Histoire des doctrines économiques/2-7

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CHAPITRE VII

L’ÉCONOMIE POLITIQUE NATIONALE

Ce que nous venons de dire paraît bien justifier le reproche maintes fois adressé à l’école libérale anglaise de n’avoir fait qu’une place trop étroite à l’idée de nationalité et d’avoir cru trop facilement que des enrichissements individuels, procurés par un régime à peu près absolu de liberté économique, doivent amener fatalement la grandeur et la prospérité de là nation tout entière. Le reproche était sans doute injuste avec Adam Smith ; mais il est difficile de contester que l’école de Manchester le mérite ; quant à la théorie de Stuart Mill, elle mettait le principal avantage du libre-échange du côté des nations manufacturières, en sacrifiant les nations agricoles[1].

Une réaction était donc inévitable. On l’attribue à Frédéric List ; on lui fait même gloire d’avoir fondé l’économie politique « nationale », que l’on pourrait tout aussi bien appeler le « nationalisme économique ». Mais quelque influence qu’il ait eue sur l’opinion et quelque part qu’il ait prise de fort loin au nouveau mouvement protectionniste qui s’est manifesté en Europe et en Amérique au cours des trente dernières années, il faut bien reconnaître que List a eu des précurseurs, et que ces précurseurs — qui ne sont point les mercantilistes des XVIIe et XVIIIe siècles — ont contribué puissamment à lui inspirer ses doctrines.

D’abord en Allemagne l’idée d’une économie politique nationale était apparue dès 1809, avec les Elemente der Staatskunst d’Adam Müller[2]. D’après Müller, la doctrine de Smith et l’économie politique moderne ne sont rien de plus qu’une théorie de propriété particulière et d’intérêts privés ; elles ne tiennent nul compte de la vie du peuple comme d’un tout dans sa solidarité nationale et dans la continuité de son histoire ; on y donne à peine une pensée à l’entretien d’une production collective pour les générations futures, ainsi qu’aux forces, aux professions et aux jouissances de l’intelligence. Pour le continent européen, il faut un système tout différent : c’est le souci de la vraie richesse de la nation, c’est le souci de la production et de la puissance nationale qui doit prédominer, au lieu du souci de la somme des richesses privées des individus. Et le capital intellectuel et moral doit faire l’objet de cette étude, aussi bien que le capital physique[3]. N’est-ce point prêter toutefois à Müller des idées qui ne sont ni de lui, ni de son temps[4] ?

Mais il ne semble point que List ait pris ses inspirations en Allemagne. Elles lui viennent vraisemblablement d’Amérique, peut-être d’Hamilton et à peu près certainement de Daniel Raymond, qui lui-même avait connu l’Anglais Lauderdale. Un mot donc sur Hamilton d’abord, puis sur Lauderdale, avant que nous abordions Raymond.

Alexandre Hamilton (1757-1804) avait été aide de camp de Washington, puis avocat à New-York, et premier lord de la trésorerie fédérale entre 1789 et 1795. Ce serait son « Rapport sur l’industrie manufacturière et sur la protection qu’elle a besoin de recevoir », que List aurait connu et médité[5].

En Angleterre, l’idée d’une richesse nationale distincte de la richesse privée se trouve exprimée par lord Lauderdale[6] dans ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse publique et sur les moyens et les causes de son accroissement (1804). Lauderdale cherchait surtout à combattre Adam Smith : le titre seul qu’il donnait à son ouvrage et qui était calqué, à quelques mots près, sur le titre adopté par Smith, suffirait à faire pressentir chez lui cette constante intention.

D’après Lauderdale, la richesse privée « consiste en tout ce que l’homme désire comme agréable ou utile pour lui-même et qui n’existe qu’en un certain degré de rareté ». La richesse publique consiste bien aussi « en tout ce que l’homme désire comme agréable ou utile pour lui[7] » : mais l’élément de rareté, qui fait partie du concept de richesse privée, ne fait pas partie du concept de richesse publique. Lauderdale cependant n’a pas encore l’idée de nation et d’économie politique nationale : comme le dira Daniel Raymond, « quoique lord Lauderdale ait conçu une vague notion de la différence entre la richesse privée et la richesse publique, il n’a su tenir compte ni de l’unité de la nation, ni de l’unité de ses intérêts qui en est la conséquence. Il n’a pas réussi à établir la distinction qu’il avait imparfaitement entrevue[8]. »

Aussi Daniel Raymond (1786-1849) serait-il un inspirateur beaucoup plus immédiat et plus probable de List. Originaire du Connecticut et avocat à Baltimore, Raymond publia en 1820 ses Thoughts on political economy[9], qui eurent un grand retentissement en Amérique et qui lui valurent, de la part de Mathieu Carey, père du grand économiste, l’offre d’une chaire à l’Université du Maryland, pour laquelle Carey aurait versé 500 dollars chaque année. Il est juste de dire que Raymond est tout à fait inconnu en Europe[10].

On doit à Daniel Raymond quatre propositions qui vont être la base de la doctrine de List :

1° La distinction de la richesse nationale et de la richesse privée. Raymond convient qu’il a puisé dans Lauderdale l’idée de cette distinction ; mais la définition qu’il donne de l’une et de l’autre richesses, est entièrement différente de la définition de Lauderdale.

Pour Raymond, tandis que la richesse individuelle consiste en « commodités », tandis qu’elle est caractérisée par le pouvoir d’échange et qu’elle se mesure par les valeurs, la richesse nationale, au contraire, consiste dans, la capacité d’acquérir par le travail les choses agréables ou nécessaires à la vie[11]. Elle est donc faite de force, de pouvoir de travail, au lieu d’être faite de biens objectivement estimés. Ajoutons que les mouvements de ces deux richesses ne sont pas parallèles ;

2° Le caractère d’unité économique que possède la nation. Adam Smith et son école parlaient de richesses en un sens général et cosmopolite ; ils faisaient abstraction de frontières. Raymond ne les suit pas ; et partant de là, tout en admettant qu’une nation doive acheter au dehors des objets qu’elle ne pourrait pas fabriquer au dedans à un prix aussi bas, il aboutit à la nécessité d’un régime protecteur par la nécessité de mettre ou de maintenir en une activité continuelle les forces nationales de production[12] ;

3° La distinction de l’économie politique et de l’économie privée. L’économie politique n’a pas à étudier comment les valeurs sont créées et acquises — ce serait de l’économie individuelle ou privée ; — elle a à étudier comment le gouvernement assure le plus grand bien-être de toute la collectivité nationale ;

4° La distinction du travail productif et du travail permanent. Le travail permanent est celui qui a pour but d’élargir les limites de la connaissance et d’augmenter la capacité d’acquérir les choses nécessaires ou confortables, tandis que le travail productif a pour but de produire des richesses en vue de leur consommation.

Frédéric List, dont nous devons nous occuper maintenant, eut précisément, dans sa vie fort agitée, le moyen de connaître l’œuvre de Raymond, quoiqu’on ne puisse pas prouver directement qu’il l’ait connue[13].

Né en 1789 à Reutlingen en Wurtemberg, List était le fils d’un tanneur. Il débuta comme Steuer-und-Güterbuch-commissar (ou employé du cadastre). En 1817, il fut nommé professeur de Staatspraxis (ou droit administratif et politique) à l’Université de Tübingen. Il fonde alors, avec un petit groupe de négociants, le Handelsverein ou « Union du commerce », pour demander la suppression des douanes entre les États de la Confédération germanique et pour faire reporter les barrières aux frontières même de la Confédération. Il quitte sa chaire en 1819 pour être plus libre, se met à parcourir l’Allemagne pour y semer ses idées, est élu député, invalidé, puis réélu, en même temps que ses manœuvres en vue de réformes libérales à obtenir le font traiter de démagogue. Condamné de ce chef, en 1820, à dix ans de forteresse, il s’échappe et habite successivement Strasbourg, Paris, Londres et la Suisse. Mais un retour imprudent sur le territoire wurtembergeois le fait emprisonner à deux reprises successives. Finalement il est mis en liberté en 1825, sous la promesse de se rendre en Amérique. Là, il accompagne La Fayette dans son voyage triomphal à travers les États-Unis ; il lance des affaires de mines de houille et amasse rapidement une jolie fortune. Son premier livre, les Outlines of an American political economy ou Esquisses d’une économie politique américaine, paru en 1827, est un manifeste protectionniste dirigé contre la suprématie commerciale de l’Angleterre. List y montre une très remarquable intuition du rôle économique que les chemins de fer pouvaient être appelés à jouer. C’est dans ce séjour aux États-Unis que List aurait connu l’ouvrage de Raymond, publié dès 1820. Après un premier retour en Europe, à la fin de 1830, avec mission officielle de négocier un traité de commerce entre la France et les États-Unis, et après un second voyage en Amérique en 1831-1832, List revient définitivement en Allemagne, d’abord à Hambourg, puis à Leipzig à dater de 1833.

Doué d’une activité infatigable, il mène une vive, campagne pour la construction des chemins de fer. Il est à ce titre un des principaux promoteurs du Leipsig-Dresdener, qui est une des plus anciennes lignes de l’Europe continentale. Il essaie même, au cours de voyages en France et en Belgique, de créer une agitation semblable pour activer la construction de notre réseau français. Sa grande œuvre, le Système national de l’économie politique, paraît en 1841. Puis malade, ruiné, aigri par l’impuissance de ses efforts et fatigué par l’éternelle agitation de son esprit, il se tue à Kufstein, en 1846, après un dernier voyage en Angleterre où il s’était flatté de faire accepter ses idées par les Anglais, qu’il n’avait jamais cessé de combattre, en Allemagne aussi bien qu’en Amérique.

List, peu connu et peu estimé en France, est un des hommes qui ont eu l’action la plus-puissante sur les transformations politiques et douanières de l’Allemagne. Son nom, à ce titre, peut être associé de loin à celui du prince de Bismarck. Il a concouru à la formation de l’unité politique de l’Allemagne, d’un côté, par son ardente campagne en faveur du Zollverein, d’un autre côté par sa théorie des nationalités considérées comme unités économiques, puisqu’il est certain que l’unité politique est le plus sûr acheminement à l’unité économique d’une contrée[14]. Il est également permis de penser que List a contribué quelque peu au développement économique de l’Allemagne, qui, de 30 millions d’habitants qu’elle renfermait lors du retour de List en Europe, a passé à 64 millions maintenant et est devenu le plus redoutable des concurrents commerciaux de l’Angleterre. Il n’y a donc pas que de l’exagération et de l’enthousiasme dans les éloges qu’Eheberg, son biographe, décerne à son œuvre[15].

Le Système national de l’économie politique devait avoir trois volumes. Un seul existe, celui qui fut publié en 1841 et qui est consacré exclusivement au commerce international.

List, aux premières lignes de son introduction, manifeste l’étonnement qu’il éprouve des perpétuelles contradictions : entre les hommes de théorie, qui sont libre-échangistes, et les hommes d’affaires, qui sont protectionnistes. Son étonnement redouble quand il observe que l’expérience donne raison au libre-échange des Anglais et au protectionnisme des Russes, mais tort au libre-échange des Américains. Eh bien, dit-il, tout le monde à tort, parce que tout le monde juge d’une manière absolue ce qui doit être seulement jugé d’une manière relative. « La pratique, dit-il, commet la grave erreur d’affirmer l’utilité et la nécessité absolue et générale des restrictions, parce que ces restrictions ont été utiles et nécessaires dans certaines nations et dans certaines périodes de leur développement… Au contraire, la théorie dominante, comme elle a été imaginée par Quesnay et développée par Adam Smith, donne une attention exclusive aux exigences cosmopolites de l’avenir, et encore ne s’agit-il ici que de l’avenir le plus éloigné[16]. »

Des quatre livres (qui sont consacrés : 1° à l’histoire ; 2° à la théorie ; 3° aux systèmes ; 4° à la politique), c’est le deuxième qui est le plus important, et c’est de lui que nous dégagerons les idées principales de l’auteur. Nous avouons du reste très volontiers que l’œuvre est diffuse, pleine de répétitions et de longueurs.

Jusqu’ici, dit List, on a fait tantôt de l’économie universelle ou cosmopolitique, tantôt de l’économie domestique ou privée.

Les classiques parlent de l’humanité en général. Le recueil des œuvres de Quesnay — ou « Physiocratie » — a pour titre : « Du gouvernement le plus avantageux au genre humain » ; Adam Smith se propose de traiter de la « richesse des nations », comme si les règles devaient être uniformes pour tous les peuples ; J.-B. Say prétend que « l’on doit s’imaginer une République universelle, pour trouver bien claire l’idée générale du commerce » ; Sismondi, enfin, définit l’économie politique « la science qui se charge du bonheur de l’espèce humaine ». On arrivera peut-être à la fédération universelle des peuples, mais on n’y est pas, et c’est pour le présent, cependant, que l’on doit légiférer[17].

D’autre part, les classiques s’occupent beaucoup plus de la manière dont les individus produisent, échangent, répartissent et consomment, qu’ils ne s’occupent de la richesse des nations en tant que nations. Cette critique avait été déjà maintes fois formulée par Raymond[18]. List remarque qu’Adam Smith partait bien de l’idée de nation, puisqu’il intitulait son livre « Richesse des nations » et puisque les premières lignes y présentaient le « travail annuel d’une nation » comme la source de ses richesses ; mais Smith quittait immédiatement cette voie, et, sauf certains passages comme ceux, qui concernent l’acte de navigation, les droits éducateurs et les industries ; nécessaires à la sécurité et à l’indépendance nationales » Smith ne traitait plus ensuite que des particuliers et de leurs intérêts privés.

List distingue ainsi trois degrés ou trois formes d’économies : 1° l’économie individuelle, privée ou domestique ; 2° l’économie nationale ; 3° l’économie universelle, cosmopolitique ou humanitaire[19].

Or, cette division tripartite implique, comme déjà admises, trois propositions qui lui serviraient de bases : à savoir : 1° que des nations existant comme unités, économiques et morales ; 2° que les intérêts des nations envisagées sous cet aspect ne sont pas identiques aux intérêts immédiats de leurs membres ; 3° que la richesse des nations consiste en autre chose que la richesse des individus qui les composent.

C’est encore dans Raymond que List a pu puiser l’idée de l’unité de la nation ; en tout cas, List avait exprimé cette idée dans ses Outlines, dès avant son retour de l’Amérique[20].

Mais cette idée est-elle juste en soi ? Nous le croyons pour notre part : et il nous semble que si l’on veut ne pas voir dans les sociétés publiques ou civiles autre chose que le total des existences individuelles, on ne pourra jamais expliquer et justifier certains phénomènes ou certains droits des formes sociales, tels que le droit de guerre avec toutes ses conséquences et tels que le droit de justice exercé par la société sur ses membres et poussé par elle jusqu’à la peine de mort.

Comme le dit encore List, on ne doit pas confondre les intérêts immédiats des individus avec les intérêts permanents de la nation. List peut avoir tort de voir une preuve de cette distinction dans les mesures préventives que les lois édictent contre les actes moralement répréhensibles des individus[21], puisque ces actes ne sont pas plus conformes à l’intérêt individuel sainement entendu qu’ils ne sont conformes à l’intérêt social : mais la distinction des deux ordres d’intérêts n’en est pas moins juste, et il n’y a qu’elle qui puisse justifier, par exemple, des obligations militaires dont l’accomplissement, procurant le salut de la nation, impose cependant à l’individu le sacrifice de sa liberté, de son bien-être et même de sa vie.

Il est vrai que Smith avait bien entrevu le rôle de l’État comme défenseur de la nationalité[22] ; mais il n’avait pas approfondi, au point de vue économique, cette différence entre les intérêts de la nation, qui sont permanents non moins que généraux, et les intérêts privés, qui sont immédiats ou très prochains non moins qu’individuels. Un contraste profond cependant sépare les uns et les autres : c’est que la nation doit survivre à l’individu et que sa fin est bien plus reculée que ne saurait être la fin terrestre de chaque homme.

Il y a là une lacune véritable dans le système économique classique, que ses maîtres ont beaucoup trop réduit à n’être qu’une chrématistique pure ou une simple science des richesses. Ce qu’ils en ont dit est généralement vrai : mais ce qu’ils en ont dit n’est pas la condition unique et suffisante de la prospérité, même matérielle, des sociétés. Il faut songer aux générations qui grandissent et songer même à celles qui ne sont pas nées encore.

Bien plus, ce souci de l’avenir, l’État ne doit pas être seul à le porter. Entre l’État et l’individu, une place est due à la famille. Donc, à cet égard, il y a un rapprochement à faire entre la nation et la famille, entre l’économie nationale et l’économie domestique. Voilà aussi pourquoi les nations où les résultats lointains, c’est-à-dire, les intérêts véritablement nationaux, sont le moins sacrifiés aux jouissances immédiates, sont précisément celles où la famille est le plus respectée, celles où son chef porte le plus loin le souci de sa descendance. Voilà pourquoi, du même coup, toutes les législations qui — comme la nôtre actuellement en France — corrompent les mœurs, dissolvent l’union domestique, affaiblissent la puissance paternelle et provoquent aux jouissances égoïstes du présent, voilà pourquoi, disons-nous, toutes ces législations commettent un crime contre la sécurité et la perpétuité même de l’être national.

Or, cette opposition possible ou tout au moins cette distinction de l’intérêt national et des intérêts privés avait été, avant List, fort bien précisée par Raymond[23].

Ce qui est plus singulier, c’est que quelque chose de leurs vues à tous deux a passé depuis lors chez les écrivains que l’on aurait crus le moins capables de refléter leurs opinions. On est loin maintenant, même dans les milieux libéraux, de l’ancienne conception de l’État selon la formule de Smith et surtout de Bentham. C’est M. Paul Leroy-Beaulieu, par exemple, qui charge expressément l’État de « représenter les intérêts perpétuels et de les sauvegarder contre l’imprévoyance des intérêts présents[24] ». Et nous ajouterons, nous, que ce rôle de l’État est devenu d’autant plus important, mais aussi d’autant plus difficile à remplir, que les anciennes institutions d’origine privée et d’intérêt public ont été renversées par la Révolution, que le vieil esprit de famille est allé en s’éteignant, et que les idées démocratiques se sont partout répandues davantage, en effaçant de plus en plus toute notion de stabilité, d’avenir et d’hérédité nationale ou politique.

Mais revenons à List.

Finalement donc pour lui la richesse des nations est distincte de celle des individus. La première consiste dans la force productive de l’ensemble ; la seconde, dans la masse des valeurs que les individus possèdent. Le système d’Adam Smith et de son école était une théorie des valeurs d’échange, qui sont la matière propre de l’économie individuelle : mais, de même qu’il y a une richesse nationale, qui consiste en forces productives et non en « commodités » échangeables[25], ainsi doit-il y avoir une économie nationale, qui s’occupe peu des valeurs et beaucoup du développement de la puissance de produire[26]. Tout cela, du reste, se trouvait déjà présenté par Raymond[27].

Telle est l’essence du système de List, et il renferme peut-être, ajouterons-nous, la vraie solution de l’énigme fameuse que J.-B. Say s’était posée à lui-même et qu’il n’avait pas résolue.

« Puisque la richesse des particuliers, avait-il dit, est en raison du total des valeurs qu’ils possèdent, comment se fait-il que celle des nations soit d’autant plus grande que les choses y ont le moins de valeur ? » Et — la question une fois faite — J.-B. Say s’était tu sur la réponse.

Toutefois, en parlant des forces productives d’une nation et en voyant en elles le principe et la mesure de la richesse nationale, List ne se renfermait pas dans l’idée étroite que Smith avait donnée de la productivité du travail, ni dans l’idée plus étroite encore que Stuart Mill s’apprêtait à en donner. List ne songeait pas, en effet, à l’incorporation du travail en un objet matériel, et il ne séparait pas cette productivité d’avec la notion du travail permanent de Raymond.

Grâce à cette notion des forces productives nationales, List prétendait expliquer fort bien que la France se fût rapidement guérie de ses vingt-cinq ans de guerre et de révolutions et des deux invasions qu’elle avait subies en 1814 et 1815. Trente ans après son livre, il aurait expliqué de la même manière notre relèvement après les événements de 1870-1871 et le paiement de l’indemnité de guerre de cinq milliards. Toutefois sa théorie, présentait sur ce point une lacune, que du reste les relations économiques de ces temps là ne lui auraient guère permis de combler. C’est que les nations modernes possèdent aujourd’hui en dehors d’elles-mêmes et chez les autres une véritable force productive d’un tout autre genre : je veux dire celle qui est faite de leurs capitaux émigrés et qui réside dans les valeurs mobilières ou immobilières transplantées de l’étranger chez elles. En cela, les nations se comportent comme de véritables particuliers capitalistes. Mais elles ne peuvent conquérir cette situation qu’après un long développement de la force productive nationale, entendue telle que Raymond et List l’avaient envisagée ; et il y aurait là une addition à faire à la théorie de ces deux économistes, plutôt qu’un démenti infligé à leur doctrine.

C’est de tout cet ensemble que résultait une économie politique « nationale », selon le titre adopté par List.

Le but de celle-ci est d’apprendre aux gouvernements comment légiférer, et non pas aux particuliers comment s’enrichir — idée qui, elle aussi, est simplement répétée de Raymond[28]. — Ce serait donc l’économie politique descendue du rang de science et ramenée au niveau d’un art politique, si des principes généraux et d’ordre scientifique ne préludaient pas au développement pratique de cet art.

Un des moyens d’accroître la puissance productive d’une nation, ce sera bien sans doute la protection douanière : mais celle-ci n’est point une panacée à laquelle il faille recourir sans discernement et dans tous les cas. Il faut distinguer les périodes de l’histoire économique d’un peuple. Une société traverse d’abord l’état sauvage ; elle s’élève graduellement au régime pastoral, puis à la vie agricole ; bientôt l’agriculture se marie chez elle avec l’industrie ; le commerce enfin se superpose à l’industrie et à l’agriculture[29].

Le passage au régime agricole et les premiers progrès en agriculture demandent le libre commerce avec les pays plus civilisés. Les derniers stades de l’ascension réclament la liberté si les autres nations en jouissent, s’il y a égalité avec elles dans le développement parallèle des industries et s’il n’y a pas d’entraves de droit ou de fait à la réciprocité des échanges ; mais si toutes ces conditions ne sont pas réunies, il faut un régime protecteur. Les droits de douane doivent débuter faibles, pour ne protéger que les industries capables de naître ; ils doivent être augmentés à mesure que le pays devient apte à se suffire industriellement ; ils doivent ensuite décroître ou disparaître quand le pays lutte à armes égales ou supérieures. Cette dernière phase est celle où est parvenue maintenant l’Angleterre qui a raison d’être libre-échangiste. Quant aux droits protecteurs, s’il en faut, ils peuvent être ou bien éducateurs, c’est-à-dire provisoires, ou bien définitifs et permanents.

List insiste beaucoup sur la confédération du travail, consécutive à sa division[30]. À cet égard il critique très vivement Smith et son école, comme coupables de ne pas avoir montré que la division du travail, si elle est un moyen d’en accroître la productivité, ne l’est cependant qu’à la condition que l’unité soit encore reconstituée par la direction de l’entrepreneur. De même pour les nations. Il leur faut la multiplicité des industries, à l’image de la division matérielle ou parcellaire du travail — et ici viennent de fort bonnes pages sur la solidarité des industries entre elles et sur les avantages des régimes complexes : mais il faut aussi que l’unité soit reconstituée dans la nation considérée comme un atelier[31].

Est-ce que tout cela ne doit pas conduire au socialisme d’État, par le rôle prépondérant que l’État va avoir à prendre dans la direction économique et unitaire du travail national ? Est-ce que tout cela ne doit pas conduire au socialisme sans épithète, par les entraves à la liberté qui résulteront forcément de cette action directrice de l’État ? List a vu l’objection, et il y répond non sans succès, par la différence entre le point de vue privé, qui relève de l’individu, et le point de vue national, pour lequel l’État a une compétence incontestable et incontestée. Il réplique en substance que l’État ne s’immisce pas d’une manière positive dans l’administration intérieure des patrimoines, ni dans la répartition sociale des richesses, mais qu’il se borne à défendre l’ensemble des biens et des personnes, envisagés comme éléments de la nation, contre l’intrusion économique des nationalités étrangères[32].

Raymond, son maître, avait à maintes reprises proclamé la liberté la plus entière comme un élément indispensable de la prospérité nationale, dans tout ce que cette liberté n’avait pas d’incompatible avec le bien de la nation[33].

Au moins Frédéric List a-t-il réussi dans la campagne qu’il menait depuis 1819 pour l’unité douanière de l’Allemagne. Il n’entre pas dans notre plan de décrire en détail les diverses unions partielles qui furent d’abord conclues, et qui frayèrent la voie au Zollverein germanique, puis à la grande unité politique de l’Empire. Ce que nous avions seulement à noter, c’était l’immense action de l’idée sur le fait. Cependant List n’avait pas été seul et il faut rendre hommage, avec lui, aux économistes libéraux déjà cités, qui, s’ils étaient les adversaires de List, étaient aussi les adversaires du morcellement douanier de l’Allemagne, non moins que des corporations obligatoires et de tout l’ancien régime maintenu pour les paysans[34].

Le livre de List, avec sa vivacité de discussion et parfois son allure de pamphlet, souleva des orages dans le monde scientifique allemand[35].

Quant à l’école protectionniste, elle eut d’autres maîtres que Raymond sur la terre d’Amérique où elle était née. Nous retrouverons plus tard Carey, qui nous intéresse à d’autres points de vue. Mais ici, pour ne plus y revenir, nous citerons John Rae et Simon Patten.

John Rae, Écossais émigré au Canada, est l’auteur d’un ouvrage spécialement dirigé contre Adam Smith et son système de liberté du commerce, non sans un parti pris et des exagérations qui en diminuent singulièrement la valeur scientifique[36]. Lui aussi — et il y consacre la première partie de son ouvrage — professe et veut démontrer que l’intérêt individuel et l’intérêt national ne sont pas identiques.

Patten, professeur à l’Université de Philadelphie, très scientifique et très froid, ne diffère pas moins de List par son allure que par l’ensemble de son système[37]. Il remplace d’abord le principe de l’éducation industrielle à vitesses inégales par le principe de la distinction des sociétés « à l’état statique » et des sociétés « à l’état dynamique[38] ». Dans les premières, comme l’Angleterre, la loi de Ricardo sur les revenus décroissants des terres et sur la plus-value illimitée des biens-fonds s’applique sans aucune difficulté : dans les secondes, au contraire, c’est-à-dire dans les sociétés à l’état dynamique comme les États-Unis, on en est encore à la période des revenus ascendants. Ainsi Patten est un protectionniste qui s’appuie sur Ricardo, et c’est là une des grandes originalités de son œuvre : il ne s’y appuie toutefois qu’après avoir d’abord admis jusqu’à un certain point de développement l’ordre de mise en culture, que Carey avait proposé[39]. Et la conclusion de Patten, identique à celle de List, la voici : « C’est uniquement dans une société restée, à l’état statique que la théorie du libre-échange peut trouver son application[40] ». L’étude des effets du libre-échange sur les prix des diverses marchandises, soit avec monopole naturel, soit avec concurrence illimitée, est particulièrement intéressante et approfondie dans Patten.

L’étude de List, ainsi que celle de ses prédécesseurs ou de ses continuateurs, peut n’être pas inutile en un moment comme le nôtre, alors que des procédés protectionnistes ont été remis en application depuis déjà vingt-cinq et trente ans. Le conflit s’est accentué entre la théorie et la pratique, surtout en France avec notre loi douanière du 11 janvier 1892, et la théorie elle-même s’est quelque peu divisée. Il est hors de doute que nous ne voyons plus le libre-échange sous la forme simpliste où il apparaissait à Cobden et à Bastiat.

    sens national, quand la productivité morale et la productivité matérielle, de cette nation sont en un juste rapport, quand l’agriculture, l’industrie et le commerce sont développés également et harmoniquement » (Op. cit., p. 13).

  1. Supra, p. 406 et 407.
  2. Adam Müller (1779-1829). — Voir plus haut, p. 339.
  3. Ingram, Histoire de l’économie politique, trad. franç., pp. 271-273.
  4. Eheberg fait, au contraire, fort peu de cas de Müller. « Neben vielen barocken, wenig wissenschaftlichen Saetzen, dit-il, neben seiner voellig unhistorischen Behandlung des Gegenstandes, etc… Er vermochte die breite smith’sche Stroemung nicht zu modificiren, geschweige denn aufzuhalten… »(Eheberg, Einleitung zu Fr. List’s nationalem System der politischen Œkonomie, pp. 57 et 58). — Eheberg est un admirateur de List.
  5. Hamilton avait rédigé deux autres rapports très remarqués, l’un sur le crédit public, l’autre sur l’institution d’une Banque nationale. — Ingram aussi (Histoire de l’économie politique, p. 245) conjecture que List a dû connaître le rapport d’Hamilton sur la protection industrielle.
  6. Lord Lauderdale (1759-1839), ami de Fox et adversaire de Pitt, était partisan de la Révolution française. — Son ouvrage a été traduit en français. Le titre anglais était : An inquiry into the nature and origine of public wealth and into the means and causes of its increase. Lord Lauderdale (1759-1839), ami de Fox et adversaire de Pitt, était partisan de la Révolution française. — Son ouvrage a été traduit en français. Le titre anglais était : An inquiry into the nature and origine of public wealth and into the means and causes of its increase.
  7. Lauderdale, op. cit., pp. 56-57 de l’édition anglaise.
  8. Daniel Raymond, Thoughts on political economy, 2e édit. (entièrement refondue), 1823, pp. 174-175.
  9. Pensées sur l’économie politique.
  10. Nous n’avons trouvé le nom de Raymond ni dans Ingram, ni dans Espinas, ni dans le Dictionnaire d’économie politique de Léon Say et Chailley-Bert, ni dans les Progrès de la science économique de M. Block (lequel du reste, n’a pas nommé List une seule fois). — Sur Raymond, voyez une fort bonne étude de M. Lepelletier, dans la Revue d’économie politique, n° d’octobre 1900. « Notre distingué collègue des Facultés catholiques de Lyon, M. Rambaud — y est-il dit — est le premier qui, à notre connaissance, ait parlé quelque peu longuement de Raymond dans son excellente Histoire des doctrines économiques. Avant lui Cossa, dans son Introduzione allo studio dell’economia politica avait simplement noté en quelques lignes la nature des tendances de sa doctrine et cité son nom au nombre de ceux des premiers économistes américains. Mais les autres historiens des doctrines économiques, comme Espinas et Ingram, vont jusqu’à s’abstenir d’en faire mention. ».
  11. « A capacity for acquiring the necessaries and comforts of life… This capacity never can exist independent of labor. Labor is the cause and the only cause of wealth » (Thoughts, 4e édit., pp. 84 et s.).
  12. Sur les causes et le caractère du protectionnisme de Raymond, voyez Neill, Daniel Raymond, an early chapter in the history of economic theory in the United States, Baltimore, 1897, p. 36.
  13. « Le protectionnisme moderne, c’est-à-dire la restriction de la concurrence étrangère et l’encouragement du commerce intérieur aussi libre que possible, a été le caractère de la politique économique des hommes qui ont en ce siècle façonné des empires… Ce protectionnisme moderne est pour une large part l’œuvre des Américains. La politique d’Alexandre Hamilton est la première expression ferme et raisonnée de cette doctrine. L’union de cette politique avec celle des progrès intérieurs, telles qu’on les trouve ensemble dans le système appelé système américain, a donné à Frédéric List l’idée définitive sur laquelle il a fondé son protectionnisme et son agitation en vue du Zollverein et du développement des chemins de fer en Allemagne. C’était en libre-échangiste qu’il était venu en Amérique. Mais ce fut sous l’influence de ses relations dans l’État manufacturier et protectionniste de Pensylvanie, ce fut dans son contact avec des hommes comme Mathieu Carey et dans la lecture d’écrits protectionnistes comme le Rapport sur les manufactures d’Hamilton et les Pensées sur l’économie politique de Daniel Raymond, que List apprit toute la puissance que la protection peut avoir pour asseoir la force de production d’un grand peuple. Le protectionnisme de List est regardé à bon droit comme américain par son origine : List est le successeur d’Hamilton et de Raymond » (Sidney Sherwood, Tendencies in American economic thought, Baltimore, 1897, pp. 15-16).
  14. En ce sens voyez les remarques de Sherwood, op. cit., p. 14.
  15. Eheberg, Historische und kritische Einleitung zu List’s nationalem System der politischen Œkonomie.
  16. Op. cit., 7e édit, Stuttgart, 1883, p. 4 (Nous citerons toujours cette édition allemande de 1883, précédée de l’Introduction d’Eheberg).
  17. L. II, ch. i, pp. 109 et s. — List disait déjà dans ses Outlines : « Si tout le globe était uni par une union comme celle des vingt-quatre États de l’Amérique du Nord, le libre-échange serait aussi naturel et aussi avantageux qu’il l’est maintenant dans l’Union américaine… Cet état de choses peut être très désirable ; les philosophes qui le souhaitent peuvent se faire honneur de leur vœu ; il peut même entrer dans les plans de la Providence que ce vœu soit accompli. Mais ce n’est pas l’état du monde actuel… Le monde n’est pas mûr pour que les institutions cosmopolites soient mises en pratique » (Lettre II). — Pour le parallèle de List avec Raymond, voir Patrick Neill, op. cit., p. 49.
  18. « Nous devons conserver avec soin, dit Raymond, la notion distincte de la nation elle-même et ne pas confondre celle-ci avec les individus qui la composent… Là est l’erreur dominante de tous les écrivains que j’ai lus sur ce sujet. Ils annoncent qu’ils vont traiter des intérêts nationaux, et ils abandonnent le sujet pour traiter des intérêts particuliers » (Raymond, Thoughts on political economy, 4e édit., p. 34). — Voir sur ce point dans List le ch.iv du 1. II de son Système national de l’économie politique (7e édit., pp.144 et s.).
  19. « Les parties constitutives de l’économie politique sont l’économie individuelle, l’économie sociale et l’économie de l’humanité » (Outlines, lettre I). — De même Raymond (Thoughts on political economy, 4e édit., p. 406) : « Autant la richesse nationale est distincte de la richesse individuelle, autant l’économie politique est distincte de l’économie privée. »
  20. Outlines, lettre II. — « Une nation, disait Raymond, est bien un être artificiel, une entité légale composée de millions d’êtres naturels… : mais elle n’en est pas moins une unité et elle possède toutes les conditions de l’unité. Elle a une unité de droits, une unité d’intérêts et une unité de possessions… Elle doit consulter exclusivement ses propres intérêts, sans aucun souci des intérêts des autres nations » (Thoughts on political economy, 4e édit., p. 35).
  21. National System der politischen Œkonomie, p. 147.
  22. Smith l’appelait « le devoir du souverain de défendre la société contre tout acte de violence ou d’invasion de la part des autres sociétés indépendantes » (Richesse des nations, 1. IV, ch. ix, t. II. p. 338).
  23. « Smith, dit Raymond, semble avoir admis comme un dogme que les intérêts nationaux et les intérêts individuels ne sont jamais opposés. On ne peut pas imaginer une doctrine plus fausse dans son principe ou plus abominable dans ses conséquences… On ne peut pas attendre d’un homme qu’il abandonne un avantage présent et particulier (à supposer qu’il n’y ait rien d’anormal à le recueillir), parce que ce profit présent pourrait être préjudiciable à la postérité. Cet homme peut ne pas avoir de postérité, ou bien, s’il en a, les intérêts de celle-ci, vus à la distance de deux ou trois générations, sont trop éloignés pour pouvoir influer sur le choix de la conduite que lui-même doit tenir » (Raymond, Thoughts on political economy, 4e édition, p. 166).
  24. Paul Leroy-Beaulieu, l’État moderne et ses fonctions, pp. 95-96.
  25. Le mot « commodité » (ou commodity) passe en ce sens là pour un anglicisme. Or, il était employé déjà dans le même sens par Boisguilbert il y a exactement deux cents ans (Voyez plus haut, p. 141 en note).
  26. Voir dans le Système national de l’économie politique le ch. xii (ch. ii du 1. II), un des meilleurs de l’ouvrage : « Théorie des forces productives et théorie des valeurs ». — Voir également la deuxième lettre des Outlines.
  27. Voir le parallèle dans Patrick Neill, op. cit., pp. 54-56.
  28. Raymond, Pensées sur l’économie politique, passim. « L’économie politique, dit-il, est une science qui enseigne la nature de la richesse publique ou nationale… Elle se propose d’enseigner les moyens les plus efficaces de développer la richesse et le bonheur d’une nation, et elle embrasse tous les sujets qui tendent à ce développement… Son objet immédiat serait d’apprendre aux gouvernements à légiférer, non d’apprendre aux particuliers la manière de s’enrichir… S’il n’y a pas de distinction entre richesse nationale et richesse individuelle…, un traité sur la richesse nationale sera un traité sur la richesse individuelle, et réciproquement. C’est dégrader la dignité de la science de l’économie politique ; c’est la faire dégénérer en une misérable science de francs et de centimes (dollars and cents). »
  29. « In Beziehung auf die nationalœkonomische Ausbildung sind folgende Hauptentwickelungsgrade der Nationen anzunehmen : 1° wilder Zustand ; 2° Hirtenstand ; 3° Agrikulturstand ; 4° Agrikulturmanufakturstand ; 5° Agrikulturmanufakturhandelsstand » (National System der politischen Œkonomie, introduction, p. 11).
  30. Op. cit., pp. 13, 133 et s.
  31. « Le principe de la division du travail a été imparfaitement saisi jusqu’à présent ; sa productivité ne consiste pas dans la division des différentes opérations entre plusieurs individus : elle consiste bien davantage dans l’union matérielle et morale de ces individus en vue d’un but commun… Il y a partage du travail et confédération des forces productives dans un
  32. Op. cit., 1. II, ch. xiv, p. 147.
  33. « Les citoyens, dit Raymond, auraient autant de liberté qu’il y en a de compatible avec le bien de la nation. Les en priver serait une tyrannie. » (Op. cit., 1. V, ch. ii, 4e édition, p. 202).
  34. Voyez plus haut, pp. 338-340.
  35. À citer entre autres, à cause de la situation et de l’autorité de son auteur, l’opuscule de Rau, Zur Kritik ueber Fr. List’s nationales System der politischen Œkonomie, Heidelberg, 1843.
  36. Statement of some new principles on the subject of political economy, exposing the fallacies of the system of free trade and of some other doctrines maintained in the Wealth of nations, Boston, 1834. — Il ne faut pas confondre ce John Rae avec l’économiste anglais contemporain John Rae, auteur de Eight hours of labour, 1897 (tr. fr., 1900). Ce dernier cherche à y démontrer que la réduction de la journée ouvrière à huit heures augmenterait beaucoup la productivité industrielle et qu’à ce titre son seul tort serait d’accroître l’armée des sans-travail (Op. cit., p. 207).
  37. Fondements économiques de la production, 1890, traduits par M. Lepelletier, avec préface de M. Cauwès, 1899.
  38. Nous répéterons la remarque déjà faite à propos de Stuart Mill (supra, p.377) : il faut dire : « cinématique » et non « dynamique ». Toute société, en effet, est à l’état dynamique, c’est-à-dire à l’état de force ou de puissance : mais ces forces sont ou bien à l’état de repos (statique) ou bien à l’état de mouvement (cinématique).
  39. Op. cit., tr. fr., ch. iv, pp. 47 et s. — Voyez le chapitre suivant.
  40. Loc. cit., p. 49.