Apion n’était autre que le célèbre historien Josèphe. Josèphe, ou plutôt Iosèpe, était Juif. Il était né à Jérusalem en l’an 37 de notre ère, et il appartenait à la race sacerdotale. Il combattit contre Vespasien, puis s’attacha à sa fortune, prit le prénom de Flavius, et fut en grande faveur auprès de lui et auprès de Titus son fils. Il accompagna Titus à ce siége de Jérusalem dont lui-même a retracé les terribles et saisissants épisodes. L’Histoire de la guerre de Judée par Josèphe est un récit dramatique, où l’intérêt croît de scène en scène jusqu’au dénoûment, jusqu’à cette catastrophe qui n’a peut-être pas d’égale dans les annales de l’univers, et dont les conséquences, après dix-huit siècles, se font sentir encore. L’ouvrage a sept livres. Écrit d’abord en syriaque, l’auteur lui-même le traduisit en grec hellénistique, comme on appelait le grec courant d’alors, par opposition à la langue classique, que les atticistes essayaient de conserver pure de tout mélange. L’Histoire ancienne des Juifs, par le même écrivain, est précieuse surtout parce qu’elle remplit la lacune de plusieurs siècles qui se trouve entre les livres de l’Ancien Testament et ceux du Nouveau. Mais Josèphe a beaucoup sacrifié au goût de ses lecteurs grecs et romains. Il altère souvent les antiques traditions de la Bible ; il efface l’originalité de la physionomie du plus extraordinaire de tous les peuples ; il hellénise et romanise une histoire qui ne ressemble à rien au monde sinon à elle-même.


Sophistes nouveaux.


Le nom de sophiste, décrédité jadis par Socrate et Platon, reprit, sous les empereurs romains, une signification honorable ; ou plutôt on se borna à rendre leur véritable nom à ceux que les Romains appelaient rhéteurs, et que les Grecs avaient trop longtemps appelés des orateurs. Les sophistes étaient proprement des professeurs de belles-lettres. Ils enseignaient l’art d’improviser et d’écrire des discours, et ils étaient eux-mêmes écrivains et improvisateurs. Ils traitaient toute sorte de sujets. Ils faisaient des harangues politiques du genre de celles dont parle Juvénal : ils donnaient à Sylla le conseil d’abdiquer la dictature, ou ils exhortaient les Athéniens, comme fait Lesbonax, sophiste contemporain de Tibère, à s’armer de courage contre les ennemis dans la guerre du Péloponnèse. Ils dissertaient sur des questions morales ou même scientifiques, mais en s’attachant presque uniquement au bien dire, et avec peu de souci de la vérité pure et même du bon goût. En un mot, c’était Gorgias, c’était Protagoras ; c’étaient même quelquefois des triomphes oratoires comparables à ceux qui avait jadis allumé la sainte indignation de Socrate. Il va sans dire que la plupart de ces orateurs qui faisaient tant de bruit ne méritaient nullement leur réputation. Il faut pourtant faire exception pour quelques-uns ; et, sans parler de Plutarque et de Lucien, qui furent des hommes de génie, plusieurs de ces sophistes étaient mieux que de vides déclamateurs, et méritent une place dans l’histoire de la littérature.


Dion Chrysostome.


Le plus célèbre des sophistes du siècle dont nous énumérons les écrivains est Dion, qui fut nommé Chrysostome, c’est-à-dire bouche d’or, à cause de son éloquence. Il était né à Pruse en Bithynie, et il florissait à Rome dès le temps de Néron. Lorsque Vespasien parvint à l’empire, Dion lui conseilla de rétablir la république. Impliqué plus tard dans une conspiration contre Domitien, il s’enfuit loin de l’Italie. Il était sur les bords du Danube quand on y reçut la nouvelle de la mort de l’empereur et de l’élection de Nerva. L’armée campée dans ces parages allait se révolter : Dion, qui était dans le camp, mais déguisé en mendiant, se fait connaître, harangue les soldats, les ramène à l’obéissance ; et Nerva est proclamé d’une voix unanime. Dion jouit d’une grande faveur sous Nerva et sous Trajan, et mourut dans un grand âge, avec le renom du premier des orateurs et des écrivains du temps.

C’était un homme, en effet, d’un talent très-distingué, sinon un homme de génie. Parmi les quatre-vingts discours ou dissertations qui nous restent de lui, il y en a qui sont des morceaux remarquables : ainsi le Discours olympique, où Dion fait paraître Phidias expliquant devant les Grecs assemblés la composition de son Jupiter Olympien ; ainsi le discours intitulé Diogène, où il s’agit du gouvernement des États, et plusieurs autres encore. On reconnaît dans ces ouvrages un esprit formé par la lecture et la méditation des antiques modèles. La chaleur du style, un peu factice quelquefois, n’est pas toujours le produit du choc des mots. Dion avait des entrailles, comme il avait de la science et du courage ; et ses phrases, trop bien tournées peut-être, sont pleines souvent d’une vraie émotion. Si Dion s’était moins attaché à la forme, s’il n’avait point abusé de l’atticisme, s’il avait écrit avec plus d’abandon, et qu’il n’eût point affecté de tant platoniser, ou de reproduire les tours et les expressions de Xénophon et de Démosthène, il occuperait un rang élevé parmi les écrivains moralistes, sinon parmi les orateurs.


Histoire Eubéenne.


C’est dans les discours de Dion Chrysostome que se trouve le premier écrit en langue grecque qu’on puisse intituler roman ou nouvelle. L’Histoire Eubéenne est une charmante pastorale. C’est le tableau du bonheur champêtre de deux familles qui vivent, dans un canton désert de l’Eubée, du produit de leur chasse, des fruits de leur petit domaine et du lait de leurs troupeaux. J’ai surtout remarqué le naïf récit que fait un des deux pères du voyage qu’il avait été forcé de faire à la ville, pour répondre aux sommations des collecteurs d’impôts, qui avaient découvert leur existence, et qui avaient envoyé demander de l’argent. Le pauvre chasseur ne connaissait la ville que pour y avoir été conduit une fois, dans son enfance : « Je vis donc comme la première fois, dit-il, une foule de grandes maisons, environnées d’une forte muraille ; des bâtiments carrés d’une grande hauteur ; des tours sur le mur ; dans le port, des navires à l’ancre, et aussi immobiles que sur le lac le plus tranquille. On ne voit rien de pareil sur cette côte où tu as abordé, et c’est pour cela que les vaisseaux y périssent. Je vis encore une immense multitude réunie dans la ville : ce n’étaient partout que cris, tumulte étourdissant. Il me semblait que tous ces gens-là se battaient entre eux. Mon conducteur me mena à je ne sais quels magistrats, et leur dit en riant : « Voici l’homme à qui vous m’avez envoyé ; il ne possède rien qu’une cabane avec une solide enceinte de pieux. » Les magistrats partaient en ce moment pour le théâtre ; j’y allai avec eux. Ce théâtre est une sorte d’enceinte qui ressemble à une vallée, avec cette différence que les côtés, au lieu d’être allongés, s’arrondissent en demi-cercle. Ce n’est pas une vallée naturelle ; elle est bâtie en pierres. Mais sans doute tu te ris de moi de te raconter ce que tu connais parfaitement. D’abord la foule s’occupa longtemps à je ne sais quoi : tantôt tout le peuple applaudissait gaiement et avec transport des gens qui étaient là ; tantôt il criait avec indignation et fureur ; sa colère était alors terrible ; aussi ceux qui en étaient l’objet étaient-ils aussitôt frappés d’épouvante : les uns couraient çà et là en demandant merci ; les autres, tout éperdus, jetaient leurs vêtements. Moi-même je faillis une fois tomber de frayeur, étourdi par une clameur semblable à une tempête subite ou à un coup de tonnerre qui aurait éclaté sur ma tête. Puis arrivèrent d’autres gens, qui se mirent à haranguer le peuple. Quelques-uns des spectateurs se levèrent du milieu de la foule, et en firent autant. Les uns ne disaient que quelques mots, les autres faisaient de longs discours. Il y en avait qu’on écoutait longtemps en silence ; d’autres étaient accueillis tout d’abord par des vociférations, etc. »

Quand je dis que l’Histoire Eubéenne est le plus ancien des romans grecs, on entend bien que je ne parle que de ceux qui nous sont parvenus. Je rappellerai plus bas, à propos des romans de Lucien, le peu qu’on sait sur les devanciers de Dion et sur leurs ouvrages.


Philon.


Dion Chrysostome semble s’être proposé de donner au paganisme un caractère spiritualiste et moral, qui le rendit capable de lutter contre les nouvelles doctrines venues de l’Orient. Un esprit plus profond et plus sérieux, Philon le Juif, avait essayé d’établir l’accord de la théologie hébraïque avec la philosophie platonicienne. Philon ramène la Bible à des allégories ; il retrouve dans Moïse la création telle que Platon l’a conçue ; il applique au monde idéal, prototype du monde sensible, aux idées que Dieu enferme en lui de toute éternité, les noms de Verbe et de Fils de Dieu. Cet audacieux et éloquent théosophe, ce Platon juif, comme on le nommait, était né à Alexandrie en l’an 30 avant notre ère. Il appartenait, comme Josèphe, à la race sacerdotale. Il vint à Rome sous Caligula, demander pour les Juifs d’Alexandrie le droit de cité romaine ; mais il échoua dans cette entreprise. Il laissa une foule d’écrits, dont les plus importants subsistent encore.

Un autre Philon, contemporain de celui-là, mais qui n’avait de commun avec lui que le nom, Philon de Byblos, est connu pour avoir traduit du phénicien en grec l’antique ouvrage de Sanchoniathon ; traduction dont la perte est plus regrettable que celle de bien des écrits originaux.