Histoire du parlement/Édition Garnier/Avertissement de Beuchot

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AVERTISSEMENT
DE BEUCHOT.

L’Histoire du Parlement de Paris, par M. l'abbé Big..., parut en 1769, Amsterdam, deux volumes in-8°. Les Mémoires secrets, connus sous le nom de Bachaumont, en parlent à la date du 25 juin ; mais l’ouvrage circulait dès le mois de mai[1] ; et, avant la fin de l’année, la cinquième édition avait vu le jour. Les trois lettres Big..., et le nombre des points qui les suivent, semblaient indiquer l’abbé Bignon. Sur le frontispice de la huitième édition, qui est de 1770, on lit en toutes lettres : Par M. l’abbé Bigore.

Wagnière, secrétaire de Voltaire, nous apprend[2] que l’Histoire du Parlement fut composée, non sur les matériaux fournis par le ministère, mais à son instigation. Ce n’était pas la faute de l’auteur si le parlement n’avait pas à se louer de la manière dont il y est traité. Voltaire n’avait pu dissimuler la guerre de la Fronde, ni mentir, pour plaire à messieurs[3], dont il n’avait assurément pas à se louer[4].

On sut bientôt d’où venait le livre ; on en nommait l’auteur, et comme il était question de poursuites contre lui, il crut les prévenir par des désaveux qui furent insérés au Mercure[5].

Le parlement toutefois renonça, pour le moment, à l’inutile cérémonie de brûler le libelle, et au soin plus sérieux d’en rechercher l’auteur[6].

Mais lorsqu’en octobre 1770 l’avocat général Séguier vint à Ferney, il dit à Voltaire que quatre conseillers le pressaient continuellement de requérir qu’on brûlât l’Histoire du Parlement, et qu’il serait forcé de donner un réquisitoire vers le mois de février 1771[7]. Voltaire crut prudent de déclarer n’avoir aucune part à cette histoire, qu’il regardait d’ailleurs comme très-véridique, ajoutant que s’il était possible qu’une compagnie eût de la reconnaissance, le parlement devait des remerciements à l’écrivain qui l’avait extrêmement ménagé[8]. Voltaire avait, en effet, beaucoup ménagé le parlement. Il avait passé sous silence des faits dont il avait parlé dans d’autres ouvrages[9]. Il n’avait rien dit des jugements récents de Lally et de La Barre, qui l’indignaient tant[10].

Le réquisitoire de Séguier n’eut pas lieu parce que on requit autre chose en ce temps-là de ces messieurs, et la France en fut délivrée[11].

L’Histoire du Parlement n’avait, en 1769, que soixante-sept chapitres. Ce fut en 1770 que l’auteur ajouta ce qui forme aujourd’hui le chapitre XLVIII.

Dès la seconde édition, qui est de 1769, il avait changé les quatre premières pages du dernier chapitre (aujourd’hui le XLVIIIe). J’ai recueilli cette importante variante.

Le chapitre LXIX a été ajouté dans l’édition encadrée de 1775. Comme j’ai indiqué dans l’ouvrage les changements faits successivement à ce chapitre, il est inutile d’en parler ici.

L’Histoire du Parlement n’est peut-être pas lue autant qu’elle mérite de l’être. Cet ouvrage est exact et piquant. Ce n’est pas moi qui porte ce jugement, mais un homme qui n’est ni enthousiaste de Voltaire, ni ennemi des parlements : « quoique cet ouvrage, dit M. le président Desportes[12], soit un tissu d’épigrammes, peu dignes d’un pareil sujet, le récit des faits y est d’une grande exactitude. »

J’ai, d’après les éditions données du vivant de Voltaire, rétabli les notes indicatives de la date de quelques faits.

B.
Ce 24 auguste 1829.


  1. Lettre à Thieriot, du 29 mai 1769.
  2. Mémoires sur Voltaire, 1820, tome Ier, page 299.
  3. C’est ainsi qu’on appelait les conseillers au parlement. J’ai vu donner récemment ce nom aux conseillers de cour royale. Il se donne aussi aux juges de première instance. (B.)
  4. Lettre à Mme  du Deffant, du 22 janvier 1772.
  5. La lettre à Marin, du 5 juillet 1769, fut insérée dans le second volume de juillet ; la lettre à Lacombe, du 9 juillet, fut imprimée dans le volume d’août page 44 : voyez ces lettres, à leur date, dans la Correspondance.
  6. Expressions de Voltaire lui-même, chapitre XLIX.
  7. Lettre à Mme  de Saint-Julien, 22 janvier 1772.
  8. Lettre à Mme  de Choiseul, 15 mai 1771.
  9. Voyez, tome XIII, les Annales de l’Empire, années 1293, 1416, 1498, et la note, page 496 du présent volume ; voyez aussi, tome XIV, le chapitre IV du Siècle de Louis XIV.
  10. Il s’était cependant déjà expliqué, en termes très-mesurés il est vrai, sur le procès de Lally dans la première édition du Précis du Siècle de Louis XV, voyez pages 365-366 du présent volume. Il avait donné, en 1766, la [[|Relation de la mort du chevalier de La Barre]].
  11. Lettre à Mme  de Saint-Julien, 21 janvier 1772. Voyez, sur l’expulsion du parlement en 1771, le Dictionnaire philosophique, article Parlement de France, in fine.
  12. Biographie universelle, article R. C. de Maupeou.