Histoire du Canada et des Canadiens français/Partie 1/Chapitre 1

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PREMIÈRE PARTIE




LA NOUVELLE FRANCE


PREMIÈRE PARTIE




LA NOUVELLE FRANCE




CHAPITRE PREMIER


De la Découverte des « Terres Neuves » à la mort de Poutrincourt
(1504-1608)


« Ce n’est pas chose nouvelle aux François d’aller par mer faire de nouvelles conquestes : car nous savons assez que la descouverte des Terres-Neufves et les entreprises généreuses de mer ont esté commencées par nos devanciers ».

Ainsi débute le livre des Voyages du « sieur Samuel de Champlain, Xainctongeois[1], capitaine pour le Roy en la Marine du ponant. »

Ce furent, en effet, des Bretons et des Normands qui, en l’an 1504, douze ans après l’expédition de Christophe Colomb — découvrirent, « les premiers des chrétiens[2] », le grand banc « des Moluques » et l’île de « Terre Neufve ». Pour le dire ici, ce nom de Terres-Neuves désigna indistinctement toutes les terres de l’Amérique septentrionale avant de devenir le nom propre de la grande île qui masque l’immense estuaire du Saint-Laurent.

En 1523, le roi François Ier, que stimulait le bruit des riches découvertes faites par les Espagnols dans le Nouveau-Monde, donna commission à un navigateur florentin qu’il avait pris à son service, Verazzani, d’explorer les côtes de l’Amérique, en remontant du Sud au Nord pour examiner si le sol et le climat étaient favorables à des établissements. Verazzani longea les côtes depuis la Floride jusqu’à la hauteur du Cap Breton, « sous le cinquantième degré de latitude », et revint en France où le roi fut si content de son rapport qu’il le chargea d’une nouvelle expédition. Malheureusement, Verazzani mourut, au cours de ce voyage, et cette circonstance, jointe à la guerre qui s’alluma à ce moment entre la France et l’Espagne, détourna pour un temps François Ier de ses visées sur l’Amérique.

Il y revint, après la conclusion de la paix de Cambrai. Il ne pouvait admettre que les rois d’Espagne et de Portugal s’adjugeassent cette immense étendue de territoire sans lui en laisser miette. « Je voudrais bien voir, disait-il, l’article du testament d’Adam qui leur lègue ce vaste héritage ! Qu’il souffrent au moins que j’y aie ma part, comme leur frère ! »

Philippe de Chabot était alors grand amiral de France. C’est sur une commission signée de lui que Jacques Cartier, de Saint-Malo, brave et aventureux marin comme tant d’autres enfants de sa ville natale, entreprit ce voyage de reconnaissance qui devait attacher pour jamais son nom à la découverte du golfe et du bassin du Saint-Laurent.

La munificence du ministre ne lui avait donné pour cette première expédition que deux bâtiments de soixante tonneaux chacun, avec 61 hommes d’équipage. Les deux voiliers quittèrent Saint-Malo au printemps de 1534, cinglèrent en droite ligne vers l’occident, s’engagèrent dans le détroit de Belle-Ile qu’on avait pris jusque-là pour une simple baie ; pénétrèrent dans le golfe immense du Saint-Laurent, reconnurent Anticosti et quelques autres îles du golfe ; puis, ayant contourné, sur presque tout son périmètre, l’ile de Terre-Neuve et mouillé quelque temps dans la « baie des Chaleurs », qui reçut alors le nom qu’elle a gardé depuis, ils remirent le cap sur Saint-Malo où ils rentrèrent le 5 septembre 1534.

Cartier remit à la voile, le 19 mai de l’année suivante, avec un armement plus considérable. Il avait cette fois trois navires, « sçavoir la Grand Hermine du port, environ cent à six vingt tonneaulx, ou estoit le cappitaine général, et pour maistre Thomas Frosmont, Claude du Pont Briand, fils du seigneur de Montrueil et eschansson de monseigneur le Dauphin, Charles de la Pommeraye, Jehan Poullet, et autres gentilzhommes. Au second navire, nommé la Petite Hermine du port, environ soixante tonneaulx, estoit cappitaine soulz ledict Cartier Marc Jalobert, et maistre Guillaume Le Marié. Et au tiers navire nommé l’Émerillon du port de environ quarante tonneaulx, en estoit cappitaine Guillaume Le Breton, et maistre Jacques Maingart[3].

La traversée fut contrariée par les vents ; néanmoins la petite flottille s’étant « entre perdue » pendant la tourmente, se retrouva à Terre-Neuve, et se remit en route pour reprendre ses investigations de l’année précédente. Après avoir longé la côte septentrionale du golfe au nord d’Anticosti, elle pénétra en droite ligne dans le fleuve Saint-Laurent[4]. Cartier s’engagea dans l’immense bras de mer que forme ce fleuve, d’abord jusqu’à son confluent avec le Saguenay, puis jusqu’aux parages de Québec appelés déjà Canada, (groupe de cabanes), dans la langue des indigènes. Il relâcha au port de Stadaconé, au confluent d’une rivière qu’il nomma Sainte-Croix et qui est devenue depuis la rivière Saint-Charles[5]. Là, notre navigateur, se servant, comme truchements, de deux jeunes « Peaux-Rouges » qu’il avait pris avec lui lors de sa première expédition dans la baie des Chaleurs, put entrer en communication avec les sauvages et il réussit à gagner la confiance des chefs. Cartier, à leur prière, fit entendre la voix de ses canons : « De quoi, dit-il, ils furent si étonnés qu’ils pensoient que le ciel fust cheu sur eux, et se prirent à hurler et hucher si très fort, qu’il semhloit qu’enfer y fust vuidé. »

Curieux cependant de poursuivre ses découvertes, Cartier, laissant deux de ses vaisseaux à l’ancre, partit avec le troisième et remonta le fleuve jusqu’à une bourgade appelée par les sauvages Hochelaga et située à l’emplacement où s’est élevée depuis la ville de Montréal[6]. Les indigènes d’Hochelaga, comme ceux de Canada, firent fête à Cartier et à ses compagnons et lui donnèrent quelques indications sur leur pays et sur les rivières qui le traversent. Cartier eût bien voulu contrôler par lui-même ces renseignements ; mais reconnaissant la difficulté de remonter plus loin, à cause des rapides ou « sauts » qui barrent à cet endroit le cours du fleuve, il retourna à son hâvre de Sainte-Croix, où il se décida à hiverner avec sa flottille.

L’hiver fut rigoureux, un de ces longs hivers du Canada où la neige couvre le sol pendant cinq mois de l’année. Le scorbut, jusque-là inconnu aux marins, fondit sur ses gens et lui en enleva près du quart ; lui-même fut atteint de l’épidémie, mais un remède que lui indiqua un Indien contribua à le guérir, lui et plusieurs autres. La troupe fut heureuse, après la débâcle des glaces, de pouvoir lever l’ancre pour revenir en France. Cartier dut cependant abandonner un de ses bâtiments, faute de bras suffisants pour la manœuvre ; en revanche, il emmenait, de gré ou de force, et plus de force que de gré, quelques « sauvages », dont un grand chef, pour les présenter au roi. Les deux vaisseaux firent route entre l’île d’Anticosti et les côtes de Gaspé, trouvèrent le passage au sud de Terre-Neuve, complétant par cette découverte la reconnaissance de toute cette région et, après une courte escale aux îles de Miquelon, rentrèrent à Saint-Malo, le 16 juillet 1536.

Jacques Cartier rendit compte à François Ier de son expédition et lui présenta les sauvages qu’il avait amenés. Le roi accueillit le navigateur malouin avec son affabilité naturelle. Mais, autour de lui, les avis étaient partagés sur les résultats de ce voyage ; les pelleteries que Cartier avait rapportées et ce qu’il disait des facilités de ce commerce avec les sauvages paraissaient un argument décisif à quelques-uns pour une prise de possession définitive des terres nouvellement découvertes dans ce Nouveau-Monde, où il n’était pas possible d’ailleurs que la France ne se fît pas son lot ; mais d’autres objectaient la rigueur et l’insalubrité du climat, attestées par le désastreux hivernage de la flottille ; et puis Cartier n’avait pas rapporté la moindre pépite d’or ! et c’était là surtout, ce qu’attendaient les courtisans, à l’heure où la découverte des mines du Pérou et la légende de l’Eldorado faisaient tourner toutes les têtes.

Le temps était d’ailleurs peu propice à des entreprises de colonisation. L’aurore sanglante des persécutions religieuses avait commencé à se lever sur la France. En dépit de ses sentiments humains et des suggestions de sa sœur, la tendre Marguerite de Valois, François Ier s’était laissé arracher par les Beda et les autres fanatiques de Sorbonne, des décrets liberticides contre les « luthériens », ainsi qu’on appelait alors tous les adhérents de la Réforme. Les échafauds et les bûchers se dressaient dans toutes les villes du royaume, arrosés du sang des plus généreux martyrs. Les esprits au dedans étaient profondément troublés comme aux approches d’une guerre civile ; et, au dehors, Charles-Quint, profitant de ces troubles, attaquait la France de deux côtés, par l’Espagne et par les Flandres. Avant de songer aux conquêtes lointaines, il fallait commencer par défendre le sol de la patrie.

Dès l’année suivante cependant, les succès de nos troupes amenèrent une trêve (trêve de Nice, 1538) qui fut signée pour dix ans, mais devait être rompue avant la fin de la troisième année. Cet intervalle de paix permit de reprendre les projets de colonisation. Cartier fut renvoyé une troisième fois vers les Terres Neuves (1541) ; mais cette fois le vaillant Malouin devait être sous les ordres d’un gentilhomme picard, François de la Roque, seigneur de Roberval, qui avait su gagner les faveurs de la cour et s’était fait nommer « vice-roi »

de la « Nouvelle-France » et des pays circonvoisins. Ce vice-roi ne partit pour ses nouveaux états que plus de dix-huit mois après Cartier ; celui-ci, abandonné pendant ce temps à ses seules ressources et pressé par la disette et par la maladie qui s’était encore une fois déclarée dans son équipage, dut prendre le parti de retourner en France. Comme il tenait la mer, il rencontra près de Terre-Neuve le vice-roi, Roberval, qui amenait enfin trois navires, avec deux cents personnes, et qui voulut décider Cartier à rebrousser chemin ; mais Cartier, mécontent, passa outre et continua de cingler vers Saint-Malo. M. de Roberval cependant s’obstina dans son entreprise, pénétra dans le golfe et dans le fleuve de Saint-Laurent et vint mouiller, sur les traces de Cartier, dans un petit hâvre naturel situé en amont de l’île d’Orléans et qu’il nomma Franceroy[7].

Il s’établit dans cet endroit, y fit élever un fort, une tour et divers bâtiments, bref, tous les commencements d’une capitale. Malheureusement, le scorbut fit encore rage pendant l’hiver et enleva une cinquantaine des « sujets » du vice-roi. Une excursion assez malheureuse, dans le bassin du Saguenay, affaiblit encore le moral de cette première colonie et M. de Roberval n’avait plus guère de confiance dans le succès de son entreprise quand il reçut — et par l’intermédiaire de Cartier lui-même, qui fit à cette occasion son quatrième voyage au Canada, — l’ordre de rentrer en France pour mettre son épée au service de son souverain, engagé dans une nouvelle guerre contre Charles-Quint. Il est facile de comprendre comment cet ordre combla les vœux de gens si rudement éprouvés ; il ne resta personne en arrière, qu’une respectable dame, nommée « demoiselle Marguerite », qui, par un concours de circonstances dramatiques, fut abandonnée avec sa vieille nourrice sur une plage du Labrador[8]. Pour plusieurs années, la « Nouvelle-France » d’Amérique n’eut pas d’autres représentants.

Cette première tentative avait, en somme, échoué et, dans l’état de guerre et de crise intestine où se trouvait alors la France, on pouvait se demander si elle serait jamais reprise.

Il était réservé à l’amiral Coligny de ramener l’attention sur ces territoires du Nouveau-Monde où les nations européennes, les races japhétiques, devaient trouver, avec un nouvel apanage, un champ clos étendu pour les luttes pacifiques de la civilisation. En 1555, le noble amiral, « l’un des génies les plus étendus, dit l’abbé Raynal, les plus fermes, les plus actifs qui aient jamais illustré ce puissant empire, grand politique et bon citoyen jusque dans les horreurs des guerres civiles[9], » conçoit le projet de coloniser avec des émigrants, pour La plupart huguenots, les rivages de l’Amérique. Sa pensée était d’assurer la liberté de conscience de ses coreligionnaires, tout en étendant, par leurs bras, la puissance et l’influence de la France. Quel dommage que cette idée de génie n’ait pu être suivie d’effet ! Que fût-il advenu si, à l’exemple des puritains d’Angleterre, les huguenots français eussent accompli un libre exode vers cette terre promise de la liberté de conscience et de foi ? Supposez qu’au temps de la révocation de l’édit de Nantes, au lieu d’être dispersés sur toutes les plages de l’Angleterre, de la Hollande, de la Prusse, dans tous ces pays qu’ils contribuèrent à enrichir et à fortifier, supposez qu’ils eussent été laissés libres de se rendre, — avec la certitude d’y trouver déjà des frères de même langue et de même foi, — dans cette nouvelle France protestante que Coligny s’était proposé de fonder, quelle n’eût pas été la moisson d’une telle semence en cette terre vierge d’Amérique ! Quels développements n’eût pas pris ce jeune peuple, formé de l’élite du nôtre — car, de l’aveu de tous les historiens impartiaux, les huguenots du XVIe siècle étaient parmi les plus valeureux, les plus entreprenants, les plus éclairés et les plus industrieux des enfants de la France, — et grandissant dans cette atmosphère de liberté et de self-government que crée partout où il passe le souffle vivifiant de l’Évangile ! Le phénomène qui sera probablement le fait capital de ce siècle : la croissance vertigineuse, la prospérité toujours ascendante des États-Unis d’Amérique, n’eût pas laissé de se produire ; seulement, au lieu d’avoir été coulée dans le moule anglo-saxon toujours un peu fruste, la République américaine aurait reçu l’empreinte et reproduit l’effigie de la nationalité française ; c’est à notre race qu’eût appartenu l’hégémonie du Nouveau-Monde ; pour tout dire en deux mots, l’Amérique du Nord, au lieu d’être dans son ensemble anglaise de race et de langue, serait aujourd’hui, dans sa presque totalité, un pays français. Ainsi l’avait rêvé Coligny, et nous ne dirons jamais assez quel malheur ce fut, au point de vue français, que ses patriotiques visées ne soient pas devenues une réalité.

Mais reprenons notre récit pour montrer quel fatal concours de circonstances déjouèrent les projets de l’illustre chef des huguenots. Déjà, en 1635, sous le roi Henri II, il avait essayé de fonder au Brésil une colonie protestante. Un ancien chevalier de Malte, rallié aux idées de la Réforme, Durand de Villegagnon, avait été mis à la tête de l’entreprise ; mais Villegagnon étant ensuite retourné au catholicisme, perdit la confiance de ses compagnons, et les Français, privés de chef et trop peu nombreux, ne purent se maintenir dans le pays.

Ce premier échec ne découragea pas Coligny. La situation de ses coreligionnaires devenait en France de plus en plus critique, placés qu’ils étaient entre les persécutions à subir ou les révoltes à fomenter. L’amiral, qui exerçait alors quelque influence sur l’esprit du roi Charles IX, profita d’un moment de trêve entre les deux partis, pour envoyer une expédition sur les côtes de l’Amérique du Nord. Dieppe était, à cette époque, comme La Rochelle, un nid d’armateurs et de négociants huguenots. Le 18 février 1562, un capitaine de ce port, Jean Ribaut, partit avec deux vaisseaux munis de ce qui était nécessaire pour jeter les fondements d’une colonie, et montés par plus de six cents hommes, tant volontaires que marins, tous appartenant à la religion réformée. Se dirigeant d’abord vers le golfe du Mexique, Ribaut atteignit, après une heureuse traversée de deux mois, la côte de Floride, la remonta, et s’arrêtant dans le voisinage de la baie appelée encore aujourd’hui « Fort-Royal », dans la Caroline du Sud. il fit édifier dans une île de la côte un fort qu’il appela du nom du roi régnant (Charlesfort), y laissa ses volontaires avec des provisions, puis repartit pour aller chercher en France renforts et ravitaillements. Mais la guerre civile rallumée l’empêcha d’obtenir ces secours, et, son absence se prolongeant fort au-delà du terme fixé, le découragement se mit parmi nos français, qui se voyaient exilés si loin de la mère-patrie et se croyaient oubliés d’elle. Il résolurent de construire eux-mêmes, avec les bois du pays, et quoiqu’ils n’eussent ni voiles, ni agrès, ni ancres, un petit brigantin sur lequel ils pussent se rapatrier. Ils y travaillèrent avec une ardeur extrême, s’improvisant eux-mêmes charpentiers, forgerons, calfats ; la mousse de la forêt prochaine servit à calfater le vaisseau ; l’écorce des pins fournit le goudron ; les chemises et les draps se transformèrent en voiles. Tous les apprêts achevés, le vaisseau prit la mer, emportant tous nos colons, et mit le cap sur la France. Malheureusement, la traversée fut retardée par des accalmies ; les vivres manquèrent ; la cale, mal étanchée, faisait eau de toute part ; une partie des hommes mourut de faim et de fatigue, et l’équipage tout entier eût sans doute péri de même, si un navire anglais ne s’était rencontré d’aventure pour ramener en Europe ces infortunés.

Ainsi l’Amérique, comme autrefois ce jardin des Hespérides que défendaient les dragons, semblait porter malheur aux téméraires assez hardis pour aborder ses rivages. Mais la moindre vertu de Coligny n’était pas cette mâle constance qui aurait pu prendre pour son compte la belle devise de la maison d’Orange : Je maintiendrai. Les qualités qui distinguaient l’amiral sur les champs de bataille et faisaient ses défaites aussi dangereuses à ses adversaires que des victoires, ne l’abandonnaient jamais dans le conseil et, qu’il s’agît de paix ou de guerre, d’une délibération dans un Synode ou d’une entreprise de colonisation, toujours cette fermeté calme se retrouvait au service d’un robuste bon sens pour préparer le succès des justes causes qu’il servait, ou pour en réparer les revers[10].

L’amiral tint donc ferme dans ses résolutions. Par ses soins, une nouvelle expédition partit en 1564, sous les ordres du capitaine de Laudonnière, gentilhomme protestant du Poitou : celui-ci débarqua avec ses gens et ses provisions près de la rivière de Mai, à quelque distance de l’endroit où s’était fixée la colonie précédente. Il donna au pays où il s’établissait et au fort qu’il éleva dans l’intérieur des terres le nom de Caroline, nom que portent encore aujourd’hui deux États de la grande République Américaine. Cette colonie « qui serait devenue un empire florissant si elle avait été suffisamment protégée[11] », fut malheureusement, comme ç’avait été le cas pour l’expédition précédente, laissée trop longtemps à ses seules et trop précaires ressources. Les privations et la misère surexcitèrent quelques mutins, qui allèrent jusqu’à menacer Laudonnière de mort : celui-ci dut déployer une rare autorité pour avoir raison des séditieux, dont il fit pendre quatre. Cependant, la misère continuant et les provisions manquant toujours, — au point que les colons ne se soutenaient que par la générosité des sauvages, qui leur procurèrent du blé d’Inde, — Laudonnière avait pris le parti de retourner en France, quand les Français aperçurent plusieurs voiles qui se dirigeaient vers leur port. C’était le capitaine Ribaut, envoyé par Coligny, qui amenait de nouvelles familles de colons, des animaux, des outils d’agriculture et des vivres.

Tout eût été pour le mieux, grâce à ce ravitaillement inespéré, si les Espagnols, qui avaient pris ombrage de l’établissement des Français dans le voisinage de la Floride, n’étaient venus fondre à l’improviste sur la colonie naissante. Le combat s’engagea sur terre et sur mer à la fois ; mais les Français surpris de cette brusque agression — d’autant plus inattendue que la France et l’Espagne étaient à ce moment en paix, — furent écrasés avant d’avoir eu le temps de se mettre sur la défensive. Laudonnière put s’échapper, mais Jean Ribaut fut pris, avec plusieurs de ses compagnons, et les Espagnols, qui leur avaient d’abord promis la vie sauve, les firent ensuite traîtreusement massacrer ou pendre. Pour se mettre en règle avec la Madone et peut-être aussi avec le roi « très-chrétien[12] », on épargna, dans cette boucherie, quelques catholiques qui se trouvaient, en petit nombre, mêlés aux huguenots et on mit cette inscription sur l’arbre qui servit de gibet : « Pendus non comme Français, mais comme Luthériens et ennemis de la foi. » N’était-ce pas une œuvre pie d’exterminer les hérétiques partout où ils se rencontraient ?… (1565)

Une éclatante vengeance fut tirée de cette félonie, non par le gouvernement du roi de France, trop occupé lui-même, à ce moment, de sa lutte contre « l’hérésie », mais par un simple chevalier, Dominique de Gourgues. Gourgues était catholique, mais bon Français, et le premier article de sa loi était la haine des Espagnols, contre lesquels il avait longtemps ferraillé sur les champs de bataille d’Italie. Ressentant vivement l’outrage fait à la France par ces Espagnols détestés, il vendit tout son bien pour acheter et armer trois navires, y embarqua 80 matelots et 150 soldats, la plupart gentilshommes, quitta le port de Bordeaux sans avoir avisé personne de son dessein, traversa l’Atlantique, surprit les Espagnols dans le fort Caroline et, payant de sa personne à la tête de ses compagnons d’armes, leur livra un assaut furieux, qui mit ses ennemis à sa discrétion. Les Espagnols furent pendus à leur tour avec cette inscription : « Pendus non comme Espagnols, mais comme pirates, bandoliers et écumeurs de mer » (1568). Après cette exécution et le fort démoli, de Gourgues se rembarqua avec ses hommes, « laissant, dit le narrateur (Champlain), laissant au cœur des sauvages un regret immortel de se voir privés d’un si magnanime capitaine. »

Du fait de ces incidents, l’œuvre de la colonisation n’avançait pas, ou même elle semblait étouffée dans son germe. Pendant un intervalle de trente années, aucune entreprise sérieuse ne fut faite pour reprendre cette œuvre et, sauf les barques des pêcheurs normands, bretons ou basques qui continuaient de visiter, pour la pêche de la morue, les parages de Terre-Neuve, ou pénétraient même, pour le trafic des pelleteries, dans le bassin du Saint-Laurent, le pavillon français avait cessé de se montrer dans les eaux de l’Amérique.

Qu’il nous soit permis de combler cet intervalle et de préparer la transition aux tentatives que nous allons maintenant raconter par une citation de Garneau, l’historien national du Canada. Cette page vient si bien à l’appui de nos propres observations que nous aurions regret de la passer sous silence :

« En formant, écrit cet auteur, des établissements protestants français dans le Nouveau-Monde, Coligny exécutait un projet patriotique dont l’Angleterre, en l’imitant, sut ensuite profiter, et dont nous voyons aujourd’hui les immenses résultats. Il voulait ouvrir, en Amérique, à tous ceux qui s’étaient séparés de la religion dominante, un asile où, tout en formant partie du même empire et en augmentant son étendue et sa puissance, ils pourraient jouir des avantages que possédaient les fidèles de l’ancienne religion dans la mère-patrie. C’était une des plus belles et des plus nobles conceptions des temps modernes. Si elle n’a pas réussi, c’est que, par malheur, le parti catholique qui conservait toujours la principale influence sur le trône s’y opposa sans cesse, tantôt sourdement, tantôt ouvertement, — excité par la cour de Rome étrangère à la nation et par conséquent fort peu touchée de ses intérêts ou de sa grandeur.

« Il en fut ainsi, surtout vers le temps où nous sommes arrivés. La longue période qui s’écoula entre l’expédition de Roberval et celle du marquis de la Roche en Acadie, en 1598, est entièrement remplie par la grande lutte avec l’Espagne et l’Empire et par les longues et sanglantes guerres de religion rendues si tristement fameuses par le massacre de la Saintt-Barthélemy. L’attention des chefs de l’État, absorbée par ces évènements mémorables qui ébranlèrent la France jusqu’en ses fondements, ne put se porter vers le Nouveau-Monde qui fut à peu près oublié.

« Ce n’est qu’après que le calme fut un peu rétabli et que Henri IV fut solidement établi sur le trône, que l’on revint aux desseins qu’on avait formés sur le Canada et sur les parages voisins, mais avec des motifs de moins pour la colonisation depuis la pacification des Huguenots[13]. »

Henri IV était, en effet, un assez grand roi et avait l’esprit assez haut placé pour comprendre de quel intérêt était pour la France une expansion coloniale et pour favoriser, de son mieux, cette expansion. C’était, d’ailleurs, le temps où toutes les nations maritimes de l’Europe se hâtaient de prendre un pied solide sur le continent américain. L’Espagne et le Portugal se partageaient l’Amérique centrale et l’Amérique du sud. L’Angleterre avait jeté son dévolu sur la Floride et persistait à s’y établir en dépit des attaques des Espagnols. C’est en l’an 1607 que John Smith fonde en Virginie, à Jamestown, le premier établissement anglais durable. Le grand exode des Puritains anglais sur les côtes du Massachussets commencera en 1620. La Hollande allait bientôt après (1623) établir la colonie rapidement florissante de Manhattan, aujourd’hui New-York. Il n’y avait pas de temps à perdre pour la France si elle voulait se ménager une part des « terres-neuves » et s’assurer les titres et les droits du premier occupant.

Un seigneur breton, Troïlus du Mesgouez, marquis de la Roche, s’était fait accorder, sous le règne de Henri III, une commission de « gouverneur, lieutenant-général et vice-roi des Terres-Neuves et pays occupés par gens barbares qu’il prendra et conquestera ». Henri IV continua cette commission, en 1598. Mais l’entreprise du marquis ne fut pas heureuse. N’ayant aucune connaissance des lieux et forcé de s’en rapporter à son pilote, un normand nommé Chédhotel, il déposa ses colons dans l’île de Sable, près du cap breton, et les laissa là, dans un lieu impropre à toute culture, sans bois ni pierre pour bâtir. Ces pauvres gens demeurèrent sept années sur cette plage inhospitalière, obligés de se creuser des retraites dans la terre et de se vêtir de peaux de loups marins, n’ayant d’autres ressources, pour vivre, que celles de la pêche et de quelques bœufs qui, par fortune, avaient été jetés là à la suite d’un naufrage. Au bout de ces sept ans, le pilote qui les avait mis dans cette fâcheuse position fut condamné par la cour de Rouen à les aller rechercher. Revenus en France, on les présenta, dans leur accoutrement sauvage, au roi Henri IV, qui commanda à Sully de leur donner « quelques commodités, comme il fit jusques à la somme de cinquante écus, pour les encourager de s’en retourner[14] ».

Une expédition plus sérieuse s’organisa, en 1599, sous les ordres d’un capitaine de navire, le sieur Chauvin ou de Chauvin. Ce Chauvin était huguenot et se recommandait au roi par les services qu’il lui avait rendus pendant les dernières guerres. Il obtint les pouvoirs qui avaient été confiés précédemment au marquis de la Roche ; mais, avant, de partir, il se fit commanditer, comme on dirait aujourd’hui, par un riche négociant de Saint-Malo, nommé Du Pont-Gravé, qui avait conçu le vaste projet de monopoliser entre ses mains la traite des fourrures dans l’Amérique du Nord. Les deux associés frêtèrent quelques vaisseaux et se rendirent jusqu’à Tadoussac, au confluent du Saint-Laurent et du Saguenay, où s’opéra le débarquement. Ce lieu, excellent pour le trafic des pelleteries, était d’ailleurs assez mal choisi à cause de l’aridité du sol et de la froidure excessive du climat, « tel, dit Champlain, que s’il y a une once de froid à 40 lieues à mont la rivière, il y en a là une livre ». Chauvin repartit avant l’hiver de 1599-1600, hiver qui fut extrêmement dur et fit bien connaître à ceux qui restèrent « le changement qu’il y avait entre la France et Tadoussac ».

Chauvin retourna, dès que la mer le lui permit, visiter les colons ou plutôt les trafiquants de Tadoussac et leur apporter du renfort. L’affaire marchait bien au point de vue commercial, sinon au point de vue agricole, et le brave capitaine venait de faire un troisième voyage quand il mourut en 1601.

C’est maintenant que nous allons voir Champlain entrer en scène, non plus seulement comme narrateur, mais comme acteur.

Le commandeur de Chaste, gouverneur de Dieppe, avait reçu du roi la commission devenue caduque par la mort de Chauvin. « Et d’autant que la despense estoit fort grande, il fit une société avec plusieurs gentilshommes et principaux marchands de Roüen et d’autres lieux — entre lesquels Pontgravé tenait encore un des premiers rangs. — Ce qu’estant fait ils font équiper vaisseaux tant pour l’exécution de ceste entreprise que pour descouvrir et peupler le pays[15] ». Champlain, qui s’était déjà fait connaître comme un marin distingué et comme un vaillant soldat dans la dernière campagne contre les Espagnols (1595), fut prié par M. de Chaste de prendre le commandement de l’expédition. Henri IV donna son autorisation à l’officier de sa marine et le chargea de lui rendre directement un compte fidèle du voyage.

Champlain, résolu d’examiner les lieux par lui-même avant de commencer un établissement définitif, partit pour un voyage de reconnaissance en compagnie de Pontgravé, avec qui il se lia, nous apprend-il lui-même, d’étroite amitié. Les deux explorateurs, laissant leurs vaisseaux à Tadoussac, remontèrent le fleuve sur une chaloupe jusqu’au saut Saint-Louis où Jacques Cartier s’était arrêté en 1535. Ils reconnurent les alentours du saut, notèrent au passage la position de Québec ; après quoi, et ayant dressé une carte exacte de ses reconnaissances, Champlain revint en France et présenta au roi le récit de son voyage[16].

Sur ces entrefaites, le commandeur de Chaste étant mort, son privilège fut transféré par Henri IV à l’un de ses anciens compagnons d’armes : Pierre de Mons, sieur du Gua, gouverneur de Pons en Saintonge. Ce gentilhomme « étoit, dit Champlain, de la religion prétendue réformée, mais il avoit rendu de bons services à Sa Majesté pendant toutes les guerres passées et elle avoit en lui une grande confiance pour sa fidélité, comme il a fait paroistre tousjours jusqu’à sa mort ». De Mons n’était, d’ailleurs, pas étranger au pays dont il venait d’être fait gouverneur. Il avait déjà accompagné Chauvin, lors de sa première expédition, et Champlain nous le montre « porté d’un zèle et affection d’aller peupler et habiter le pays de la Nouvelle-France et y exposer sa vie et son bien ». Un des articles de sa commission stipulait que les sauvages seraient instruits dans la foi catholique ; mais en même temps les huguenots obtenaient la liberté de professer leur religion dans les colonies qu’on établirait, comme ils l’avaient en France. Ce n’est que plus tard, sous Louis XIII, qu’on revint sur ces dispositions tolérantes.

M. de Mors conserva la compagnie formée par son prédécesseur, mais en l’augmentant par l’adjonction de marchands de La Rochelle et d’autres villes. Quatre vaisseaux furent équipés au Havre, dont un se dirigea vers Tadoussac et un autre vers le détroit de Canceau[17] en vue de la traite des fourrures et de la pêche de la morue.

Les deux autres, sur lesquels M. de Mons et Champlain avaient pris place, firent voile plus au sud. M. de Mons estimait, en effet, que les établissements du Saint-Laurent étaient situés trop au nord et qu’il serait avantageux de se fixer dans un climat moins rigoureux. Il avait donc porté ses vues sur les côtes de l’Acadie (aujourd’hui Nouvelle-Écosse) et c’est pour cette contrée, encore inexplorée, qu’il partit, en mars 1604, emmenant avec lui « nombre de gentilshommes — parmi lesquels M. de Poutrincourt, baron de Saint-Just, en Champagne, — et toutes sortes d’artisans, soldats et autres, tant d’une que d’autre région, prestres et ministres[18] ».

Après avoir atteint la côte de l’Acadie et contourné la vaste presqu’île dans tous ses sens, on prit terre sur la côte orientale dans une île de la baie de Passamacady qu’on nomma Sainte-Croix et où on résolut de s’établir. On y construisit, en effet, quelques magasins ; mais on s’aperçut bientôt que l’eau manquait et que le climat était à la fois rigoureux et peu salubre. Notre colonie se transporta en conséquence sur la côte occidentale de la presqu’île, dans une belle rade de huit lieues de circuit qui donnait sur la baie Française et qu’on appela Port-Royal (aujourd’hui Annapolis). Ce déplacement n’alla pas, comme on pense, sans bien des difficultés et des fatigues ; mais tous les hommes s’y mirent avec courage et bonne humeur, deux qualités que nous constaterons toujours au début de tous les élablissements fondés par les Français en lointains pays.

« Le sieur de Poutrincourt ayant trouvé le lieu à son gré, il le demanda, avec les terres y continentes, au sieur de Mons ; ce qui lui fut octroyé et depuis en a pris lettres de confirmation, de Sa Majesté, en intention de s’y retirer avec sa famille pour y établir le nom chrétien et françois tant que son pouvoir s’étendra[19]. »


Après avoir jeté les premières assises de son nouvel établissement, M. de Mons « s’embarqua pour le retour et avec lui ceux qui voulurent le suivre. Néanmoins plusieurs de bon courage demeurèrent sans appréhender le mal passé ». Pontgravé resta à la tête de ces derniers, comme le lieutenant de M. de Mons. Ces premiers « Acadiens » passèrent l’hiver comme ils purent, achevant leurs logements, trafiquant avec les sauvages, faisant, sur les côtes voisines, des excursions que Champlain raconte tout au long dans son livre et ne laissant pas de courir de grands dangers dans ces expéditions sur des terres inconnues.

Cependant, Mons, de retour en France, trouvait son crédit ébranlé à la cour et les esprits prévenus contre son entreprise, par suite des plaintes que faisaient entendre les marchands de pelleteries, frustrés de leurs bénéfices par son privilège. Il put craindre un moment de perdre, avec son monopole, tous ses associés ; et quand, dans ces conjonctures, M. de Poutrincourt, son ancien compagnon d’armes, lui proposa de se charger du gouvernement et du soin de la colonie naissante, M. de Mons souscrivit volontiers à cet arrangement qui réservait, d’ailleurs, à son profit, certains privilèges commerciaux.

La convention faite, M. de Poutrincourt s’occupa de trouver des colons et de rassembler tout ce qui était nécessaire : bestiaux, provisions, outils, pour une colonisation à laquelle il voulait donner un caractère essentiellement agricole. Le rendez-vous général avait été donné à La Rochelle et le jour du départ, fixé au commencement de mai (1606). Marc Lescarbot, « avocat du Parlement », le premier des historiens de la « Nouvelle France », s’était joint à cette expédition, et c’est une page qui mérite d’être conservée que celle où il raconte ses impressions de départ :

« Arrivez que nous fûmes à La Rochelle, nous y trouvâmes les sieurs de Monts et de Poutrincourt, qui y étoient venus en poste, et notre navire, appelé le Jonas, du port de cent cinquante tonneaux, prêt à sortir hors les chaînes de la ville pour attendre le vent… Mais les ouvriers, parmi la bonne chère (car ils avoient chacun vingt sols par jour), faisoient de merveilleux tintamarres au quartier de Saint-Nicolas, où ils étoient logez. Ce qu’on trouvait fort étrange en une ville si réformée que La Rochelle, en laquelle ne se fait aucune dissolution apparente : il faut que chacun marche l’œil droit, s’il ne veut encourir la censure soit du maire, soit des ministres de la ville… »


« Et puis que j’entreprends une histoire narrative des choses en la façon qu’elles se sont passées, je dirai que ce nous est chose honteuse que les ministres de La Rochelle priassent Dieu chaque jour en leurs assemblées pour la conversion des pauvres peuples sauvages et même pour notre conduite, et que nos ecclésiastiques ne fissent pas le semblable. De vérité nous n’avions prie ni les uns ni les autres de ce faire, mais en cela se reconnaît le zèle d’un chacun. Enfin, peu auparavant notre départ il me souvint de demander au sieur curé ou vicaire de l’Église de La Rochelle, s’il ne pourroit point trouver quelque sien confrère qui voulût venir avec nous : ce que j’esperoy se pouvoir aisément faire, pource qu’ils étoient là en assez bon nombre, et joint qu’étant en une ville maritime, je cuidoy qu’ils prinssent plaisir de voguer sur les flots ; mais je ne peu rien obtenir. Et me fut dit pour excuse qu’il faudroit des gens qui fussent poussez de grand zèle de piété pour aller en tels voyages et seroit bon de s’adresser aux Pères Jésuites. Ce que nous ne pouvions faire alors, notre vaisseau ayant presque sa charge. À propos de quoy il me souvient avoir plusieurs fois ouy dire au sieur de Poutrincourt qu’après son premier voyage étant en court, un Jésuite de Court lui demanda ce qui se pourroit espérer de la conversion des peuples de la Nouvelle-France et s’ils étoient en grand nombre. À quoy il répondit qu’il y avoit moyen d’acquérir cent mille âmes à Jésus-Christ, mettant un nombre certain pour un incertain. Ce bon Père faisant peu de cas de ce nombre, dit là-dessus par admiration : N’y a-t-il que cela ? comme si ce n’étoit pas un sujet assez grand pour employer un homme !… »


En suivant cette histoire, nous retrouverons bientôt ces mêmes Pères Jésuites fort occupés de la Nouvelle-France, mais beaucoup moins, semble-t-il, pour convertir à la foi chrétienne les âmes des sauvages, que pour frustrer Mons et Poutrincourt des concessions de terres qui leur avaient été accordées et se les faire adjuger à eux-mêmes sous le couvert d’une dame de qualité, la marquise de Guercheville, fort dévote et très accréditée à la cour de Marie de Médicis. C’est là un chapitre curieux des gestes de la trop célèbre Compagnie, qu’on peut trouver tout au long dans l’histoire de Lescarbot.

Le Jonas arriva à Port-Royal le 28 juillet, y ramenant, avec l’abondance, l’entrain et le courage qui avaient un moment tout à fait abandonné la petite colonie. Dès le lendemain, on commença à ouvrir la terre pour la préparer aux semailles d’automne. En homme de sens, Poutrincourt avait compris dès l’abord la vanité des calculs que tant d’autres fondaient sur les mines et sur les trésors métalliques du Nouveau-Monde ; les pêcheries et les fourrures ne lui parurent même qu’une ressource incidente ; il visa tout de suite à fonder un établissement agricole, appuyé sur une population laborieuse et sédentaire. Ce pays, presque inhabité — car les tribus indiennes étaient fort disséminées et peu nombreuses, — ces rivages fertiles, ces lais de mer, ces polders d’une exploitation facile et ces grandes forêts vierges aux essences variées, offraient un horizon sans limites aux pacifiques ambitions du baron champenois. Du manoir principal qu’il voulait établir à Port-Royal, il pensait diriger un jour, comme autant d’essaims, chacun de ses cadets sur quelque fief nouveau taillé dans le plein drap de cette vaste solitude[20]. Lescarbot, l’avocat au Parlement qui avait quitté Paris « pour fuir un monde corrompu », rêvait, lui, d’être le barde ou le trouvère de ce haut baron. Il rimait des épîtres dans le goût de son temps et composait des pièces de théâtre qu’on jouait ensuite pour le plus grand ébaudissement des sauvages. Champlain et les autres avaient institué un ordre du Bon Temps, sorte d’académie culinaire où chacun, étant à tour de rôle maitre d’hôtel et chargé de l’approvisionnement de la table, avait à faire la preuve de ses connaissances gastronomiques. Nos gens mariaient ainsi l’agréable à l’utile ; tour-à-tour agriculteurs, marins, charpentiers, chasseurs ou cuisiniers : Lescarbot ne réussissait pas moins dans le jardinage et dans la mécanique que dans les travaux du bel esprit. « Tous les jours, écrit de lui Charlevoix, il inventait quelque chose de nouveau pour l’utilité publique… Il eût été aussi capable d’établir une colonie que d’en écrire l’histoire. »

Cette activité porta bientôt fruit. Les semences confiées au sol levèrent, l’été suivant, dans d’excellentes conditions ; les arbres abattus et équarris s’élevèrent en constructions peu élégantes, mais solides ; on eut un four pour faire les briques, un moulin pour moudre le blé, un alambic pour clarifier la gomme de sapin et la transformer en goudron. Tout marchait donc à souhait dans la nouvelle colonie, où l’hiver ne s’était d’ailleurs pas fait sentir avec trop de rigueur. Le Jonas avait été renvoyé en France sous les ordres de Pontgravé, et l’on attendait son retour avec une impatience bien naturelle à des émigrés, qui se sentaient isolés du reste du monde. Le Jonas revint, en effet, et entra dans la rade de Port-Royal en juin 1607 ; mais, hélas ! quelles nouvelles décevantes et décourageantes il apportait ! M. de Mons mandait à son ami Poutrincourt les graves déconvenues qui avaient fondu sur lui. Toutes les pelleteries de la Compagnie, acquises dans une année de trafic, avaient été enlevées par les Hollandais. Mécompte plus grave pour Mons, les marchands de Saint-Malo avaient obtenu la révocation de son monopole, et on ne lui avait accordé en retour qu’une indemnité imaginaire. M. de Mons faisait donc savoir qu’il ne pouvait plus désormais soutenir la colonie et il se prononçait même pour un abandon de la contrée, tout en laissant les colons libres de prendre le parti qu’ils jugeraient préférable.

La douleur fut vive à ces nouvelles et Lescarbot l’exprime naïvement dans son livre : « Ce nous étoit grand deuil d’abandonner ainsi une terre qui nous avoit produit de si beau blé, et tant de beaux ornements de jardins… » M. de Poutrincourt, en particulier, était navré ; il ne put se résoudre à partir qu’avec le ferme propos de revenir, car, ajoute le chroniqueur, « après qu’il eut longtemps songé sur ceci, il dit que, quand il devroit venir tout seul avec sa famille, il ne quitteroit point la partie. » Les sauvages, de leur côté, manifestèrent un véritable chagrin de ce départ : ils avaient pris les Français en vive affection et il leur fallut répéter, avant le départ, que cette séparation n’était que temporaire. Ils promirent de garder, dans l’intervalle, les bâtiments et les magasins de la colonie ; ce qu’ils firent, en effet, et avec une fidélité telle que quand M. de Poutrincourt revint, deux ans après, il trouva toutes choses dans l’état où il les avait laissées.

Nous avons dit : « deux ans après » ; l’absence fut, en réalité, de trente mois — du 11 août 1607 au 25 février 1610. — M. de Poutrincourt, dès son retour en France, s’était mis en campagne pour trouver des bailleurs de fonds qui le soutinssent dans sa lointaine et coûteuse entreprise ; mais il avait reçu, surtout dans l’entourage de la cour, plus de belles paroles que de concours effectif ; et ce n’est qu’à la fin que, s’étant adressé aux négociants de Dieppe, il put conclure avec deux d’entr’eux, les nommés Dujardin et Duquesne[21], un arrangement qui combla ses vœux et lui permit de prendre enfin la mer pour retourner dans sa chère Acadie.

Il emmenait avec lui, dans cette nouvelle expédition, deux de ses fils : Charles de Biencourt et Jacques de Salazar ; le fils du gouverneur de Dieppe, Robin de Coulogne, qui s’était fort intéressé à son entreprise, et enfin un certain nombre d’artisans ou de laboureurs, pris la plupart dans sa seigneurie de Champagne et parmi lesquels figurait un nommé Claude Delatour[22] dont le fils, Charles, alors âgé de quatorze ans, devait jouer un grand rôle dans la nouvelle colonie.

Celle-ci reprenait vie une fois de plus et rien n’empêchait qu’elle ne s’accrût et ne prospérât très rapidement, sous la direction paternelle de M. de Poutrincourt. Malheureusement et dans l’année même de cette reprise de possession (1610), Henri IV mourait assassiné par le couteau d’un fanatique. « Cette calamité, remarque l’historien du Canada, n’eut pas de suites moins funestes pour la lointaine et faible colonie de la baie française que pour le reste du royaume. L’intrigue et la violence qui remplacèrent, sous Marie de Médicis et son ministre Concini, la politique conciliante du feu roi, vinrent troubler jusqu’aux humides cabanes de Port-Royal et amenèrent pour la seconde fois leur ruine[23]. »

Le crime de Ravaillac avança singulièrement en cette occurrence les affaires de ses anciens maîtres. « En effet, continue notre auteur, le ministre italien était à peine au pouvoir que les Jésuites, par son influence, forçaient M. de Poutrincourt à les recevoir dans son établissement en qualité de missionnaires. » Les associés, qui étaient huguenots ou qui avaient des préventions contre les jésuites, les regardant comme les auteurs de la Ligue et de l’assassinat de Henri IV, préférèrent se retirer de la société que de consentir à les admettre parmi eux. Ils furent remplacés sur-le-champ par la vieille marquise de Guercheville qui s’était déclarée la protectrice des missions de l’Amérique : c’était tout ce que voulaient les révérends pères. La marquise acheta les droits que M. de Poutrincourt avait sur l’Acadie et qu’elle se promettait de faire revivre, afin de mettre Poutrincourt lui-même dans sa dépendance. En effet, le fils de ce dernier, Biencourt, fut obligé, peu de temps après, de conclure un arrangement avec elle. Aux termes de ce traité, la subsistance des missionnaires devait être prélevée sur la pêche et même sur la traite des pelleteries, aux profits de laquelle la vieille dame les associa, ôtant ainsi, selon Lescarbot, à ceux qui auraient eu la volonté d’aider à l’entreprise, le moyen d’y prendre part.

« S’il falloit donner quelque chose, ajoute ce judicieux écrivain, c’étoit à Poutrincourt, et non au Jésuite qui ne peut subsister sans lui. Je veux dire qu’il falloit premièrement aider à établir la république, sans laquelle l’Église ne peut être, d’autant que, comme disoit un ancien evesque, l’Église est en la république, et non la république en l’Église. »


« Les dissensions ne tardèrent pas à éclater. Elles furent portées au point que les Jésuites, agissant au nom de leur puissante protectrice, firent saisir les vaisseaux de Poutrincourt, et causèrent des emprisonnements et des procès qui le ruinèrent, et qui réduisirent les habitants de Port-Royal, auxquels il ne put envoyer de provisions, à vivre de glands et de racines tout un hiver. Après l’avoir ainsi épuisé, Mme de Guercheville se retira de la Société et chercha à établir les Jésuites ailleurs, laissant Port-Royal sortir de l’abîme comme il pourrait. Champlain fit tout ce qu’il put pour l’engager à s’associer avec M. de Mons — qui tournait alors ses vues du côté du Saint-Laurent ; — mais elle ne voulait avoir rien à faire avec un calviniste. Au reste, les Jésuites espéraient former en Acadie un établissement semblable à celui qu’ils avaient déjà dans le Paraguay, et qui fût entièrement dans leur dépendance ; mais leur tentative, comme on va le voir, eut les suites les plus malheureuses[24]. »

Quoi qu’il soit, — comme cela ressort de tout son livre et du passage même que nous allons citer, — très favorable au catholicisme et aux missions catholiques, l’historien Garneau ne peut s’empêcher d’ajouter ici cette réflexion : « Les protestants, comme les catholiques partisans de Sully, composaient la classe la plus industrieuse de la France et par cela même la plus favorable au progrès du commerce et de la colonisation. Leurs adversaires, qui prétendaient dominer à toute force dans les affaires politiques comme dans les affaires religieuses, voulurent, du jour où ils furent les maîtres en Amérique comme ailleurs, que le commerce supportât toutes les dépenses, ecclésiastiques aussi bien que civiles, fardeau beaucoup trop lourd pour lui, et ils sacrifièrent, autant par faux zèle que par ignorance, les intérêts les plus chers du pays à la dévotion sublime mais outrée du XVIIe siècle[25]. »

Revenons à Mme de Guercheville et à ses protégés. Par les soins de la vieille marquise on arma, dans le port de Honfleur, un vaisseau qui devait conduire les Jésuites au nouvel établissement qu’ils avaient résolu de fonder de l’autre côté de la baie Française. La reine-mère, qui protégeait aussi ces « bons pères » voulut contribuer à l’achat des armes et des munitions. Sur ce vaisseau, placé sous le commandement d’un sieur La Saussaye, partirent, le 12 mars 1613, les PP. Quentin et Du Thet. Ils rallièrent, en passant à Port-Royal, les PP. Biard et Massé qui se trouvaient là, et tous ensemble, suivis de leurs gens, firent voile vers l’île des Monts-Déserts, à l’embouchure de la rivière Pentagoët. Les Jésuites prirent possession de ce lieu, qu’ils nommèrent Saint-Sauveur, en y dressant une grande croix, puis ils s’occupèrent d’y faire construire un retranchement et des logements pour les hommes qui devaient y passer l’hiver. Tout alla bien pour quelque temps, et l’on se flattait déjà d’un succès qui effacerait jusqu’au nom de la colonie rivale, quand survint un orage qui abattit du même coup et la nouvelle colonie de Saint-Sauveur et les espérances des pères jésuites.

Les Anglais avaient, en 1606, fondé leur première colonie américaine sur les côtes de Virginie. En l’année 1613, où nous sommes parvenus, leur établissement ne comptait encore que 400 âmes ; mais déjà le voisinage des Français, quoique ceux-ci fussent les premiers en date, irritait la jalousie britannique, et, tandis que la France revendiquait tout le territoire au nord du 40e degré (latitude de Philadelphie), les Anglais réclamaient, en vertu d’une prétendue charte de Jacques Ier, l’attribution de tout le pays situé au-dessous du 45e degré de latitude. L’île des Monts-Déserts se trouvant dans la zône contestée, un certain Argall, capitaine virginien, se montra inopinément à la tête d’une petite flottille moitié marchande, moitié flibustière, dans les eaux de Saint-Sauveur. Comme rien n’avait fait prévoir cette attaque, la France étant alors en paix avec l’Angleterre, il fut très facile à Argall de s’emparer du fort et de l’unique vaisseau français qui était amarré dans le voisinage. Argall, qui dans toute cette affaire se conduisit en véritable forban, feignit, au contraire, de considérer comme autant de pirates les colons de Saint-Sauveur et, après avoir détruit les papiers et les brevets de La Saussaye, il emmena les malheureux Français en Virginie où ils furent jetés en prison et traités comme des flibustiers. Avant de partir, il avait chargé sur ses bâtiments tout ce qui pouvait s’enlever, puis avait brûlé le reste, en sorte qu’il ne resta absolument rien de cet établissement de Saint-Sauveur[26].

Mais Port-Royal se trouvait, aussi bien que Saint-Sauveur, au sud du 45e degré de latitude et les Anglais pensaient n’avoir rien fait tant que le drapeau français flottait sur la péninsule d’Acadie. Le gouverneur de la Virginie, Thomas Dale, confia à Argall une nouvelle expédition qui, à la fin d’octobre 1613, atteignit la rade de Port-Royal. Les colons, confiants dans la paix qui continuait de régner entre les deux couronnes, étaient occupés à leurs récoltes et à leurs cultures dans la campagne environnante. Biencourt lui-même était chez les sauvages. Les Anglais occupèrent donc librement le fort et les habitations de Port-Royal. Ils les dévalisèrent et brûlèrent tout ce qu’ils ne purent emporter.

Biencourt, averti, accourut pour se mettre à la tête de ses hommes ; mais les Anglais venaient de lever l’ancre et de partir avec leur butin. Ce désastre, quelque grand qu’il fût pour la colonie, n’entraîna pourtant pas sa destruction. La plus grande partie des ustensiles, beaucoup d’armes et des bestiaux restaient entre les mains des colons ; quelques semailles étaient déjà faites ; le moulin avec tout ce qu’il contenait avait échappé aux recherches des Anglais ; par dessus tout, on pouvait se fier au courage, à l’énergie et à l’esprit de ressource d’hommes qui, depuis des années, étaient habitués à compter sur eux-mêmes plus que sur les secours extérieurs[27].

La colonie se releva donc et quand, au printemps de l’année suivante (27 mars 1614), M. de Poutrincourt arriva, avec un navire que quelques marchands de La Rochelle lui avaient permis de fréter, tout le monde se reprit à espérer. De nouveaux logements et des magasins plus solides sortirent des ruines faites par les Anglais. Biencourt remit à son père les fourrures qu’il avait su ramasser au plus fort même de ses embarras et qui devaient servir à couvrir les dépenses de la colonie. Poutrincourt, après avoir présidé au rétablissement de toutes choses dans cette chère colonie à laquelle il avait consacré onze années déjà de sa vie, repartit pour la France, en laissant de nouveau son fils à la tête du fief que son énergie avait créé et maintenu. Il se promettait bien, après avoir vendu sa cargaison, de repartir l’année suivante (1615) pour Port-Royal ; mais le ciel en avait décidé autrement et cette noble carrière devait se terminer glorieusement sur le champ d’honneur. De retour en France, il fut en effet requis pour le service du roi afin de soutenir en Champagne, de son influence et de son bras, l’autorité royale contre la levée de boucliers du prince de Conti. C’est dans cette campagne qu’il mourut (décembre 1615), à l’assaut de la petite ville de Méry-sur-Seine. Il avait alors cinquante-huit ans.

Cette mort porta un coup sensible à la colonie acadienne. Biencourt, à qui revenait la conduite de l’entreprise, manquait non de courage mais de crédit et de relations. Cependant, il fit de son mieux pour continuer les traditions paternelles et, unissant son sort à celui de son fief acadien, il demeura à Port-Royal, comptant pour ses approvisionnements sur les ressources du sol et sur les échanges qu’il pourrait faire accidentellement avec les navires de pêche qui venaient de temps en temps sur ces côtes. Nous verrons ce qui advint, par la suite, de l’établissement ainsi conservé. Mais il est temps de revenir au Canada proprement dit et à la colonie que Champlain asseyait alors sur les bords du Saint-Laurent.

  1. Saintongeais. Champlain était de Brouage en Saintonge.
  2. Voyages de Champlain et document manuscrit des Archives de la Marine. Il est même probable que les côtes de Terre-Neuve étaient déjà connues, avant les découvertes de Colomb, par les marins bretons et basques qui se livraient dans ces parages à la pêche de la morue. D’après les annales de Dieppe, un Dieppois, le capitaine Cousin, aurait, dès 1488, découvert le continent américain, mais les armateurs de Dieppe auraient caché cette découverte.

    Quelques auteurs ont prétendu que, l’an 1497, Jean Cabot et Sébastien Cabot, son second fils, marins vénitiens à la solde de l’Angleterre, auraient touché aux côtes du Canada et pénétré dans le fleuve Saint-Laurent ; mais l’assertion est très contestée.

  3. Le texte du second voyage de Cartier nous est parvenu par l’édition imprimée à Paris par Ponce Rollet, en 1545 : Brief récit et succincte narration de la navigation faicte es ysles de Canada, Hochelage et Saguenay et autres, etc. Le seul exemplaire connu de cet ouvrage se trouve au British Museum où nous l’avons pu consulter grâce à l’obligeance de notre ami, M. E.-E. Stride, l’un des bibliothécaires du British Museum.
  4. Le nom de Saint-Laurent n’avait été d’abord donné par Cartier qu’à une baie qu’on suppose être la baie dite aujourd’hui de Sainte-Geneviève, où il s’arrêta le jour de la fête de ce saint. Le nom s’étendit ensuite au fleuve, puis au golfe lui-même.
  5. Le P. Charlevoix fait hiverner Cartier à l’embouchure de la rivière dite Jacques-Cartier. Il est cependant plus probable que la rivière à laquelle Cartier donna le nom de Sainte-Croix est la rivière connue aujourd’hui sous le nom de Saint-Charles et qui se jette dans le Saint-Laurent, sous les murs de Québec. Mémoire de M. A. Berthelot, 1844.
  6. Ainsi nommée du mont qui la domine et que Cartier avait appelé Mont-Royal.
  7. Cartier, l’année précédente, l’avait nommé Charlesbourg-Royal.
  8. Thévet raconte l’aventure tout au long dans son ouvrage : Le Grand Insulaire et pilotage. — Cf. l’Heptameron, Nouv. LXVII.
  9. Raynal. Histoire philosophique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes. Tome VIII, page 123.
  10. La France de notre génération ne fait que s’honorer et réparer une longue injustice envers cette grande mémoire en élevant à Paris, au chevet du temple de l’Oratoire, tout près de cette place de Saint-Germain-l’Auxerrois, où sonna le tocsin néfaste de la Saint-Barthélemy, une statue à Coligny, à celui qu’on a appelé « le plus grand des Huguenots ».
  11. Garneau, Hist. du Canada, p. 31.
  12. La reine-mère, Catherine de Médicis, fut suspectée de connivence dans ce massacre. Voir Garneau, p. 33 et 34.
  13. Garneau, Hist. du Canada. 1re Édition, t. 1er. p. 34 et 35.
  14. Voyages de Champlain. L’époque du départ et du retour de cette expédition du marquis de la Roche n’est pas bien fixée, et quoique la plupart des historiens la placent en 1598, il y a de solides raisons de penser qu’elle eut lieu sous Henri III ; seul, le rapatriement des colons, laissés dans l’île de Sable, eut lieu sûrement sous Henri IV.
  15. Champlain.
  16. Cette narration a été publiée, en 1603, sous ce titre : Des Sauvages ou voyage de Samuel Champlain.
  17. Canceau ou Chanseau, avait, au XVIe siècle le sens de bornes, limites. (Voir Littré au mot Cancel). C’est le détroit qui limite au nord-est, le continent américain.
  18. Relation de Champlain.
  19. Marc Lescarbot. Hist. de la Nouvelle France.
  20. Rameau, Une colonie féodale en Amérique.
  21. C’est le père du grand amiral, né à Dieppe en 1610.
  22. Ce nom de Delatour, ainsi orthographié, et non de la Tour, comme l’écrivent la plupart des historiens de la Nouvelle-France, est encore aujourd’hui porté en Champagne par de nombreuses familles.
  23. Garneau, Tome Ier, p. 47.
  24. Garneau. Hist. du Canada, pag. 47 et 48.
  25. Garneau, p. 48. Cette dévotion « sublime » du XVIIe siècle nous paraît à nous fort sujette à caution.
  26. Rameau. Une colonie féodale, p. 44.
  27. Rameau, Op. cit. p. 46.