Histoire des œuvres de Balzac/Première Partie/I. La comédie humaine/Scènes de la Vie de province (tomes V à VII)

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II
TOMES V à VII, première partie, deuxième livre : Scènes de la Vie de province[1] quatrième édition ; 3 volumes in-8o, 1869, contiennent :

TOME PREMIER.

XXIX. Ursule Mirouët, daté de Paris, juin-juillet 1841. Dédié à mademoiselle Sophie Surville (nièce de l’auteur). Imprimé pour la première fois, avec sa date, dans le Messager du 25 août au 23 septembre 1841, ce roman parut ensuite, avec sa dédicace datée de Paris, août 1841, en deux volumes in-8o, chez Souverain en 1842 ; ces deux versions étaient divisées en chapitres dont voici les titres :

1. Les héritiers alarmés.
2. L’oncle à succession.
3. Les amis du docteur.
4. Zélie.
5. Ursule.
6. Précis sur le magnétisme.
7. La double conversion.
8. La consultation.
9. La première confidence.
10. Les Portenduère.
11. Savinien sauvé.
12. Obstacles entre les amants.
13. Les fiançailles du cœur.
14. Ursule encore une fois orpheline.
15. Le testament du docteur.
16. Les deux adversaires.
17. Les terribles malices de la province.
18. La double vengeance.
19. Les apparitions.
20. Le duel.
21. Comment il est difficile de voler ce qui semble le plus volable.

En 1843, il entra, toutes divisions de chapitres supprimées et remplacées par deux parties : les Héritiers alarmés et la Succession Minoret, dans le tome I de la troisième édition des Scènes de la Vie de province (première édition de la Comédie humaine). Voir tome XXII, page 384, la préface de la première édition des Scènes de la Vie de province, parue en décembre 1833.

XXX. Eugénie Grandet, daté de Paris, septembre 1833. Dédié à Maria. Ce roman parut inédit, sauf le début, avec préface datée de septembre 1833, et postface datée d’octobre 1833 (voir tome XXII, page 385), dans le tome I de la première édition des Scènes de la Vie de province, 1834-1837. Il était alors divisé en sept chapitres dont voici les titres, et dont le premier avait paru dans l’Europe littéraire du 19 septembre 1833 ; l’ouvrage n’y fut pas continué.

1. Physionomies bourgeoises.
2. Le cousin de Paris.
3. Amours de province.
4. Promesses d’avare, serments d’amour.
5. Chagrins de famille.
6. Ainsi va le monde.
7. Conclusion.

La dédicace parut pour la première fois en tête de l’édition Charpentier, un volume in-18, 1839. Dans le tome I de la troisième édition des Scènes de la Vie de province (première édition de la Comédie humaine), où Eugénie Grandet entra en 1843, toutes les divisions sont supprimées et l’ouvrage porte pour la première fois sa date actuelle.

XXXI. Le Lys dans la vallée, daté de Paris, octobre 1835. Dédié, sous la même date, au docteur J.-B Nacquart ; cette dédicace contient la variante que voici dans la première édition : « Cher docteur, voici l’une des pierres qui domineront dans la frise d’un édifice littéraire lentement et laborieusement construit, etc. » Ce roman, dont la publication avait été commencée dans la Revue de Paris, nos de novembre et de décembre 1835, fut l’occasion d’un important procès dont on a pu lire les détails au tome XXII. L’ouvrage parut pour la première fois en volumes, daté de Paris, juin 1835 — juin 1836, deux tomes in-8o, avec la dédicace, deux préfaces (datées, la première de Paris, juillet 1835, et la seconde de Paris, 2 juin 1836) et l’historique du procès, daté du lundi 30 mai, avec post-scriptum du vendredi 3 juin 1836 (voir tome XXII, page 428), chez Werdet, en juin 1836 ; ce précis avait paru d’abord dans le numéro de la Chronique de Paris portant la date du 2 juin, publié le 4. L’auteur ayant gagné son procès contre la Revue de Paris, ne lui livra pas la fin de l’ouvrage qui parut inédite, dans ces volumes. Il était alors divisé comme suit :

Préfaces.
1. Envoi de Félix Vendenesse à Natalie de Manerville.
2. Les deux enfances.
3. Les premières amours.
4. Les deux femmes.
5. Réponse à l’envoi.

L’envoi était daté d’abord du 8 août 1827, date qui a disparu depuis et qui précisait l’époque où se passe cette histoire. Les divisions ont aussi disparu aujourd’hui, sauf l’envoi et la réponse. La Revue de Paris avait publié seulement la première préface, l’envoi, le premier chapitre et la moitié environ du second, partie qui se termine avec la ligne 35 de la page 520 de l’édition définitive.

En 1839, Balzac écrivit une autre préface datée des Jardies, juin 1839, pour l’édition in-18 de cet ouvrage parue chez Charpentier (voir tome XXII, page 488), et enleva celles qu’il avait écrites d’abord. En 1844, le Lys dans la vallée entra dans le tome III de la troisième édition des Scènes de la Vie de province (première édition de la Comédie humaine, tome VII). On sait que Balzac passe pour avoir voulu reprendre dans cet ouvrage le thème de l’œuvre de Sainte-Beuve : Volupté.

Nous allons donner ici le curieux article que publia la Revue de Paris en juin 1836 lorsque le Lys dans la vallée eut paru complet en volume ; on se rappelle que la Revue avait perdu le procès qu’elle avait intenté à M. de Balzac pour avoir le droit de publier la fin de l’ouvrage.

FIN D’UNE HISTOIRE QUI NE DEVAIT PAS FINIR
lettre à une femme qui n’a pas trente ans

Je vous croyais plus de raison, madame, et je ne m’attendais guère à vous voir, vous qui êtes si loin d’être une femme de trente ans, le véritable âge de la femme, comme chacun sait, vous écrier à nous étourdir : « La fin du Lys dans la vallée ! » J’ai beau vous dire : « Il y a arrêt ; arrêt solennel, qui a tranché pour nous cette fleur littéraire si lente à pousser ! » vous ne voulez rien entendre, et vous répétez de plus belle : « La fin du Lys dans la vallée ! » Mais au moins, obstinée que vous êtes ! puisqu’il en est ainsi, et puisque vous n’en voulez pas démordre, achetez la fin du Lys dans la vallée. Elle compose à peu près un petit volume assez mal imprimé, et qui ne vous coûtera que quinze francs ; mais vous êtes entêtée et volontaire comme un joli enfant de vingt ans, vous me répondez : « Me prenez-vous pour madame de Rothschild ? Quinze francs la fin du Lys dans la vallée ! Avec quinze francs j’aurai une belle ceinture, ou je ferai la fortune d’un pauvre homme ; quinze francs la fin du Lys dans la vallée, quand vous m’avez donné le commencement pour quinze sous ! Non, non ! pas de transaction possible. Vous m’avez promis le Lys dans la vallée, je veux le Lys dans la vallée, en entier, depuis l’oignon jusqu’à la feuille. Arrangez-vous comme il vous plaira ; que m’importent les juges et leurs arrêts ? quinze francs la fin du Lys dans la vallée  ! Mais la Revue y pense-t-elle, monsieur ! »

Hélas ! madame, ce n’est pas la Revue, c’est M. de Balzac qui n’y pense guère. Si la Revue n’avait pas tenu si fort à ses engagements, croyez-vous qu’elle eût jamais fait un procès pour obtenir la fin de cette œuvre qui lui était vendue, et qui ne lui a pas été livrée ? Cependant, vous le voulez à toute force, il faut vous satisfaire. Vous aurez bon gré, mal gré, la fin du Lys dans la vallée, non pas écrite par M. de Balzac, mais écrite par moi, indigne ; non pas par droit de quittance, mais par droit de critique ; non pas traînée par les mille détours d’une narration flottante, vagabonde, fiévreuse et melliflue, mais poussée à son but par l’inexorable analyse ; seulement, nous aurons soin de conserver assez de néologismes et de négligences dans la narration que nous allons vous faire, pour que vous reconnaissiez que M. de Balzac a passé par là.

S’il vous en souvient bien, nous avons laissé le Lys dans la vallée à l’instant même où notre héros Félix quittait Clochegourde pour Paris, emportant une lettre pleine de conseils, dans laquelle madame de Mortsauf (le Lys) lui recommandait, entre autres nouveautés, d’éviter le jeu et les jeunes femmes. « Cultivez les femmes influentes : les femmes influentes sont les vieilles femmes ; elles vous prôneront et vous rendront désirable. Fuyez les jeunes femmes. La femme de cinquante ans fera tout pour vous ; la femme de vingt ans rien ! Raillez les jeunes femmes. Les jeunes femmes sont égoïstes, petites, sans amitié vraie ; elles n’aiment qu’elles : elles vous sacrifieront à un succès. Elles vous dévoreront, sans scrupule, votre temps… » Je m’arrête, je ne vous en dis pas plus long, je craindrais trop votre désespoir de jeune femme.

M. Félix s’en va donc à Paris, où il arrive, à peu près dans le même temps que Louis XVIII quittait sa capitale d’un jour ; le 20 mars était proche. Félix suit le roi jusqu’à Gand ; de Gand, chargé d’une mission importante, il va à Saumur, de Saumur à Chinon, de Chinon à Nueil, à Clochegourde. « Est-ce possible ! s’écria madame de Mortsauf le visage stupéfié, et clouée sur son fauteuil ! » — « Madame de Mortsauf disait des poésies suggérées par la solitude, sans savoir qu’il y eût le moindre vestige d’amour, ni de poésie orientalement suave, comme une rose du Frangistan. » Si vous savez, madame, ce que c’est qu’une rose du Frangistan, ayez la bonté de me le dire. — « À huit heures, après le dîner, la cloche sonna deux coups, tous les hôtes de la maison vinrent, Madeleine récita une émouvante prière. Quand Félix fut couché, il fut travaillé par des idées folles produites par une tourbillonnante agitation des sens. Le lendemain, il fallut partir ; madame de Mortsauf appuya sa tête alanguie sur l’épaule de Félix, et Félix retourna à Paris. »

Cette fois, Louis XVIII était pour tout de bon sur son trône. Félix fut nommé maître des requêtes et secrétaire du roi ; il sentit les nutations d’une vieille expérience ; dans cette belle position, Félix fit la connaissance de personnes influentes ; il connut, entre autres personnes influentes, les deux exécrables filles du père Goriot ; mais, au milieu de toutes ces belles connaissances, notre jeune homme resta si chaste, que le roi l’appelait souvent mademoiselle Félix de Vandenesse, de sa belle voix d’argent.

Remarquez la galanterie de M. Félix de Vandenesse ! Il ne donne qu’une voix d’argent au roi lui-même, pendant qu’il gratifie madame de Mortsauf d’une voix d’or !

Six mois après, le roi donne un congé à Félix, et ce jour-là il lui dit de sa voix d’argent : « Amusez-vous bien à Clochegourde, monsieur Caton ! »

Félix vola comme une hirondelle en Touraine. Il paraît que les hirondelles volent plus vite en Touraine qu’à Paris. Cette fois, il était très-heureux, non-seulement d’être un peu moins niais, mais encore dans l’appareil d’un jeune homme élégant. En effet, « il était en chasseur ; il portait une veste verte à boutons blancs rougis, un pantalon à raies, des guêtres de cuir et des souliers. Bien plus, les halliers l’avaient si mal arrangé, que M. de Mortsauf fut obligé de lui prêter du linge ! » Que dites-vous de cet appareil, madame, et de cette élégance ? Boutons blancs rougis, diable ! pantalon à raies, la peste ! guêtres de cuir, voyez-vous ! et des souliers ! des souliers ! et avec ces souliers, avec ces guêtres, ce pantalon à raies, cette veste verte et ces fameux boutons blancs rougis, pas même une chemise de rechange ! M. Félix est obligé d’emprunter une chemise à M. de Mortsauf. Voilà donc l’appareil, par excellence, d’un jeune homme élégant !

N’importe ! malgré ses guêtres, ou plutôt à cause de ses guêtres, M. Félix de Vandenesse fut reçu à merveille par madame de Mortsauf, qui ne reconnut pas la chemise de son mari. Les façons de la fortune (M. de Vandenesse veut dire : la façon), ma croissance achevée, une physionomie jeune qui recevait un lustre inexplicable de la placidité d’une âme magnétiquement unie à l’âme pure qui, de Clochegourde, rayonnait sur moi ; » toutes ces choses le rendaient méconnaissable. D’ailleurs, n’est-il pas l’espoir inavoué de cette femme adorable ? Aussi quand elle vit le jeune homme, là où elle n’avait vu qu’un enfant (un autre aurait écrit : quand elle vit jeune homme celui qu’elle avait vu enfant ; mais la phrase pour être plus correcte aurait été beaucoup moins belle) ; elle abaissa son regard vers la terre, par un mouvement d’une tragique lenteur (baissa vers la terre ! mouvement et lenteur !).

Après le dernier bonjour, Félix de Vandenesse se promène avec madame de Mortsauf dans cette vallée dont elle est le lys. Tout à coup, en apprenant que le roi appelait Félix mademoiselle de Vandenesse, madame de Mortsauf, cette femme réservée, qui ne lui donnait que le revers de sa main et non la paume, saisit la main de Félix et la baisa en y laissant tomber une larme de joie. Félix fut bien étonné de cette subite transposition des rôles, et j’imagine que vous êtes bien étonnée, vous aussi.

Mais ne voyez-vous pas, madame, vous cœur insensible de vingt ans, mauvais cœur, que cet abaissement était de la grandeur où l’amour se trahissait dans une région interdite aux sens ? Cet orage de choses célestes tomba sur le cœur de Félix et l’écrasa !

Malheureusement, M. de Mortsauf vint les interrompre, le mal-appris ! Vous vous rappelez que déjà, dans la première partie de cette histoire, M. de Mortsauf n’était pas le plus aimable des hommes ; sa triste humeur n’a fait que croître et embellir pendant que M. Félix est devenu l’homme élégant que vous savez. Voici le nouveau portrait de M. de Mortsauf : Il se cabra, les sourcils et les rides de son front jouèrent (sous-entendu : aux barres), ses yeux jaunes éclatèrent, son nez ensanglanté se colora davantage. (Colorez donc un nez ensanglanté !) Pauvre époux ! voilà pourtant ce qu’il est devenu, pendant que son rival a appris à porter une veste verte, des guêtres, des boutons rouges-blancs, un pantalon à raies et des souliers ! M. de Mortsauf était donc insupportable. — Nous l’ennuyâmes à lui conter des riens, dit M. Félix.

Mais je serai plus humain que M. de Balzac, je vous ferai grâce des lancinantes fantaisies de ce triste malade ; chez lui, le moi physique s’était emparé du moi moral (le moi physique avait fait là une jolie pêche !). « Il se vêtait et se dévêtait à tout moment, et, par une de ces hallucinations particulières aux égoïstes, il maniait le fléau, abattait, brisait autour de lui comme un fou enragé. »

« Je compris alors, ajoute Félix, d’où provenaient ces lignes comme marquées avec le fil d’un rasoir sur le front de la comtesse ! »

Et, à ce propos, vous allez me traiter de brutal, mais je vous avouerai que je ne trouve pas M. de Mortsauf si déraisonnable. M. de Mortsauf est de très-mauvaise humeur, il est vrai ; mais il faut bien reconnaître qu’il a ses petites raisons. Sa femme est belle, il est jeune encore, et madame de Mortsauf ne veut pas permettre à son mari de troubler sa chaste solitude. Voilà en effet toute l’énigme, madame, et toute l’histoire du Lys dans la vallée. Avouez que madame de Mortsauf a tort de ne pas apprivoiser son mari, comme c’est son devoir.

M. Félix n’en juge pas comme moi. « J’écoutais, dit-il cette horrible clameur en silence, tenant la main moite de cette femme dans ma main plus moite encore. » Sur l’entrefaite revient le malencontreux Mortsauf ; il appelle sa femme, sa femme s’enfuit dans le fourré avec Félix ; le mari court après eux, si bien qu’il gagne à ce métier une espèce de fluxion de poitrine. Félix va chercher à Tours M. le docteur Origet. Origet arrive sans lancette ; Félix retourne à Azay, par un temps affreux, chercher la lancette de M. Deslandes. On saigne le malade, on l’entoure de soins, on ne le quitte ni jour ni nuit, ce qui fait naître les réflexions suivantes dans l’esprit de Félix : « Pour qui contemple en grand la nature, tout y tend à l’homogénéité par l’assimilation. » Ces deux mois de la maladie de M. de Mortsauf furent les plus heureux de la vie de Félix. « Henriette et moi, dit-il, nous nous trouvâmes apprivoisés, mariés à demi. » Mariés à la bonne heure ; quant à être apprivoisés, il me semble que l’un et l’autre étaient assez privés comme cela. C’est ainsi que leur amour résista au laisser voir de toutes les heures.

Tout d’un coup arrive une lettre du roi qui rappelle Félix. « La comtesse eut des gestes d’apathie et des regards sans lueur. — Je me penchai lentement vers son front ; elle ne se baissa pas pour éviter mes lèvres ; je les appuyai saintement, sans volupté chatouilleuse. » M. Félix n’était pas travaillé par des idées folles ce jour-là.

Cependant cette passion de mademoiselle Félix de Vandenesse, qui recommençait le moyen âge et rappelait la chevalerie, cette passion d’un jeune homme qui adorait une belle femme, sans public, se répandit au cœur du faubourg Saint-Germain. Vandenesse trouva donc le monde parfait pour lui. Ce fut, parmi les plus belles femmes de cette époque, à qui se ferait aimer de ce jeune homme, avec ou sans public. Félix plut surtout à une de ces illustres ladies, qui sont à demi souveraines (souveraines de qui ? et de quoi ?). « Vous connaissez la singulière personnalité des Anglais, cette orgueilleuse Manche infranchissable, ce froid canal Saint-George, qu’ils mettent entre eux et les gens qui ne leur sont pas présentés ? Les fortifications d’acier poli élevées autour d’une femme anglaise, engagée dans son ménage par des fils d’or, mais où sa mangeoire et son abreuvoir, où ses bâtons et sa pâture, sont des merveilles, lui prêtent d’irrésistibles attraits ! » Eh bien, cette lady, presque souveraine, à l’aspect de Félix de Vandenesse, elle franchit la Manche de la morale, elle traversa à la nage le froid canal de Saint-George de sa personnalité anglaise, elle quitta sa cage, sa mangeoire, son abreuvoir, son bâton, et autres merveilles ; elle franchit d’un saut ces fortifications d’acier poli, qui préparent si bien l’hypocrisie de la femme mariée ; à la place de sa pâture de chaque jour, elle alla demander à Félix de Vandenesse le poivre et le piment pour la pâture de son cœur. » (Notez bien, madame, que toutes ces citations sont prises, mot à mot, dans le livre de M. de Balzac. Et voilà pourtant à quelles fins la Revue a plaidé avec lui !)

Que vous dirai-je ? Lady Arabelle, marquise Dudley, une fois sortie de sa fortification d’acier poli, ne mit plus de frein à sa passion, aiguisée par la résistance. « L’atonie l’avait conduite à l’adoration du romanesque et du difficile ! » — À la fin, après la plus belle défense, la marquise Dudley prouva à quelques salons que pour elle le difficile n’était pas l’impossible : Félix succomba ; il ne fut plus mademoiselle Félix de Vandenesse. « Je vous ferai remarquer, nous dit-il ingénument, qu’un homme a moins de ressources pour résister à une femme, que vous n’en avez pour échapper à nos poursuites. Nos mœurs interdisent à notre sexe les brutalités de répression, qui, chez vous (les femmes), sont des amorces pour un amant. — Je sais que la prudence de fatuité masculine ridiculise notre réserve ; nous vous laissons le privilége de la modestie, parce que vous avez le privilége des faveurs ! — Quel style ! quel langage ! Où êtes-vous, Cathos et Madelon ?

« Je serai, disait lady Arabelle à M. de Vandenesse, votre amie toujours, votre maîtresse quand vous voudrez ! » Voilà, certes, ce qui s’appelle être sortie de son rempart d’acier poli !

Que si vous tenez à savoir comment était faite cette nouvelle femme, écarquillez vos yeux, comme disait tout à l’heure M. de Balzac en parlant des paysans de madame de Mortsauf.

« Cette femme de lait, si brisée, si brisable, couronnée de cheveux de couleur fauve, dont l’éclat semble phosphorescent et passager, est une organisation de fer. Aucun cheval ne résiste à son poignet nerveux. Elle a un pied de biche, un pied sec et musculeux, sous une grâce d’enveloppe indescriptible ; elle tire les daims et les cerfs sans arrêter son cheval. Son corps ignore la sueur, il aspire le feu dans l’atmosphère et vit dans l’eau, sous peine de ne pas vivre. »

Oh ! oh ! devinez l’énigme !

1o  Je suis un corps ignorant la sueur ;

2o  J’aspire tous les feux du soleil en fureur ;

3o  Je vis dans l’eau, de peur de ne pas vivre.

Ce qui veut dire, je crois, que cette dame de feu prenait souvent des bains à domicile. Mais je vous assure, madame, qu’il faut terriblement suer, pour comprendre cela.

Poursuivons le portrait de cette intéressante lady :

« Sa passion est tout africaine, son désir va comme le tourbillon du désert (ceci ressemble beaucoup à la tourbillonnante agitation des sens de M. Félix), le désert dont ses yeux expriment l’ardente immensité, où l’excès arrive à la grandeur, où la volupté nue charme l’œil par le calme de sa force. » Quelles oppositions avec Clochegourde ! « L’une, madame de Mortsauf, attirant à elle les moindres parcelles humides pour s’en nourrir, l’autre exsudant son âme (autrement dit : aspirant le feu), enveloppant ses fidèles d’une lumineuse atmosphère ; celle-ci vive et svelte ; celle-là lente et grasse. » (Grasse ! ah ! de grâce, monsieur Balzac, servez-vous d’une autre expression pour définir madame de Mortsauf. Quel est l’amant qui a jamais dit à sa maîtresse : « Je t’aime parce que tu es grasse ! »)

Mais le portrait ne s’arrête pas là. Vous savez depuis longtemps que l’Angleterre est la divinisation de la matière. « Lady Arabelle possédait au plus haut degré cette science de l’existence qui bonifie les moindres parcelles de la matérialité, qui fait que votre pantoufle est la plus exquise pantoufle du monde, qui double en cèdre et parfume les commodes ; qui verse à l’heure dite un thé suave, savamment déplié (déplier le thé !) ; qui bannit la poussière, cloue des tapis depuis la dernière marche jusque dans les derniers replis de la maison, brosse les murs des caves ; qui fait de la matière une pulpe nourrissante et cotonneuse, au sein de laquelle l’âme expire sous la jouissance qui produit l’affreuse monotonie du bien-être, donne une vie sans opposition, dénuée de spontanéité, et qui, pour tout dire, vous machinise ! »

Ouf ! je ne sais pas si vous êtes comme moi ; mais, quand j’ai lu de pareilles phrases, il me semble que, moi aussi, je suis machinisé ; je n’y vois plus, ou, ce qui revient au même, il me semble que je vois trente-six chandelles mal allumées. Avez-vous jamais rencontré quelque part plus de mots creux et plus horriblement accouplés ? Et tout cela pour vous dire que, dans la maison de cette dame, M. Félix de Vandenesse avait trouvé les meubles les mieux faits, les tapis les plus doux, et le thé le plus excellent qu’il eût pris de sa vie ; en un mot, qu’il était tombé en même temps dans le confort anglais et dans les bras de cette Anglaise ! Il n’était pas besoin de tant se tortiller l’imagination pour nous vanter les délices de cette opulente maison. Vous vous souvenez d’ailleurs, madame, que déjà, dans sa première jeunesse, M. Félix de Vandenesse célébrait avec la plus vive émotion les célèbres rillettes et rillons de Tours, et, comme l’eau lui venait à la bouche quand il voyait ses camarades se pourlécher en vantant les rillons, ces résidus de porc sautés dans sa graisse, pendant que, lui, il n’avait dans son panier que des fromages d’Olivet ou des fruits secs. Vous vous rappelez encore, plus tard, quand le jeune homme fut au collége, quelles luttes furibondes M. Félix eut à soutenir contre les blandices de la buvette. Déjeuner avec une tasse de café au lait était un goût aristocratique. Eh bien, les juges de M. Félix « ne lui ont pas tenu assez compte, à propos de ces blandices, des héroïques aspirations de son âme vers le stoïcisme, des rages contenues pendant sa longue résistance ». Soyons-lui plus favorables, madame, et en faveur des célèbres rillons et rillettes qu’il n’a pas mangés, et du café aristocratique qu’il a bu à crédit chez le concierge de sa pension, pardonnons-lui ses transports incroyables pour le thé savamment déplié et versé à l’heure dite, de sa lady Arabelle.

Je poursuis notre récit. M. Félix ne put pas résister bien longtemps à une femme qui bonifiait ainsi les moindres parcelles de la matérialité, qui brossait ainsi le mur des caves, et qui faisait de si bon thé. Que voulez-vous ! « l’homme est composé de matière et d’esprit ; l’animalité, ou, si vous aimez mieux, la matérialité vient aboutir en lui, et l’ange commence à lui. De là cette lutte que nous éprouvons tous entre une destinée future, que nous pressentons, et les souvenirs de nos instincts antérieurs, dont nous ne sommes pas entièrement détachés (les célèbres rillons et rillettes !), un amour charnel (lady Arabelle), un amour divin (madame de Mortsauf). Tel homme les résout en un seul (et c’est ce qu’il a de mieux à faire) ; tel autre s’abstient ; celui-ci fouille le sexe entier pour y chercher la satisfaction de ses appétits antérieurs ; celui-là, l’idéalise en une seule femme, dans laquelle se résume l’univers ; les uns flottent, indécis, entre les voluptés de la matière et celles de l’esprit ; les autres spiritualisent la chair en lui demandant ce qu’elle ne saurait donner ! » Mais pardon, madame, il y a là trois à quatre pages de cet esprit, ou plutôt de ces obscénités mal digérées ; et je ne dois pas oublier que vous n’avez que vingt ans.

Ainsi, « lady Arabelle satisfaisait les instincts, les organes, les appétits, les vices et les vertus de la matière subtile (subtile ! cela lui plaît à dire) dont nous sommes faits ; elle était la maîtresse du corps ; madame de Mortsauf était l’épouse de l’âme. » Ajoutez qu’en lady Arabelle la bête était sublime !

Pendant que M. Félix de Vandenesse buvait ainsi l’alcool de l’amour dans une coupe curieusement ciselée, que devenait le Lys dans la vallée ? « Des orages, de plus en plus troubles et chargés de gravier, déracinaient, par leurs vagues âpres, les espérances le plus profondément plantées dans son cœur. » Horriblement inquiet, M. de Vandenesse déclara à la maîtresse de son corps qu’il voulait aller en Touraine, pour savoir des nouvelles de la maîtresse de son cœur. « Arabelle ne s’y opposa point ; mais elle parla naturellement de m’accompagner. » Il part, il arrive à Clochegourde. Madame de Mortsauf entendit « les bonds prodigieux de l’hirondelle du désert ; et, quand je l’arrêtai net au coin de la terrasse, elle me dit : « Ah ! vous voilà. » Ces mots me foudroyèrent. » Voilà comment M. Félix fut arrêté net par madame de Mortsauf.

Vous rappelez-vous, madame, le retour de J.-J. Rousseau auprès de madame de Warens, quand elle lui dit sans s’émouvoir : « Ah ! te voilà, petit ! » C’est la même scène, c’est le même mot ; vous dirai-je plus ? c’est la même pensée ; mais quelle différence, grand Dieu !

Comment donc n’avez-vous pas vu que toute cette histoire du Lys dans la vallée, ce sont les premières pages des Confessions gaspillées, transformées, refaites, à l’aide d’une madame de Warens qui ne se livre pas, et d’un petit Jean-Jacques Rousseau, devenu vicomte et Parisien ?

Mais ne comparons pas les Confessions, ce chef-d’œuvre, au Lys dans la vallée, cette œuvre informe, Jean-Jacques Rousseau et M. Balzac !

« L’ouragan de l’infidélité, semblable à ces crues de la Loire qui ensablent à jamais une terre, avait passé dans l’âme de madame de Mortsauf, en faisant un désert là où verdoyaient d’opulentes prairies. Là où elle n’avait vu qu’un enfant. » M. Balzac fait toujours la même phrase sous le même noyer.

« Je fis entrer mon cheval par la petite porte : il se coucha à mon ordre (c’était un cheval savant), et la comtesse s’écria : « Le bel animal ! »

Voyez-vous cet amant, qui n’a rien de plus pressé que de montrer à sa maîtresse les petits talents de son cheval !

Ce qui fait faire à notre héros la réflexion suivante : « Dans cette épouvantable vallée, où doivent tenir des millions de peuples devenus poussière, je serai moins aplati que je ne le fus devant cette forme blanche (madame de Mortsauf), montant comme monte dans les rues d’une ville quelque inflexible inondation. — Didon chrétienne. » (Avouez que Didon et inondation ne vont guère ensemble au premier abord ; mais, en y réfléchissant, on trouve que M. Balzac est très-conséquent avec lui-même. Rappelez-vous en effet que madame de Mortsauf attire à elle les moindres parcelles humides ; et voilà pourquoi M. Balzac la compare à une inondation.)

Alors M. de Mortsauf, voyant que sa femme s’enfuit loin de Félix, s’empare de lui, et se met lui raconter sa maladie : « Les sécrétions s’altèrent, la digestion se fait capricieuse, la désorganisation arrive à son comble, comme si quelque poison se mêlait au bol alimentaire ; la muqueuse s’épaissit ; l’induration de la vulve du pylore s’opère, et il s’y forme un squirre dont il faut mourir. » Telle est la conversation du bonhomme. En vérité, madame de Mortsauf se venge cruellement des infidélités corporelles de M. Félix.

Hélas ! madame de Mortsauf était bien changée encore cette fois. Les légers coups de rasoir, qui d’abord sillonnaient son front, étaient devenus coups de bêche. « La fatale teinte jaune-paille ressemblait au reflet des lueurs divines dont les peintres illuminent la figure des saints. — Ses yeux étaient dénués de l’eau limpide où jadis nageait son regard (ce n’était pas faute de pomper l’humidité cependant), ses tempes bleuâtres semblaient ardentes et concaves ; ses yeux s’étaient enfoncés sous leurs arcades attendries, et le tour avait bruni ; elle était mortifiée, comme le fruit sur lequel les meurtrissures commencent à paraître, et qu’un ver intérieur fait prématurément blondir. »

Le domestique de M. Félix arrive ; « il m’avait apporté quelques affaires, que je voulus placer dans ma chambre. »

Affaires est ici pour quelques effets.

« Pour la comtesse, le monde se renversa ; entendant en elle-même les cris de la chair révoltée, elle demeura stupide en face de sa vie manquée.

« — Oh ! reprit-elle, j’ai cru trop en vous ! J’ai cru que vous ne manqueriez pas de la vertu que pratique le prêtre, et… que possède M. de Mortsauf, ajouta-t-elle en donnant à sa voix le mordant de l’épigramme. »

Pauvre femme ! elle a voulu à tout prix ne pas troubler sa chaste solitude, à la bonne heure ; mais, en ce cas, pourquoi donc exiger tant de fidélité de son amant ? Elle aurait dû se rappeler le proverbe aussi célèbre que les célèbres rillons et rillettes : Qui trop embrasse, mal étreint.

Le soir, ils s’en vont, elle et lui, se promener en voiture, et la pauvre femme parle beaucoup. « Quand l’être intérieur se ramasse et se rapetisse pour occuper la place que l’on offre aux embrassements, peut-être est-ce le pire des crimes ? »

Ils arrivèrent ainsi jusqu’aux landes où lady Arabelle attendait son amant Félix avec ce petit mot : My dear.

« — C’est lui, madame, répondit la comtesse. » L’Anglaise reconnut sa rivale et fut glorieusement anglaise. Elle nous enveloppa d’un regard plein de son mépris anglais, et disparut dans la bruyère avec la rapidité d’une flèche. »

Et du même pas madame de Mortsauf envoya souper Félix chez lady Arabelle.

Mais quand elle tint son amant, que de sarcasmes lady Arabelle lança contre sa rivale ! « La plaisanterie française, dit l’auteur, est une dentelle dont les femmes savent embellir la joie qu’elles donnent ; la plaisanterie anglaise est un acide qui corrode si bien les êtres sur lesquels il tombe, qu’il en fait des squelettes lavés et brossés. » (C’est pousser un peu loin la manie de la brosse. Ainsi cette Anglaise brosse sa cave et brosse les squelettes !) Voilà ce que pense le héros de cette histoire, tout en mangeant d’excellentes sandwichs qui ne sont pas beurrées de vertu.

« Mais comment vous décrire les accompagnements de ces jolies paroles ? C’étaient des folies comparables aux fantaisies les plus exorbitantes de nos rêves ; tantôt des créations semblables à celles de nos bouquets (les créations des bouquets !) ; la grâce unie à la force, la tendresse et ses molles lenteurs opposées aux irruptions volcaniques de la fougue ; tantôt les gradations les plus savantes de la musique appliquées au concert de nos voluptés ; puis des jeux pareils à ceux des serpents entrelacés. Elle voulait anéantir sous les foudroiements de son amour impétueux les impressions laissées dans mon cœur par l’âme chaste et recueillie d’Henriette ! » Mais, encore une fois, en voilà assez comme cela.

Après cette nuit si volcaniquement foudroyante et musicale, M. Félix quitte la maîtresse de son corps pour aller déjeuner chez la maîtresse de son âme.

« Au moment où j’abordais madame de Mortsauf, j’exerçais auprès d’elle ce flairer qui fait ressentir aux cœurs encore jeunes et généreux, la portée de ces actions indifférentes aux yeux de la masse. » Eh ! je vous prie, comment le flairer de ce monsieur ne lui a-t-il pas appris que c’est une triste conduite, d’avoir à la fois et ostensiblement deux femmes : l’une pour la nuit, l’autre pour le jour ; celle-ci pour l’âme, celle-là pour les sens ; l’une pour son thé et ses sandwichs, l’autre pour ses roses et ses lys ? C’est bien la peine d’avoir tant de flair.

Il est vrai que ce monsieur l’avoue plus tard. « Je sentis amèrement la faute d’apporter sous ce toit inconnu aux caresses un visage où les ailes diaprées du plaisir avaient semé leur poussière. » — Et, plus bas, pour s’excuser encore plus : « Qui aurait pu résister à l’esprit déflorateur de Louis XVIII ? »

Il quitta donc encore une fois madame de Mortsauf, et il revint à Paris avec lady Arabelle. Elle et lui, ils se plongèrent dans les douceurs d’un mariage morganatique ; et alors il se mit à étudier lady Dudley. Or, voici quelques-uns des résultats de son observation :

« L’Anglaise plie son amour au monde ; elle ouvre et ferme son cœur avec la facilité d’une mécanique anglaise. Passionnée comme une Italienne quand aucun œil ne la voit, elle devient froidement digne quand un étranger intervient. — Qui exagère la pudeur doit exagérer l’amour. Les Anglaises sont ainsi. Le protestantisme tue l’amour, car il doute, il examine et tue les croyances. »

Voici encore quelques traits épars du caractère de lady Arabelle :

« J’étais palpitant d’amour quand elle reprenait sa pudeur de convention. — Elle me maniait comme une pâte. »

Bien plus, cet admirable confort anglais qui lui avait tourné la tête, cette science de l’animalité qui lui a fourni une page ou deux de ce merveilleux pathos que vous savez, ces caves brossées, ces tapis dans les recoins de la maison, ce thé déplié et servi à l’heure dite, M. Félix vient de découvrir que cette finesse mécanique venait des gens de lady Arabelle ; qu’elle l’achetait et qu’elle ne la faisait pas ! C’était une femme qui payait ses laquais et qui choisissait les meilleurs. De ce jour, le thé ne parut plus aussi bien déplié à M. Félix ; la tendresse de lady Arabelle, le tuf sur lequel il perdait ses semailles, lui devint insupportable. Voilà pourtant où conduisent les mariages morganatiques et le laisser-voir de toutes les heures et de tous les jours !

Mais, au moment même où il apercevait ainsi « le lit pierreux du terrain (de la vie) sous ses eaux diminuées, il entendit le roi qui demandait au duc de Lenoncourt des nouvelles de madame de Mortsauf. « Hélas ! sire, ma pauvre fille se meurt, » répondit le duc. « Le roi daignera-t-il m’accorder un congé ? » dis-je les larmes aux yeux. « Courez, milord, » me répondit-il ! Voyez, madame, que d’esprit on donne au roi Louis XVIII dans ce livre. D’abord il appelle M. Félix : « mademoiselle Vandenesse » et « M. Caton », tant que M. Félix est innocent ; puis il l’appelle milord quand mademoiselle de Vandenesse est devenue le mari morganatique d’une lady anglaise. Et nous avions cru jusqu’à ce jour que Louis XVIII était un homme d’esprit !

Et il repartit pour Clochegourde. Ainsi, de compte fait, c’est la cinquième fois que M. Félix va à Clochegourde, d’abord en habit brun, quand il eut mangé le quartier de pomme que vous savez ; en second lieu en ambassadeur, quand il fut envoyé de Gand en Vendée ; après quoi, en élégant à boutons blancs-rouges, en veste verte et en souliers ; puis à cheval sur une hirondelle du désert ; puis enfin la cinquième et dernière fois, en chaise de poste, comme un vrai milord. On peut dire que tout ce roman se passe par monts et par val : c’est un va-et-vient continuel, dans lequel il n’y a rien de changé que les habits du héros.

Cette fois, madame de Mortsauf se meurt ; elle meurt d’amour et d’inanition, la pauvre femme ! « Cette affection est produite par l’inertie d’un organe dont le jeu est aussi nécessaire à la vie que celui du cœur. » Ainsi parle M. Origet.

Le premier homme qu’il rencontre à Clochegourde, c’est l’abbé Birotteau, l’abbé Birotteau, de Tours. Je ne sais pas si c’est le même homme si stupide qui s’est laissé chasser de sa maison et voler sa bibliothèque et son lit par un fripon de vicaire général ; mais, si c’est le même Birotteau, avouez avec moi que madame de Mortsauf a fait choix d’un singulier confesseur. Le bonhomme ne doit pas entendre grand’chose à ces subtilités de cœur qui auraient embarrassé sainte Thérèse elle-même. À l’arrivée de Félix, Henriette pare sa mort « sous les flots de dentelle dont elle était enveloppée ; sa figure amaigrie, qui avait la pâleur verdâtre des fleurs du magnolia quand elles s’entr’ouvrent, apparaissait, comme sur la toile jaune d’un portrait, les premiers contours d’une tête chérie dessinée à la craie. — Son front exprimait l’audace agressive du désir et des menaces réprimées. Malgré les tons de cire de sa face allongée, des feux intérieurs s’en échappaient par une ardeur vaguement semblable au fluide qui flambe au-dessus des champs par une chaude journée. Ses tempes creuses, ses joues rentrées, montraient les formes intérieures du visage, et le sourire que formaient ses lèvres blanches ressemblait vaguement au ricanement de la mort. »

Ainsi faite par la mort, madame de Mortsauf, cette femme jusque-là si chaste, se met à jouer une scène d’amour et de délire qui fait peur et dégoûte. Elle s’écrie : « À peine ai-je trente-cinq ans, je veux connaître le bonheur par lequel tant de femmes se perdent ! — Non pas sans toi, reprit-elle en effleurant mes oreilles de ses lèvres chaudes, pour y jeter ces deux paroles comme deux soupirs. »

Et M. Félix, épouvanté, et il a raison d’avoir peur, s’écrie : « En est-il ainsi de tous les mourants ? dépouillent-ils tous les déguisements sociaux, de même que l’enfant ne les a pas encore revêtus ? »

Cette scène déplorable ne finit pas. « J’ai soif, Félix, s’écrie la mourante, j’ai soif de toi. Ils me parlent de paradis ! non, l’enfer ! mais le bonheur ! » Et plus bas : « Mourir sans connaître l’amour ! l’amour, dont les extases enlèvent nos âmes jusque dans les cieux ; car le ciel ne descend pas vers nous : ce sont nos sens qui nous conduisent au ciel ! » Et songez qu’elle disait toutes ces choses avec le ricanement de la mort.

À la fin, son délire s’apaise ; elle meurt. On la porte au cimetière du village ; et, le lendemain de ce jour funèbre, par un calme midi d’automne, Félix de Vandenesse ouvrit une lettre que lui laissait madame de Mortsauf, dont voici quelques passages : « Je meurs. Ne vous ai-je pas dit que j’étais jalouse, mais jalouse à mourir ? — J’étais mère, il est vrai, mais l’amour ne m’a point environnée de ses plaisirs permis. — Vous souvenez-vous aujourd’hui de vos baisers ? ils ont dominé ma vie, ils ont sillonné mon âme, l’ardeur de votre sang a réveillé l’ardeur du mien. Quand je me suis levée si fière, j’ignorais une sensation pour laquelle je ne sais de mot dans aucune langue, car les enfants n’ont pas encore trouvé des paroles pour exprimer le mariage de la lumière et de leurs yeux, ni le baiser de la vie sur leurs lèvres. — J’étais émue de la tête aux pieds par votre aspect, et je me demandais involontairement : Que doivent être les plaisirs ? — J’ai parfois désiré de vous quelque violence. — Votre nom, prononcé par mes enfants, m’emplissait le cœur d’un sang plus chaud, tant j’aimais les bouillonnements de cette sensation. — Je me disais que je n’avais que vingt-huit ans, et que vous en aviez presque vingt-deux, et je me livrais à de faux espoirs. »

« … Quant à Madeleine, elle se mariera. Puissiez-vous un jour lui plaire ; elle est toute moi-même, et de plus elle est forte. » Ce que lisant, Félix ajoute : Je tombai dans un abîme de réflexions.

Or, madame, après la lecture de cette lettre, qui est tendre, bien que boursouflée ; après cette mort de madame de Mortsauf, qui est une mort douloureuse, malgré les ridicules exagérations sentimentales dont l’auteur a cru l’embellir, que pensez-vous que fasse M. Félix ? D’abord, il a voulu se faire trappiste. « Il est des personnes que nous ensevelissons dans la terre, mais il en est de plus particulièrement chéries qui ont eu notre cœur pour linceul, dont chaque jour le souvenir se mêle à nos palpitations. » Il ne se fait donc pas trappiste, car déjà il se dit tout bas : « Pauvre Henriette ! qui voulait me donner Clochegourde et sa famille ! »

Oui, madame, toute jeune femme, c’est-à-dire toute femme sans cœur que vous êtes, voilà ce que vous n’allez pas croire ! À peine a-t-il lu cette dernière lettre de madame de Mortsauf, que M. Félix retourne à Clochegourde. « Dans ce grand naufrage, j’apercevais une île où je pouvais aborder. » Cette île, c’était Clochegourde. Une belle maison qui rapportait 18,000 livres, et la maîtresse de cette belle maison, Madeleine, « était une brune jeune fille à la taille de peuplier. La santé avait mis sur ses joues le velouté de la pêche, et le long de son cou le soyeux duvet où, comme chez sa mère, se jouait la lumière. » Il prit donc sur-le-champ la résolution d’aller vivre à Clochegourde auprès de Madeleine. Et, en effet, le voilà qui dit à Madeleine, Madeleine toute couverte du deuil de sa mère ! « Chère Madeleine, je vous aime trop, malgré l’aversion que vous me témoignez, pour expliquer à M. de Mortsauf un plan qu’il embrasserait avec ardeur ! » Et Madeleine indignée, Madeleine qui sait que cet homme a tué sa mère, Madeleine qui voit cet homme demander sa main, quand la main de sa mère est à peine refroidie, Madeleine répond à cet homme : « Monsieur ! j’aimerais mieux me jeter dans l’Indre que de me lier avec vous ! » Très-bien répondu, Madeleine, à ce fou manqué qui a quitté votre mère pour obéir à ses sens, et qui, votre mère éteinte à peine, ne trouve rien de mieux que de venir vous demander votre main et Clochegourde.

M. Félix de Vandenesse, ainsi chassé par Madeleine, retourne à Paris, non sans jeter un œil de regret sur Clochegourde et Madeleine, sur Madeleine et Clochegourde. Cette fois pourtant, après cet affront cruel, après avoir perdu cette seconde femme et Clochegourde, c’était bien le cas de se faire trappiste. Eh bien ! encore une fois, vous ne devineriez jamais où se rend M. de Vandenesse, au sortir de Clochegourde ! Il va vous le dire lui-même, car, pour moi, je n’oserais. « Dominé par une impérieuse tristesse, je ne songeais plus au but de mon voyage, lady Dudley était si bien loin de ma pensée, que j’entrais dans sa cour sans le savoir ! — J’avais chez elle des habitudes conjugales (et morganatiques !) »

Oui, madame, après avoir enlevé la mère, après avoir été chassé par la fille, M. Félix de Vandenesse retourne machinalement chez lady Dudley, la femme qui a fait mourir à petit feu ce pauvre Lys !

Mais voilà bien une autre aventure ! Entré dans cette maison où il croyait retrouver tout simplement ses habitudes conjugales, M. Félix de Vandenesse (et pour comble de mystification, il était en casquette de voyage) tombe au milieu de cinq[2] personnes : « lady Dudley pompeusement habillée ; lord Dudley, l’un des hommes d’État les plus considérables de l’Angleterre, gourmé, plein de morgue, froid ; il sourit en entendant son nom (vous avouerez cependant qu’il n’y avait pas là de quoi sourire), puis les deux enfants ! » Ainsi, fatalité ! pendant que M. Félix perdait deux femmes à Clochegourde, il en perdait une autre à Paris, et quelle autre ? cette femme de feu, qui avait la fantasmagorie d’Armide. Lui absent, lady Arabelle avait repassé, du bon côté cette fois, la Manche et le froid canal Saint-George ; elle s’était enfermée de nouveau, sauf à faire, plus tard, d’autres sorties, dans son rempart d’acier poli, et dans sa cage où elle avait retrouvé sa mangeoire, son abreuvoir, son bâton, et du haut de son bâton l’ingrate et oublieuse perruche ne savait même plus dire à M. de Vandenesse : As-tu déjeuné, Félix ?

Mais, madame, une quatrième et dernière péripétie de ce touchant roman, une péripétie à laquelle vous êtes loin de vous attendre, et moi aussi, je vous jure ; la voici : mon Dieu, qu’elle est étrange et bizarre ! Vous vous rappelez que le Lys dans la vallée est une histoire manuscrite adressée par M. Félix de Vandenesse à une belle dame, madame la comtesse Natalie de Manerville. M. Félix de Vandenesse, qui aime madame de Manerville en quatrième et dernier ressort, espère se faire aimer d’elle, en lui racontant toutes les traversées de ses amours. Il n’épargne pas les belles phrases pour entortiller Natalie dans le filet de sa passion ; « ce qui courroucerait une femme vulgaire sera pour vous un nouveau sujet de m’aimer ! — Les femmes d’élite ont un rôle sublime à jouer, celui de la sœur de charité qui panse les blessures, celui de la mère qui pardonne à l’enfant. »

À quoi madame la comtesse de Manerville, qui est une femme beaucoup plus jeune et de beaucoup plus d’esprit qu’on n’aurait cru, fort peu touchée d’être une femme d’élite, et ne voulant être ni la sœur de charité, ni la mère de ce pauvre jeune homme, lui répond bel et bien dans un style emphatique et boursouflé : « Défaites-vous d’une détestable habitude, n’imitez pas les veuves qui parlent toujours de leur premier mari. — Après avoir lu votre récit, il m’a semblé que vous aviez considérablement ennuyé lady Dudley (je suis tout à fait de votre avis) en lui parlant des perfections de madame de Mortsauf, et fait beaucoup de mal à la comtesse en l’accablant des ressources (le mot est joli !) de l’amour anglais. Vous avez manqué de tact envers moi (pourquoi pas de flair ?) ; vous m’avez donné à entendre que je ne vous aimais ni comme Henriette, ni comme Arabelle. J’avoue mes imperfections. — Savez-vous pour qui je suis prise de pitié ? pour la quatrième femme que vous aimerez. — Je renonce à la gloire laborieuse de vous aimer, il faudrait trop de qualités catholiques et anglicanes, etc., etc. — Vous êtes parfois ennuyé et ennuyeux. (Parfois ! madame de Manerville est honnête.) Être à la fois madame de Mortsauf et lady Dudley, mon cher comte ! votre programme est inexécutable. » Bref, il est impossible de se moquer d’un homme avec plus de justice et de bon sens que ne fait madame de Manerville.

M. Félix de Vandenesse reste donc veuf de quatre femmes plus belles les unes que les autres. Où est la moralité de l’histoire, le savez-vous ?

Mais, moi, je ne me suis chargé que de vous raconter la fin des pâtiments de M. de Vandenesse ; si le cœur vous en dit, plaignez-le et surtout plaignez-moi, moi qui, pour vous plaire, ai consenti à transcrire, ainsi et mot à mot, plus de non-sens, plus de niaiseries, plus de fadeurs sans esprit, plus de prétentieuses extravagances et plus de fautes de français, que je n’en ai entendu dire et rêver en toute ma vie.

Pickersghill Junior.

XXXII. Les Célibataires. IPierrette, daté de novembre 1839. Dédié à mademoiselle Anna de Hanska (aujourd’hui la comtesse Georges Mnizeck), dédicace datée d’abord des Jardies, novembre 1839. Imprimé pour la première fois dans le Siècle du 14 au 27 janvier 1840, avec sa dédicace sous le titre d’Envoi, ce roman, annoncé longtemps sous le titre de Pierrette Lorrain, reparut la même année, accompagné de Pierre Grassou, en deux volumes in-8o, chez Souverain, avec une préface datée des Jardies, juin 1840 (voir tome XXII, page 539). Ces deux versions étaient divisées ainsi :

1. Pierrette Lorrain (en volume, le chapitre est divisé, et la deuxième partie intitulé : les Lorrain).
2. Les Rogron.
3. Pathologie des merciers retirés.
4. Débuts de Pierrette.
5. Histoire des cousines pauvres chez leurs parents riches.
6. La tyrannie domestique.
7. Les amours de Pierrette et de Brigaud.
8. Le conseil de famille.
9. Le jugement.

Ces divisions ont disparu en 1843, lorsque cet ouvrage entra, daté, dans le tome Ier de la troisième édition des Scènes de la vie de province (première édition de la Comédie humaine, tome V), comme première partie de l’ouvrage collectif, les Célibataires.

TOME II.

XXXIII. Les Célibataires. IILe Curé de Tours, daté de Saint-Firmin, avril 1832. Dédié à David, statuaire. Ce récit, qui dut un moment s’appeler l’Abbé Troubert, parut pour la première fois, inédit, en 1832, dans le tome III de la deuxième édition des Scènes de la vie privée, sous le seul titre de : les Célibataires. En 1833 (daté 1834), il reparut sous le même titre dans le tome II de la première édition des Scènes de la Vie de province. Il entra en 1843, augmenté de sa dédicace et de sa date, dans le tome II de la troisième édition des mêmes Scènes (première édition de la Comédie humaine, tome VI), sous le titre de : le Curé de Tours.

XXXIV. Les Célibataires. IIILa Rabouilleuse, daté de Paris, novembre 1842. Dédié à Charles Nodier. La première partie de ce récit a paru pour la première fois dans la Presse du 24 février au 4 mars 1841, sous le titre de les Deux Frères, et en 1843 (daté 1842), gardant le même titre, en deux volumes in-8o chez Souverain. Ces deux versions étaient divisées comme suit :

1. Les Descoing et les Rouget.
2. La famille Bridau.
3. Les veuves malheureuses.
4. La vocation.
5. Le grand homme de la famille.
6. Mariette.
7. Philippe fait des trous à la lune.
8. Comment s’altère le sentiment maternel.
9. Dernières roueries de Philippe.

La deuxième partie, qui suit aujourd’hui immédiatement la première sans aucune indication des divisions primitives, parut pour la première fois, accompagnée de la dédicace (datée d’octobre 1842 et désignée comme Envoi), qui sert maintenant à l’ouvrage entier, dans la Presse des 27 octobre au 19 novembre 1842, sous le titre d’un Ménage de garçon en province, titre qu’il conserva comme deuxième partie de les Deux Frères dans les volumes dont nous avons parlé plus haut. Ces deux versions étaient l’une et l’autre divisées ainsi :

1. Issoudun.
2. Les chevaliers de la désœuvrance.
3. Chez la Cognette.
4. La Rabouilleuse.
5. Horrible et vulgaire histoire.
6. La charrette au bonhomme Fario.
7. Les cinq Hochon.
8. Maxence-Machiavel.
9. Un coup de couteau.
10. Une affaire criminelle.
11. Philippe à Issoudun.
12. À qui la succession ? — Chapitre à méditer par les héritiers.
13. Un duel à mort.
14. Madame Rouget.
15. Le repentir d’une sainte.
16. Conclusion.

L’édition de cet ouvrage publiée sous le titre de les Deux Frères, était divisée en outre en trois parties dont la première ne portait pas de titre ; voici celui des deux autres :

2. Un ménage de garçon en province.
3. À qui la succession ?

Toutes ces divisions ont disparu la même année (1843), lorsque cet ouvrage reparut, daté pour la première fois, sous le titre d’un Ménage de garçon en province, troisième série des Célibataires, dans le tome II de la troisième édition des Scènes de la Vie de province (première édition de la Comédie humaine, tome VI). Dans l’édition définitive, Balzac a encore changé le titre de cet ouvrage, et a substitué celui de la Rabouilleuse à tous ceux qu’il avait déjà portés, sans parler de celui sous lequel il avait en outre été longtemps annoncé : le Bonhomme Rouget. L’endroit où finissait primitivement la première partie, est la ligne 13 de la page 153 de cette édition.

XXXV. Les Parisiens en province. IL’Illustre Gaudissart, daté de Paris, novembre 1833 (et non 1837, comme l’indique par erreur cette édition). Dédié à la duchesse de Castries. Ce récit parut pour la première fois, inédit et daté, dans le tome II de la première édition des Scènes de la Vie de province, 1833 (daté 1834). Il a pris pour la première fois, avec la Muse du département le titre collectif de : les Parisiens en province, en 1843, dans le tome II de la troisième édition des mêmes Scènes (première édition de la Comédie humaine, tome VI). La dédicace y parut aussi pour la première fois.

XXXVI. Les Parisiens en province. IILa Muse du département, daté de Paris, juin 1843 — août 1844. (Cette dernière date à cause d’un court fragment ajouté en août 1844 à la fin du roman et qui paraît pour la première fois dans cette édition.) Dédié au comte Ferdinand de Gramont. Imprimé pour la première fois, avec sa dédicace, sous le titre de Dinah Piédefer, dans le Messager du 20 mars au 29 avril 1843, ce récit reparut la même année chez Souverain, en quatre volumes in-8o, faisant partie d’une série d’ouvrages par divers auteurs, sous le titre général de les Mystères de province ; les deux premiers volumes datés de 1844, et les deux derniers de 1843. La Muse du département était suivie de Rosalie (Albert Savarus), la Justice paternelle (un Drame au bord de la mer), et le Père Canet (Facino Cane). Les deux premiers volumes portaient le titre actuel, et les deux derniers celui de Rosalie. Dans le Messager, cet ouvrage était divisé en chapitres dont voici les titres, enlevés depuis :

Première partie : L’Avant-scène des contre-révolutions.
1. Sancerre.
2. Les Milaud.
3. Dinah.
4. Une manière de payer ses dettes.
5. Comment une femme devient supérieure à bon marché.
6. Où le caractère de M. de la Baudraye commence à se dessiner.
7. Conduite exemplaire des amants de Dinah.
8. Intérieur de beaucoup de ménages.
9. Comment Dinah devient femme de province.
10. Histoire de bien des poésies.
11. Comment la révolution de juillet en produisit une chez Dinah.
12. L’amour prémédité.
Deuxième partie : La Faute.
13. Les deux Parisiens.
14. Savantes manœuvres de Dinah.
15. Le diable emporte les albums.
16. Une innocente conspiration.
17. Le procureur du roi se pique.
18. Le grand d’Espagne.
19. Observation qui évite au lecteur une réimpression.
20. Histoire d’un bras.
21. Où M. de Clagny montre son innocence.
22. Une plaisanterie faite sous l’Empire.
23. Déclarations indiscrètes.
24. Une charge qui devait avoir peu de succès.
25. Le roman est du temps d’Anne Radcliffe.
26. Comprenez-vous ?
27. Où M. de la Baudraye se dévoile.
28. Une conversation autorisée par le code-homme.
29. Le sentiment va vite en voiture.
30. Services que se rendent les amis.
31. Où les femmes vertueuses apprendront le danger de l’organdi.
32. Le retour.
33. M. de la Baudraye se sent vengé du beau Milaud de Nevers.
Troisième partie : Une Double Chaîne.
34. Le journaliste vu de près.
35. Comment on se moque du véritable amour.
36. Un mariage comme il s’en défait quelquefois.
37. Une perle.
38. Sancta Simplicitas.
39. M. Bixiou remplira le rôle de Géronte.
40. Autre lune de miel.
41. Un premier pli de rose.
42. Essai sur la fécondité littéraire.
43. Un billet de faire-part.
44. Où M. de la Baudraye se montre supérieur à Dinah, qui se montre en débardeur.
45. Les fourches caudines des femmes qui aiment.
Quatrième partie : Commentaires sur l’Adolphe, de Benjamin Constant.
46. Le moment où la morale a raison.
47. Deux personnes qui ne devaient être séparées que par la mort.
48. La comtesse de la Baudraye devient une femme honnête.
49. Un souvenir.
50. Une idée !…
51. Un horrible dénoûment, mais vrai.
52. Cette fable doit vous apprendre que, etc.

Voici la division des chapitres en volumes ; pour ne pas nous répéter, nous n’indiquerons que les changements.

2. Le Sandisme.
11. Histoire de bien des poésies et poésie de l’histoire.
14. Les deux passions.
19. Histoire du chevalier de Beauvoir.
20. La grande Bretèche.
21. Histoire d’un croc où Monsieur Gravier se pose assez crânement.
22. Le journaliste se révolte.
27. Le roman marche.
28. Le roman est du bon temps d’Anne Radcliffe.
29. Où M. de la Baudraye se révèle tout entier.
32. Services que se rendent les amis de collége.
33. Où les femmes vertueuses apprendront à se défier de l’organdi.
34. Comme l’organdi prête !
48. Une lutte secrète.
54. Un dénoûment horrible, mais vrai.

Cette version a cinquante-cinq chapitres, au lieu des cinquante-deux du journal.

Cet ouvrage, dont la première idée se trouve, comme nous l’avons déjà dit, dans l’une des versions de la Grande Bretèche, contient plusieurs fragments déjà publiés ailleurs ; celui qui a pour sujet : Olympia, ou les Vengeances romaines, avait paru, le 26 septembre 1833, sous le titre de : Fragments d’un roman publié sous l’Empire par un auteur inconnu, dans les Causeries du monde, recueil dirigé par madame Sophie Gay, mère de madame Émile de Girardin ; nous donnerons plus loin les fragments non recueillis de cet article. La Femme de province, publiée pour la première fois dans le tome I de la Province des Français peints par eux-mêmes, huit volumes in-8o chez Curmer, 1840-1842, et qui a été reproduite en entier, en 1847, après la Femme de soixante ans (Madame de la Chanterie), trois volumes in-8o, s’y trouve aussi très-incomplétement reproduite et nous en recueillerons de même les parties omises. Enfin, le Grand d’Espagne, et l’Histoire du chevalier de Beauvoir (extraite d’une Conversation entre onze heures et minuit), qui avaient reparu déjà dans la Grande Bretèche, ou les Trois Vengeances, éditions de 1837 et de 1839, en ont été retirés pour reparaître ici (voir plus haut, Autre Étude de femme). Dans la Muse du département, tous les titres de ces différents emprunts sont enlevés, et, lors de sa première publication dans le Messager, la note suivante du directeur, relative à une partie d’entre eux et se rapportant à la ligne 35, p. 431 du présent volume, fut publiée à ce sujet : « M. de Balzac a cru devoir nous prévenir que l’Histoire du chevalier de Beauvoir et la suivante (un Grand d’Espagne) avaient été publiées déjà dans les Contes bruns, et il voulait les rappeler par une courte analyse ; mais le peu de longueur de ces deux citations, nous a engagés à les laisser subsister en entier. » Il n’est rien dit, on le voit, dans cette note, de leur présence dans deux éditions de la Grande Bretèche, ni des articles repris aux Causeries du monde et aux Français peints par eux-mêmes. En 1843 toujours, la Muse du département entra, non datée, comme seconde partie des Parisiens en province, dans le tome II de la troisième édition des Scènes de la Vie de province (première édition de la Comédie humaine, tome VI).

Dans l’édition définitive, l’ouvrage est daté pour la première fois, et tout ce qui suit le mot « comte », ligne 17, page 542, est inédit. Dans la première édition de la Comédie humaine, Balzac avait placé cette note à propos du prénom de Tobie donné alors à Silas Piédefer, ligne 27, page 384 :

Au lieu de Tobie Piédefer, lisez Silas Piédefer. On peut pardonner à l’auteur de s’être rappelé trop tard que les calvinistes n’admettent pas le livre de Tobie dans les Saintes Écritures.

Voici maintenant les fragments que nous avons promis plus haut :

FRAGMENTS D’UN ROMAN
publié sous l’empire, par un auteur inconnu.

— Monsieur, voici des livres que votre libraire vous envoie !…

— Bien ; mettez-les sur mon bureau.

Puis je retombai dans la méditation la plus profonde à laquelle je me sois jamais abandonné. C’était une méditation sans substance et sans but, espèce de voyage fait dans un labyrinthe ténébreux où l’esprit ne pouvait rien apercevoir, où l’imagination marchait en aveugle qui n’a plus de bâton. Alors, l’âme est comme un orgue dont le musicien jouerait à vide parce que le souffleur s’est endormi ; les cordes touchées ne résonnent point[3].

Au milieu de ce néant, j’étais physiquement récréé par le lointain murmure de Paris, et par le frissonnement des bûches humides qui criaient dans mon foyer solitaire. Mes yeux, machinalement arrêtés sur le marbre de ma cheminée, y voyaient des paysages, des figures de vieilles femmes emmanchées sur des cous de chameau, des chèvres fantastiques, configurations bizarres qui ne me parlent et ne se montrent qu’en ces moments où le cœur est en deuil. Quand je suis heureux je ne les retrouve plus. Le bonheur est une chimère jalouse, elle tue toutes les autres[4]. Alors, j’aurais donné volontiers au diable dix heures à prendre sur mon éternité bien heureuse pour pouvoir lire quelque livre gai, le Poëme du bonheur, par feu Marchangy, ou quelques mauvais articles faits par un camarade ; lorsque, soudain, sur la ligne droite, tracée par la tranche du paquet, j’aperçois le titre courant d’un livre, jadis jeté dans les gémonies littéraires, livre battu, pulvérisé par le pilon, réduit en bouillie, devenu carton, et qui peut-être a servi au bonheur de quelque joueur sous forme d’as de pique, ou à celui de quelque lady sous figure de boîte à pains à cacheter. Je lus avidement ces mots imprimés en petites capitales : olympia, ou les vengeances romaines !…

— Ah ! sac à papier[5]! m’écriai-je, le marbre de ma cheminée, la musique du feu, les paysages rouges de mon brasier, tout ce qu’il y a de plus vague au monde, même le souvenir de la sublime tête de jeune fille que j’ai admirée hier aux Bouffons, cette tête fantastique ornée de cheveux abondants, magnifique diadème d’un front dédaigneux, ces yeux gris où deux cent vingt-trois romans étaient en germe ; tout le fantastique, allemand, français, etc., pâlit devant Olympia, ou les Vengeances romaines.

Malheureusement, cet incident n’est pas nouveau. Sterne a trouvé l’histoire du petit notaire sur le papier dans lequel sa fruitière lui avait envoyé du beurre. Avant-hier, un de mes amis a rencontré le conte le plus bouffon sur une vieille feuille d’un vieux livre latin dans laquelle un quincaillier lui avait envoyé des clous. Certes, amis et ennemis, si je parle de cette maculature me jetteront au nez la biographie du chat Murr entremêlée des feuilles où l’incompréhensible Hoffmann a parlé de lui sous le nom de Kreisler…

Mais comment se souvenir des tours de bissac en usage parmi les mendiants littéraires, quand on voit bien réellement : Olympia, ou les Vengeances romaines, un vrai titre, impossible à inventer, imprimé en caractères vulgairement nommés têtes de clous dans l’idiome typographique ; quand on tient deux feuilles du format in-douze bien jaunies, presque noires vers la marge, marbrées par le temps ; puis dix pages dont l’étroite justification ne contient pas plus de dix-neuf lignes à vingt-trois lettres ; le fragment d’un véritable roman jadis édité par Maradan, un roman fait sous l’Empire, auctore incerto, sans nom d’auteur, petit livre qui reparaît comme dut reparaître quelque meuble de l’archevêché dans les filets de Saint-Cloud ?…

Je ne sais si vous parcourerez, avec autant de bonheur que je l’ai fait, les campagnes pittoresques de la nature littéraire, et si vous composerez avant la lecture des fragments que je transcris ici, la préface dont je me suis donné le divertissement. J’en doute. Il faut avoir bien médité le corps de cette œuvre inconnue pour en comprendre les haillons ; il faut être anatomiste pour s’amuser dans un cimetière !

Olympia, ou les Vengeances romaines ! À quelle époque vivait cette Olympia ? Était-ce sous les Tarquins, sous la République, sous les Césars ? Est-ce du temps des papes ? En quel siècle ? Puis est-ce une femme ? Sera-ce une nuit de sang ou de plaisir ? Il y a peut-être des coups de poignard et de l’amour tout ensemble ! Mais c’est un roman de l’Empire ! Il y aura quelque chevalier, ou des bardes, de froides allégories sous le schako d’un officier français. Peut-être n’y aura-t-il rien du tout.

Après une demi-heure de rêveries, j’avais fait mon Olympia. C’était une ravissante courtisane qui chaussait souvent la tiare, vendait toujours des barrettes, cotait les péchés, entretenait sa table avec les dispenses de mariages, et nourrissait ses chevaux avec les parties casuelles. Bonne fille, d’ailleurs ! rieuse, vindicative, et faisant tuer les gens qui la calomniaient. C’était du xvie siècle tout pur, et, j’oubliais que, sous l’Empire, les bibliophiles étaient au lycée occupés à fonder leur moyen âge. Alors, par une dernière réflexion, je fis d’Olympia la cause innocente de l’assassinat du citoyen Duphot.

Que d’erreurs ! Jugez ! Olympia était une duchesse romaine, duchesse comme Torlonia, le marchand de rubans, est duc ; duchesse par la grâce du pape, comme le roi était roi par la grâce de Dieu !… Voici l’ordre dans lequel je lus les maculatures :

Ici se place le fragment inséré dans la Muse du département ; cette réflexion seulement a été enlevée :

« Nous te bannirons parce que tu es Aristide le juste » est le mot d’ordre des journalistes, et tout le journal est là… Aristide était le précurseur de Socrate, Socrate celui de Jésus-Christ, Jésus-Christ l’éternel symbole des anges terrestres persécutés.

L’article se termine ainsi :

Foi d’honnête homme, j’avais le frémissement que les hommes de talent nous donnent par leurs œuvres les plus éloquentes, et la feuille s’arrêtait là.

Voici maintenant les fragments omis de la Femme de province :

En acceptant pour femmes celles-là seulement qui satisfont au programme arrêté dans la Physiologie du mariage, programme admis par les esprits les plus judicieux de ce temps, il existe à Paris plusieurs espèces de femmes, toutes dissemblables.

Foi de physiologiste, aux Tuileries, un observateur doit parfaitement reconnaître les nuances qui distinguent ces jolis oiseaux de la grande volière. Ce n’est pas ici le lieu de vous amuser par la description de ces charmantes distinctions avec lesquelles un auteur habile ferait un livre, quelque subtile iconographie de plumes au vent et de regards perdus, de joie indiscrète et de promesses qui ne disent rien, de chapeaux plus ou moins ouverts et de petits pieds qui ne paraissent pas remuer, de dentelles anciennes sur de jeunes figures, de velours qui ne sont jamais miroités sur des corsages qui se miroitent, de grands châles et de mains effilées, de bijouteries précieuses destinées à cacher ou à faire voir d’autres œuvres d’art.

La jolie femme qui, vers avril ou mai, quitte son hôtel de Paris et s’abat sur son château pour habiter sa terre pendant sept mois, n’est pas une femme de province. Est-elle une femme de province, l’épouse de cet omnibus appelé jadis un préfet, qui se montre à dix départements en sept ans, depuis que les ministères constitutionnels ont inventé le Longchamps des préfectures ?

La femme administrative est une espèce à part. Qui nous la peindra ? La Bruyère devrait sortir de dessous son marbre pour tracer ce caractère.

Oh ! plaignez la femme de province ! Ici, l’encre devrait devenir blême ; ici, le bec affilé des plumes ironiques devrait s’émousser.

Pour parler de cet objet de pitié, l’auteur voudrait pouvoir se servir des barbes de sa plus belle plume, afin de caresser ces douleurs inconnues, de mettre au jour ces joies tristes et languissantes, de rafraîchir les vieux fonds de magasin que cette femme impose à sa tête, de cylindrer ces étoffes délustrées, de repasser ces rubans invalides, remonter ces rousses dentelles héréditaires, secouer ces vieilles fleurs aussi artificieuses qu’artificielles, étiquetées dans les cartons, ou serrées dans ces armoires dont les profondeurs rappelleraient aux Parisiens les magasins des Menus-Plaisirs et les décorations des opéras qu’on ne joue plus ? Quel style peut peindre les couleurs passées de la bordure qui entoure le portrait de cette pâle figure ? Comment expliquer que les robes sont flasques en province, que les yeux sont froids, que la plaisanterie y est, comme les semestres des rentes sous l’Empire, presque toujours arriérée ; que les cœurs souffrent beaucoup, et que le laisser-aller général de la femme de province vient d’un défaut de culture de ce même cœur infiniment négligé, mal entretenu, peu compris ?

La femme de province a un cœur, et s’en sert très-peu ou mal, ce qui est pis.

Or, la vie de la femme est au cœur, et non ailleurs. Aussi la sagesse des enseignes a-t-elle précédé les lois de la science médicale, en disant la femme sans tête pour exprimer une bonne femme, la vraie femme.

Une femme heureuse par le cœur a un air ouvert, une figure riante ; jamais vous ne verrez une femme de province réellement gaie ou ayant l’air délibéré. Presque toujours le masque est contracté. Elle pense à des choses qu’elle n’ose pas dire ; elle vit dans une sorte de contrainte, elle s’ennuie, elle a l’habitude de s’ennuyer, mais elle ne l’avouera jamais. J’en appelle à tous les observateurs sérieux de la nature sociale, une femme de province a des rides dix ans avant le temps fixé par les ordonnances du code féminin.

Les femmes de province ont des blessures à l’esprit et au cœur, blessures si bien couvertes par d’ingénieux appareils que les savants seuls savent les reconnaître, et si sensibles qu’il est difficile à un Parisien d’être une demi-journée avec une femme de province sans l’avoir touchée à l’une de ses plaies et lui avoir fait grand mal. Il a imité ces amis imprudents qui prennent leur ami par le bras gauche sans voir les bandelettes dont l’humérus est enveloppé et qui le grossissent.

L’amour-propre impose silence à la douleur. L’ami ventousé par Hippocrate présente dès lors sa droite et refuse sa gauche à cette aveugle amitié. La femme de province, si elle rencontre un étourdi, ne sait bientôt plus quel côté présenter.

La femme de province est dans un état constant de flagrante infériorité. Aucune créature ne veut s’avouer un pareil fait, tout en en souffrant. Cette pensée rongeuse opprime la femme de province.

Il en est une autre plus corrosive encore : elle est mariée à un homme excessivement ordinaire, vulgaire et commun.

Son mari n’est pas seulement ordinaire, vulgaire et commun, il est ennuyeux, et vous devez connaître ce fameux exploit signifié à je ne sais quel prince, requête de M. de Lauraguais, par lequel on lui faisait commandement de ne plus revenir chez Sophie Arnould, attendu qu’il l’ennuyait, et que les effets de l’ennui chez une femme allaient jusqu’à lui changer le caractère, la figure, lui faire perdre sa beauté, etc. À l’exploit était jointe une consultation signée de plusieurs médecins célèbres qui justifiaient les dires de la signification.

La vie de province est l’ennui organisé, l’ennui déguisé sous mille formes ; enfin l’ennui est le fond de la langue.

J’y ai vu de belles jeunes filles, richement dotées, mariées par leur famille à quelque sot jeune homme du voisinage, enlaidies, après trois ans de mariage, au point de n’être plus, non reconnaissables, mais reconnues.

Les hommes de génie éclos en province, les hommes supérieurs, sont dus à des hasards de l’amour.

Toute femme est plus ou moins portée à chercher des compensations à ses mille douleurs légales dans mille félicités illégales.

Ce livre d’or de l’amour est fermé pour la femme de province, ou du moins elle le lit toute seule, elle vit dans une lanterne, elle n’a point de secret à elle, sa maison est ouverte et les murs sont de verre.

Si, dans la province, chacun connaît le dîner de son voisin, on sait encore mieux le menu de sa vie, et qui vient, et qui ne vient pas, et qui passe sous les fenêtres avant de passer par la fenêtre. La passion n’y connaît point le mystère.

Vous avez passé quelques mois en province, vous avez dit par désœuvrement quelques mots d’amour à la femme la moins laide du département ; là, elle vous paraissait jolie, et vous avez été vous-même. Cette plaisanterie est devenue sérieuse à votre insu.

Madame Coquelin, que vous avez nommée Amélie, votre Amélie vous arrive à six ans de date, veuve et toute prête à faire votre bonheur quand votre bonheur s’est beaucoup mieux arrangé. Ceci n’est pas de l’innocence, mais de l’ignorance. Vous la dédaignez, elle vous aime ; vous arrivez à la maltraiter, elle vous aime ; elle ne comprend rien à ce que l’on a si ingénieusement nommé le français, l’art de faire comprendre ce qui ne doit pas se dire.

On ne peut éclairer cette femme, il faut l’aveugler.

Toutes ces impuissances de la province prennent les noms orgueilleux de sagesse, de simplicité, de raison, de bonhomie.

On ne saurait imaginer la masse imposante et compacte que forment toutes ces petites choses, quelle force d’inertie elles ont, et combien tout est d’accord : langage et figure, vêtement et mœurs intérieures. Dans la toilette d’une femme de province, l’utile a toujours le pas sur l’agréable. Chacun connaît la fortune du voisin, l’extérieur ne signifie plus rien.

Puis, comme le disent les sages, on s’est habitué les uns aux autres, et la toilette devient inutile.

C’est à cette maxime que sont dues les monstruosités vestimentales de la province ; ces châles exhumés de l’Empire, ces robes ou exagérées, ou mal portées, ou trop larges, ou trop étroites !

La mode s’y assied au lieu de passer. On tient à une chose qui a coûté trop cher, on ménage un chapeau. On garde pour la saison suivante une futilité qui ne doit durer qu’un jour.

Quand une femme de province vient à Paris, elle se distingue aussitôt à l’exiguïté des détails de sa personne et de sa toilette, à son étonnement secret et qui perce, ou ostensible et qu’elle veut cacher, excité par les choses et par les idées.

Elle ne sait pas ! Ce mot l’explique. Elle s’observe elle-même, elle n’a pas le moindre laisser-aller.

Si elle est jeune, elle peut s’acclimater ; mais, passé je ne sais quel âge, elle souffre tant dans Paris, qu’elle retourne dans sa chère province.

Ne croyez pas que la différence entre les femmes de province et les Parisiennes soit purement extérieure, il y a des différences d’esprit, de mœurs, de conduite.

Ainsi la femme de province ne songe point à se dissimuler, elle est essentiellement naïve. Si une Parisienne n’a pas les hanches assez bien dessinées, son esprit inventif et l’envie de plaire lui font trouver quelque remède héroïque ; si elle a quelque vice, quelque grain de laideur, une tare quelconque, la Parisienne est capable d’en faire un agrément, cela se voit souvent ; mais la femme de province, jamais ! Si sa taille est trop courte, si son embonpoint se place mal, eh bien, elle en prend son parti, et ses adorateurs, sous peine de ne pas l’aimer, doivent la prendre comme elle est, tandis que la Parisienne veut toujours être prise pour ce qu’elle n’est pas. De là ces tournures grotesques, ces maigreurs effrontées, ces ampleurs ridicules, ces lignes disgracieuses offertes avec ingénuité, auxquelles toute une ville s’est habituée et qui étonnent les Parisiens. Ces difformités orgueilleuses, ces vices de toilette existent dans l’esprit.

À quelque sphère qu’elle appartienne, la femme de province montre de petites idées. C’est elle qui, à Paris, trouve de bon goût d’enlever à sa meilleure amie l’affection de son mari.

Les femmes de province ne savent pas se venger avec grâce, elles se vengent mal ; elles n’ont pas dans le discours ni dans la pensée l’atticisme moderne, ce parisiénisme (ce mot nous manque) qui consiste à tout effleurer, à être profond sans en avoir l’air, à blesser mortellement sans paraître avoir touché, à dire ce que j’ai entendu souvent : « Qu’avez-vous, ma chère ? » quand le poignard est enfoncé jusqu’à la garde.

Les femmes de province vous font souffrir et vous manquent ; elles tombent lourdement quand elles tombent ; elles sont moins femmes que les Parisiennes. Mais, ce qui dans tout pays est impardonnable, elles sont ennuyeuses, elles ont le bonheur aussi ennuyeux que le malheur, elles outrent tout. On en voit qui mettent quelquefois un talent infini à éviter la grâce.

La femme de province n’a que deux manières d’être : ou elle se résigne, ou elle se révolte.

Sa révolte consiste à quitter la province et s’établir à Paris. Elle s’y établit légitimement par un mariage et tâche de devenir Parisienne ; elle y triomphe rarement de ses habitudes.

Celle qui s’y établit en abandonnant tout ne compte plus parmi les femmes.

Il est une troisième révolte qui consiste à dominer sa ville et à insulter Paris ; la femme assez forte pour jouer ce rôle est toujours une Parisienne manquée. Aussi la vraie femme de province est-elle toujours résignée.

Voici les choses curieuses, tristes ou bouffonnes qui résultent de la femme combinée avec la vie de province.

Un Parisien passe par la ville, un de ses amis lui vante la belle madame une telle, il le présente à ce phénix, et le Parisien aperçoit une laideron parfaitement conditionnée.

Il arrive alors des aventures comme celle-ci.

Un jeune homme a quelques jours d’exil à passer dans une petite ville de province, il y retrouve l’éternel ami de collége, cet ami de collége le présente à la femme la plus comme il faut de la ville, une femme éminemment spirituelle, une âme aimante et une belle femme. Le Parisien voit un grand corps sec étendu sur un prétendu divan, qui minaude, qui n’a pas les yeux ensemble, qui a passé quarante ans, couperosé, des dents suspectes, les cheveux teints, habillé prétentieusement, et le langage en harmonie avec le vêtement. Le Parisien fait contre bonne fortune mauvais cœur, et se garde bien de revenir à ce squelette ambitieux.

Le Parisien moqueur félicite son ami de son bonheur, il le mystifie en prenant cet air convaincu que prennent les Parisiens pour se moquer.

La veille de son départ, le Parisien, questionné par son ami sur l’opinion qu’il emporte de la petite ville, répond quelque chose comme :

— Je me suis royalement ennuyé, mais j’ai toujours eu la plus belle femme de la ville !

Le lendemain matin, l’ami le réveille ; armé d’une paire de pistolets, il vient lui proposer de se brûler la cervelle, en lui posant ce théorème :

— Si vous avez eu la plus belle femme de la ville, ce ne peut être que ma maîtresse ; allons nous battre, vous n’êtes qu’un infâme !

On vous présente à la femme la plus spirituelle, et vous trouvez une créature qui tourne dans le même genre d’esprit depuis vingt ans, qui vous lance des lieux communs accompagnés de sourires désagréables, et vous découvrez que la femme la plus spirituelle de la ville en est simplement la plus bavarde.

Deux femmes également supérieures et toutes deux en province, où l’auteur de ces observations a eu la douleur de les trouver, expliquent admirablement le sort des femmes de province.

La première avait su résister à cette vie tiède et relâchante qui dissout la plus forte volonté, détrempe le caractère, abolit toute ambition, qui enfin éteint le sens du beau.

Elle passait pour une femme originale ; elle était haïe, calomniée ; elle n’allait nulle part, on ne voulait plus la recevoir, elle était l’ennemi public.

Voici ses crimes :

Pour entretenir son intelligence au niveau du mouvement parisien, elle lisait tous les ouvrages qui paraissaient et les journaux ; et, pour ne jamais se laisser gagner par l’incurie et par le mauvais goût, elle avait une amie intime à Paris qui la mettait au fait des modes et des petites révolutions du luxe. Elle demeurait donc toujours élégante, et son intérieur était un intérieur presque parisien. Hommes et femmes, en venant chez elle, s’y trouvaient constamment blessés de cette constante nouveauté, de ce bon goût persistant.

Une haine profonde s’émut, causée par ces choses. Mais la conversation et l’esprit de cette femme engendrèrent une bien plus cruelle aversion. Cette femme se refusait au clabaudage de petites nouvelles, à cette médisance de bas étage qui fait le fond de la vie en province ; elle remuait des pensées au lieu de remuer des mots.

Elle fut atteinte et convaincue de pédantisme, chacun finit par se moquer effrontément de ses nobles et grandes qualités, d’une supériorité qui blessait toutes les prétentions, qui relevait les ignorances et ne leur pardonnait pas. Quand tout le monde est bossu, la belle taille devient la monstruosité. Cette femme fut donc regardée comme monstrueuse et dangereuse, et le désert se fit autour d’elle. Pas une de ses démarches, même la plus indifférente, ne passait sans être critiquée, dénaturée. Il résultait de ceci qu’elle était impie, immorale, dévergondée, dangereuse, d’une conduite légère et répréhensible.

— Madame une telle, oh ! elle est folle.

Tel fut l’arrêt suprême porté par toute la province.

La seconde avait deviné l’ostracisme que sa résistance lui vaudrait, elle était restée grande en elle-même, elle livrait son intérieur seulement à ces minuties.

Ce fut à elle que je demandai le secret de l’amour en province ; je ne voyais pas dans la journée une seule occasion de lui parler, dans toute la ville un seul lieu où l’on pût la voir sans qu’elle fût observée.

— Nous souffrons beaucoup l’hiver, me dit-elle ; mais nous avons la campagne !

Je me souvins alors qu’au mois d’avril ou de mai, les jolies femmes d’une ville de province sont les premières à décamper.

En province, la maison de campagne est le fiacre à l’heure de Paris.

Quoique l’homme le plus spirituel de la ville, un homme d’avenir, disait-on, et qui fit un épouvantable fiasco à la Chambre, lui rendit des soins, cette femme mourut jeune et dévorée comme un ver. La supériorité comporte une action invincible qui, au besoin, réagit sur celui que la nature a doué de ce don fatal.

XXXVII. Les Rivalités ; la Vieille Fille, daté de Paris, octobre 1836. Dédié à E. Midy de la Greneraye-Surville (beau-frère de l’auteur). Imprimé pour la première fois dans la Presse du 23 octobre au 4 novembre 1836, ce roman parut pour la première fois en volume, daté, en 1837, dans le tome III de la première édition des Scènes de la Vie de province, 1834-1837. C’est en 1844, augmenté de sa dédicace actuelle, qu’il prit place avec le Cabinet des antiques, sous le titre collectif de : les Rivalités, dans le tome III de la troisième édition des Scènes de la Vie de province (première édition de la Comédie humaine, tome VII). La première version était divisée en trois chapitres, supprimés aujourd’hui :

1. La chaste Suzanne et les deux vieillards.
2. Mademoiselle Cormon.
3. Les déceptions.

TOME III.

XXXVIII. Les Provinciaux à Paris ; le Cabinet des antiques, daté des Jardies, juillet 1837. Dédié au baron de Hammer-Purgstall. Les deux parties de ce récit, annoncé avec le sous-titre de Fragments d’histoire générale, parurent pour la première fois, l’une, sans date, sous le titre de : le Cabinet des antiques, dans la Chronique de Paris du 6 mars 1836 ; l’autre, datée des Jardies, septembre 1838, sous le titre de : les Rivalités en province, dans le Constitutionnel des 22, 24, 26, 28 et 30 septembre, 1, 3, 4, 5, 7, et 8 octobre 1838. Cette version de la seconde partie y était divisée ainsi :

1. Les deux salons.
2. Une mauvaise éducation.
3. Préparatifs d’un voyage à la cour.
4. Début de Victurnien.
5. La belle Maufrigneuse.
6. Un crime.
7. Chesnel au secours des d’Esgrignon.
8. La Mésalliance.

En réunissant ces deux parties en un même ouvrage, dont l’article de la Chronique de Paris forme tout le début, Balzac le publia avec la dédicace actuelle datée des Jardies, février 1839, et l’ouvrage daté des Jardies, septembre 1838, en deux volumes in-8o chez Souverain en 1839, sous le titre de : le Cabinet des antiques, suivi de : Gambara. Il y ajouta une préface (voir tome XXII, page 513) et supprima le fragment que voici qui terminait la partie publiée dans la Chronique de Paris, et se plaçait après le premier paragraphe de la page 13 de cette édition :

Chacun de nous fut emporté par le cours de sa vie ; douze ans se passèrent. Ici commencent les événements de cette histoire dont ceci n’est que le préambule ; il sera certes pardonné à l’auteur de l’avoir écrit. Qui de nous, dans son enfance, n’a pas éprouvé quelque admiration pour des hommes et des choses dont la grandeur était peut-être factice, mais qui n’en était pas moins imposante, car la plus vivace poésie est celle que nous créons en nous-même ?

Il y modifia aussi tout le dénoûment de la version du Constitutionnel ; il y introduisit la partie judiciaire qui va dans cette édition de la page 94, ligne 29, après les mots : « Mon Dieu, tu dois sauver la maison d’Esgrignon ! » jusqu’à la page 125, ligne 29, aux mots : « que vous avancerez d’une demi-heure. » Dans le Constitutionnel, toute cette partie était remplacée par ceci :

Il se coucha quasi mort sous le poids de tant d’émotions et de tant de fatigues. Il fut bientôt réveillé par la vieille gouvernante : elle lui présenta le plus adorable homme du monde, un tigre coquet qui n’était rien moins que madame de Maufrigneuse. La duchesse avait pris le vêtement neuf d’un de ses grooms, un enfant de dix ans, elle était venue en calèche, et seule !

— Me voici, lui dit-elle, j’arrive pour le sauver ou pour périr avec lui. J’ai cent mille francs que le roi m’a donnés sur sa cassette pour acheter l’innocence de Victurnien, si l’adversaire est corruptible. J’ai des lettres pour éclairer la religion des juges, des lettres que je dois rapporter à ceux qui les ont écrites ; elles doivent être lues, mais supprimées… Et si nous échouons, j’ai du poison pour le soustraire à l’accusation.

Chesnel rendit scène pour scène à la duchesse : il s’élança de son lit, en chemise, il tomba à ses pieds, les baisa, et courut à sa robe de chambre en demandant pardon pour l’oubli que la joie lui faisait commettre. Il s’habilla, donna le bras à la duchesse, car il se hâta d’aller chez le juge d’instruction avant que celui-ci eût rien commencé. De sept heures du matin à dix heures, pendant que l’abbé Couturier prêchait madame du Croisier, avant l’heure du Palais, Chesnel avait démontré au juge d’instruction combien l’accusation portée contre M. le comte d’Esgrignon était calomnieuse, en lui produisant le reçu des cent mille écus remis par lui-même, Chesnel, à madame du Croisier, en l’absence de son mari. Madame du Croisier, ignorante en ces sortes d’affaires, avait serré la somme sans en rien dire à son mari. Cette erreur avait fait tout le mal. M. du Croisier avait trop ardemment saisi l’occasion de perdre une famille qu’il haïssait. L’instruction, conduite dans ce sens, amenait la mise en liberté sous caution du jeune comte.

Le juge d’instruction ne pouvait rien ; cette affaire regardait le tribunal et non lui ; M. du Ronceret y était puissant, il fallait être sûr de l’opinion de deux autres juges qui, avec la sienne, emporteraient la majorité. Le groom s’avança, dit au juge, qui elle était, sortit de sa poche une lettre qu’elle déplia, la lui fit lire en la gardant serrée entre ses doigts mignons. Après lecture, le juge fut disposé à faire tout ce qui ne serait pas contre sa conscience. Mais il ne pouvait rien sans l’aide de deux autres juges. Il fallut remettre au soir les démarches décisives. À midi, Monseigneur et mademoiselle Armande étaient à l’hôtel d’Esgrignon, où le charmant tigre couché par les soins de Chesnel se reposait de ses fatigues à l’insu du marquis.

Du Croisier, appelé entre une heure et deux chez le juge d’instruction, fut interrogé sur trois points. L’effet argué de faux ne portait-il pas sa signature ? Avait-il eu, avant cet effet, des affaires avec M. le comte d’Esgrignon ? M. le comte d’Esgrignon n’avait-il pas tiré sur lui des lettres de change avec ou sans avis ? Puis Chesnel n’avait-il pas plusieurs fois déjà soldé ces comptes ? Enfin, du Croisier n’avait-il pas été absent à telle époque ? Toutes ces questions furent résolues affirmativement par du Croisier. Quand elles furent consignées au procès-verbal, le juge termina par cette foudroyante interrogation : savait-il que l’argent de l’effet argué de faux avait été déposé chez lui cinq jours avant la date de l’effet ? Cette dernière question mit du Croisier en défiance contre le juge, auquel il demanda ce que signifiait un pareil interrogatoire, en faisant observer que, si les fonds avaient été chez lui, il n’eût pas rendu de plainte. Le juge le renvoya sans répondre : la justice s’éclairait, voilà tout. Chesnel avait déjà comparu pour expliquer l’affaire. La véracité de ses assertions fut corroborée par la déposition de madame du Croisier. Le juge fit comparaître le comte d’Esgrignon qui produisit la première lettre par laquelle du Croisier lui avait écrit de tirer sur lui, sans lui faire l’injure de déposer les fonds chez lui. Puis, soufflé par Chesnel, il produisit une lettre que Chesnel lui aurait écrite en le prévenant du versement des cent mille écus chez M. du Croisier. Avec de pareils éléments, l’innocence du jeune comte devait triompher devant le tribunal.

Pour éviter la colère de son mari, madame du Croisier s’était enfuie au Prébaudet, suivie de l’abbé Couturier, qui lui assurait qu’elle était une sainte, et que plus elle souffrirait pour cette cause, plus elle serait agréable à Dieu.

Voici les divisions de cette version :

1. Les deux salons.
2. Une mauvaise éducation.
3. Début de Victurnien.
4. La belle Maufrigneuse.
5. Chesnel au secours des d’Esgrignon.
6. Un tribunal de province.
7. Le juge d’instruction.
8. Bataille judiciaire.
9. La mésalliance.

En 1844, avec la Vieille Fille, et sous le titre collectif de : les Rivalités, dont le Cabinet des antiques formait la deuxième partie, cet ouvrage entra, toutes divisions supprimées, dans le tome III de la troisième édition des Scènes de la Vie de province (première édition de la Comédie humaine, tome VII). Ce n’est que dans l’édition définitive que Balzac a enlevé à ces deux récits leur titre collectif et y a substitué pour le second, celui de : les Provinciaux à Paris.

XXXIX. Illusions perdues. ILes Deux Poëtes. IIUn Grand Homme de province à Paris. IIILes Souffrances de l’inventeur, daté de 1835-1843. Dédié à Victor Hugo. La première partie de ce récit, sous le seul titre d’Illusions perdues, parut inédite en 1837, datée du château de Saché, juillet-novembre 1836, et accompagnée d’une préface (voir tome XXII, page 388), formant le tome IV de la première édition des Scènes de la Vie de province, 1833-1837. Elle était alors divisée en chapitres dont voici les titres :

1. Une imprimerie en province.
2. Madame de Bargeton.
3. La soirée dans un salon, la soirée au bord de l’eau.
4. Catastrophes de l’amour en province.
5. Les prémices de Paris.

L’auteur réimprima dans cet ouvrage deux pièces de vers qu’il avait publiées dans les Annales romantiques pour 1827-1828, par divers auteurs, un volume in-18 chez Urbain Canel, 1828 ; on les retrouvera aux pages 179 et 212 de cette édition ; mais, comme elles présentent de légères différences entre les deux versions, nous réimprimons ici la première pour que les curieux puissent les comparer.

I

ODE À UNE JEUNE FILLE.

Du sein de ces torrents de gloire et de lumière
Où, sur des harpes d’or, les Esprits Immortels,
Aux pieds de Jéhova, redisent la prière
De nos plaintifs autels ;

Souvent un Chérubin à chevelure blonde,
Voilant l’éclat de Dieu par son front reflété,
Laisse au parvis des cieux son plumage argenté,
Et descend sur le monde :


Comprenant du Très-Haut le sublime regard,
Il vient sourire au pauvre à qui tout est souffrance :
Et par son tendre aspect rappeler au vieillard
Les doux jeux de l’enfance ;

Il inscrit des méchants les tardifs repentirs ;
À la vierge amoureuse il accourt dire : « Espère ! »
Et, le cœur plein de joie, il compte les soupirs
Qu’on donne à la misère.

De ces Anges d’amour, un seul est parmi nous
Que le soin de notre heur égara dans sa route ;
En soupirant, il tourne un regard triste et doux
Vers l’éternelle voûte.

Ce n’est point de son front l’éclatante blancheur
Qui m’a dit le secret de sa noble origine ;
Mais son tendre sourire et l’accent enchanteur
De sa plainte divine.

Ah ! gardez, gardez bien de lui laisser revoir
Le brillant Séraphin qui vers les cieux revole ;
Trop tôt, il lui dirait la magique parole
Que, pour nager dans l’air, ils prononcent le soir.

Vous les verriez, des nuits perçant les sombres voiles,
Comme un point de l’aurore atteindre les étoiles
De leur vol fraternel ;
Et, le marin, le soir, assis sur le rivage,
Levant un doigt craintif aux campagnes du ciel,
De leurs pieds lumineux montrerait le passage.

II

VERS ÉCRITS SUR UN ALBUM.

Le magique pinceau, les Muses mensongères
N’orneront pas toujours de ces feuilles légères
Le fidèle vélin ;
Et le crayon furtif de ma jeune maîtresse
Me confiera souvent sa secrète allégresse
Et son muet chagrin.


Et, quand ses doigts plus lourds à mes pages fanées
Demanderont raison de ses jeunes années,
Aujourd’hui l’avenir,
Alors, veuille l’Amour que de son beau voyage
Le fécond souvenir
Soit doux à contempler comme un ciel sans nuage.

À propos des vers de Balzac, il nous semble que c’est ici la place de citer une pièce de lui tout à fait inconnue, qui a été publiée dans la Caricature du 17 février 1831, où elle est intitulée : Ci-gît la muse de Béranger ; nous y ajoutons deux fragments de sa jeunesse, publiés pour la première fois par M. Champfleury, dans le numéro 1 de sa gazette (Gazette de Champfleury), novembre 1856, et réimprimés en 1861 dans son volume intitulé : Grandes figures d’hier et d’aujourd’hui. Ces fragments ont été copiés par M. Champfleury sur le manuscrit original.

I
CI-GÎT LA MUSE DE BÉRANGER

Cette fille si belle
A quitté pour toujours
La dépouille mortelle
Qu’elle dut aux Amours.
De sa voix qu’on accuse
Ce fut le cri dernier :
« Français, pleurez la muse
Du pauvre chansonnier ! »

Sa vie était brillante
Au soleil des trois jours ;
Mais une fièvre lente
En a terni le cours.
Mon pays, l’on t’abuse !
Entends-la s’écrier :
« Français, pleurez la muse
Du pauvre chansonnier ! »

Une inquiète flamme
A ranimé ses yeux,
Quand, pensive, son âme
Remonta dans les cieux ;

La Liberté, confuse,
Effeuillait un laurier !
Français, pleurez la muse
Du pauvre chansonnier !

Ô toi que l’on immole,
Cherche à travers tes pleurs,
Peuple, qui te console
En tes jours de malheurs.
On lisait ton excuse
Aux murs de son grenier !…
Français, pleurez la muse
Du pauvre chansonnier !

Héros de la Belgique,
Courageux Polonais,
Qui de sa voix magique
Attendiez les bienfaits,
Dupin vous désabuse ;
Il est son héritier.
Français, pleurez la muse
Du pauvre chansonnier !

II

LE LIVRE DE JOB[6].

En la terre de Hus vivait un très-saint homme,
De la diphthongue Job l’Écriture le nomme.
Il s’écartait du mal par crainte du Seigneur,
Et n’allait point au vice, étant simple de cœur.
Pourtant il eut bientôt une grande famille ;
Trois fois madame Job accoucha d’une fille,
Mais Job, y prenant garde, eut après sept garçons.
Trois fois mille chameaux et sept mille moutons
Paissaient avec des bœufs, dont le millier indique
Que Job avait encore un nombreux domestique,
Dont par deux mots la Bible évite le détail,
Donnant, comme toujours, préséance au bétail.
Veuves de leurs époux, plus de cinq cents ânesses,
Par leur lait pectoral augmentaient ses richesses,
Ou le rendaient dispos pour peu qu’il en eût bu.

Tel est des biens de Job le fidèle inventaire,
Que l’Esprit-Saint a fait aussi bien qu’un notaire.
Si, par un grand malheur, l’Écriture a perdu
La carte du village où ce monde a vécu,
Toujours est-il que Job fut grand propriétaire
Admis dans les congrès chez les Orientaux,
Et de son double vote ôtant les libéraux.
Aussi, tous ses enfants, plongés dans la liesse,
L’un chez l’autre invités et couronnés de fleurs,
En fêtes, en festins, consumaient leur jeunesse,
Et, pour plus grand plaisir, à leurs trois jeunes sœur
Envoyaient les landaus qui roulaient en Judée ;
De leurs petits soupers l’ivresse était guidée
Par ces tendres beautés qui buvaient des liqueurs,
Et d’entremets friands savouraient les douceurs.
Quand le cercle trop court de ces belles journées,
Séparait par sa fin leurs troupes étonnées,
Soudain de ces repas Job narguant les effets,
Pour les purifier détachait ses valets ;
Et du lit conjugal se levant dès l’aurore,
Au nom de ses enfants qui sommeillaient encore,
D’un pieux holocauste il présentait l’encens ;
Car du sieur Azaïs Job ayant tout le sens,
Des compensations connaissait le système.

Et voici comme au texte il se parle à lui-même :
 
 


III

ROBERT LE DIABLE.

I

Au temps que l’on vivait dans une foi profonde,
En pleine Normandie, un enfant vint au monde ;
Rouen fut son berceau, Robert était son nom :
Mais, comme les Normands l’appelèrent le Diable,
Ci faut-il avant tout, en dire la raison,
Ce nom-là, mes enfants, étant épouvantable :
Alors, en la contrée un prince très-affable
Régnait avec honneur et craignant Dieu beaucoup,
Rendant justice à tous, aimant la chasse au loup ;
Et de ce grand Hubert les anciennes chroniques
Ont si bien célébré les vertus catholiques,

Qu’un poëme aujourd’hui ne dirait rien du tout,
Quand même on le ferait de stances romantiques.

II

Vers les bords enchanteurs où les murs de Vernon
Sont baignés par les eaux de la nymphe de Seine,
Hubert, au jour natal où la vierge sans peine
Offrit au monde un Dieu conçu sans trahison,
Tendit sa cour pleinière où le moindre baron
Vint parler politique en buvant du Surène.
C’était au bon vieux temps des états généraux.
Les barons en festins y mangeaient les impôts.
Aucun ne sachant lire, ils n’avaient pas la peine
D’écrire en bas normand de longs procès-verbaux.
Pour les relire encore en séance prochaine,
Et, sans flatter les serfs d’une espérance vaine,
Ils promulguaient leur joie en se riant des maux.

III
 
 

La deuxième partie, inédite aussi et datée des Jardies, décembre 1832 — Paris, mai 1839, parut avec une préface datée de Paris, avril 1839 (voir tome XXII, page 530), sous son titre actuel en deux volumes in-8o, chez Souverain en juin 1839. Elle était alors divisée en chapitres dont voici les titres :

1. À madame Séchard.
2. Flicoteaux.
3. Deux variétés de libraires.
4. Un premier ami.
5. Le cénacle.
6. Les fleurs de la misère.
7. Le dehors du journal.
8. Les Sonnets.
9. Un bon conseil.
10. Troisième variété de libraire.
11. Les galeries de bois.
12. Physionomie d’une boutique de libraire aux galeries de bois.
13. Quatrième variété de libraire.
14. Les coulisses.
15. Utilité des droguistes.
16. Coralie.
17. Comment se font les petits journaux.
18. Le souper.
19. Un intérieur d’actrice.
20. Dernière visite au cénacle.
21. Une variété de journaliste.
22. Influence des bottes sur la vie privée.
23. Les arcanes du journal.
24. Re-Dauriat.
25. Les premières armes.
26. Le libraire chez l’auteur
27. Étude de l’art de chanter la palinodie.
28. Grandeurs et servitudes du journal.
29. Le banquier des auteurs dramatiques.
30. Le baptême du journaliste.
31. Le monde.
32. Les viveurs
33. Cinquième variété de libraire.
34. Le chantage.
35. Les escompteurs.
36. Changement de front.
37. Finoteries.
38. La fatale semaine.
39. Jobisme.
40. Adieux.

Deux de ces chapitres : Comment se font les petits journaux et le Souper, avaient paru avant la mise en vente de l’ouvrage, dans l’Estafette du 8 juin 1839. Il s’y trouvait alors un portrait du poëte Canalis tout autre que celui qui commence aujourd’hui ligne 22, page 285. Voici le portrait primitif se devine aisément l’intention de peindre M. de Lamartine :

Le quatrième était M. de Canalis, un des plus illustres poëtes de cette époque, un jeune homme qui n’en était encore qu’à l’aube de sa gloire, et qui se contentait d’être un gentilhomme aimable et spirituel ; il essayait de se faire pardonner son génie. Mais on devinait dans ses formes un peu sèches, dans sa réserve, une immense ambition qui devait plus tard faire tort à la poésie et le lancer au milieu des orages politiques. Sa beauté froide et compassée, mais pleine de dignité, rappelait Camping.

On sait que les sonnets qui se trouvent cités dans l’ouvrage avaient été donnés à Balzac, la Marguerite par madame de Girardin, la Tulipe, par Théophile Gautier, et les autres par Lassailly. Nous donnons ici, comme curiosité, la première version du sonnet la Pâquerette (voir pages 345 et 346), par Lassailly, et les observations de Balzac, après lesquelles l’auteur le modifia tel qu’il est aujourd’hui :

LA PAQUERETTE.

Pâquerettes des prés[7], vos couleurs assorties
Parlent à l’âme humaine en chacun de ses vœux[8].
Charmantes à la fois pour le cœur et les yeux[9],
D’où savez-vous ainsi toutes nos sympathies ?

Vos collerettes d’or et de perles serties[10]
Luisent du double éclat que l’on aime le mieux.

Puis une veine rouge, au sens mystérieux,
Nous révèle en vos fleurs[11] nos peines ressenties.

Vous renaissez au jour où, dehors du tombeau,
Jésus, ressuscité sur un monde plus beau,
Fit pleuvoir des trésors en secouant ses ailes.

L’automne vous retrouve, ô filles du printemps,
Sur ses gazons déserts, plus chères et fidèles ;
Mais, hélas ! l’homme tombe au premier choc des vents[12].

Au moment de l’apparition de ce livre, les journaux du temps prétendirent reconnaître M. Jules Janin dans le personnage d’Étienne Lousteau.

La troisième partie, après avoir commencé à paraître pour la première fois dans l’État du 9 au 19 juin 1843, fut continuée et achevée dans le Parisien-l’État du 27 juillet au 14 août 1843, sous le titre de : David Séchard, ou les Souffrances d’un inventeur ; elle fut publiée en 1844 sous le premier de ces deux titres en deux volumes in-8o chez Dumont, accompagnées d’une préface datée de mars 1844 (voir tome XXII, page 568), ceci après sa publication en 1843, dans le tome IV de la troisième édition des Scènes de la Vie de province (première édition de la Comédie humaine, tome VIII). Elle y avait paru sous le titre d’Ève et David. La version publiée dans le journal, ainsi que celle de l’édition en deux volumes contient les divisions suivantes :

Introduction.
1. Triste confession d’un enfant du siècle.
2. Le coup de pied de l’âne.
1re  partie : Histoire d’une poursuite judiciaire.
3. Le problème à résoudre.
4. Une femme courageuse.
5. Un Judas en herbe.
6. Des deux Cointet.
7. Le premier coup de tonnerre.
8. Un coup d’œil sur la papeterie.
9. Des avoués de province en général et de maître Petit-Claud en particulier.
10. Cours public et gratuit des comptes de retour à l’usage des jeunes gens qui ne sont pas en mesure de payer leurs billets.
11. Où l’on voit qu’un timbre de cinquante centimes fait autant de chemin et de ravages qu’un obus.
12. Ce qui s’appelle le feu dans les affaires.
13. Le père et les deux domestiques.
14. Description de l’incendie entretenu par maîtres Petit-Claud et Cachan, assistés de Doublon.
15. Apogée des poursuites.
16. Comment la contrainte par corps n’existe presque pas en province.
17. Deux expériences, l’une ne touchant pas le cœur du père, l’autre touchant au but.
18. Le moment de la crise où les chiens se regardent.
19. La future de Petit-Claud.
20. Un mot du curé.
2e  partie : L’être fatal de la famille.
21. Retour du frère prodigue.
22. Un triomphe inattendu.
23. Les machines du triomphe.
24. Un dévouement comme on en rencontre quelquefois dans le cours de la vie.
25. Lucien prend au sérieux sa gloire départementale.
26. Un Cerizet sous l’herbe.
27. Revanche de Lucien à l’hôtel de Bargeton.
28. Le comble de la désolation.
29. L’adieu suprême.
30. Un hasard de grande route.
31. Histoire d’un favori.
32. Cours d’histoire à l’usage des ambitieux, par un disciple de Machiavel.
33. Cours de morale par un disciple du révérend père Escobar.
34. Profil de l’Espagnol.
35. Pourquoi les criminels sont essentiellement corrupteurs.
36. Le moment où, dans la lutte, on lâche prise.
37. Les influences de la prison.
38. Un jour trop tard.
39. Histoire d’une société commerciale.
40. Conclusion.

Cette version se terminait par le paragraphe suivant, enlevé aujourd’hui, ainsi que toutes les divisions de chapitres des trois parties :

Cerizet, condamné à trois ans de prison pour délits politiques, en 1827, fut obligé par le successeur de Petit-Claud de vendre son imprimerie d’Angoulême. Il a fait beaucoup parler de lui, car il fut un des enfants perdus du parti libéral. À la révolution de Juillet, il fut nommé sous-préfet, et ne put rester plus de deux mois dans sa sous-préfecture. Après avoir été gérant d’un journal dynastique, il contracta, dans la presse, des habitudes de luxe. Ses besoins incessants l’ont conduit à devenir prête-nom dans une affaire de mines en commandite, dont les faits et gestes, le prospectus et les dividendes anticipés lui ont mérité une condamnation à deux ans de prison en police correctionnelle. Il a fait paraître une justification dans laquelle il attribue ce résultat à des animosités politiques. Il se dit persécuté par les républicains.

Toute la partie qui remplace ce morceau et termine l’ouvrage est inédite.

Ces trois parties ont paru pour la première fois en 1843 réunies et augmentées de la dédicace et de la date actuelles, dans le tome IV de la troisième édition des Scènes de la Vie de province (première édition de la Comédie humaine, tome VIII). Dans l’édition définitive, la troisième partie change encore une fois de titre et prend celui de : les Souffrances de l’inventeur. Il faut remarquer aussi que les différentes parties publiées séparément ne commencent ni ne finissent à la même place que dans la Comédie humaine. Ainsi, les Deux Poëtes, dans la première édition, finissent seulement à la ligne 28 de la page 299 du Grand Homme de province à Paris, qui lui-même ne finissait qu’au mot « paysage » de la ligne 17 de la page 558 des Souffrances de l’inventeur, dans le tome VII de l’édition qui nous occupe.

  1. Comme pour les Scènes de la Vie privée, nous donnons ici le contenu des éditions précédentes des Scènes de la Vie de province, revues et corrigées par l’auteur.

    Première édition. Tomes V à VIII des Études de mœurs au xixe siècle, 4 volumes in-8o, chez madame veuve Ch. Béchet et chez Werdet, 1834-1837. (Les tomes I et II mis en vente en décembre 1833 (datés 1834) chez madame Béchet, et les tomes III et IV en février 1837, chez Werdet). Contenant : Tome Ier. Préface. Eugénie Grandet. — Tome II. Le Message. Les Célibataires (le curé de Tours). La Femme abandonnée. La Grenadière. L’Illustre Gaudissart. — Tome III. Les Trois Vengeances (la Grande Bretèche). La Vieille Fille. — Tome IV. Préface. Illusions perdues (première partie, les Deux Poëtes).

    Deuxième édition. Deux volumes in-18, chez Charpentier, 1839. — Tome I. Les Célibataires (le Curé de Tours). La Femme abandonnée. Illusions perdues (première partie, les Deux Poëtes). — Tome II. La Vieille Fille. La Grenadière. Le Message. La Grande Bretèche ou les Trois Vengeances. L’Illustre Gaudissart. Il faut y ajouter Eugénie Grandet, un volume in-18, chez le même éditeur, 1839.

    Troisième édition. Tomes V à VIII, de la première édition de la Comédie humaine. Quatre volumes in-8o, chez Furne, Dubochet et Hetzel, 1843-1844. Contenant : — Tome I (1843). Ursule Mirouët. Eugénie Grandet. Les Célibataires, 1. Pierrette (Lorrain). — Tome II (1843). Les Célibataires, 2. Le Curé de Tours, 3. Un Ménage de garçon en province (les Deux Frères). Les Parisiens en province, 1. L’Illustre Gaudissart, 2. La Muse du département (Dinah Piédefer). — Tome III (1844). Les Rivalités, 1 : la Vieille Fille, 2 ; le Cabinet des Antiques (les Rivalités de province). Le Lys dans la vallée. — Tome IV (1843). Illusions perdues, 1 ; les Deux Poëtes, 2 ; un Grand Homme de province à Paris, 3 ; Ève et David (David Séchard).

  2. Note Wikisource. — Le nom de la cinquième personne a été omis. Il s’agit de « de Marsay, l’un des fils naturels du vieux lord » (Voir ici).
  3. Tout ce fatras est la traduction du mot anglais spleen. (Note de l’auteur.)
  4. Ceci est la paraphrase du mot populaire : Je suis tout bête ; et toi ? (Ibid.)
  5. Juron de mon maître d’écriture ! Depuis que je me suis avancé dans la vie, j’ai retrouvé ce juron dans la bouche de tous les maîtres d’écriture. Frappé de cette similitude, en ma qualité d’observateur, j’en ai cherché la raison. Elle est simple. Forcés par leur profession d’être toujours très-moraux en présence des enfants, ils ont puisé dans leurs attributions cette phrase qui leur permet d’exprimer leurs innocentes colères à propos des déliés et des pleins. (Note de l’auteur.)
  6. Version conçue d’une manière peu biblique.
  7. Elles sont toutes dans les prés.
  8. Ce vers-là ne contient pas la pensée.
  9. Cheville.
  10. L’or est au fond ; c’est l’or qui est serti de perles ; ce sont les perles qui font la collerette.
  11. Cheville.
  12. La pensée n’est pas exprimée dans le tercet, et le trait final n’est pas digne d’un sonnet.