Aller au contenu

Histoire du parlement/Édition Garnier/Chapitre 12

La bibliothèque libre.
◄  Chapitre 11 Chapitre 13   ►



CHAPITRE XII.

DU PARLEMENT DANS LA MINORITÉ DE CHARLES VIII, ET COMMENT IL REFUSA DE SE MÊLER DU GOUVERNEMENT ET DES FINANCES.

Après la mort de Louis XI, dans l’extrême jeunesse de Charles VIII, qui entrait dans sa quatorzième année, le parlement ne fit aucune démarche pour augmenter son pouvoir. Au milieu des divisions et des brigues de Mme de Bourbon-Beaujeu, fille de Louis XI : du duc d’Orléans, héritier présomptif de la couronne, qui fut depuis Louis XII ; et du duc de Bourbon, frère aîné du prince de Bourbon-Beaujeu, le parlement resta tranquille : il ne s’occupa que du soin de rendre la justice, et de donner au peuple l’exemple de l’obéissance et de la fidélité.

Mme de Beaujeu, qui avait l’autorité principale, quoique contestée, assembla les états généraux en 1484. Le parlement ne demanda pas seulement d’y être admis. Les états donnèrent le gouvernement de la personne du roi à Mme de Beaujeu, sa sœur, selon le testament de Louis XI. Le duc d’Orléans, ayant levé des troupes, crut qu’il mettrait la ville de Paris dans son parti si le parlement se déclarait en sa faveur. Il alla au palais, le 10 janvier 1484, et représenta aux chambres assemblées, par la bouche de Denis Le Mercier, chancelier de son apanage, qu’il fallait qu’on ramenât à Paris le roi, qui était alors à Melun, et qu’il gouvernât par lui-même avec les princes.

Jean de La Vaquerie, premier président, répondit au nom des chambres ces propres paroles : « Le parlement est pour rendre justice au peuple ; les finances, la guerre, le gouvernement du roi, ne sont point de son ressort. » Il l’exhorta pathétiquement à demeurer dans son devoir, et à ne point troubler la paix du royaume.

Le duc d’Orléans laissa ses demandes par écrit, le parlement ne fit point de réponse. Le premier président, accompagné de quatre conseillers et de l’avocat du roi, alla recevoir à Melun les ordres de la cour, qui donna de justes éloges à sa conduite.

Cette conduite si respectable ne se démentit, ni dans la guerre que le duc d’Orléans fit à son souverain, ni dans celle que Charles VIII fit depuis en Italie.

Sous Charles VIII il ne se mêla des finances du royaume en aucune manière ; cette partie de l’administration était entièrement entre les mains de la chambre des comptes et des généraux des finances : il arriva seulement que Charles VIII, en 1496, dans son expédition brillante et malheureuse en Italie, voulut emprunter cent mille écus de la ville de Paris ; chaque corps fut invité à prêter une partie de la somme : l’hôtel de ville prêta cinquante mille francs ; les corps des métiers en prêtèrent aussi cinquante mille. On ne sait pas ce que prêtèrent les officiers de la chambre des comptes, ses registres sont brûlés. Ceux qui ont échappé à l’autre incendie, qui consuma une partie du palais, portent que le cardinal du Maine, le sire d’Albret, le sire de Clérieux, gouverneur de Paris, le sire de Graville, amiral de France, vinrent proposer aux officiers du parlement de prêter aussi quelques deniers au roi, le 6 août. Il fallait que Charles VIII et son conseil eussent bien mal pris leurs mesures dans cette malheureuse guerre pour être obligés de se servir d’un amiral de France, d’un cardinal, d’un prince, comme de courtiers de change, pour emprunter de l’argent d’une compagnie de magistrats qui n’ont jamais été riches. Le parlement ne prêta rien. « Il remontra aux commissaires la nécessité et indigence du royaume, et le cas si piteux que, non indiget manuscribentis, qui sera cause d’ennui et atédiation aux lisants qui nec talia legendo temperent a lacrymis. On pria les commissaires, comme grands personnages, qu’ils en fissent remontrance au roi, lequel est bon prince. » Bref, le parlement garda son argent. C’est une affaire particulière ; elle n’a de rapport à l’intérêt public que la nécessité et indigence du royaume, alléguée par le parlement comme la cause de son refus[1].


  1. Voltaire parle d’un arrêt du parlement, du 6 mars 1496, dans le Dictionnaire philosophique, aux mots Lèpre et Vérole.