Histoire des Canadiens-français, Tome VI/Chapitre 2

La bibliothèque libre.
Wilson & Cie (VIp. 19-30).

CHAPITRE II


1690-1712


D’Iberville à la baie d’Hudson et au golfe du Mexique. — Établissement de la Louisiane.



M
êlé désormais à toutes les querelles de la France et de l’Angleterre, le Canada sort en quelque façon du simple rang de colonie pour agir comme allié du cabinet de Versailles. En de certains moments, il se charge à lui seul de supporter la guerre d’Amérique. De 1690 à 1760, on le voit accomplir des prodiges, malgré ses faibles ressources. Il a plus fait pour sa mère-patrie que les treize États américains n’ont fait pour acquérir leur propre indépendance.

D’Iberville était retourné à la baie d’Hudson en 1690, c’est pourquoi il n’est pas cité au siége de Québec cette année. Déjà sa renommée s’étendait par toute l’Amérique. À l’âge de vingt-huit ans, son nom était placé dans l’Histoire, mais il aspirait à de nouveaux exploits et voulait élever l’honneur de sa patrie encore au-dessus de ce que ses plus nobles enfants désiraient pour elle. Les Canadiens subissaient avec orgueil le prestige de sa vaillance et se laissaient entraîner par l’enthousiasme singulier dont il communiquait l’étincelle à tous ceux qui l’approchaient. L’homme prodigieux qui a livré tant de combats et qui partout a triomphé à la tête d’une poignée de volontaires, devait être doué d’un pouvoir de fascination comparable à celui des grands capitaines de l’ancien monde. Les Canadiens, qui l’adoraient, étaient pour lui, observe Charlevoix, la dixième légion qui ne combattait que sous la conduite de César et à la tête de laquelle César était invincible. En plus d’une occasion, les troupes régulières, tenues en échec devant l’ennemi, se virent assurer la victoire par l’élan des milices canadiennes, dont l’apparition sur un champ de bataille relevait les courages, comme plus tard la vieille garde de Napoléon. Combien de fois n’a-t-on pas vu les officiers français paralysés dans leur action et ne sachant que faire avec nos miliciens ? Survenait-il alors un officier canadien, fut-ce même un humble enseigne, tout changeait de face tant nos compatriotes avaient confiance dans les ressources naturelles des enfants du pays.

Mais parmi ceux qui ébranlaient plus vivement les esprits de ces braves, parmi ceux qui les grisaient de gloire et leur faisaient accomplir des miracles de valeur, aucun n’était comparable à d’Iberville.

Le héros voulait conserver la baie d’Hudson et ne pas être à la peine de la reconquérir tous les ans. Il passa en France (1691) fut fait capitaine de frégate (1692) et reçut instruction d’ouvrir la mer aux vaisseaux marchands qui naviguaient de France en Canada. Dans l’un de ces voyages (1694) il se rendit au fort Nelson, à la baie d’Hudson, l’enleva mais y perdit son frère, Louis Le Moyne de Châteauguay, tué durant l’attaque. Louis XIV, en ce moment victorieux partout, offrait la paix à l’Angleterre qui la refusa. M. de Frontenac eut ordre d’agir vigoureusement contre les Iroquois, M. de Villebon de prendre et faire sauter Pemaquid, et les autres commandants d’occuper Terreneuve et la baie d’Hudson. Ce plan fut exécuté à la lettre, l’été de 1696, sauf que d’Iberville, occupé sur les côtes, de Terreneuve à Boston, dut remettre à l’année suivante l’entreprise du nord. Au mois de mai 1697, un autre de ses frères, Le Moyne de Sérigny[1], lui amena de France une escadre avec laquelle il accomplit la plus brillante de ses campagnes[2]. Enfin, le 25 de septembre, la paix fut signée à Ryswick. Louis XIV conservait la baie d’Hudson et ses territoires en Amérique.

La carrière de d’Iberville n’a pas été uniquement militaire. Réduit à déposer les armes, il tourna ses regards vers un autre emploi conforme à ses talents et à son patriotisme. Le mystère qui enveloppait les bouches du Mississipi le tenta. Après avoir promené en vainqueur le pavillon français dans les glaces du nord, il voulut saluer le soleil des tropiques. Hernandez de Soto (1539)[3], Jean Nicolet (1634), Chouart des Groseilliers (1659), Jolliet et Marquette (1673), Cavelier de La Salle (1682) avaient attaché leurs noms au fleuve mystérieux sans parvenir à en compléter la découverte. Rien de grand n’était étranger à d’Iberville. Il savait que ses compatriotes, poussés au delà des lacs par l’esprit d’aventure, se répandaient sur le Wisconsin, le Wabash, l’Illinois, et même sur le Mississipi. Leur ouvrir une porte à l’océan et rendre la France maîtresse de la Louisiane[4], du centre de l’Amérique, et relier le tout au Canada, quel rêve ! Ce fut le sien — il le réalisa. Parti de la Rochelle en septembre 1698, avec deux navires, il releva les côtes de la Floride le 27 février, passa la baie de Mobile, monta en barque avec son frère, Jean-Baptiste LeMoyne de Bienville, M. de Sauvole, enseigne de vaisseau, le père Anastase Douay, récollet, compagnon de La Salle et témoin de sa mort, et quarante-huit hommes ; le troisième jour après avoir quitté ses vaisseaux, il entra dans une rivière (2 mars) dont l’eau était troublée et le lit extrêmement profond. Dix jours plus tard, arrivé au village des Bayagoulas, il eut connaissance de certains articles de vêtement et vit un livre de prières qui avaient appartenu aux gens de La Salle. Au village des Oumas, situé un peu plus haut, il lui fut remis une lettre de Henri de Tonty, datée du village de Quinipissas, le 20 avril 1685, et adressée à La Salle. Ceci acheva de convaincre d’Iberville qu’il était sur le Mississipi. Dans cette lettre Tonty écrivait que suivi de vingt Canadiens et de trente Sauvages, il avait descendu le fleuve pour rejoindre son ancien chef et lui exprimait son chagrin d’avoir été déçu dans son attente. D’Iberville vit aussi une cotte de mailles qu’il conjectura avoir appartenu à la troupe de Soto. À son retour au golfe du Mexique, d’Iberville fit élever un fort dans la baie de Biloxi, entre Mobile et le Mississipi, laissa M. de Sauvole pour y commander et reprit la route de France. Le 1er juillet, Sauvole reçut avec étonnement la visite des missionnaires des Taensas et des Yazous, MM. François-Jolliet de Montigny, vicaire-général du diocèse de Québec, et Antoine Davions[5], tous deux Français[6]. Depuis les voyages de La Salle, les chasseurs canadiens et les coureurs de bois étendaient leurs excursions jusqu’au Mississipi et les missionnaires marchaient sur leurs pas[7]. L’abbé Davions, très aimé des Sauvages, demeura parmi eux plus de trente ans, mais il ne put en engager aucun à embrasser le christianisme.

Il faut croire que la nouvelle de la découverte des bouches du Mississipi n’avait pas tardé à se répandre, car dès la même année (1699) un navire de guerre anglais parut sur le fleuve et ne se retira que par l’intimation énergique de Bienville ; en même temps des Anglais venus de la Caroline, s’avancèrent jusque chez les Chickasas où ils semèrent les germes de la haîne des Français. Deux autres bâtiments, montés par des huguenots tentèrent, la même année, d’aborder en Louisiane, mais les Espagnols, sur lesquels ils comptaient, ne les secondèrent pas. « L’attention des Anglais avait été attirée sur la Louisiane par une espèce de trahison du père Hennepin qui, en dédiant au roi Guillaume III une nouvelle édition de sa Description de la Louisiane, avait invité ce prince protestant à prendre possession du pays et à y faire prêcher l’Évangile aux infidèles. Le roi de France donna ordre d’arrêter ce moine s’il se présentait en Canada[8]

Les archives du conseil souverain de Québec portent, à la date du 12 novembre 1682, cette proposition de Mgr. de Laval : « Il est important de ne point donner d’atténité à l’édit qui défend aux huguenots de s’établir en Canada et surtout de ne point les souffrir en Acadie. » Les protestants français, inquiétés dans le royaume, avaient demandé la permission de se rendre en Amérique, promettant d’y vivre en sujets paisibles à l’ombre du drapeau de leur patrie. « Ils furent refusés, et bientôt les dragonnades passèrent sur leurs cantons, terribles pronostics de la révocation de l’édit de Nantes. Madame de Maintenon, calviniste convertie, devenue secrètement l’épouse de Louis XIV, lui suggéra le moyen cruel d’arracher les enfants à leurs parents pour les élever dans la foi catholique, ce qu’elle n’eût jamais recommandé sans doute si elle eût été mère[9]. » À la révocation de l’édit de Nantes (1685) les malheureux protestants, échappés par l’Allemagne, la Hollande et l’Angleterre, se réfugièrent en grand nombre dans les colonies anglaises, de la Virginie au Massachusetts, où ils fondèrent des villes. Le roi, sollicité de leur permettre de s’établir sur le Mississipi répondit qu’il ne les avait pas expulsés de son royaume pour leur ouvrir ses colonies. Ce refus a donné lieu à des commentaires de la part des historiens. En ce qui regarde le Canada, nous croyons que la mesure fut sage, d’abord parce qu’elle prévint l’introduction d’un élément religieux étranger à ses habitants, ensuite parce que le voisinage des Anglais eut attiré de ce côté les sympathies des colons protestants du Canada. En ne les admettant pas ici, le roi évitait pour l’avenir le risque de dissensions religieuses et maintenait aux frontières la ligne bien tranchée qui nous séparait des sujets de l’autre couronne. Guillaume III, à la tête de régiments de huguenots français, livrant bataille aux généraux du roi de France n’était pas un spectacle encourageant pour les Canadiens. Il faut songer aussi que les huguenots de France appartenaient aux classes du commerce et de l’industrie ; qu’eussent-ils fait parmi nous ? C’était bien le pays du monde le moins préparé pour eux. Le Canada manquait de cultivateurs ; il ne lui fallait que des hommes de cette classe ; il ne cessait d’en demander ; le roi faisait la sourde oreille — allait-il tout à coup nous envoyer des marchands, des manufacturiers, des agents de change, des teinturiers, des passementiers, tous gens impropres au travail de la terre ! Nous avons, certes ! bien des reproches à adresser à Louis XIV, mais il eut mis le comble à son incurie en nous envoyant une population si peu en rapport avec la situation du Canada, et c’eut été aggraver le crime commis par la révocation de l’édit de Nantes.

Nommé chevalier de Saint-Louis et gouverneur de la Louisiane, d’Iberville forma une colonie presque uniquement composée de Canadiens et se présenta le 7 décembre 1699 devant Biloxi où il installa le sieur Dugué de Boisbrillant, Canadien, en qualité de major. Sauvole gardait le commandement de la Louisiane, ayant Le Moyne de Bienville pour lieutenant. Après une visite aux Natchez[10], d’Iberville laissa Sauvole à Biloxi et repassa en France pour demander des secours et surtout la liberté du commerce, sans laquelle, disait-il, la Louisiane ne se peuplerait pas. Le chevalier de Tonty[11] arriva, sur ces entrefaites, des Illinois avec vingt Canadiens, qui tous restèrent en Louisiane. Toujours infatigable, d’Iberville retourna à Mobile, en 1701, avec son frère, LeMoyne de Sérigny, qui commandait l’un de ses trois bâtiments, et construisit un fort en cet endroit. Bienville devenu chef résident par la mort de Sauvole, transporta le personnel et l’outillage de Biloxi à Mobile, qui devint le chef-lieu de la colonie. Juchereau de Saint-Denis, Canadien, qui parlait plusieurs langues sauvages, était le second de Bienville.

Une vingtaine d’Anglais de la province de New-York furent rencontrés en traite aux Illinois vers ce temps. Ils prétendaient que tout le territoire, jusqu’au Mississipi, leur appartenait. Des navires anglais croisaient dans le golfe à la recherche de l’entrée du fleuve.

D’Iberville voulait pour sa colonie des hommes habitués aux travaux des champs, des familles fixées à demeure et groupées en paroisses comme dans le Bas-Canada. Il fit construire des magasins et des casernes sur l’île Dauphine (île au Massacre), étudia le sol du bas Mississipi, se rendit compte des ressources de la contrée, se préoccupa aussi un peu des mines dont tout le monde parlait sans en rien connaître, puis il remit à la voile (1702) épuisé de fatigue et miné par une attaque de fièvre jaune. La guerre venait de recommencer. Il proposa au ministre de détruire les flottes anglaises de Terreneuve et de la Virginie. « Son plan fut agréé, dit M. Garneau, mais lorsque tout fut prêt, le gouvernement employa ailleurs les forces qu’il devait lui donner. D’Iberville conçut un second projet qu’il se préparait à exécuter avec trois vaisseaux de guerre, lorsqu’il retomba malade. À peine rétabli, il offrit au cabinet de Versailles d’aller surprendre la Barbade et d’autres îles occidentales et d’enlever les convois des Anglais dans les mers de l’Amérique. Le gouvernement, liant ce projet à une entreprise qui avait été proposée par le chef d’escadre Ducasse contre la Jamaïque, accorda ce que demandait d’Iberville. Celui-ci parut dans les Antilles en 1706, mais les Anglais ayant appris son dessein, s’étaient mis sur leurs gardes et il ne put rien entreprendre contre la Barbade. Il se rejeta sur l’île de Nevis qu’il enleva ; il y prit trente navires, les uns armés en guerre, les autres chargés de marchandises et fit prisonnier le gouverneur et tous les habitants, y compris plus de sept mille nègres ; la perte des Anglais fut immense. Cette conquête répandit de grandes richesses dans la Martinique, où d’Iberville alla déposer les trophées et le butin. Il remit presque aussitôt à la voile pour aller attaquer les flottes marchandes de la Virginie et de Terreneuve et les côtes des colonies anglaises, depuis la Caroline jusqu’au Massachusetts », mais obligé de relâcher à la Havane, il y succomba, le 9 juillet 1706, à une attaque de fièvre jaune. Sa veuve, passée en France après sa mort, épousa le comte de Béthune, lieutenant-général des armées du roi.

Le gouvernement ne perdait pas de vue la Louisiane. En date du 30 janvier 1704, le ministre écrivait à Bienville : « Sa Majesté envoie vingt filles pour être mariées aux Canadiens et autres qui ont commencé à se faire habitants de la Mobile, afin que cette colonie puisse s’établir solidement. Toutes ces filles sont élevées dans la vertu et la piété et savent travailler[12], ce qui les rendra très utiles à cette colonie en montrant aux filles des sauvages ce qu’elles savent faire. Afin qu’il n’en fût point envoyé que d’une vertu connue et sans reproche, Sa Majesté a chargé l’évêque[13] de Québec de les tirer des endroits qui ne peuvent être soupçonnés d’aucune débauche. Vous aurez soin de les établir le mieux que vous pourrez et de les marier à des hommes capables de les faire subsister avec quelque sorte de commodité. » Cette lettre, dit M. Charles Gayarré, historien de la Louisiane, démontre combien est mal fondée l’impression générale qui admettait comme chose prouvée que dans la première période de la colonisation le gouvernement n’envoyait à la Louisiane que des filles perdues[14], sorties des lieux de prostitution et de tous les réceptacles du vice. Il ajoute : « L’année 1705 fut malheureuse pour les colons. S’il leur arriva de France, dans un vaisseau de cinquante canons, commandé par Decoudray, un surcroît de garnison de soixante-quinze soldats, vingt-trois filles, cinq prêtres, deux sœurs grises, qui devaient être chargées du soin de l’hôpital, et une grande quantité de vivres et de munitions de toute espèce, ils n’en eurent pas moins à souffrir des attaques des Indiens qui leur tuèrent quelque monde, et d’une cruelle épidémie[15] qui leur enleva trente-cinq personnes, ce qui était une perte considérable, vu leur petit nombre. Ils eurent aussi la douleur d’apprendre que les établissements français sur le Ouabache avaient été entièrement détruits par les Indiens, alliés des Anglais[16]. L’année 1706 ne commença pas sous de meilleurs auspices. Les Indiens, surtout les Chactas et les Chickassas, se battaient entre eux avec fureur. Les Français étaient souvent impliqués dans les querelles que faisaient naître les haines héréditaires des sauvages et perdaient quelques-uns des leurs dans les escarmouches qui avaient lieu lorsqu’on s’y attendait le moins. La disette même se fit sentir et Bienville écrivit à ce sujet au ministre : « Les Espagnols n’ont pu nous aider que de blé d’Inde. Les hommes qui sont à la Louisiane s’accoutument à en manger, mais les femmes qui sont pour la plupart parisiennes, en mangent avec peine. Ce qui les fait beaucoup pester contre monseigneur l’évêque de Québec, qui leur avait fait entendre qu’elles seraient dans un pays de promission. Il est venu cinquante hommes[17] du haut du Mississipi avec l’intention de s’établir ici. » Pour comble de malheur les colons, au lieu de s’unir pour résister aux sauvages, et pour combattre la famine qui les menaçait, se querellaient[18] entre eux ; la discorde régnait en souveraine parmi cette poignée d’hommes. M. de La Salle, qui était le commissaire-ordonnateur de la colonie, faisait tout ce qu’il pouvait pour nuire à Bienville, et écrivait au ministre, en date du 7 septembre 1706 : « Iberville, Bienville et Châteaugué[19], les trois frères, sont coupables de toute espèce de méfaits, et sont des voleurs et des fripons qui dilapident les effets de Sa Majesté. »

Le père Gravier, jésuite, s’était décidé à prendre fait et cause pour Bienville, qu’il défendit auprès du ministre par une lettre du 27 février. Dédaignant toutes ces cabales. Bienville ne paraissait en avoir aucun souci observe M. Gayarré, et, rendant compte au ministre de l’état de la colonie, par une dépêche en date du 20 février, il passa sous silence toutes ces intrigues, à l’exception de l’opposition qui lui était fait par M. de La Salle : « Je prends la liberté, monseigneur, de rendre compte à Votre Grandeur de l’état où se trouve à présent la colonie. Nous manquons de vivres, et pourtant il en faut, non-seulement pour ma garnison, mais encore pour les habitants, qui n’ont pas encore fait d’habitations assez grandes pour subsister d’eux-même. Ils me représentent souvent leurs peines de n’avoir ni nègres ni bœufs pour apprêter leurs terres ; que ce pays est très malsain, et qu’ils se trouvent malades dans des temps où ils devraient faire leurs semences. Je leur assure que Votre Grandeur les secourra, et que la guerre seule leur cause tout le mal qu’ils souffrent. L’espérance d’un avenir plus heureux les console. Ce qui est certain c’est que le retardement des vaisseaux destinés pour la Louisiane réduit cette colonie à des extrémités fâcheuses, auxquelles on ne peut remédier que par des dépenses considérables au roi. Le fort que je m’étais proposé de faire aux Chickassas[20] pour m’attacher cette nation, la plus aguerrie de toutes, sera plus longtemps à établir que je ne croyais, et par insuffisance de monde, et par disette de marchandises pour concilier les villages, de manière à assurer la protection du fort. Il est d’une indispensable nécessité de faire des présents aux sauvages, qui sont journellement tentés par les Anglais. Ils nous préfèrent, mais l’intérêt est un mobile si puissant, qu’à la fin ils nous échapperont. J’apprends la mort de M. de Saint-Côme[21], missionnaire des Natchez, qui a été tué en descendant le Mississippi, avec trois Français, par des sauvages de la nation de Tchoumachas établie au sud du Mississippi, à deux journées dans les terres. Cette nation avait déjà tué quatre Français, coureurs de bois, il y a douze ans. On ne se méfiait aucunement d’eux. Tous les sauvages de ce pays sont traîtres. Voilà déjà bien des assassinats, et il y a lieu d’appréhender qu’ils n’en fassent davantage, par le peu d’appréhension qu’ils ont des Français. Ils en ont une si petite idée, que dernièrement les chefs des Chickassas et des Chactas me demandaient, d’un très grand sérieux, s’il y avait bien autant de monde en France qu’ici. Je voulus leur faire concevoir par de fortes comparaisons ce qui en était. Il me fut impossible de le leur faire croire, quoique j’entende parfaitement leur langue. Ils me donnaient pour raison que s’il y avait effectivement autant de monde que je le disais, il en viendrait ici venger la mort des Français, ou bien vous n’avez pas de naturel, me disaient-ils ; il y a six ans que vous êtes ici… au lieu d’augmenter, vous diminuez. Les bons hommes meurent, et il ne vient que des enfants à leur place. Ils ont en effet raison. Des soldats que nous avons, les trois quarts sont trop jeunes et incapables de soutenir les guerres de ce pays ici. Je vous avoue, monseigneur, que je ne sais ce que serait devenue cette colonie, si j’eusse congédié les Canadiens, comme M. Bégon, intendant de Rochefort, me le mandait. Je pourrais le faire, si j’avais cent cinquante bons soldats. Les Canadiens sont des hommes propres à tout, sur lesquels on peut compter ; au lieu que les soldats et matelots qu’on est obligé d’envoyer à la mer désertent à la première terre espagnole, et on se trouve obligé d’en engager à des prix exorbitants pour ramener les bâtiments. Nous n’avons que quarante-cinq soldats maintenant, de cent que nous devrions avoir dans les deux compagnies que le roi entretient dans ce pays-ci. Il faudrait envoyer des hommes plus forts et moins enfants. »

À cet état de choses le ministre opposa comme remède (1708) un commissaire, M. Diron d’Artaguette, dont la charge, moitié civile et moitié militaire, correspondait à peu près à celle des intendants du Canada. Malheureusement, d’Iberville n’étant plus, et son pareil ne devait pas se retrouver.

« Louis XIV, dit M. Rameau, méprisait les opérations lentes et d’apparence mesquine, tandis que les mirages de la grandeur l’éblouissaient trop aisément ; avec l’argent qui fut dépensé presque sans fruit pour la Louisiane, de 1683 à 1706, il eût été facile de pousser le peuplement du Canada et de l’Acadie, de manière à compter trente mille âmes dans le premier pays, et trois ou quatre mille dans le second ; en accroissant en même temps le chiffre des garnisons, non-seulement toutes les colonies anglaises eussent été tenues en échec, mais peut-être en eût-on conquis une portion. Quant à la Louisiane, on l’eût ensuite occupée en son temps et par surcroit, puisque la France eût alors dominé sans conteste tout le nord de l’Amérique ! Mais c’est en vain que les réclamations les plus pressantes et les mieux fondées étaient adressées à la cour à ce sujet : « Lorsque je compare la fin des guerres de l’Europe depuis cinquante ans, et les progrès que dans dix ans l’on peut faire ici, non-seulement mon devoir m’oblige, mais il me presse d’en parler hardiment !… La France peut en dix ans et à moins de frais s’assurer en Amérique plus de puissance réelle que ne sauraient lui en procurer toutes ses guerres d’Europe. » Ainsi écrivait en 1663 M. d’Avaugour, gouverneur du Canada. Ne semble-t-il pas que cet honnête homme ait eu alors une vision de l’avenir !

« M. de Callières, MM. de Frontenac et d’Iberville, ajoute M. Garneau, demandèrent successivement et inutilement pour le Canada des renforts bien médiocres, qui à cette époque eussent assuré pour toujours la suprématie de la France en Amérique ; d’Iberville, qui avait fait ses preuves, sollicitait la plus faible assistance pour conquérir New-York. On préféra dépenser cinq fois davantage et lui donner le commandement de l’expédition de la Louisiane. »

Personne n’a étudié l’histoire de cette dernière contrée avec le talent de M. Charles Gayarré, lequel descend par sa mère d’une famille canadienne, les Boucher de Grand Pré, établie en Louisiane avec Bienville. Nous lui laissons de nouveau la parole : « Le 25 février 1708, M. de Bienville ayant appris que M. de Muys[22], qui venait pour le remplacer, était mort à la Havane, écrivit au ministre pour lui donner connaissance de cet événement. M. Diron d’Artaguette, que l’on avait adjoint comme commissaire-ordonnateur à M. de Muys, en remplacement de M. de La Salle, destitué, avait été plus heureux que son compagnon de voyage et était arrivé sain et sauf à la Louisiane. M. de Bienville, étant officiellement informé qu’il avait été porté plusieurs plaintes contre lui et que M. de Muys avait eu l’ordre d’en prendre connaissance, pria M. d’Artaguette, vu la mort de M. de Muys, de s’informer auprès des habitants des faits qui avaient été avancés contre lui et qu’il assurait être faux, attendu qu’il n’avait jamais eu d’autre but que de servir fidèlement Sa Majesté. M. de Bienville, dans la lettre qu’il adresse au ministre, en date du 25 février, pour lui annoncer la demande qu’il a faite à M. d’Artaguette, termine en disant, non sans quelque amertume : « qu’il n’a pu savoir du sieur d’Artaguette la nature des plaintes portées contre lui, le sieur d’Artaguette lui ayant répondu qu’il avait ordre du gouvernement de ne les point communiquer, et que par conséquent, lui, Bienville, se trouve dans la dure nécessité de ne pouvoir se justifier. » Bienville avait certainement raison de se plaindre de cette manière ténébreuse et inquisitoriale de procéder contre lui, laquelle était si contraire aux principes les plus vulgaires de justice et d’équité. Mais le rapport de d’Artaguette, fait le 26 février, fut loin de lui être défavorable. Ce rapport annonçait au ministre que toutes les accusations portées contre Bienville étaient de misérables calomnies. Le major Boisbriant y joignit une attestation confirmant les conclusions de d’Artaguette. Mais M. de Lasalle, qui avait été destitué en même temps que Bienville, ne se tint pas pour battu, et, renouvelant ses accusations, affirma que d’Artaguette ne devait pas être cru concernant M. de Bienville, attendu qu’il s’entendait avec lui et que l’un ne valait pas mieux que l’autre. Non content d’attaquer avec violence Bienville et d’Artaguette, c’est-à-dire l’accusé et le juge d’enquête, il dénonça au ministre le chirurgien de la colonie, nommé Barrot, et le flétrit des titres d’ignorant et de voleur qui vend à son profit les remèdes du roi. La colonie pendant que ses chefs luttaient ainsi de haine et d’hostilité, ne pouvait guère prospérer. Voici quel en était l’état, en août 1708, d’après l’exposé suivant, envoyé en France par l’ex-commissaire-ordonnateur, M. de La Salle : — Garnison : 14 officiers-majors, compris un garde-marine servant de commandant ; 76 soldats, compris quatre officiers-soldats ; 13 matelots, compris quatre officiers-mariniers ; 2 Canadiens, servant de commis dans les magasins par les ordres de M. de Bienville, commandant ; 1 maître valet aux magasins ; 3 prêtres, compris un curé ; 6 ouvriers ; 1 Canadien, servant d’interprète ; 6 mousses, tant pour apprendre les langues sauvages que pour servir en mer et à terre les ouvriers. Total, 122. — Habitants : 24 habitants, qui n’ont aucunes concessions de terre assurées, ce qui empêche la plupart d’ouvrir des habitations ; 28 femmes, 25 enfants ; 80 esclaves, tant sauvages que sauvagesses, de différentes nations. Total, 157. Total général 279 — dont six malades. Plus, 60 Canadiens errants, qui sont dans les villages sauvages situés le long du fleuve du Mississipi, sans permission d’aucun gouverneur et qui détruisent, par leur mauvaise vie libertine avec les sauvagesses, tout ce que messieurs des Missions-Étrangères et autres leur enseignent sur les mystères de la religion. — Bestiaux : 50 vaches à lait, 40 veaux, 4 taureaux, 8 bœufs, dont 4 appartenant au roi. 1400 cochons et truies, 2000 poules ou environ. »

« On verra que la colonie avait fait quelques progrès, si l’on consulte une autre note officielle sur l’état de la colonie, datée du 30 avril 1704, antérieure de quatre ans à la précédente. Elle est ainsi conçue : 180 hommes portant les armes ; 2 familles françaises, qui n’ont que 3 petites filles et 7 jeunes garçons de 1 à 10 ans ; 6 jeunes sauvages, esclaves, de 15 à 20 ans ; un peu de terre défrichée aux environs du fort Louis ; 80 maisons de bois à un étage couvertes en lataniers et en paille ; 9 bœufs, dont 5 appartenant au roi ; 14 vaches ; 4 taureaux, dont 1 au roi ; 6 veaux ; 100 cochons ; 3 cabris ; 400 poules. »

« Il est à remarquer qu’au moment où M. de La Salle représente, en 1708, les colons de la Louisiane, au nombre de 279 personnes, comme propriétaires de 1400 cochons et truies, 2000 poules, et une centaine de bêtes à cornes, M. de Bienville informait son gouvernement que les habitants mouraient de faim, et qu’ils étaient presque tous nus, parce qu’on ne recevait pas de marchandises de France. Il est difficile de découvrir la vérité au travers de toutes ces versions contradictoires, mais ce qui paraîtra toujours inexplicable, à quiconque connaît la la facilité avec laquelle il pouvait ensemencer le sol de la colonie, et les prodigieuses ressources que devait offrir le pays en fait de chasse et de pêche, c’est que près de trois cents habitants européens, avec tout le savoir-faire qu’ils avaient dû apporter de ce foyer de haute civilisation qu’ils venaient de laisser, avec toutes les ressources dont les avait pourvus et dont les pourvoyait encore le gouvernement qui les avait envoyés, ne pouvaient subsister à la Louisiane, et étaient tellement dépendants, pour leur nourriture, de Saint-Domingue, des autres îles voisines et de France, que leur gouverneur était réduit à écrire que la colonie, après huit ans d’existence, était dans un si grand état de détresse, que les habitants mouraient de faim ! Pour que ce tableau ne fût pas exagéré, il aurait fallu que les colons eussent été inférieurs aux sauvages en intelligence et en industrie. La vérité est qu’ils n’étaient nullement venus dans l’intention de cultiver la terre, mais dans l’espoir de s’enrichir subitement par la découverte de mines précieuses et par la pêche des perles. Ils s’étaient habitués à l’idée que, pendant qu’ils se livreraient à ces recherches, qui flattaient leur imagination, leur paresse et leur cupidité, le gouvernement fournirait à tous leurs besoins. De là leur obstination à ne pas se suffire à eux-mêmes, et les disettes continuelles qui étaient la conséquence d’une pareille incurie.

« Bienville qui, depuis la mort de M. de Muys, et malgré sa destitution, gouvernait la colonie par intérim, avait trop de sens et de capacité pour ne pas voir qu’elle ne pouvait prospérer tant qu’on ne se livrerait pas à la culture des terres. Mais les blancs qu’il avait sous ses ordres ne voulaient pas travailler, et les sauvages que l’on avait cherché à réduire en esclavage n’était guère d’aucune utilité. On ne pouvait leur persuader de prendre des habitudes de travail ; à la moindre apparence de coercition, ils s’enfuyaient dans les bois. Aussi, afin d’y obvier, Bienville, dans une dépêche adressée au ministre, en date du 12 octobre (1708), proposait d’échanger des sauvages pour des noirs avec les habitants des îles. « On donnera, disait-il, trois sauvages pour deux nègres. Les sauvages, dans les îles, ne pourraient pas fuir, étant dépaysés, et les noirs ne pourraient aller marrons à la Louisiane, parce que les sauvages les tueraient. » Il ajoutait : « J’ai ordonné de veiller sur plusieurs habitants de la Rochelle qui sont dans le dessein de sortir du pays. Ce sont des gens qui ont amassé du bien en tenant cabaret. Par conséquent, il serait, ce me semble, juste de les obliger à rester. » La logique de ce raisonnement est plus que contestable, et cet acte de despotisme ne pouvait avoir que de fâcheuses conséquences pour la colonie. Ce n’était guère le moyen d’attirer des colons, que de proclamer au monde que la Louisiane était une prison, dont les portes se fermaient sur tous ceux qui y entraient et ne s’ouvraient que difficilement pour ceux qui voulaient en sortir. La demande faite par Bienville au sujet de l’échange des sauvages pour des nègres fut soumise à M. Robert, un des chefs de bureau du ministre de la marine, lequel répondit par cette note, en date du 26 novembre : « J’ai examiné la proposition de M. de Bienville, appuyée par M. d’Artaguette, de faciliter aux habitants des îles les moyens d’échanger des nègres contre des sauvages. Cet échange ne peut se faire. Les habitants des îles qui ont de bons nègres les gardent. Le seul moyen d’avoir des nègres, dont le service est en effet fort utile, est de les faire venir de la côte de Guinée ou de les acheter de ceux qui les y vont chercher. » Le sieur de La Salle, depuis sa destitution, n’en était pas moins resté dans la colonie ; bien qu’il ne fut plus revêtu d’aucun caractère officiel, il ne s’en occupait pas moins des affaires de la colonie, et ne se faisait pas faute d’envoyer dépêche sur dépêche au ministre. Dans celle du 12 mai, il demande qu’il soit envoyé trente filles, pour empêcher par des mariages les désordres et les débauches qui se commettent avec les sauvagesses. « Cela, dit-il, retiendrait un nombre de voyageurs qui ne s’amusent guère qu’à aller chercher des esclaves chez tous les sauvages de la Louisiane qui, par cette raison, sont animés contre nous ; outre que plusieurs de ces libertins se font assommer, ce dont on ne peut tirer vengeance, ce qui fait mépriser la nation par ces sauvages. Le nommé La Barre, Canadien, vient d’être assassiné par deux sauvages et une sauvagesse qu’il amenait pour vendre. Il faudrait des nègres. »

« L’année 1710 arriva, sans apporter aucune modification à l’état de détresse dans lequel végétait la colonie, car Bienville fut forcé d’annoncer au gouvernement la mauvaise nouvelle : « qu’il était dans une si extrême pénurie de vivres, qu’il avait été obligé de donner la plus grande partie de ses hommes à nourrir aux sauvages. » Le gouvernement français, croyant sans doute que la non prospérité de la colonie tenait à la mauvaise administration du gouverneur, nomma pour le remplacer, en date du 5 mai 1710, M. de Lamothe-Cadillac, qui fut chargé, concurremment avec M. d’Artaguette, d’examiner les comptes de M. de La Salle, et les plaintes contre M. de Bienville. On ne pouvait guère faire un choix moins judicieux, comme on le verra par la suite. »[23]

La guerre qui sévissait toujours en Europe permettait aux corsaires d’attaquer les bâtiments marchands et d’opérer des descentes sur les côtes. Ces maux s’ajoutèrent à ceux dont souffrait la Louisiane. En 1711, l’île Dauphine fut ravagée. L’année suivante, d’Artaguette passa en France et soumit le rapport que voici : « Les soldats désertent aux Anglais de la Caroline. Ils auraient déserté chez les sauvages, si ceux-ci n’avaient eu ordre de les arrêter et de nous les conduire. Les habitants languissent. Ils sont en petit nombre, et ne peuvent rien entreprendre de considérable. D’ailleurs, leurs femmes les ruinent par le luxe. Ils sont naturellement paresseux. Ils n’ont fui le Canada que pour le libertinage et l’oisiveté. Il s’y trouve vingt-huit familles. De celles qui s’attachent à l’agriculture des terres, il n’y en a que dix ou douze. Le reste sont des marchands, des cabaretiers ou des ouvriers. Il est nécessaire d’envoyer des filles et des laboureurs. Je suis persuadé que, lorsqu’on enverra dans le pays des gens qui se connaissent en minéraux on trouvera facilement des mines. »

C’est en effet cette découverte de riches minéraux qui préoccupait tous les esprits, et qui faisait que treize ans après la fondation de la colonie, on n’y comptait encore que dix ou douze personnes qui songeassent à ensemencer la terre.


  1. Les d’Hozier, juges d’armes de la noblesse de France, portaient le surnom de Sérigny.
  2. Voir Garneau : Histoire du Canada, I, 368-371.
  3. Onze ans avant de Soto, un autre Espagnol, Alvar Nunez Cabeça de Vaca, avait eu connaissance du Mississipi qu’il traversa près de Memphis, dans le Tennessee.
  4. Le 10 juin 1679, dans l’acte de concession de l’île de Belle-Isle à François Daupin, sieur de la Forest, signé par Cavelier de La Salle, ce dernier mentionne le voyage qu’il va faire « pour la découverte de la Louiziane. » — (Harrisse : Bibliographie, p. 151).
  5. Le fort Adams, situé entre Saint-Francisville et Natchez, est bâti sur la « roche à Davion », ainsi nommée en mémoire de ce missionnaire, qui y demeura longtemps.
  6. Ils étaient passés aux Illinois, l’hiver de 1698-99, venant du Canada. (Carayon Premières Missions, p. 267).
  7. De 1690 à 1699, quatre jésuites s’étaient fixés aux Illinois : le père Hugues Pinet à Cahokias, en 1690 ; le père Jacques-Gabriel Gravier en 1693 au fort Saint-Louis abandonné ; puis les pères Julien Binneteau et Pierre-Gabriel Marest. (Carayon : Premières Missions, pp. 263-276 ; Ferland : Cours d’histoire, II, 344. Tanguay : Répertoire, p. 42 ; Harrisse : Bibliographie, p. 349).
  8. Garneau : Histoire du Canada, II, 22.
  9. Garneau ; Histoire du Canada, I, 268.
  10. D’Iberville voulait fonder en cet endroit une ville, sous le nom de Rosalie, en l’honneur de madame de Pontchartrain, femme du ministre. Ce projet s’exécuta en 1712.
  11. En 1686 Henry de Tonty visita Montréal ; il en repartit le 15 août pour le fort Saint-Louis des Illinois. En 1687 à la guerre dans les cantons iroquois, il commandait une compagnie de Canadiens. Le 16 avril 1689 il était au fort Crèvecœur. En 1692, sept compagnies des troupes ayant été réformées, la sienne fut du nombre. En 1693, il partit du fort Saint-Louis pour le Canada ; se plaignit de n’avoir pas touché sa paie depuis sept ans ; reçut permission d’occuper le fort Saint-Louis avec M. de la Forêt ; tous deux étaient créanciers de La Salle. En 1696, on leur continua le même privilége à condition de ne pas faire la traite du castor. Delietto, parent de Tonty était au fort Saint-Louis. En 1700 Tonty dressa une carte du Mississipi, des Illinois au golfe du Mexique. La même année, il reçut ordre de faire repartir pour le Canada une centaine de Canadiens établis aux Illinois, mais la plupart et Tonty tout le premier étaient déjà passés à la Louisiane. Il arriva aux Bayagoulas le 16 janvier (1700), visita avec d’Iberville, la rivière de la Sablonnière et devint bientôt très utile à la colonie naissante.
  12. Il y a apparence qu’elles ne connaissaient rien des travaux de la campagne. Trente-six ans auparavant, des filles de cette classe, bien que d’une bonne conduite et industrieuses, avaient eu de la peine à se placer dans le Bas-Canada.
  13. Mgr de Saint-Valier était alors en France. Comme les colons du Mississipi et de la Louisiane sortaient pour la plupart du Canada, on rattachait ces pays au diocèse de Québec, de même qu’autrefois (avant 1659) le Canada relevait de l’évêché de Rouen parce que ses colons étaient en majorité Normands.
  14. Il en est de cette question, en Louisiane, en Acadie et en Canada, comme de celle du métissage : Pour une fille de mœurs douteuses, on implique toutes les filles du pays ; pour un mariage mixte, on ne voit partout que des demi-sangs.
  15. Vers la fin de septembre 1704, plusieurs personnes moururent de la peste, entre autres Henry de Tonty et un officier canadien du nom de Levasseur.
  16. Depuis 1696 au moins, les Anglais se rapprochaient de l’ouest avec plus de rapidité que jamais, et, chose singulière, depuis ce moment le gouvernement de Versailles insistait auprès des Canadiens pour qu’ils se retirassent de ces contrées.
  17. Évidemment des Canadiens. À cette époque les coureurs de bois, et tous ceux qui abandonnaient le Bas-Canada pour aller vivre au delà des lacs, étaient plus nombreux que jamais.
  18. La division était entre Français et Canadiens.
  19. Antoine LeMoyne de Châteauguay qui, vers 1720, fut gouverneur de Cayenne.
  20. Ces sauvages jouèrent en Louisiane le rôle des Iroquois en Canada, se montrant plus hostiles aux Français qu’aux Anglais.
  21. Jean-François Buisson ou Bisson de Saint-Côme, Canadien. Il s’était rendu à la Louisiane, en 1703, avec trois hommes.
  22. Nicolas Daneaux de Muy, capitaine aux troupes dites de la marine ; marié deux fois : à Marguerite Boucher et à Catherine d’Ailleboust, Canadiennes. (Voir le présent ouvrage, v. 119).
  23. Sur Lamothe-Cadillac, voir Revue Canadienne de 1882, p. 680 ; 1883, p. 14, 406.