Histoire du parlement/Édition Garnier/Chapitre 41

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CHAPITRE XLI.
DIVORCE DE HENRI IV.

Le parlement n’eut aucune part au divorce de Henri IV avec Marguerite de Valois, sa première femme[1]. Elle passait pour stérile, quoique peut-être elle ne l’eût pas été en secret. Elle était âgée de quarante-six ans, et il y en avait quinze qu’une extrême incompatibilité réciproque la séparait de son mari. Il était nécessaire que Henri IV eût des enfants, et on présumait qu’ils seraient dignes de lui. Une affaire si importante, qui dans le fond est entièrement civile, et qui n’est un sacrement qu’en vertu d’une grâce de Dieu, accordée aux époux mariés dans l’Église, semblait devoir être naturellement du ressort des lois. Les sacrements sont d’un ordre surnaturel qui n’a rien de commun avec les intérêts des particuliers et des souverains.

Cependant l’ancien usage prévalut sans difficulté ; on s’adressa au pape comme au juge souverain, sans l’ordre duquel il n’était pas permis en ce cas à un roi d’avoir des successeurs. L’exemple du roi d’Angleterre Henri VIII n’effraya point, parce qu’on se crut sûr du pape. La reine Marguerite donna son consentement. Le pape fit examiner cette cause par des commissaires, qui furent le cardinal de Joyeuse, un Italien, évêque de Modène, et un autre Italien, évêque d’Arles. Ils vinrent à Paris interroger juridiquement le roi et la reine. On fit des perquisitions simulées pour parvenir à un jugement déjà tout préparé, et on se fonda sur des raisons dont aucune assurément n’était comparable à la raison d’État et au consentement des deux parties. On fit revivre l’ancienne défense ecclésiastique d’épouser la fille de son parrain. Henri II, père de Marguerite, avait été parrain de Henri IV. La loi était visiblement abusive, mais on se servait de tout.

On allégua encore que le roi et Marguerite étaient parents au troisième degré, et qu’on n’avait point demandé de dispense, parce que le roi, au temps de son mariage, était d’une religion qui regarde le mariage comme un contrat civil, et non comme un sacrement, et qui ne croit point qu’en aucun cas on ait besoin de la permission du pape pour avoir des enfants.

Enfin l’on supposa que Marguerite avait été forcée par sa mère à épouser Henri. C’était à la fois recourir à un mensonge et à des puérilités. Ce n’était pas ainsi qu’en usaient les anciens Romains, nos maîtres et nos législateurs, dans des occasions pareilles. Le dangereux mélange des lois ecclésiastiques avec les lois civiles a corrompu la vraie jurisprudence de presque toutes les nations modernes : il a été longtemps bien difficile de les concilier. Henri IV fut heureux que Marguerite de Valois fût raisonnable, et le pape politique.


  1. 19 décembre 1599. (Note de Voltaire.)