Aller au contenu

Histoire maccaronique/20

La bibliothèque libre.
(sous le pseudonyme de Merlin Coccaie)
Adolphe Delahays (p. 335-357).

LIVRE VINGTIÈME.


Après que les Diables furent ainsi deschassez par le seul signe, et par la seule presentation qui leur fut faite du Crucifix, et que Balde eust proferé beaucoup de choses en la loiange de Boccal, et qu’il cut mis son Pere au tombeau que le Centaure avoit trouvé, et avec luy mis aussi le corps de Leonard, ils engraverent au devant ces vers :

Icy gist Guy, Pere de Balde grand :
Leur beau renom le reste vous aprend.

Cest Epitaphe fut brief : mais, après que les armes de Leonard furent posées sur le tombeau, et autour d’ iceluy, en signe d'un trophée, Gilbert, à la priere de Balde chanta ces vers, lesquels aussi-tost il grava en la pierre :

Les armes que tu vois icy haut attachées,
Je te prie, ô Passant, les vouloir admirer,
D'un pitoyable pleur les vouloir honorer,
Et qu'au fond de ton coeur tu les tiennes fichées.
Leonard, le nompareil d'honneur, les a chargées;
Elles luy ont donné dequoy son los parer:
Ensemble on les a veu en vigueur s'asseurer;
Ore ensemble en ce lieu à repos sont couchées.
Que Rome martiale, à ses fils belliqueux
Se rende gratieuse, et s'employe pour ceux
Qui ornent d'un costé de grands tours sa richesse,
Par colonnes d'ailleurs appuient sa hautesse.

Toutes telles ceremonies lugubres et funebres s'acheverent par ces barons au mieux qu'il leur fut pour lors possible. Autrement, je vous prie, quelle convenance y a-il entre des tarantatare de trompettes et des sons de cloches? Et des Kyrie eleisons entre le maniement de picques? ou la brave assiette de beaux bataillons, avec Requiem eternam, Miserere, et De profundis? Vous suffise qu'au moins faisant en grande devotion leurs prieres, chascun dit à genoux son chapelet.

Or Pandrague restoit à estre payée de ses bien-faits, laquelle estoit encor attachée à un arbre. Ils feirent un petit taudis de bois sec couvert de coppeaux et autres buchetes pour brusler en iceluy ceste sorciere comme en une cage. Toutesfois Balde, qui avoit le cœur genereux, se recula loing d'un tel office, ne voulant veoir un spectacle si miserable. Ce fut là la fin de ceste putain. Ainsi puissent finir toutes les courratieres, et villaines louves, qui sont parmi le monde.

Ceste meschante ne fut pas plutost descenduë aux enfers, qu'incontinent ceste isle commença à flotter sur l'eau, estonnant les esprits des plus asseurez. Ils remettent en memoire ce que Guy avoit recité à Balde et aux autres, Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/399 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/400 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/401 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/402 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/403 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/404 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/405 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/406 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/407 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/408 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/409 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/410 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/411 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/412 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/413 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/414 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/415 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/416 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/417 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/418 Cingar le talonnoit et luy bailloit de l’esperon, de se reserrer le ventre, et mettre la teste entre les jambes en levant le derriere, en sorte que Cingar, en faisant rire la compagnie, estoit contraint mettre main à terre, et tomber plus rudement que s’il fut cheut de dessus un cheval.

Avec ce passe temps, tous ces compagnons arrivent au pied d’une haute montagne : montagne, dis-je, si extremement haute, qu’elle sembloit servir d’une colonne au pole, estant sa cime en la plus haute region de l’air. Icelle est surnommée de la Lune ; et au pied d’icelle, ils rencontrent une grande caverne, laquelle, par plusieurs destours, s’estend partout. Le Centaure y remarque les pas de Fracasse, dont un chascun se resjoüit, et tous se deliberent de suivre ce train. Balde met pied à terre : aussi, font Lyron et Hippolyte. Cingar, qui venoit après, dit : « Qui demeurera derriere, ferme la porte, comme dit le proverbe. »