Histoire des doctrines économiques/4-4

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CHAPITRE IV

LE SOCIALISME RÉVOLUTIONNAIRE EN FRANCE AUTOUR DE 1848

De plus près peut-être encore que Fourier et Cabet, Louis Blanc et Proudhon contribuèrent au mouvement socialiste de 1848, l’un en faisant espérer une ère nouvelle avec une nouvelle « organisation du travail », l’autre en démolissant toutes les institutions et tous les principes. Nous les joignons donc ici, quelque différence qu’il y ait dans leurs théories et leurs procédés. Saint-Simon et les autres avaient été surtout des idéalistes et des rêveurs, comptant surtout sur la persuasion de la parole et de l’exemple : avec Louis Blanc et Proudhon nous entrons franchement dans les théoriciens de la révolution.

Louis Blanc, né à Madrid en 1811, fut journaliste à Paris, jusqu’à ce que la Révolution de février fût venue le jeter dans la vie politique. Il est alors membre du gouvernement provisoire de février 1848, président de la fameuse Commission du travail siégeant au Luxembourg[1], et député à la Constituante. Compromis dans les journées de mai 1848, qu’il a provoquées, il se réfugie à Londres. On le revoit enfin député de la Seine, puis sénateur du même département — depuis 1871 jusqu’à sa mort en 1886[2].

Il avait ébauché ses idées, dès 1839, dans la Revue du progrès social. Il en compléta l’exposition dans l’Organisation du travail (1839) et dans le Socialisme, droit au travail, réponse à M. Thiers (1849), ce dernier opuscule dirigé contre l’excellent volume De la propriété, par lequel Thiers était venu au secours de la société menacée par la Révolution[3].

Thiers, après avoir soutenu la thèse que le travail est le vrai fondement de la propriété et après avoir vivement combattu le communisme proprement dit, s’était attaqué, avec une grande perspicacité, à toutes les formules indirectes — association, réciprocité et droit au-travail — à l’aide desquelles les « socialistes », distingués des « communistes », n’admettaient la propriété que pour mieux clamer que « le capital est un tyran, qu’il ne veut pas se donner au travailleur ou bien qu’il ne se donne qu’à des conditions cruelles, de telle sorte que le travailleur ne puisse pas vivre[4] ». La théorie de l’impôt — impôt proportionnel et non progressif, impôt frappant les revenus de la propriété et les revenus du travail — était également exposée par M. Thiers avec autant de netteté que de bon sens.

Mais voyons quelle était en substance la thèse de Louis Blanc, laquelle ne manquait du reste ni d’originalité, ni de séductions.

Tout homme a le droit de vivre : or, le travail est la condition indispensable sans laquelle les hommes ne peuvent pas vivre. Donc, tout homme a un droit strict, un droit proprement dit, à un travail stable et convenablement rémunéré. En fait toutefois, les uns — c’est-à-dire les capitalistes — possèdent les instruments de travail, terres, usines, etc., sans lesquels le travail est impossible ou infructueux ; et les autres sont réduits à solliciter un emploi de leurs forces sous un régime de concurrence qui les contraint à vendre au rabais leur travail[5]. Louis Blanc, ennemi de cette concurrence et de tout ce qui paraît diminuer les quantités de main-d’œuvre demandées par les patrons, prend alors parti contre la liberté commerciale, contre la division du travail et contre l’emploi des machines, en rééditant avec une vigueur nouvelle les arguments déjà quelque peu vieillis de Sismondi[6].

Pour remédier à tous ces maux, il faut empêcher cet accaparement des biens productifs et des instruments de travail. Précédant ou inspirant nos modernes coopératistes[7], Louis Blanc proclame que « le remède est d’établir des institutions sociales qui tendent à généraliser de plus en plus les instruments du travail ; le moyen, c’est de substituer au régime actuel, fondé sur l’individualisme, un régime fondé sur l’association. Plus de salariés : des associés[8]. » Et l’individualisme dont il est ici question, désignait précisément l’institution de la propriété individuelle.

En effet, pour transformer ainsi la société et pour assurer l’exercice du droit au travail et à la vie, il faut que l’État, protecteur de tous les droits, exproprie la classe des propriétaires et qu’il approprie à tous — c’est-à-dire qu’il mette à la disposition de tout le monde — les instruments de travail. Seulement cette transformation ne doit être ni instantanée, ni violente : l’État l’opérera progressivement, tout d’abord en rachetant un nombre croissant d’ateliers et d’usines, le tout payable par annuités gagées sur les bénéfices futurs, puis en employant les ateliers déjà rachetés à faire concurrence aux ateliers non encore rachetés, toujours aux frais du Trésor public, de manière à précipiter les rachats à l’amiable par la perspective des faillites imminentes dont les propriétaires et les entrepreneurs récalcitrants seraient menacés.

L’agriculture subirait un régime analogue. Il est même à remarquer que dans l’Organisation du travail la transformation du régime agricole tient beaucoup plus de place que celle du régime industriel. Sans doute, eu égard au temps où Louis Blanc écrivait, il y a là une opportunité de propagande qui explique beaucoup de choses. Louis Blanc, comme s’il était l’héritier des physiocrates, met dans la terre la « source de la vie des peuples » ; puis, pour faire adopter son système d’ateliers agricoles, il professe : 1° que le dépérissement de l’agriculture en France vient des régimes de petite culture et de petite propriété ; 2° qu’il « n’y a de salut pour les campagnes que dans l’adoption du système de la grande culture » ; 3° qu’on y arrivera, non par l’individualisme, mais par l’association et la propriété collective[9]. Les associations agricoles seraient de cinquante familles, établies sur 500 hectares environ et « logées dans un même bâtiment[10] ».

Que deviendra donc la famille, dans le système de Louis-Blanc ? Elle sera maintenue, mais sans hérédité. La famille, dit en effet Louis Blanc, est un fait naturel qui, dans quelque hypothèse que ce soit, ne saurait être détruit, tandis que l’hérédité est une convention sociale, que les progrès de la société peuvent faire disparaître[11].

Dans chaque sphère de travail, il y aurait un atelier central, duquel les autres relèveraient comme ateliers complémentaires. Le prix de revient une fois déterminé, la représentation nationale fixerait, eu égard à la situation du monde industriel, un prix de vente qui laisserait un bénéfice, mais dont l’uniformité empêcherait la concurrence entre les divers groupes. Ce serait ce même Parlement qui fixerait aussi les salaires dans les divers ateliers, parce que les inégalités dans les conditions matérielles de la vie ne permettraient pas que ces salaires fussent égaux d’un bout de la France à l’autre. Les travailleurs éliraient par atelier les chefs des travaux, sauf pour la première année, où, ne se connaissant pas encore, ils ne pourraient que laisser cette nomination à l’État, Louis Blanc insiste beaucoup sur la différence que cette pratique de l’élection met entre son système et celui de Saint-Simon, qui faisait l’État réellement omnipotent par sa hiérarchie de fonctionnaires-pontifes[12]. Les diverses industries seraient ensuite rendues solidaires les unes des autres, grâce à un prélèvement que l’État ferait sur les bénéfices de celles qui auraient été plus prospères et qu’il reverserait sur celles que des causes accidentelles auraient mises en souffrance.

Sur la question des salaires, Louis Blanc, au début, voulait que dans chaque atelier les salaires fussent égaux par tête d’ouvrier, abstraction faite des aptitudes ou des efforts : car il proclamait que « l’inégalité des aptitudes doit aboutir à l’inégalité des devoirs, mais non à l’inégalité des droits », ce qui ne l’empêchait point de conclure que tous les travailleurs, dans son système, auraient été intéressés à produire vite et bien. Plus tard, dans un mémorable discours du 3 avril 1848 aux délégués des corporations ouvrières de Paris, il abandonna avec éclat la formule de l’égalité des salaires pour la remplacer par celle-ci : « Que chacun produise selon son aptitude et ses forces ; que chacun consomme selon ses besoins ». Les salaires redeviendraient donc inégaux, mais ce ne serait plus d’après la production du travailleur, ce serait d’après sa consommation. Actuellement le travailleur est incité à produire : avec la dernière formule de Louis Blanc, il ne serait incité qu’à dilater ses besoins et à consommer, tout en étant désintéressé de produire davantage[13].

Bref, selon le mot de Lamartine, « l’État propriétaire et industriel serait substitué en tout aux citoyens dépossédés. »

Pour les terres, la dépossession aurait été particulièrement activée par la suppression des successions collatérales, dont le montant aurait été attribué aux communes.

L’Organisation du travail, vieille aujourd’hui de plus de soixante ans, continue à être un des très rares plans quelque peu précis d’une reconstruction de la société selon les idées du socialisme. Les « ateliers nationaux » de Louis Blanc restent donc un idéal que les rêveurs n’ont point encore surpassé. Le livre est d’ailleurs écrit avec beaucoup de chaleur ; on y trouve à chaque ligne l’appareil déclamatoire du tribun. Par contre, l’œuvre est faible au point de vue économique : je n’en veux comme preuve que la prédiction de la ruine certaine et immédiate — déjà commencée même, disait Louis Blanc — où l’industrialisme entraîne l’Angleterre[14].

Tout non plus n’était pas nouveau dans ce programme. Louis Blanc faisait grand éloge de Morelly et de Mably, et il leur devait bien quelque chose ; il devait surtout beaucoup à Babeuf, bien que l’impopularité qui s’attachait encore aux babouvistes, ne lui eût pas permis de nommer celui-ci. C’était à Babeuf qu’il avait emprunté, entre autres idées, celle de l’honneur considéré comme un mobile suffisant de l’activité économique, une fois anéanti le stimulant de l’intérêt personnel. Bien plus, beaucoup de détails des ateliers nationaux de Louis Blanc sont tirés du « décret économique sur l’organisation de la communauté » de Babeuf[15], et l’on a pu aller jusqu’à dire que « ses doctrines économiques, ses idées philosophiques, ses détails d’exécution, tout est manifestement emprunté de la secte des Égaux[16] ». Cette ressemblance s’explique d’autant mieux que Louis Blanc, après 1830, avait été le disciple et l’ami de Buonarrotti.

Quoi qu’il en soit, Louis Blanc est beaucoup trop oublié maintenant, effacé comme il est derrière Karl Marx. Cependant le collectivisme marxiste, s’il devait jamais se réalisera ne pourrait guère faire autre chose qu’appliquer l’Organisation du travail : et à ce titre il y aurait de curieux rapprochements à faire de l’œuvre de Louis Blanc avec la Quintessence du socialisme de Schæffle, c’est-à-dire encore un des très rares ouvrages qui, parus depuis 1848, aient esquissé au moins dans ses grandes lignes l’état possible d’une société socialisée.

Mais les sophismes de Louis Blanc sont trop spécieux pour que nous ne nous arrêtions pas à les discuter[17].

D’une part, avec sa tendance à déclamer, à généraliser outre mesure et à donner comme universellement exactes des affirmations de fait qu’il ne corrobore d’aucune observation, il a exagéré à dessein les maux du régime économique actuel[18] ; d’autre part, son système tout entier repose sur une fausse définition et une fausse application du « droit au travail ».

Que tout homme ait le droit de vivre, nul ne le conteste et nous en déduisons très volontiers le droit à l’assistance dans le cas d’extrême misère, droit que J.-B. Say n’avait pas hésité à reconnaître[19]. Nous en déduisons aussi le droit de produire pour soi-même et pour les siens ; le droit de se constituer, pour soi et pour eux, un fonds de prévoyance en vue de l’avenir (ce qui est le fondement du droit de propriété) ; enfin le droit de n’être pas empêché de travailler, par la coalition des travailleurs concurrents[20]. Tout cela constitue le « droit du travail », droit qui n’impose aux autres qu’une abstention et qui, vu de ce côté, est purement négatif comme les jurisconsultes le disent de tous les droits réels. Tout cela semble aller à l’encontre de Louis Blanc, plutôt que d’appuyer sa démonstration.

Mais de ce droit du travail faut-il passer au droit au travail ? Faut-il, à cette forme négative, substituer une forme positive ? Faut-il, en un mot, en déduire une créance de l’individu contre la société, pour qu’il se fasse donner du travail par elle ?

Toute la question est là.

Nous répondons négativement, pour un double motif, à savoir : 1o que l’accomplissement de cette mission, si la société s’en chargeait, serait un mal pire que les maux actuels à corriger ; 2o que ni la société, ni l’État ne sont faits pour assumer cette mission.

D’abord et en fait « cette mission de l’État collectiviste se heurte à des impossibilités pratiques ; ou bien, si elle les surmonte, elle entraînerait des maux et des abus incomparablement plus grands que les maux et les abus actuels[21]. » Dans l’ordre moral et intellectuel ces maux seraient la violation de la dignité et de la liberté personnelles, la compression forcée des initiatives et des aptitudes, enfin, l’abaissement moyen et général du niveau de l’humanité. Dans l’ordre économique on aurait, grâce à la suppression du stimulant de la nécessité individuelle, une productivité moins intense et partant une moindre somme totale de biens, de telle sorte que l’égalité ne serait obtenue que par la communauté dans la misère[22].

Or, de ce qu’un être physique ou moral est essentiellement impropre à accomplir une mission, on peut déjà conclure que ni la nature, ni la Providence ne la lui ont assignée.

En second lieu et en principe, c’est pour une destinée individuelle que l’individu est créé, destinée individuelle qu’il atteint dans ce monde par l’exercice propre de ses facultés et dans l’autre par la sanction individuelle qui lui est réservée. L’État n’est et ne peut être qu’un des moyens pour aider l’individu à accomplir cette destinée ; et il n’est pas même le moyen unique : ce n’est même aucunement pour le second de ces buts qu’il a été institué. Or, puisque l’individu, en exerçant ses facultés sous sa responsabilité propre et avec la jouissance de sa liberté, peut mieux atteindre sa fin au point de vue économique et dans l’ordre des subsistances à obtenir, il y a là une preuve que l’État et la société, qui ne seraient appelés qu’en qualité de moyens, ne peuvent avoir le droit de s’imposer, ni en cette qualité, ni en aucune autre.

On insiste cependant, et l’on demande « si, dans les cas où par l’effet du régime social la richesse de l’un empêche la richesse de l’autre[23], le pouvoir social ne peut pas intervenir pour lever cet obstacle (c’est-à-dire pour abolir la propriété) et pour permettre à tous de participer à la richesse et à la prospérité publiques ». En d’autres termes, celui qui naît dans une société déjà riche, au milieu de propriétés déjà constituées, dans un monde où nul espace de terre ne reste plus à prendre, n’a-t’il pas le droit de se faire donner une part de propriété, puisqu’il ne peut plus s’en créer une, comme on l’avait fait avant lui ?

Non, faut-il répondre ; car « un homme, par le fait qu’il naît au sein d’une société civilisée et prospère, n’apporte avec lui, en naissant, aucun droit absolu différent de ceux de l’homme qui naît au sein d’une société pauvre et barbare[24] ». Or, une société pauvre et barbare, n’ayant rien pour ainsi dire, ne saurait être tenue de donner quoi que ce soit au nouvel arrivé : c’est à lui à se faire ce qu’il aura et à avoir ce qu’il aura fait. En fait, du reste, cet homme qui naît au sein d’une société civilisée et prospère, à la seule condition d’exercer ses facultés individuelles, jouira bien de la communauté des inventions précédentes et de la diminution de l’utilité onéreuse de toutes choses selon la formule de Bastiat[25]. Donc, à cet homme comme à tous, la société ou l’État ne doit qu’une chose : la protection dans l’exercice juste et raisonnable de ses facultés quelconques, économiques ou autres, lorsque l’individu les emploie pour atteindre ses fins naturelles ou surnaturelles.

Il n’y a pas non plus dans le monde, dirons-nous encore, l’antagonisme fatal que Louis Blanc voulait voir entre le capital et le travail, entre la propriété des uns et la satisfaction des besoins de tous. Louis Blanc méconnaissait, sur ces points là, l’ordre providentiel des sociétés, sur lequel l’économie libérale avait jeté cependant de si vives lumières. Yves Guyot a eu tort, sans doute, de prêcher la morale de la concurrence, en haine des morales « théologiques » et « métaphysiques » ; Bastiat lui-même a décrit l’harmonie des intérêts avec trop d’optimisme et avec des arguments trop exclusivement naturalistes : mais il n’en est pas moins vrai que la thèse générale des économistes classiques est exacte, à la seule condition qu’on fasse intervenir la notion du devoir moral et religieux pour modérer la compétition des intérêts, lorsque celle-ci voudrait s’exercer en dehors de la sphère de la justice et de la charité.

Passons maintenant à Proudhon.

Proudhon, qui employa sa vie à contredire tout le monde à commencer par lui-même, ne présente pas à beaucoup près, la même unité d’opinions que Louis Blanc[26].

Proudhon (1809-1865) était né à Besançon et fils d’un tonnelier. D’abord typographe, il se fit journaliste et écrivain. Il fut député en 1848, fut condamné à trois ans de prison en 1849 et subit sa peine. Il se réfugia en Belgique à la suite d’une nouvelle condamnation en 1858, puis revint en France à la faveur d’une amnistie.

Son Mémoire sur la propriété, en 1840, contient la phrase célèbre qui prépara sa gloire : « La propriété, c’est le vol[27] ». Cette phrase, il est vrai, Brissot de Warville l’avait dite avant lui[28]. Proudhon rééditait dans ce Mémoire tous les arguments communistes de Platon, de Morus et de Mably, mais dans un style éclatant et haché qui donnait à ce pamphlet une fausse apparence de sophistique nouveauté[29].

Alors, direz-vous, Proudhon était communiste ? Non. L’esprit humain, selon lui, va d’un extrême à un autre, d’une erreur à une autre erreur, sans voir la vérité qui est entre elles. La propriété est la thèse, le communisme est l’antithèse ; entre ces deux formules, l’une positive et l’autre négative, il faut introduire la synthèse. C’est la liberté qui sera là synthèse placée à égale distance de la propriété qui spolie les uns et de la communauté qui les contraindrait. À la propriété il faut seulement substituer la possession individuelle, personnelle en ce sens que le possesseur ne pourra pas donner la chose à bail, et héréditaire pourvu que l’égalité ne soit pas violée entre possesseurs. Tout cela sous l’empire d’une constitution anarchique, caractérisée par la suppression des magistratures.

L’ouvrage De la création de l’ordre dans l’humanité (1844) n’est qu’une suite de blasphèmes contre Dieu et d’insultes contre la raison. Aussi nous tarde-t’il d’arriver à l’œuvre capitale de Proudhon, le Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère (1846). Ici Proudhon poursuit son rêve de la synthèse à trouver entre la thèse et l’antithèse entre l’économie politique, qui représente la tradition, et le socialisme, qui représente l’utopie. Il s’évertue à imaginer des contradictions intrinsèques, des antinomies essentielles dans la division du travail, dans les machines, dans la concurrence, dans le crédit, l’impôt, la liberté du commerce, dans la valeur d’usage et la valeur d’échange, toutes choses qui, selon lui, se contredisent, qui fourmillent d’absurdités, et qui effacent ou annulent par un côté les prétendus services économiques qu’elles sont censées rendre par un autre. Proudhon condamne le socialisme en général Louis Blanc et « l’organisation du travail » en particulier ; il condamne la propriété, qu’il appelle la « religion de la force » et qu’il déclare « immorale par essence » ; il condamne surtout le louage, le fermage et l’intérêt, qui découlent de cette propriété.

Alors que reste-t-il ? Eh bien, il reste la « banque d’échange » — encore une synthèse entre là propriété et la communauté ! — Il ne faudra plus de monnaie. Tous les produits iront à une banque qui, en les recevant, délivrera des bons d’échange pour d’autres produits. Ces bons seront comptés d’après un certain tarif, proportionnellement au nombre d’heures que représentera la confection de chaque produit[30]. Cette dernière, idée nous fait songer d’avance à Karl Marx ; quant à la « banque d’échange », on peut en trouver le germe dans les « magasins coopératifs » de Robert Owen[31]. Ajoutons que les Contradictions économiques renferment aussi « l’antithéisme » de Proudhon, pour qui l’athéisme était devenu quelque chose de trop incolore et de trop banal. Nier Dieu ne suffisait pas, il fallait le haïr : Jaurès aussi en est là, de nos jours.

Proudhon data de la Conciergerie, en 1851, son Idée générale de la Révolution au XIXe siècle. Il y accuse l’association de répugner à la fois à l’économie du travail et à la liberté, et il propose comme synthèse la «  réciprocité », nouvelle force économique qui consiste en ce que « les échangistes se garantissent l’un à l’autre et irrévocablement leurs produits au prix de revient[32] ».

La Justice dans la Révolution et l’Église, parue en 1858, n’est qu’une longue diatribe qui tient du pamphlet, du blasphème et du manifeste anarchique. Je passe sur les autres productions de ce cerveau inquiet et malade. Mais au cours de l’âge les idées de Proudhon sur la propriété s’étaient modifiées singulièrement. Nous avons vu déjà son Mémoire sur la propriété. Dans l’Idée générale de la Révolution au XIXe siècle, il pose en principe que « tout paiement de loyer ou fermage acquiert au locataire fermier, métayer, une part proportionnelle dans la propriété » ; et il conclut que la propriété sera constituée définitive et légitime quand les fermiers et locataires l’auront fait passer entre leurs mains. C’est aussi révolutionnaire, mais c’est déjà moins communiste. Enfin, dans la Justice dans la Révolution et l’Église, Proudhon exprimait l’espoir que « la Révolution, appliquant à la propriété sa formule égalitaire, la pénétrant de justice, la soumettant à sa balance, saurait faire un jour de cette institution de péché, de ce principe de vol, cause de tant de haines et de massacres, le gage solide de la fraternité et de l’ordre ». Est-ce tout ? Pas même encore. Le Conseil d’État du canton de Vaud ayant ouvert, en 1860, un concours sur la « théorie de l’impôt », Proudhon, dans le mémoire qu’il présenta sur ce sujet et qui fut couronné, prit nettement parti pour l’impôt proportionnel contre l’impôt progressif : dans le revenu de la terre, il distinguait très clairement le loyer des capitaux et la rente ; et il proposait de répartir cette dernière un tiers à l’État à titre d’impôt foncier, un tiers à l’exploitant ou cultivateur, un tiers au propriétaire ou capitaliste. On voit par là quelle était l’incohérence de ce cerveau.

Les groupes socialistes considèrent aujourd’hui Proudhon comme la vivante antithèse de Karl Marx. Pour eux, il personnifie la fédération ou plutôt l’anarchie, contre le collectivisme centralisateur et puissamment organisé des nouvelles écoles[33].

Proudhon anarchiste, nous n’y contredisons point. Mais, tel qu’il est, il fut bien avec Louis Blanc l’un des deux facteurs principaux du mouvement socialiste de 1848 et 1849. Louis Blanc faisait espérer une nouvelle organisation sociale ; Proudhon brouillait les idées en tout attaquant, et le scepticisme cynique qu’il semait partout, ne fut pas étranger au trouble général de cette période : Toutefois, en ouvrant la perspective d’un nouvel ordre social, Louis Blanc collaborait plus énergiquement encore à l’œuvre de démolition, s’il est vrai, comme l’a dit Auguste Comte, que « l’on ne détruit bien que ce que l’on remplace ».

Peut-être, à ces deux hommes, faut-il ajouter Pierre Leroux.

Pierre Leroux (1797-1871) avait appartenu au saint-simonisme et avait suivi Bazard dans le schisme de 1831. Sous Louis-Philippe il versa dans le communisme mystique, avec du panthéisme, de la métempsycose, des doctrines empruntées à Pythagore et aux néoplatoniciens, de la superstition cabalistique sur le nombre trois et toutes sortes de rêveries orientales. Pierre Leroux est devenu légendaire avec sa formule du circulus, vérité qu’il a découverte et qu’il présente comme la solution de la question sociale, à savoir que l’homme rend exactement en engrais ce qu’il absorbe en nourriture, et par conséquent que tout homme paie exactement en fumier et détritus de tout genre sa dette envers l’humanité qui le nourrit. Représentant du peuple en 1848, Pierre Leroux fut ensuite exilé, et il se réfugia à Jersey, d’où il ne revint qu’en 1870[34].

Sans doute nous ne le citerions pas ici, si ce n’était pas lui qui a inventé le mot « socialisme » et le sens nouveau du mot « solidarité », en faisant sortir ce dernier terme de la langue du droit pour l’introduire dans celle de la vie sociale. Nous n’applaudissons point à ce néologisme, avons-nous déjà dit, persuadé que nous sommes que ce vague mot de solidarité a exercé partout une funeste influence pour affaiblir la notion du devoir personnel et pour acclimater peu à peu les formules mêmes du plus pur socialisme. Pierre Leroux, d’ailleurs, eut parfaitement conscience de la transformation morale qu’il voulait opérer grâce à cette conquête de dictionnaire[35].

En fait, la Révolution de 1848, qui allait éclater, fut plus franchement socialiste qu’aucune autre, et en cela son caractère économique est très nettement différent du caractère de la grande Révolution française. Même la Commune de 1871, faute de temps sans doute, ne montra, pas un égal souci, soit de dogmatiser, soit de reconstituer la société.

Or, quelle fut, en 1848, l’attitude des catholiques devant cette explosion de socialisme[36] ?

Il est certain que les socialistes leur firent les avances les plus expressives, si intéressées et si peu sincères qu’elles pussent être. Les titres de plusieurs journaux socialistes en disent assez. Bûchez, saint-simonien et carbonaro, et son collaborateur Roux-Lavergne intitulèrent le leur la Revue nationale, organe de la démocratie chrétienne. Une autre feuille, qui parut assez longtemps, s’appelait le Christ républicain, nom qu’elle remplaça bientôt par celui-ci : le Christ républicain démocrate socialiste. Cabet avait déclaré que le communisme est la même chose que le christianisme dans la pureté de ses origines[37], et que les ordres religieux auraient probablement établi la communauté sur la terre, s’ils avaient pris pour base le mélange des sexes au lieu de se fonder sur leur isolement[38]. Proudhon écrivait, en 1848, un opuscule du Christianisme et de son origine démocratique. Louis Blanc, qui dans l’Organisation du travail avait eu sans cesse le nom de Dieu sous sa plume, professait de son côté qu’il ne faut pas « confondre ce que le christianisme avait eu de relatif et de transitoire avec ce qu’il a de divin et d’éternel », et que si autrefois il avait été amené à exagérer par l’ascétisme la victoire de l’âme sur le corps pour réagir contre le matérialisme païen, il fallait maintenant revenir à un juste équilibre, en faisant succéder l’harmonie à l’antagonisme et à la victoire tour à tour exagérée du corps sur l’âme et de l’âme sur le corps[39]. Il n’y avait pas même jusqu’à l’antithéiste Proudhon qui ne crût utile de dire « qu’en matière de religion la plupart des socialistes sont mystiques et qu’une foule de catholiques sont socialistes ».

Si cette dernière proposition n’était pas exacte sous sa forme générale, il n’en est pas moins vrai qu’un certain nombre de catholiques, alors comme hier encore, s’efforçaient déjà de trouver dans le socialisme un reflet et même une émanation de l’Évangile[40]. Mais nous reviendrons plus tard sur cette parenté d’origine et ces liens de filiation ou de conformité que bien des fois l’on a prétendus exister entre le christianisme et le socialisme.

Le journal l’Ère nouvelle, dont le rédacteur principal était un économiste, M. de Coux, se distinguait dans cette dangereuse et fausse tactique[41]. Mais en face de lui était l’Univers, où alors Louis Veuillot n’admettait pas de transaction avec l’erreur. M. de Montalembert, sur cette question là, combattait aux côtés de Veuillot, en déclarant que le plus grand péril social était la naïveté des gens religieux, qui pactisaient avec les démocrates socialistes et qui les encourageaient à mettre le Christ de moitié dans les prédications les plus incendiaires. Il y a de cela soixante ans, et nous pouvons dire que nous avons connu bien près de nous de ces mêmes naïfs.

Mais pour lors les tentatives de socialisme chrétien échouèrent. Les leçons de choses que le socialisme osa donner en 1848 et 1849, dessillèrent les yeux des quelques honnêtes gens abusés, et les avertissements que Pie IX leur adressa dans son Encyclique du 8 décembre 1849, datée de Gaëte, brisèrent ce lien qu’on tentait de former entre des hommes faits pour ne pas s’entendre[42].

Il fallut un intervalle de près de trente ans pour qu’on essayât de renouer le fil ; car même les nouvelles leçons de choses que donna la Commune, ne suffirent pas à empêcher cette seconde tentative, si tant est que pour la France ces derniers événements ne l’aient pas précipitée.

  1. Le titre exact de cette commission, instituée par le décret du 28 février 1848, était « Commission du gouvernement pour les travailleurs ».
  2. Sur Louis Blanc, voyez entre autres Isambert, Idées socialistes, IIe partie, ch. vi. — Mais M. Isambert se contente de ranger Louis Blanc parmi les « socialistes d’État » (op. cit., p. 274) ; nous croyons que ce qualificatif est beaucoup insuffisant.
  3. La Propriété de Thiers renferme quatre livres : 1. I, du droit de propriété ; — 1. II, du communisme ; — 1. III, du socialisme ; — 1. IV, de l’impôt. Même aujourd’hui, après toutes les transformations que le socialisme a subies, on peut relire ce livre avec autant de fruit que d’intérêt.
  4. Thiers, op. cit., 1. III, ch. i. — Sur l’identité finale du communisme et du socialisme, voyez encore 1. III, ch. x.
  5. Organisation du travail, 1. I, ch. ii (9e édition, 1850, pp. 25 et s.).
  6. « Chaque machine nouvelle, disait Louis Blanc, est pour qui l’emploie une source de bénéfices, mais elle chasse de l’atelier une foule de journaliers » (Droit au travail). — Voyez aussi Organisation du travail, loc. cit.
  7. Voyez plus haut, pp. 580 et s.
  8. Droit au travail, édition de 1849, Réponse aux objections.
  9. Organisation du travail, 9e éd., p. 86.
  10. Op. cit., pp. 112-113.
  11. Op. cit., 9e éd., pp. 228-229.
  12. Organisation du travail, 9e éd., pp. 207 et s.
  13. Dans l’édition que nous citons (postérieure à son fameux discours de 1848), Louis Blanc essaye, mais très obscurément, de faire disparaître la contradiction de ses deux opinions successives (Organisation du travail, 9e éd., 1850, 1. I, ch. v, pp. 72 et s.).
  14. Op. cit., 1. I, ch. iv.
  15. Articles 4-9 du programme babouviste.
  16. Sudre, Histoire, du communisme, 5e édit., p. 377.
  17. Voyez ici pour plus de détails l’excellente discussion du R. P. Castelein, S. J., dans le Socialisme et le droit de propriété, pp. 180 et s., et dans le Droit naturel, 1903, pp. 183 et s. — Comparez Thiers, De la Propriété, 1. III. ch. ix.
  18. Castelein, Socialisme et droit de propriété, pp. 181-209.
  19. J.-B. Say, Traité d’économie politique, 1. II, ch. iv, § 4, 2e éd., t. II, p. 83. — Voyez plus haut, p. 325. — À citer comme une anomalie parmi les économistes libéraux l’opinion brutale de M. de Molinari, que la société n’est tenue à secourir ses membres que lorsque leur entretien doit se traduire par une récupération ultérieure de leurs forces économiques (Questions économiques à l’ordre du jour, 1905, p. 133), d’où résulterait le droit ou le devoir, pour la société, de se désintéresser des vieillards, des infirmes et des incurables.
  20. Voyez sur ce dernier point l’Encyclique de Léon XIII aux évêques des États-Unis, du 28 janvier 1895 (Encyclique Longinqua Oceani) : « Personne, y est-il dit, ne doit empêcher qui que ce soit de donner son travail à qui il lui plaît et quand il lui plaît ».
  21. Castelein, Socialisme et droit de propriété, p. 210.
  22. Castelein, op. cit., pp. 497 et s. (sect. II, ch. xii). — Voyez l’Encyclique Rerum novarum ou De conditione opificum, où Léon XIII parle précisément des « richesses taries dans leur source et de l’égalité dans le dénument, l’indigence et la misère ».
  23. C’était déjà l’idée sous-entendue de Robespierre, affirmant dans son projet de Déclaration des droits de l’homme (21 avril 1793) que « la propriété des uns ne doit préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l’existence, ni à la propriété des autres » (art. 9 du projet).
  24. Castelein, op. cit., p. 213.
  25. Voyez nos Éléments d’économie politique, 2e édit., pp. 75 et 139, et supra, Histoire des doctrines économiques, p. 416.
  26. Sur Proudhon, étudier Arthur Desjardins, P.-J. Proudhon, sa vie, ses œuvres, sa doctrine (2 vol., 1896), livre très bien documenté et très bien pensé ; — voir ensuite Isambert, Idées socialistes, IIe partie, ch. ix..
  27. « Il ne se dit pas en mille ans deux mots comme celui-là, s’écriait plus tard Proudhon. Je n’ai pas d’autre bien sur la terre que cette définition de la propriété, mais je la tiens plus précieuse que les millions des Rothschild, et j’ose dire qu’elle sera l’événement le plus considérable du règne de Louis-Philippe » (Système des contradictions économiques, t. II, p. 329).
  28. Voyez plus haut, p. 637.
  29. On y trouve une remarque que Karl Marx a reproduite et qu’il se fait ordinairement attribuer. C’est que, si la division du travail augmente la production, le patron vole toute la différence dont le produit du travail collectif et organisé excède ce qui serait la somme des travaux individuels. Autrement dit, en payant des travaux simples, il jouit d’un travail composé qu’il n’a pas payé. Tel le maquignon qui vend une paire de chevaux pour un prix plus élevé que la somme des prix isolés de chacun d’eux. — On peut répondre que l’ouvrier ne fournit que des unités de travail, et que la constitution d’un ensemble, étant l’œuvre de l’entrepreneur, pourrait être aussi pour ce dernier le principe d’un profit légitime qui lui fût propre. Et cependant, en fait, l’ouvrier bénéficie bien de toute productivité du travail. L’influence de la productivité sur le salaire, pour être une des constatations les plus récentes de la science, n’en est pas moins un des faits les plus certains. Et alors cette productivité qui détermine ou qui hausse le salaire moyen, est incontestablement le quotient du produit total par le nombre total des producteurs.
  30. Voyez dans Aucuy, les Systèmes socialistes d’échange, un chapitre très intéressant sur la « Banque d’échange » et la « Banque du peuple » de Proudhon, avec le texte de leurs statuts (pp. 163 et 171). L’idée fut appliquée, plus ou moins déformée, par la banque Bonnard, fondée à Marseille en 1849 et devenue à Paris le Comptoir Naud (ibid, pp. 188 et s.) ; puis par une, Waarenbank que Flürscheim créa en 1894 à Harxheim-Zell dans le Palatinat, mais qui disparut avant que les socialistes en eussent révélé l’existence (ibid., pp. 196 et s.).
  31. Voyez supra, p. 605.
  32. Voyez Desjardins, Proudhon, t. I, p. 176.
  33. Voir l’introduction à l’Abrégé des œuvres de Proudhon (sans nom d’auteur), Paris, Flammarion, s. d. (paru en 1897).
  34. Ses principaux ouvrages sont : De l’Égalité, 1838 ; De l’Humanité, 1840. — Consultez Reybaud, Études sur les réformateurs ou socialistes modernes. — Raillard, Pierre Leroux et ses œuvres, Châteauroux, 1899 ; — Isambert, Idées socialistes, pp. 206 et s.
  35. « J’ai le premier — dit-il dans la Grève de Samarez (1863) — emprunté aux légistes le mot de solidarité, pour l’introduire dans la philosophie c’est-à-dire selon moi dans la religion. J’ai voulu remplacer la charité du christianisme par la solidarité humaine. »
  36. Sur cette question, étudier un des chapitres les plus suggestifs du Socialisme chrétien de M. Henri Joly, ch. iv, pp. 180 et s.
  37. Voyage en Icarie, 4e édition, 1846, p. 478.
  38. Ibid., p. 567.
  39. Introduction (juillet 1847) à une nouvelle édition de l’Organisation du travail (voyez la 9e édition, pp. 5-7).
  40. Cette idée n’est spéciale ni à 1848, ni aux démocrates chrétiens de France : on la trouve ailleurs. « Il collettivismo, dit M. l’abbé Umberto Benigni, è una eresia cristiana, mentre l'individualismo è puro paganesimo » (Economia sociale cristiana avanti Costantino, 1897, p. 237).
  41. L’Ère nouvelle prenait parti pour le papier-monnaie, l’impôt progressif et le droit au travail. « Nous n’en sommes plus à la Terreur, disait-elle le 8 mai 1848. Maintenant qu’il s’agit du redressement des anciennes injustices sociales, qu’il s’agit de dépouillement volontaire, de renoncement à soi-même, de fraternité, nous nous retrouvons en plein christianisme ; nous reconnaissons les questions que l’Évangile avait posées. ». Et l’on tombait sur Malthus et Bentham. Ce même journal expliquait que la Révolution de février, quand elle avait proclamé qu’elle était « sociale », avait cédé à un mouvement qui était « l’impulsion même de l’esprit évangélique ». Un nommé Chevé, que son socialisme très authentique n’empêchait pas de se dire tout aussi catholique, écrivait en avril 1849 : « Le socialisme qui se propose cette sainte mission (consoler ceux qui pleurent et rassasier ceux qui ont faim), ne fait qu’accomplir la volonté de Dieu et préparer l’avènement de son règne ».
  42. Le cardinal Giraud, archevêque de Cambrai, condamna publiquement aussi le journal le Christ démocrate socialiste.