Histoire de la vie et des ouvrages de Saint-Évremond/Chapitre XI

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XI. Le salon de Mademoiselle. — Madame d’Olonne.
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CHAPITRE XI.
Le salon de Mademoiselle. — Madame d’Olonne.

Saint-Évremond avoit été l’un des habitués de l’hôtel de Rambouillet, lorsqu’il étoit le compagnon d’armes du frère de Julie d’Angennes, le marquis de Pisani, qui fut tué à Nordlingue. Mais pouvoit-il encore revenir dans ce salon, après la Comédie des académistes, où étoient tournés en ridicule presque tous les coopérateurs de la Guirlande de Julie ? Ses amitiés, ou l’indépendance de son esprit, l’avoient éloigné du salon de Mme de Sablé : à la place Royale, après la vente du marquisat de Sablé à Servien ; à la rue Saint-Jacques, après la Conversation du maréchal d’Hocquincourt. L’hôtel de Longueville dut aussi se montrer froid pour lui, après ses pamphlets contre la Fronde, bien que la personne du duc et de la duchesse y eût été respectueusement ménagée. D’autre part, il avoit raillé les Cercles des précieuses : ce qui l’écartoit de plusieurs assemblées en réputation. Il aimoit trop, cependant, les jouissances attrayantes de la conversation pour se borner à être un Alcôviste. Il est vrai que les salons du Marais lui étoient demeurés sympathiques, surtout ceux que peuploient les esprits forts. Mais une grande société mêlée, où la distinction de l’intelligence, soit en hommes, soit en femmes, se trouvoit confondue avec la distinction de la naissance et des emplois, devoit offrir à son esprit et à ses goûts un charme plus séduisant. Telle étoit la société de Mademoiselle au Luxembourg.

M. Cousin a ébauché l’histoire du salon ouvert par Mademoiselle, à son retour à Paris, après la Fronde ; et il a indiqué, à grands traits, l’influence de cette réunion, sur la littérature du dix-septième siècle. Je n’affoiblirai pas, en les répétant, quelques belles pages de l’historien de Mme de Sablé. Mais qu’il me soit permis de regretter que Saint-Évremond n’ait pas été compté parmi les beaux esprits de cette compagnie. Je ne saurois douter qu’il en ait fait partie. Saint-Évremond avoit, auprès de la princesse, des souvenirs de famille qui lui assuroient un bon accueil. Le père de Saint-Évremond, Charles de Saint-Denis, avoit été attaché à la personne de Henri, dernier duc de Montpensier, gouverneur de Normandie, et il commandoit la compagnie des gendarmes de l’aïeul de Mademoiselle. En outre Saint-Évremond avoit l’honneur d’être, par les Tillières, l’allié de la seconde épouse de Gaston père de Mademoiselle. Saint-Évremond a du être reçu, au Luxembourg, avec une faveur et un empressement particuliers. On le voyoit bien en cour : c’étoit un officier de distinction, et son esprit seul l’auroit placé dans les premiers rangs d’un monde choisi. Il étoit donc, de droit, présenté et bienvenu chez Mademoiselle. D’ailleurs Segrais, alors secrétaire en faveur de Mademoiselle, étoit son compatriote, et presque son ami ; et il n’auroit point oublié de se faire honneur de Saint-Évremond, parmi les personnes lettrées qu’il avoit charge d’attirer chez la princesse. Ce n’est pas qu’ils fussent de même école en littérature ; Segrais, comme Racan, tenoit beaucoup de d’Urfé ; Saint-Évremond avoit peu de goût pour leur afféterie, quoique recherché parfois lui-même, dans sa politesse, dans sa galanterie, et même dans son style. Mais, malgré son aversion pour le personnage d’Énée, si peu épique, à son gré, et dont il nous a laissé une critique si originale et si judicieuse, il a bien parlé, dans ses Réflexions sur les traducteurs, de la traduction de l’Énéide, en vers françois, par Segrais. Celui-ci, d’ailleurs, étoit de l’intimité de Scarron, qui lui avoit adressé cette lettre folle et risquée, au sujet d’une jupe, que la célèbre comtesse de Fiesque, alliée de Saint-Évremond, avoit promise au poëte paralytique, pour en faire chasuble au chapelain de Mme Scarron.

À la vérité, Saint-Évremond n’avoit pas suivi le même drapeau que Mademoiselle, pendant la guerre civile de la Fronde. Pourtant, quoique Saint-Évremond n’eût pas été du parti des princes, il conservoit des droits à être accueilli au Luxembourg. Saint-Évremond étoit un royaliste, mais indépendant. On ne pouvoit point dire qu’il fût un Mazarin. Il n’étoit pas personnellement compromis avec les princes, comme Miossens, qui ne parut pas, je crois, chez Mademoiselle, même lorsqu’il fut le maréchal d’Albret : il avoit porté la main sur l’idole de Mademoiselle ; idole, hélas ! qui fut bien ingrate, à certain jour, envers l’héroïque héritière des Montpensier. D’ailleurs, au Luxembourg, on préconisoit la conciliation et l’oubli. L’un des mieux reçus étoit le duc de Candale ; Saint-Évremond, son lieutenant, n’avoit pas été plus animé que lui, contre la Fronde. Les Rouville, les Créqui, les Palluau, les Rohan, les Grammont, qui avoient suivi le parti de la cour, n’alloient pas, avec moins d’empressement, chez Mademoiselle. Elle combloit même de ses faveurs la fille de cette Mme de Montbazon1 qui avoit été si oublieuse de respect, à Vincennes, envers les princes arrêtés ; et la jeune Éléonore de Rohan faisoit l’ornement du salon du Luxembourg par son esprit précoce et par sa beauté. Enfin, les visites de Mazarin étoient ambitionnées par la fille de Gaston. Elle s’honora, par ses constants efforts, pour effacer la mémoire des discordes passées. Saint-Évremond, qui, au temps de son crédit, auprès de M. le Prince, avoit connu Mme de Longueville, à l’hôtel de Condé, s’est retrouvé en bons termes, avec la noble duchesse, dans la société de Mademoiselle. Il disoit galamment à la comtesse d’Olonne, dans la lettre d’envoi de son Caractère : « La plupart des dames se laissent persuader aisément, et reçoivent avec plaisir de douces erreurs. Il seroit bien étrange que vous ne voulussiez pas croire une vérité. Outre l’opinion publique, le jugement de Mme de Longueville est pour vous. Rendez-vous-y sans scrupule, et vous croyez hardiment, puisqu’elle le croit, la plus belle chose qu’on ait jamais vue. »

Saint-Évremond rencontroit bien d’autres amis chez Mademoiselle : la Rochefoucauld, voisin du Luxembourg, et dont le grand hôtel, rue de Seine, a été démoli, pour établir le passage des Beaux-Arts ; Mme de la Fayette, logée déjà rue de Vaugirard, en son hôtel, encore existant, au coin de la rue Férou ; les Villarceaux, premiers habitants de la rue du Mail, puis de la rue Richelieu, dont l’aîné avoit remplacé Saint-Évremond auprès de Mlle de Lenclos, et dont le jeune, abbé fort égrillard, le remplaça aussi auprès de la comtesse d’Olonne ; Mme Cornuel, et sa fille, aussi spirituelle, et plus libre peut-être que sa mère, qui faisoient avec le marquis de Jarzé, leur voisin, le voyage du quartier de Saint-Jean en Grève, au faubourg Saint-Germain, pour rejoindre une société dont le caractère se distinguoit de celui des salons du Temple et du Marais. Plusieurs femmes, alors à leurs débuts brillants, dans le monde, et non encore trop célèbres, accouroient aussi dans les magnifiques salons de Marie de Médicis ; les belles nièces du cardinal, dont une étoit destinée à être Mme Mazarin ; les demoiselles de la Loupe, amies dévouées de Mademoiselle, mariées depuis peu, et à ce moment dans toute la splendeur de leur beauté ; Mlle Desjardins, qui devint Mme de Villedieu ; Mme de Montglat, que Bussy alloit décrier et haïr ; Mme de Brégy2, type de précieuse et de bel esprit, qui logeoit aussi rue des Francs-Bourgeois, près de Mme Cornuel ; la comtesse de la Suze, Mme du Fresnoy, trop connue par un mot de Ninon ; Mme de Comminges, Mme de Choisy, qui s’alloient retrouver bientôt rue des Tournelles. Telles étoient les connoissances de Saint-Évremond au palais d’Orléans.

Segrais avoit présenté Scarron à Mademoiselle, qui fut charmée de sa gaieté. Mais il ne paroît pas que Mme Scarron ait été au Luxembourg. Elle s’en dédommageoit à l’hôtel d’Albret, rue des Francs-Bourgeois, en face de la rue des Trois-Pavillons, et à la place Royale, à l’hôtel de Richelieu. On voyoit aussi chez Mlle de Montpensier : Charles Perrault, et le père de Mlle Lhéritier, alors encore enfant, plus tard auteur de l’Adroite princesse et d’autres ouvrages agréables ; Mme Deshoulières, déjà en réputation ; et Mme de Mauny, renommée parmi les précieuses par la recherche de son langage. De ce que Mademoiselle ne parle pas de Saint-Évremond dans ses Mémoires, il n’en faut rien conclure ; car elle ne dit pas un mot, non plus, de plusieurs autres personnages de tout sexe, qui ont été ses plus distingués collaborateurs dans les Divers portraits : même de ceux qui étoient attachés à sa maison, par des liens particuliers, tels que M. de la Verrière, auteur ingénieux de l’un des meilleurs ouvrages, peut-être, qu’on trouve dans les Portraits de 1659. Beaucoup d’autres Normands venoient aussi chez Mademoiselle, que Saint-Évremond avoit connus, en d’autres temps : tels que les Beuvron, alors habitants du Marais, et transportés plus tard rue de Grenelle-Saint-Germain : on se souvient de leur rôle dans la Retraite de M. de Longueville. Enfin une dame de condition, de Caen, dont le Portrait est un des plus curieux, a été, à coup sûr, présentée par Segrais.

Les opinions philosophiques de Saint-Évremond ne l’éloignoient pas, non plus, du Luxembourg, comme d’autres esprits forts, parce qu’il étoit, comme on sait, la personnification même des bienséances. De plus, si Mademoiselle étoit irréprochable dans sa conduite, n’ayant, comme elle dit, aucune pente vers la galanterie, elle aimoit la liberté. Elle a soin de nous apprendre, dans son Portrait, qu’elle n’étoit pas dévote, et qu’elle s’étoit façonnée à tout entendre. Alors, comme aujourd’hui, d’ailleurs, toute liberté avoit son passe-port, dans un tour spirituel. Mme de Sévigné n’écrit-elle pas à sa fille : « On est ici fort occupé de la Brinvilliers. Caumartin a dit une grande folie sur ce bâton dont elle a voulu se tuer, sans le pouvoir : c’est, dit-il, comme Mithridate. Vous savez de quelle sorte il s’étoit accoutumé au poison. Il n’est pas besoin de vous conduire plus loin dans cette application. » Mademoiselle aimoit la règle et la décence, tout en permettant à son esprit, comme à celui des autres, un libre essor. À son exemple, son entourage avoit l’allure franche et presque militaire. Ces jeunes demoiselles, qui avoient été si bien élevées, à commencer par les Loupines, ainsi que les appelle Loret, savoient tout, disoient tout, et ne se cachoient de rien3.

La dévotion elle-même n’excluoit pas ces airs libres qui, dans le grand monde et dans l’usage, étoient permis, tant qu’ils ne se changeoient pas en acte. On pouvoit tout dire poliment, à condition de ne rien faire incongrûment ; et voilà ce qui trompe mainte fois ceux qui ne connoissent pas ce monde dont ils parlent. La dévotion étoit en outre et souvent un état extérieur plutôt qu’intérieur4. C’étoit une distinction, une sorte de grande manière. « Mme de Thianges, dit Mme de Sévigné, ne met plus de rouge et cache sa gorge. Elle est tout à fait dans le bel air de la dévotion. » Aussi est-on étonné de la liberté de langage qui règne dans ces Portraits, où chacune des belles dames de la société décrit les agréments de sa personne, depuis les pieds jusqu’à la tête. Mademoiselle, quoiqu’elle fût d’une régularité de mœurs qui n’a jamais été soupçonnée, y a donné l’exemple elle-même du franc parler dans plusieurs Portraits. Mais ces petits ouvrages étoient faits pour une compagnie restreinte et choisie, au sein de laquelle chacun se livroit avec confiance aux mouvements de son esprit : personne n’a paru craindre le public en les écrivant. La publicité fut pour ces personnages une espèce de trahison inattendue. Voilà comment, malgré la réserve discrète qui régnoit à la cour de Mademoiselle, Mme de Chatillon5 n’a scandalisé personne, en écrivant dans son Portrait : « On ne peut pas avoir la jambe ni la cuisse mieux faites que je l’ai ; » ni Mme de Mauny, en avouant que : « Puisque les autres ont parlé de leur jambe, elle dira que la sienne est belle ; » à quoi elle ajoute : « Je me pourrois encore louer d’autres choses qu’on ne verra pas, pour me démentir. » Aucune de ces dames n’a oublié de parler de sa gorge, les unes avec orgueil, d’autres avec humilité. Une demoiselle de grande qualité, qu’on suppose être Marie Mancini, plus tard la connétable Colonne, écrit : « Ma gorge est belle à la pouvoir montrer, si c’étoit la mode. » Mlle Desjardins, qui n’étoit point encore Mme de Villedieu, ou la marquise de Chattes, nous apprend que sa gorge est disposée à être belle, quand elle aura l’âge et l’embonpoint requis. Mlle de Rohan, qui fut la sage duchesse de Luynes, déclare qu’elle a « l’espérance prochaine d’une belle gorge, que sa gouvernante assure se devoir bientôt former. » Les choses les plus scabreuses trouvoient, dans ce monde bien disant, de spirituels narrateurs : le remède de Mme de Brégy, administré par Estoublon ; l’effet de tonnerre dont fut touchée Mme d’Estrées, dans sa royale demeure de la rue Barbette6, et qui eut des résultats si ridicules ; que sais-je, encore ? Voyez plutôt le cynique Portrait que Mme de la Grenouillère a tracé d’elle-même, et le Journal de Dangeau !

Mais on avoit horreur de la mauvaise compagnie et de la vulgarité. Mme de Longueville disoit « que les beaux jours que donne le soleil n’étoient que pour le peuple ; mais que la présence de ce qu’on aime faisoit les beaux jours des honnêtes gens. » Mme de Mauny, dont la parole étoit si dégagée, craignoit toujours de s’encanailler : le mot est de son invention ; et Mme de Lambert ne recommandoit rien tant que « de faire attention à ses sociétés. » Ces belles dames avoient toute raison. La bonne compagnie a toujours formé, en France, une sorte de cité particulière, dans la cité commune ; un état à part, dans l’état qui comprend tout le monde. Les membres de cette cité privilégiée, de cet état à part, se donnent des droits et une liberté, qu’ils ne reconnoissent pas aux autres hommes. C’est Athènes et les Métèques. L’homme comme il faut, parmi les siens, a le droit de tout dire, et presque de tout faire ; et ce n’est point une impertinence : c’est une confiance réciproque, une liberté de vivre, une franchise de parole qu’on autorise, sur le fondement d’une participation aux mêmes sentiments, à la même délicatesse, et aux mêmes devoirs ; c’est comme un reste de la foi chevaleresque : une religion de bonnes manières entre honnêtes gens ; les malotrus en sont bannis, à titre d’excommuniés.

Et comme, dès le dix-septième siècle, l’esprit et l’argent se posent en rivaux de la naissance, celle-ci va leur ouvrir ses rangs, du moins pour l’égalité de compagnie. Par là se retrempe la société, et s’accroît la puissance des salons du dix-septième siècle, où une sorte de niveau social égalise déjà tous les rangs. Les princes et les princesses du sang alloient alors, sans façon, chez de simples particuliers. Une étiquette opposée s’est établie, après le mariage de Louis XIV seulement7. La reine Anne d’Autriche venoit voir Mme de Beauvais, dans ce bel hôtel encore debout, au nº 62 de la rue Saint-Antoine. Mme de Brégy est-elle malade ? la reine va la visiter. Plus d’une fois, sous la régence, Anne a été avec le roi son fils, et toute la famille royale, chez le chancelier Séguier. Monsieur fut reçu souvent, à Ruel, par le président Tubeuf. Le président le Camus faisoit politesse à Mademoiselle, dans sa princière demeure, aujourd’hui l’École centrale, rue des Coutures-Saint-Gervais. La princesse alloit aussi chez Mlle de Hautefort, rue Saint-Louis, au Marais, et c’est là qu’elle rencontra Scarron, auquel elle envoya Segrais, son gentilhomme, pour lui demander des Portraits. La société de la comtesse de Soissons, dont le vaste et somptueux palais a fait place à notre lourde et hideuse halle aux blés, fit le bonheur de la jeunesse de Louis XIV. C’est là qu’il est devenu un homme à femmes. Il aima toute sa vie, depuis lors, les petits cercles familiers, où l’on causoit de toute chose, librement, simplement, sans employer d’autre esprit que le sien ; et, dans ces intimités, quoi qu’on dise, il ne se montra ni changeant ni léger.

Si la touchante et malheureuse la Vallière avoit eu autant d’esprit que d’amour, elle auroit retenu plus longtemps son royal adorateur. C’est par l’esprit, autant que par la beauté, que Mme de Montespan l’a séduit. La conversation incomparable de l’orgueilleuse marquise le charmoit. Il a eu d’elle sept enfants. Quel bourgeois eut plus de constance ! et quelle peine eut Mme de Maintenon, pour se glisser entre eux deux ! Mme de Montespan s’est perdue par la violence de son caractère. Elle étoit plus gentilhomme que Louis XIV, qu’elle n’auroit jamais cru capable de s’encanailler, comme disoit Mme de Mauny. Mais la bonne d’enfants qu’elle avoit introduite, sans méfiance, dans son ménage, fut plus habile qu’elle. La solidité d’esprit de Mme de Maintenon, et ses complaisances secrètes, dont il est curieux de lire la confession dans sa correspondance authentique avec Godet Des Marais, son directeur, ont assuré son règne.

L’esprit du salon de Mme de Soissons étoit un esprit particulier, sur lequel il fallut que tout le monde se moulât, si l’on peut ainsi dire, pour plaire au roi, dans le privé. On s’est accoutumé à regarder Louis XIV comme le grand et suprême consécrateur de l’esprit de l’hôtel de Rambouillet au dix-septième siècle. Rien n’est moins vrai. Il n’avoit point été élevé dans ces goûts-là par sa mère, qui conserva tant d’ascendant sur ses opinions et sur son cœur jusqu’à sa mort. Mme de Caylus accuse juste, ert ce point, quand elle écrit : « Le roi, dans les premiers temps, eut plus d’éloignement que d’inclination pour Mme de Maintenon ; mais cet éloignement n’étoit fondé que sur une espèce de crainte de son mérite, et sur ce qu’il la soupçonnoit d’avoir, dans l’esprit, le précieux de l’hôtel de Rambouillet, dont les hôtels d’Albret et de Richelieu, où elle avoit brillé, étoient une suite et une imitation. On se moquoit à la cour de ces sociétés de gens oisifs, uniquement occupés à développer un sentiment, et à juger d’un ouvrage d’esprit ; Mme de Montespan, elle-même, malgré le plaisir qu’elle avoit trouvé autrefois dans ces conversations, les tourna plus tard en ridicule, pour divertir le roi. »

Ce fut surtout lorsque Mme de Soissons, en qualité de surintendante de la maison de la reine, eut logement aux Tuileries, où résidoit la cour, que Louis XIV prit plaisir à ce salon où elle régnoit, dit Saint-Simon, « par un reste de la splendeur du feu cardinal Mazarin, son oncle, et plus encore par son esprit et son adresse, et qui étoit devenu un centre fort choisi. C’étoit où se rendoit tous les jours ce qu’il y avoit de plus distingué en hommes et en femmes, qui rendoit cette maison le centre de la galanterie de la cour, et des intrigues et des menées de l’ambition… Ce fut dans cet important et brillant tourbillon, où le roi se jeta d’abord, et où il prit cet air de politesse et de galanterie qu’il a toujours su conserver toute sa vie, et qu’il a si bien allié avec la décence et la majesté. On peut dire qu’il étoit fait pour elle, et qu’au milieu de tous les autres hommes, sa taille, son port, ses grâces, sa beauté, et la grande mine qui succéda à la beauté : jusqu’au son de sa voix, et à l’adresse et la grâce naturelle et majestueuse de toute sa personne, le faisoient distinguer jusqu’à sa mort ;… et que s’il ne fut né que particulier, il auroit eu également le talent des fêtes, des plaisirs, de la galanterie, et de faire les plus grands désordres d’amour. » Et en effet, on voit par les Mémoires de Mademoiselle combien Louis XIV étoit, dans le commerce du monde, adorable avec les femmes. Il aimoit à voir sa cour très-fréquentée ; et une fois connu de lui, c’était lui déplaire que de ne pas le visiter. Il y en a des détails curieux dans le Journal de Dangeau.

Le salon de Mademoiselle, au Luxembourg, fut donc comme un renouvellement, une fusion de la société françoise après la Fronde. Il eut une autre importance, et bien supérieure, pour la postérité : l’importance littéraire. Pascal y avoit été présenté ; c’est là qu’il vit le grand monde et qu’il y eut du succès. C’est de là qu’est partie, grâce à Mademoiselle et à Mme de la Fayette, une direction nouvelle du goût littéraire, dans le genre, déjà si accrédité, du roman de mœurs et d’amour. De là une réaction définitive contre la préciosité de d’Urfé et de Mlle de Scudéry. De là, enfin, l’étude des sentiments vrais et naturels, leur expression en un style correct mais simple ; et, comme l’a dit un célèbre écrivain, « la peinture et l’analyse des sentiments tendres, leur naissance, leur progrès, leur charme suprême, les luttes touchantes, et les vertueux sacrifices. » Il resta pourtant encore quelque teinture de l’Astrée au Luxembourg. Segrais étoit l’homme des bergeries. Mme de Brégy a fait le Portrait du roi, qu’elle nomme Tircis ; il cache son sceptre sous la houlette, et il paît son troupeau sur les bords du Lignon ; c’est là qu’une maladie redoutable (1658) l’atteint, et menace de ravir ce berger, l’honneur de nos hameaux. Mais le courant général de la société de Mademoiselle emporte les esprits vers une littérature plus sérieuse, et sinon plus délicate, du moins de meilleur goût, et plus durable. Mademoiselle en donna l’exemple dans la rédaction de ses Mémoires, commencée dès 1652, et dans des opuscules d’imagination que Mme de la Fayette n’auroit pas désavoués. L’influence des lettres sur la société avoit en 1658 un autre caractère qu’au temps où brilloit le salon de Rambouillet. Les dix années écoulées depuis la Fronde jusqu’au gouvernement personnel de Louis XIV compteront parmi les plus remarquables dans l’histoire de l’esprit françois. Je ne veux citer, entre ses produits de cette époque, que les Provinciales, et la Conversation du maréchal d’Hocquincourt. La Fronde avoit fortifié les esprits, malgré sa ridicule issue ; l’égalité de droits, fondée sur l’intelligence et la politesse, étoit déjà une loi de la société moderne.

Les nièces de Mazarin firent, un jour, demander à Mme Scarron de leur rendre visite à Brouage, où il y avoit compagnie, et où l’on étoit simplement curieux de voir une femme en réputation, pour se divertir. Scarron répondit, avec dignité, probablement par la plume de sa femme, à M. de Villette, intermédiaire de la politesse (1659): « Mme Scarron est bien malheureuse de n’avoir pas assez de bien et d’équipage, pour aller où elle voudroit, quand un si grand honneur lui est offert, que celui d’être souhaitée à Brouage par une demoiselle de Mancini,

Riche présent du Tibre et gloire de la France.

J’espère qu’elle se racquittera d’une si grande perte, quand la cour sera retournée à Paris, et qu’aussitôt qu’elle aura l’honneur d’être connue de cette incomparable Romaine, elle aura quelque part à sa bienveillance. » À une autre époque, Mme Scarron n’auroit pas cru pouvoir se dispenser de se rendre à Brouage dans la première voiture venue. Les Portraits avoient été mis à la mode par Mlle de Scudéry. Le Grand Cyrus, qui parut en 1656, est, comme on sait, rempli de Portraits contemporains, ainsi que les autres romans de cette fille célèbre. C’étoit la société françoise de son temps que Mlle de Scudéry avoit l’intention de peindre sous des noms grecs et romains. Le Portrait y entroit donc comme un élément nécessaire. D’autres romanciers avoient précédé Mlle de Scudéry dans cette voie8, sans faire autant de bruit ; d’autres l’y suivirent avec moins de succès. L’honneur d’avoir son Portrait dans un roman fut un des plus ambitionnés de la haute société contemporaine.

La vogue primitive du Portrait ou Caractère est donc l’ouvrage, à coup sûr, de Mlle de Scudéry ; mais son point de vue n’a pas été celui du Luxembourg. Si l’on en croit même Segrais, la manière spontanée dont le goût en est venu, chez Mademoiselle9, écarteroit l’influence de Mlle de Scudéry. Du salon de Mademoiselle cette fantaisie littéraire a rayonné dans Paris ; elle y a fait fureur, et partout, même dans les couvents, pendant plusieurs années. Les Portraits couroient le monde, en manuscrit ; et les portefeuilles de Conrart en sont encore remplis. Dans la chaire même, des prédicateurs qui ne s’appeloient ni Bossuet, ni Bourdaloue, ni Massillon, cherchèrent, alors, dans ce caprice littéraire, mis à la mode par la vanité, la bonne fortune d’un succès d’éloquence peu chrétienne. Un déluge de Portraits inonda les salons et les ruelles. L’un de ceux qu’on trouve chez Conrart commence par ces mois : Puisque c’est la mode que chacun fasse son portrait, etc. Descartes demandoit à sa fille de lui envoyer le sien. Tallemant, incapable d’y appliquer son esprit trop décousu, laisse échapper, vers 1658, cette boutade ridicule : « La mode des Portraits commence à ennuyer furieusement les gens. »

La littérature des Portraits, qui a occupé tout le monde, à Paris, après l’exemple donné au Luxembourg, demeure ainsi, dans l’histoire des lettres et des mœurs françoises, une curiosité d’assez grande conséquence. Elle n’a point envoyé, sans doute, de chefs-d’œuvre au salon de Mademoiselle ; mais cependant la langue du monde et de la conversation, fine, piquante, originale, libre, y apparoît avec un charme digne de remarque.

Quoi qu’en ait dit Segrais, le collecteur par commission de ces bluettes de palais, Mademoiselle et ses amies avoient pris le goût des Portraits dans les romans en crédit de ce temps-là : sans le croire assurément, et c’est peut-être un trait de hauteur princière ; de si grandes dames ne devoient copier personne. Au fond, elles suivoient, ou continuoient, un mouvement donné, en se l’appropriant, et en l’appliquant à leur intention particulière, qui n’est plus, certainement, celle de Mlle de Scudéry. Les Portraits du Luxembourg sont comme’un goût de photographie du dix-septième siècle ; chacun fait la sienne, de sa main, avec une impartialité affectée, ou emploie la main de son ami, pour avoir la peinture complaisante de sa figure embellie. C’est un jeu de société, un divertissement d’esprit, dont l’objet est surtout d’amuser le salon.

Par conséquent, on ne sauroit, à mon avis, admettre que ce caprice a ouvert la route à la Bruyère. Trente années séparent la Bruyère de l’époque des Divers portraits ; et le but, pas plus que la forme du livre de notre grand moraliste, n’ont rien de commun avec ces exercices récréatifs du salon du Luxembourg. L’influence littéraire de la société de Mademoiselle se manifeste plutôt par d’autres ouvrages que par les Divers portraits. Le goût des Contes de Fée ne s’étoit pas produit encore10. Mais, dès 1656, Segrais avoit été le rédacteur des Nouvelles françoyses ou les divertissements de la princesse Aurélie, laquelle n’est autre que Mademoiselle ; cette princesse publioit elle-même, directement, en 1659, la Relation de l’isle imaginaire et l’histoire de la princesse de Paphlagonie. L’année d’après, Mme de la Fayette imprimoit le premier et l’un des plus intéressants de ses romans, la Princesse de Montpensier11. Dès lors, l’impulsion étoit donnée ; Mme de la Fayette n’a fait que s’y conformer dans Zaïde, dans la Princesse de Clèves, et dans ses autres livres, qui eux-mêmes ont été les modèles de Mme de Fontaines, de Mlle de la Force et de Mme de Tencin. Il est à remarquer que Mme de la Fayette n’a donné qu’un Portrait à la collection de 1659 : celui de Mme de Sévigné.

La connoissance de ces petites compositions, ou confessions, si diverses, si élégantes, si sincères, n’en est pas moins d’un intérêt véritable. On l’a trop négligée, peut-être. Les femmes en ont fait les frais principaux. Le droit du cœur d’aimer et de haïr, la légitimité de l’indépendance individuelle, voilà les opinions proclamées par tous ces auteurs de bonne société ! Voilà ce qu’adora, du reste, de tout temps, l’esprit francois ! Toutefois, le Portrait, même quand il est l’ouvrage d’un ami, tourne avec trop de facilité au raffinement. C’est ce qui arrive à Saint-Évremond dans le Portrait de Mme Mazarin, où il finit par tomber dans la subtilité italienne. Jamais rien de pareil n’advient à la Bruyère.

La Bruyère se rattache directement à Théophraste, plutôt qu’à la Portraiture du dix-septième siècle. Cureau de la Chambre avoit disserté (1640–62) des Caractères des passions, à un point de vue d’histoire naturelle ; la Bruyère a observé les Caractères, au point de vue de l’histoire humaine. Il a intitulé son livre : les Caractères et les moeurs de ce siècle. Par une élégante traduction des Caractères de Théophraste, il a, d’abord, initié ses lecteurs à la connoissance de la société grecque ; et dans une seconde partie de son livre, il oppose à ce premier tableau, le tableau plus coloré, plus saisissant, plus varié, de la société françoise : nous montrant l’homme de son temps, sous toutes les formes, et sous toutes les faces, d’après les types qu’il avoit sous les yeux. Il n’a point étudié l’humanité comme une abstraction : c’est l’être ondoyant et divers de Montaigne, dont il dessine la figure sous mille aspects et avec un admirable talent ; car ce n’est point un grand moraliste, seulement, que la Bruyère : c’est un écrivain de premier ordre. Il n’y a pas, dans notre langue, d’œuvre d’art plus travaillée, et qui soit supérieure à la sienne. Les auteurs des Portraits du Luxembourg étoient bien loin d’une vue si profonde et d’une telle ambition littéraire. Ils étoient surtout bien éloignés de l’intention satirique, qu’on saisit quelquefois dans la Bruyère, et qui servit si bien à la fortune de son livre.

De ces divers Caractères, de tous ces Portraits, tracés par des gens du grand monde, avec l’allure alerte, et la plume facile de la haute société du temps, il ressort cependant quelque trait général de la physionomie de l’époque. Chacun alors avoit le monde devant soi, vouloit en être considéré, et en suivoit les pratiques, comme la règle suprême des actions. Ces pratiques autorisoient à vivre selon son goût, à jouir de toutes ses facultés, à donner à sa pensée un libre champ ; mais elles commandoient de respecter un certain ordre de convenances. La philosophie étoit la science à la mode. L’abbesse de Fontevrault, sœur de Mme de Montespan, lisoit bien plus Platon que son missel ; et l’abbesse de Malnoue, sœur de Mme de Chevreuse, avoit passé, avec Huet, par tous les états de l’esprit. De la morale religieuse, le monde des Divers portraits sembloit moins s’en inquiéter que de la morale du siècle. Ni Bossuet, ni Bourdaloue n’avoient encore pris l’ascendant que l’on connoît sur la société Françoise. La division du pays entre deux grandes sections du christianisme, de force égale, à peu près, alors, dans les classes polies : la communion catholique et la communion réformée avoit, en quelque sorte, fait surgir cette loi supérieure et laïque, la loi du monde, au travers de la croyance religieuse de chacun. Le protestantisme, quoique réduit à l’obéissance par Richelieu, étoit encore une force considérable, dans l’État, et tenoit en échec le catholicisme. La philosophie sceptique ou épicurienne s’étoit coulée au milieu d’eux, propagée à l’abri du principe de la liberté de conscience. Les protestants étoient des demi-philosophes. On a trop perdu de vue, aujourd’hui, l’influence que devoit exercer, sur le mouvement social : d’une part, ce christianisme mi-parti, dont nous n’avons plus le tableau sous les yeux, depuis l’ordonnance de 1685 ; et, d’un autre côté, cette philosophie sceptique, qui a gardé tant de crédit dans la société cultivée, même après Descartes.

C’est celle que Saint-Évremond représentoit au salon du Luxembourg. Les mœurs civilisées de la cour et de la ville ne laissoient pas d’être mêlées encore, comme nous l’avons déjà remarqué, de singuliers contrastes de grossièreté, qui se sontproduits, même dans une période plus avancée du siècle12. À cet égard, le salon de Mademoiselle a été, après le salon de Rambouillet, une autre institution de politesse publique. Saint-Évremond y professa l’urbanité que respirent ses ouvrages. Le souvenir de cette influence étoit vivant encore dans le salon de Mme de Lambert, où le nom de notre auteur fut constamment si honoré. Quoique Mme de Lambert, née en 1647, eût à peine connu Saint-Évremond, elle conserva toujours une sorte de culte pour sa mémoire. Quelque parenté l’unissoit à la famille de Saint-Denis ; le marquis de Lambert, son beau-père, avoit fait glorieusement les campagnes de Flandre avec Saint-Évremond. Enfin l’esprit délicat de la marquise s’exerça sur des sujets où Saint-Évremond passoit pour maître. Elle s’appliqua aussi aux Portraits, dont le goût survécut à Mademoiselle. Celui que Saint-Évremond apporta, comme son contingent littéraire, chez Mlle de Montpensier, est sans contredit l’un des plus remarquables de la collection. Il ne porte pas le nom de Portrait, il porte le titre de Caractère ; et, en effet, ce n’est point une description de tête, de bras, ou de peau, qu’on y remarque : c’est un vrai Caractère, mais dans une acception plus spéciale que celle de la Bruyère ; et c’est la célèbre Mme d’Olonne qui en est l’objet. Elle n’avoit point encore été diffamée par Bussy. Sa passion romanesque pour le duc de Candale inspiroit même une complaisante indulgence. Sa beauté, son esprit original, le nom illustre de son époux la plaçoient aux premiers rang des plus grandes compagnies. Près d’elle figuroit aussi, au Luxembourg, Mme de Gouville, aux magnifiques cheveux : prude tendre, que Candale d’abord et Bussy plus tard ont livrée aux traits malins de la société parisienne.

Bussy-Rabutin et Saint-Simon ont ruiné la réputation de Mme d’Olonne, et sans lui laisser devant la postérité la moindre compensation. Si je ne craignois de me donner le rôle singulier de défenseur officieux de toutes les femmes compromises du dix-septième siècle, j’entreprendrois de plaider, pour Mme d’Olonne, au moins les circonstances atténuantes. Il y en a une, pour moi, qui a quelque valeur : c’est l’attachement de Saint-Évremond. Les premières amours de la comtesse d’Olonne ont été racontées par Bussy ; et nous savons par Hamilton, ainsi que par une lettre de Ninon de Lenclos, la jalousie du comte d’Olonne, qui faisoit suivre et surveiller Saint-Évremond par ses grisons, et dont la sollicitude, hélas ! bien inutile, donnoit à rire aux esprits gaillards, comme le chevalier de Grammont, et autres bonnes âmes de la rue des Tournelles, ou de la rue des Francs-Bourgeois. Saint-Évremond n’a pardonné que tard à Bussy, son cousin, de l’avoir mis en scène dans l’Histoire amoureuse des Gaules, et d’avoir livré cette intrigue passagère, avec Mme d’Olonne, à une publicité scandaleuse, qui lui suscita des embarras envers son ancien et fidèle ami, l’époux de la comtesse, fort galant homme d’ailleurs, très-spirituel, et digne d’un meilleur destin. Lorsque Saint-Évremond prépara, pour Des Maizeaux, la collection épurée de ses œuvres authentiques, il en retrancha une lettre, sur Bussy-Babutin, qu’on lui avoit attribuée. Mais Des Maizeaux, tout en respectant la volonté du vieillard, a maintenu, dans les volumes réservés aux Œuvres supposées, ces pages, qu’on a trop facilement restituées, de nos jours, à Saint-Évremond, et que nous transcrivons ici, quoique apocryphes, comme une curieuse expression de l’opinion générale du temps, touchant l’historien des galanteries de Mme d’Olonne13.

LETTRE TOUCHANT LA DESTINÉE DU COMTE DE BUSSY-RABUTIN.

« Que peut-on penser, sur le chapitre de M. de Bussy, que ce que tout le monde en a pensé ? Il est homme de qualité ; il a toujours eu beaucoup d’esprit, et je l’ai vu autrefois en état de pouvoir espérer une haute fortune, à laquelle sont parvenus beaucoup de gens qui lui étoient inférieurs.

« Il a préféré à son avancement le plaisir de faire un livre14, et de donner à rire au public. Il a voulu se faire un mérite de sa liberté ; il a affecté de parler franchement et à découvert, et il n’a pas soutenu jusqu’au bout ce caractère.

« Après plus de vingt ans d’exil, il est revenu dans un état humilié, sans charge, sans emploi, sans considération, parmi les courtisans, et sans aucun sujet raisonnable de rien espérer.

« Quand on a renoncé à sa fortune, par sa faute, et quand on a bien voulu faire tout ce que M. de Bussy a fait, de propos délibéré, on doit passer le reste de ses jours dans la retraite, et soutenir, avec quelque sorte de dignité, un rôle fâcheux dont on s’est chargé mal à propos.

« On s’expose au mépris, quand on revient dans le grand monde, après un certain âge, sans y apporter qu’un mérite inconnu à la plupart, avec la réputation d’un esprit aigre et mordant, dont chacun se défie et que tout le monde appréhende ; sans parler qu’on ne manque guère d’avoir des manières usées, et hors de mode, qui rendent un homme désagréable, incommode, et souvent ridicule.

« On doit avouer que M. de Bussy avoit un esprit merveilleux. Les premiers ouvrages que nous avons de lui nous en donnent une idée très-avantageuse ; et il y aurait tout sujet d’en être content, s’ils lui avoient coûté un peu moins cher. Son élocution est pure, et ses expressions sont naturelles, nobles et concises. Ses portraits, surtout, ont une grâce négligée, libre et originale, qu’on ne sauroit imiter. Il étoit d’ailleurs médisant jusqu’à l’excès. Ses meilleurs amis, et les personnes de la cour les plus irréprochables, ne furent pas exempts des traits perçants de sa médisance. Il a donné le démenti à toute l’Europe, pour ternir la bravoure d’un homme qui a toujours passé pour téméraire15 ; et il a dit du mal de certaines femmes, dont il n’a pas pu même inventer les désordres.

« On ne sauroit mieux traduire qu’il n’a fait quelques endroits de Pétrone16 ; on demeura pourtant quelque temps à reconnoître qu’il n’en étoit que le traducteur.

« On trouve, dans ses derniers écrits, beaucoup moins de cette finesse et de ce sel, qui piquoit agréablement dans les premiers ; ses pensées y sont moins nobles, et ses expressions moins naturelles. Soit que son génie ne fût propre qu’à la satire, ou que, dans un âge plus avancé, il ait perdu ses plus belles idées, il est sûr que ses ouvrages sérieux plaisent fort peu.

« On dit que l’on verra un jour l’Histoire du Roi, de sa façon : j’ai de la peine à croire qu’il y réussisse17. Les grandes actions de ce prince et les victoires sans nombre qu’il a remportées pourront mal aisément être bien décrites par un homme à qui il faudrait, pour l’occuper heureusement et selon son goût, des fautes et des pertes continuelles.

« Voilà, Monsieur, quel est mon sentiment touchant M. de Bussy. Je l’ai connu autrefois, très-particulièrement : il n’aimoit personne, et parvint enfin à n’être aimé de qui que ce soit. Peu de gens s’intéressèrent à sa disgrâce ; on dit que moins encore se sont intéressés à son retour. Le bon cœur est une qualité qui sera toujours préférée au bel esprit, dans la société civile. »

Il y a beaucoup de sévérité dans ce jugement sur Bussy-Rabutin, lequel n’a, au bout du compte, dans sa vie, aucun trait aussi noir que celui qui fit exiler M. de Vardes. Parce qu’il eut plus d’esprit, falloit-il être inexorable ? Il fut coupable, sans doute ; mais pourquoi lui refuser d’aller laver sa faute dans son sang, à la frontière, comme il le demandoit ? Sa correspondance est l’une des plus spirituelles et des plus intéressantes qu’on puisse lire. Quant aux mauvais bruits qui ont couru sur sa fille, c’est une infamie, sans preuve, à laquelle le salon de Mme du Deffand a trop facilement ajouté foi, cent ans après. Quoi qu’il en soit, Saint-Évremond ne peut être l’auteur des pages qu’on vient de lire. On ne sauroit y reconnoître son style ; et l’on peut montrer que l’exil l’avoit reconcilié avec son parent, exilé comme lui. Le 29 mai 1673, le comte de Limoges envoyoit à Bussy les tendres compliments de Saint-Évremond ; et Bussy répondoit par un retour de saluts affectueux. En 1677, et le 3 novembre, Bussy écrivant au comte de Grammont, l’entretenoit de notre ami Saint-Évremond ; et, la veille, il en avoit parlé dans les mêmes termes à Mme de Gouville. Le 1er janvier 1686, Bussy tenoit le même langage à Mlle de Ragny, au sujet d’une Histoire de François de Lorraine, duc de Guise, alors attribuée à Saint-Évremond. Le 30 septembre, même année, Mme de Scudéry ayant envoyé au comte de Rabutin une lettre, qui circuloit aussi sous le nom de Saint-Évremond, le comte répondoit, le 9 octobre : « Cette lettre n’est pas de Saint-Évremond. Je connois le style de mon cousin, comme je connois le mien, etc. » Enfin, en 1689, Saint-Évremond écrivoit à Ninon : « Si vous connoissez Barbin, faites-lui demander pourquoi il imprime tant de choses sous mon nom, qui ne sont point de moi. J’ai assez de mes sottises, sans me charger de celles des autres. On me donne une pièce, contre le P. Bouhours, où je ne pensai jamais. Il n’y a pas d’écrivain que j’estime plus que lui, etc. » Ce passage fut communiqué au P. Bouhours par Mlle de Lenclos, sa voisine ; et le P. Bouhours en envoya copie à Mme de Coligny, fille de Bussy, qui étoit au château de Chaseu, près de son père ; et Mme de Coligny répondant au spirituel jésuite, lui dit, au sujet de Saint-Évremond : « La manière dont il pense et dont il s’exprime plaît toujours, et surtout quand il loue un de nos amis. » En l’état de ces relations entre la famille de Rabutin et Saint-Évremond, on ne peut supposer que celui-ci soit l’auteur de la lettre dont il s’agit, laquelle n’apparut dans les salons qu’en 1693. Il étoit incapable d’une telle perfidie.

Quoique Saint-Évremond n’ait pas divulgué le secret de Mme d’Olonne, Bussy-Rabutin s’en étant chargé, cette indiscrète obligeance, jointe aux railleries de Grammont, et aux brutalités de Saint-Simon, envers les filles de Mme de la Loupe, qu’il détestoit, ne permettent guère de douter de la vérité de l’aventure. Mais Saint-Évremond avoit évité l’éclat, et s’étoit prudemment retiré de la mêlée, lorsque la légende de Bussy est venue tout remettre en lumière, et précipiter cette femme charmante, sensible, accorte, qui valoit mieux que d’être abandonnée à la chronique scandaleuse jusqu’à la fin des siècles.

Saint-Évremond est resté l’ami de Mme d’Olonne et de son époux ; et le Caractère qu’il a tracé d’elle pour la société de Mademoiselle, à une époque où l’on parloit de son attachement pour le duc de Candale, attachement que Saint-Évremond a voulu ennoblir dans un autre écrit, ce Caractère est un monument de l’exquise courtoisie et de l’affection délicate qu’il a conservée pour la comtesse. Quant aux dépravations et aux vénalités enregistrées dans l’Histoire de Bussy, on reste, à vrai dire, dans le doute, en voyant la considération dont jouit encore, à cette époque de 165918, au Luxembourg, et chez Mme de Longueville, la femme étourdie et facile, dont Bussy avoue « qu’elle avoit trouvé le secret de perdre sa réputation avant de perdre son innocence. » Dans les actes mêmes qui ont affiché sa passion, il y a de touchantes délicatesses. Lorsqu’on la détournoit de parler de M. de Candale, dont le nom seul provoquoit ses sanglots, elle répondoit : Cela me fait pleurer, mais cela me fait souvenir de lui. Il n’est que trop vrai, cependant, que cette femme aimante a été perdue dans l’esprit de ses contemporains. Les pamphlets, les chansons, les satires l’ont livrée en pâture à l’opinion qu’elle a trop bravée, tandis que d’autres ont franchi le pas, avec impunité, sans être moins imprudentes, ni moins répréhensibles. Elle étoit fauve comme une louve, ce qui prête aux chansonniers des jeux de mots de moins bon goût que ceux dont les contemporains avoient poursuivi Mlle Paulet, pour laquelle le nom de Lionne a été inventé19. Ainsi que Mlle Paulet, Mme d’Olonne avoit débuté par être précieuse et même prude ; toutes les séductions du coadjuteur de Retz, alors son voisin de la rue d’Angoumois, plus tard rue Charlot20, n’avoient pu réussir à la mettre à mal, pendant qu’elle étoit Mlle d’Angennes de la Loupe : « Ce qui doit étonner, dit le caustique prélat, ceux qui n’ont connu que la comtesse d’Olonne21. »

On trouve aussi, dans la collection de Mademoiselle, le portrait de Mme de la Ferté22, sœur de Mme d’Olonne, et plus tard aussi compromise qu’elle. Le public fut sévère pour Mme d’Olonne, dont l’époux, très-justement estimé, avoit si longtemps eu pour elle des égards et même de l’attachement, quoiqu’il fût un peu coureur, de son côté. Mme d’Olonne n’avoit pas l’excuse de Mme de Courcelles23, qui eût paru justificative, peut-être, à un grand pape lui-même24. Indépendamment du Caractère qu’on connoît, et du souvenir inséré dans la Conversation du duc de Candale, Saint-Évremond a aussi composé des Stances, où il introduit Mme d’Olonne, sans la nommer, pleurant sur le tombeau du fils du duc d’Épernon. Cette pièce est médiocre, et nous ne l’avons pas recueillie.

Saint-Évremond n’a pas plus laissé soupçonner son intimité avec Mme d’Olonne, qu’il n’a révélé des noms qu’on regrette de ne pas trouver à la place des étoiles qui nous dérobent les objets de quelques autres flammes légères de notre auteur. Nous soupçonnons Mme de Brancas, dont l’hôtel étoit rue de Braque, Mme de Salins et Mlle Cornuel ; mais nous ne pousserons pas plus loin l’indiscrétion ou la curiosité.

Au sujet de Mme d’Olonne, pauvre coquette, prise dans ses filets, comme il arrive toujours, on se demande comment M. de Vineuil, secrétaire inconsistant de la Rochefoucauld, a-t-il pu être le concurrent de Saint-Évremond dans la composition du Caractère et du Portrait de Mme d’Olonne, pour la collection de Mlle de Montpensier ? Mme d’Olonne avoit-elle connu Vineuil pendant la Fronde, où la comtesse avoit suivi le parti des princes ? C’est probable ; et telle est peut-être aussi la cause de l’indulgence toute particulière qu’elle a trouvée dans le grand monde du Luxembourg ou de la rue Saint-Thomas-du-Louvre. Du reste, au Palais-Royal même, chez la reine mère, on étoit bon pour elle ; et il falloit bien que cette bonté fût justifiée par un charme et quelque mérite ! Le journal déjà cité des deux Hollandais nous révèle, à cet égard, une anecdote curieuse. Mme d’Olonne avoit reçu, aux eaux de Bourbon (1658), et en public, un soufflet de son mari, pour quelque étourderie qui fit perdre patience à cet excellent homme, moins ferme que Saint-Évremond, dans sa philosophie. L’hiver suivant, comme elle étoit dans la chambre de la reine, elle s’y éprit avec passion d’un joli soufflet d’ébène, garni d’argent, qui, par un mécanisme caché, parfumoit l’appartement d’une suave odeur de frangipane, en même temps qu’il souffloit et ravivoit le feu. Elle avoit toujours ce soufflet à la main, et son désir de le posséder devint si ardent qu’elle engagea M. de Vardes à l’escamoter pour elle : ce qui fut fait. Mais on découvrit le vol et la voleuse. La reine en rit et pardonna, tout en exigeant la restitution ; et depuis lors, on appeloit notre comtesse la souffleuse de la reine et la souffletée de son mari, ou bien, simplement, la dame au soufflet25 ; ce qui ne l’empêchoit pas d’être de toutes les parties à la cour. Son grand nom couvroit tout26.


NOTES

1. L’hôtel habité par Mme de Montbazon, et où seroit arrivée la prétendue aventure de Rancé, à la mort de la duchesse, a été détruit. Voy. Fournier, Paris démoli, p. 59 et suiv. C’étoit le même hôtel où avoit été tué Coligny, rue de Bethisy, aujourd’hui perdue dans le tracé de la rue de Rivoli. Voy. Jaillot, Recherches sur Paris, 3e quartier, p. 12. Un café conserve le nom de Coligny, près de la place où fut la demeure de l’amiral.

2. On trouve souvent Brégis, au lieu de Brégy.

3. Mlle de Melson, qui épousa plus tard le conseiller d’État le Camus, jeune fille spirituelle et honnête, l’une de celles qui ont fait elles-mêmes leur Portrait, entendant Boisrobert, dont on connoît la mauvaise réputation, raconter qu’un de ses laquais s’étoit pendu, répondit que : « les laquais de Boisrobert ne devoient finir que par le feu ; » allusion assez vive à des vices que la lecture de la Bible, toute seule, n’avoit pas fait connoître à cette péronnelle.

4. Mme de Maintenon écrivoit, quand elle fut admise à la cour : « On n’a ici aucune attention à la vie, et on compte pour tout de recevoir les sacrements à la mort. »

5. L’hôtel de Chatillon étoit, au dix-huitième siècle, rue Saint-Dominique, vis-à-vis l’hôtel Molé. Au dix-septième siècle, le beau duc de Chatillon habitoit, rue du Petit-Bourbon-Saint-Sulpice, un hôtel qu’avoit occupé la célèbre duchesse de Montpensier, au temps de la Ligue, et dont la porte subsiste encore.

6. Ce superbe hôtel avoit été loué 2000 écus à la fille du chancelier Séguier, Mme de Coislin ; et Tallemant prétend que cette location exhorbitante fit renchérir les maisons.

7. Henri II alloit si souvent chez le connétable Anne de Montmorency, rue Sainte-Avoie, aujourd’hui du Temple, que les gens du quartier avoient fini par appeler l’hôtel du Connétable, le logis du Roi. Cet hôtel devint plus tard celui du premier président de Mesine, en face du magnifique hôtel de Saint-Aignan, bâti pour le célèbre comte d’Avaux. Tout auprès, étoit le grand hôtel de la Trémouille. Cette noble famille avoit depuis longtemps quitté la rue des Bourdonnais, où elle demeura, pendant cent ans, vis-à-vis l’abominable rue de la Limace, qu’on peut voir encore aujourd’hui, à titre de curiosité, dans son aspect antique.

8. Voyez seulement Les heureuses infortunes de Celiante et Maritinde vefves pucelles, par le sieur d. f. (Des Fontaines), Paris, 1636, in-8º. C’est l’histoire de plusieurs personnes illustres de ce temps, sous des noms supposés. Les deux Vefves pucelles sont Mme de Charny et Mme de Marigny. Louis XIII est désigné sous le nom de Cambises ; M. le Prince, sous celui de Protosilas. Une 2e édition, de 1662, contient la clef des noms.

9. « Mademoiselle étant à Champigny, en 1657, Mme la princesse de Tarente et Mlle de la Trémouille la vinrent visiter. Elles lui parlèrent de certains portraits qu’elles avoient vus en Hollande, et sur lesquels elles avoient fait les leurs. Mademoiselle eut la curiosité de les voir…, ce qui lui donna aussi envie de faire le sien… Plusieurs ayant suivi son exemple, elle eut la fantaisie d’en faire un Recueil… On a jugé à propos de mettre les noms de ceux qui les ont écrits,… pour instruire ceux qui, dans cent ans, trouveront ce livre, dans les armoires de Saint-Fargeau. » (Préface de Segrais, en tête de la 2e édition des Divers portraits, de 1659.)

10. Voy. ma Lettre critique sur les Contes de Perrault.

11. Voy. la belle étude de M. Sainte-Beuve sur Mme de la Fayette.

12. Loret, en sa gazette du 21 mai 1651, indique deux grandes dames qui s’enivroient d’habitude. En 1699, Dangeau nous montre un duc d’Elbeuf, sanglant d’une épaule de mouton sur la joue d’un officier supérieur, dans un souper.

13. Voyez une bonne notice sur Bussy, dans les Études d’histoire et de biographie, de M. Bazin, Paris, 1845, in-8º.

14. L’Histoire amoureuse des Gaules. Nous devons à MM. Poitevin et Boiteau deux excellentes éditions de ce livre curieux. Malheureusement l’édition de M. Boiteau n’a pas été complétée.

15. Le maréchal de Créqui.

16. Dans l’Histoire amoureuse des Gaules.

17. On a imprimé, en effet, après sa mort, ce qu’il avoit composé de cette Histoire, et c’est fort médiocre. Voyez la bonne édition des Œuvres de Bussy-Rabutin qui a été publiée par M. L. Lalanne en 9 vol. in-12.

18. C’est en 1659 ou en 1660 que Bussy a composé l’Histoire amoureuse des Gaules, qu’il a remaniée ou amplifiée deux ou trois ans après. Elle n’a été livrée à la publicité, par les copies, que plus tard, et puis imprimée en Hollande vers 1665.

20. « Elle avoit beaucoup de vivacité, dit Tallemant ; elle étoit jolie, avoit le teint admirable, la taille fine, dansoit bien, etc. Mais elle avoit les cheveux si blonds qu’ils pouvoient passer pour roux, etc. L’ardeur avec laquelle elle aimoit, son courage, sa fierté, ses yeux vifs et ses cheveux trop dorés lui firent donner le nom de lionne. » Voiture revient souvent sur cette plaisanterie. Sarrasin qualifie aussi Mlle Paulet d’adorable lionne.

21. Un héritier du comte d’Olonne a bâti l’hôtel de Noirmoutier, rue de Grenelle-Saint-Germain ; c’est l’archevêché aujourd’hui.

22. Le Portrait, ou Caractère, de Mme d’Olonne n’a point été imprimé dans la première édition in-4º des Divers portraits, datée de 1659 par anticipation. Il n’est pas non plus dans l’édition du 25 janvier 1659, en 325 pages, postérieure de quelques semaines à la véritable édition originale, qui fut tirée, dit-on, à trente exemplaires seulement. Mais on trouve l’opuscule de Saint-Évremond dans une nouvelle édition de 1659, en 912 pages : il n’y porte pas de nom d’auteur. Le texte en a probablement été retouché par Segrais. M. de Barthélémy, en publiant une édition fort utile des Divers portraits, n’a malheureusement pas indiqué les additions successives des éditions de 1659, ni leurs divergences. Quant au Caractère de Mme d’Olonne, M. de Barthélémy a négligé aussi le texte corrigé par Saint-Évremond, qui se trouve dans ses Œuvres publiées par Des Maizeaux, et que nous avons reproduit. À l’époque où s’imprimoit le volume de 912 pages, Saint-Évremond étoit probablement aux Pyrénées avec le cardinal Mazarin.

22. L’hôtel de Mme de la Ferté-Senneterre occupent la surface de la place actuelle des Victoires ; il fut acheté et démoli par le maréchal de la Feuillade.

23. La célèbre Sidonia de Lénoncourt, marquise de Courcelles, habita l’un des premiers hôtels qui furent bâtis, rue Jacob, alors rue du Colombier. Voy. le tome IV des Variétés littéraires, édit. Jannet. Voy. aussi la notice qui précède la bonne édition des curieux Mémoires de Mme de Courcelles, comprise dans la collection Elzev. de Jannet.

24. Le pape Pie II, n’étant encore qu’Æneas Sylvius, avoit composé un roman assez agréable, intitulé: De duobus amantibus Eurialo et Lucretia, dont la première édition, sans lieu ni date, a été imprimée par U. Zell (1470–72), in-4º goth. Ce livre eut de la vogue, et fut traduit en italien et en françois dès le quinzième siècle. La traduction françoise a été imprimée par Vérard, en 1493, à Paris, in-fol. goth. Le bon pape dit de son héroïne qu’elle étoit prædiviti viro nupta, indigno tamen cui tantum decus domi serviret : sed digno quem uxor deciperet, et, sicut nos dicimus, cornutum quasi cervum redderet.

25. Voy. le Journal publié par M. Faugère, et déjà indiqué au chapitre précédent (1862, in-8º, p. 159, 163, 359 et 402).

26. Nous avons dit que le comte d’Olonne étoit de la maison de la Trémouille, branche de Noirmoutier.