Histoire du prince Soly/II/12

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CHAPITRE XII.


Comment la reine d'Amazonie rejoignit sa fille & son futur gendre.


Le jeune roi fut très-étonné de se voir ainsi abandonné de ses nouveaux sujets ; il ne savoit quel traitement il alloit éprouver de la part de la reine. Il avoit lieu de penser que c’étoit elle qui l’avoit fait conduire au château d’Acariasta pour servir le ressentiment de cette princesse ; mais il se résolut à périr plutôt mille fois, que de quitter sa chère Fêlée,

Bengib, qui ne s’étoit point encore montré, lui dit de n’avoir aucune inquiétude & qu’il lui livreroit bientôt la reine. En effet, il courut à elle, sans qu’elle pût le voir & lui ôta son arc & son carquois. La reine fut très-étonnée de se sentir désarmer sans voir personne. Bengib la prit sous le bras, pour la conduire vers le char où étoit le jeune roi & la princesse. La reine s’étant écriée à cette violence, ses guerrières vinrent à elles. Mais Bengib lançoit contre les Amazones les flèches même de la reine, & en blessa plusieurs sans qu’elles pussent connoître d’où partoient ces traits. Mettez bas les armes, leur cria-t-il, & ne suivez plus votre reine, ou vous allez toutes périr. Ces paroles qu’elles entendirent sans savoir qui les prononçoit achevèrent d’étonner les guerrières & elles s’arrêtèrent. Mais une flèche décochée, par hasard. dans ce désordre, atteignit Bengib, quoiqu’il fût invisible, & le blessa assez dangereusement. Sa blessure n’empêcha pas qu’il n’emmenât la reine jusqu’au char où étoit le jeune roi, & qu’il ne la forçât d’y monter. Le prince fut sensiblement touché de la blessure de l’esclave & le fit monter sur le devant du chariot, tandis que la reine embrassoit sa fille avec des larmes de joie. On lui dit en deux mots quel étoit le destin de Prenany ; elle répondit qu’elle en étoit instruite depuis long-temps & qu’elle confirmeroit au peuple de Solinie que le prince étoit vraiment fils de leur roi.

On se prépara aussi-tôt à prendre le chemin de la ville. Le roi pria la reine d’Amazonie de faire rester en cet endroit ses troupes qui s’étoient approchées. De l’humeur dit-il dont me paroissent mes sujets, ils ne m’ouvriront jamais les portes, s’ils voient tant de monde ; il faut attendre que nous les ayons rassurés, La reine ordonna donc à ses Amazones de placer leur camp dans la plaine ; il n’y eut que le jeune Agis, qui, voyant sa chère gouvernante demanda permission de suivre la reine. Après l’avoir obtenue, ce fut lui qui conduisit le char vers Solinie.

La compagnie arriva au pied des remparts, lorsque le soleil baissoit pour se coucher. On ouvrit les portes au roi & à sa suite ; & le peuple, que les sénateurs & les prêtres avoient instruit qu’ils avoient retrouvé leur monarque, suivit le char jusqu’au palais avec des acclamations de joie. Les sénateurs se présentèrent, & assurèrent le roi que s’il n’eût pas été si tard, plus de vingt mille hommes seroient allés à son secours mais que l’on comptoit se mettre en campagne le lendemain de grand matin, s’il ne fût pas revenu. Le roi les remercier de leur zèle & de leur diligence, & les envoya se reposer de leurs fatigues.