Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre III/Chapitre 15

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XV. Deſcription de la côte de Malabar. Idée des états qui la forment.

Les Maldives forment une longue chaîne d’iſles, à l’Oueſt du cap Comorin, qui eſt la terre-ferme la plus voiſine. Elles ſont partagées en treize provinces, qu’on nomme Atollons. Cette diviſion eſt l’ouvrage de la nature, qui a entouré chaque Atollon d’un banc de pierre qui le défend mieux que les meilleures fortifications, contre l’impétuoſité des flots, ou les attaques de l’ennemi. Les naturels du pays font monter à douze mille, le nombre de ces iſles, dont les plus petites n’offrent que des monceaux de ſables ſubmergés dans les hautes marées, & les plus grandes n’ont qu’une très-petite circonférence. De tous les canaux qui les séparent, il n’y en a que quatre qui puiſſent recevoir des navires. Les autres ſont ſi peu profonds, qu’on y trouve rarement plus de trois pieds d’eau. On conjecture, avec fondement, que toutes ces différentes iſles n’en faiſoient autrefois qu’une, que l’effort des vagues & des courans, ou quelque grand accident de la nature, aura divisée en pluſieurs portions.

Il eſt vraiſemblable que cet archipel fut originairement peuplé par des hommes venus du Malabar. Dans la ſuite, les Arabes y paſſèrent, en uſurpèrent la ſouveraineté, y établirent leur religion. Les deux nations n’en faiſoient plus qu’une ; lorſque les Portugais, peu de tems après leur arrivée aux Indes, la mirent ſous le joug. Cette tyrannie dura peu. La garniſon, qui en tenoit les chaînes, fut exterminée ; & les Maldives recouvrèrent leur indépendance. Depuis cette époque, elles ſont ſoumiſes à un deſpote, qui tient ſa cour à Male, & qui a abandonné toute l’autorité aux prêtres. Il eſt le ſeul négociant de ſes états.

Une pareille adminiſtration & la ſtérilité du pays, qui ne produit que des cocotiers, empêchent le commerce d’y être conſidérable.

Les exportations ſe réduiſent à des cauris, du poiſſon & du kaire.

Le kaire eſt l’écorce du cocotier, dont on fait des câbles qui ſervent à la navigation dans l’Inde. Nulle part, il n’eſt auſſi bon, auſſi abondant qu’aux Maldives. On en porte une grande quantité avec des cauris, à Ceylan, où ces marchandiſes ſont échangées contre les noix d’areque.

Le poiſſon, appellé dans le pays complemaſſe, eſt séché au ſoleil. On le ſale, en le plongeant dans l’eau de la mer à pluſieurs repriſes. Il eſt divisé en filets, de la groſſeur & de la longueur du doigt. Achem en reçoit tous les ans deux cargaiſons qu’il paie avec de l’or & du benjoin. L’or reſte dans les Maldives ; & le benjoin eſt envoyé à Moka, où il ſert à acheter environ trois cens balles de café, néceſſaires à la conſommation de ces iſles.

Les cauris, ſont des coquilles blanches & luiſantes. La pêche s’en fait deux fois le mois, trois jours avant la nouvelle lune, & trois jours après. Elle eſt abandonnée aux femmes, qui entrent dans l’eau juſqu’à la ceinture, pour les ramaſſer dans les ſables de la mer.

On en fait des paquets de douze mille. Ce qui ne reſte pas dans la circulation du pays, ou n’eſt pas porté à Ceylan, paſſe ſur les bords du Gange. Il ſort tous les ans de ce fleuve un grand nombre de bâtimens qui vont vendre du ſucre, du riz, des toiles, quelques autres objets moins conſidérables aux Maldives, & qui ſe chargent en retour de cauris, pour ſept ou huit cens mille livres. Une partie ſe diſperſe dans le Bengale, où il ſert de petite monnoie. Le reſte eſt enlevé par les Européens, qui l’emploient utilement dans leur commerce d’Afrique. Ils paient la livre ſix ſols, la vendent depuis douze, juſqu’à dix-huit dans leurs métropoles, & elle vaut en Guinée juſqu’à trente-cinq.

Le royaume de Travancor, qui s’étend du cap Comorin aux frontières de Cochin, n’étoit autrefois guère plus opulent que les Maldives. Il eſt vraiſemblable qu’il ne dut qu’à ſa pauvreté, la conſervation de ſon indépendance, lorſque les Mogols s’emparèrent du Maduré. Un monarque qui monta ſur le trône vers 1730, & qui l’occupa près de quarante ans, donna à cette couronne une dignité qu’elle n’avoit jamais eue. C’étoit un homme d’un ſens exquis & profond. Il recevoit d’un de ſes voiſins deux ambaſſadeurs, dont l’un avoit commencé une harangue prolixe que l’autre ſe diſpoſoit à continuer. Ne ſoyez pas long, la vie eſt courte, lui dit ce prince avec un viſage auſtère. Son règne ne fut taché que par une foibleſſe. Il étoit Naïre, & ſe trouvoit humilié de ne pas appartenir à la première des caſtes. Dans la vue de s’y incorporer, autant qu’il étoit poſſible, il fît fondre en 1752 un veau d’or, y entra par le muffle, & en ſortit par la partie opposée. Ses édits furent datés depuis du jour d’une ſi glorieuſe rennaiſſance ; & au grand ſcandale de tout l’Indoſtan, il fut reconnu pour brame par ceux de ſes ſujets qui jouiſſoient de cette grande prérogative.

Par les ſoins d’un François nommé la Noyé, ce monarque étoit parvenu à former l’armée la mieux diſciplinée qu’on eût jamais vue dans ces contrées. Avec ces forces, il comptoit, dit-on, conquérir le Malabar entier ; & peut-être le ſuccès auroit-il couronné ſon ambition, ſi les nations Européennes ne l’euſſent traversée. Malgré ces obſtacles, il réuſſit à reculer les frontières de ſes états ; &, ce qui étoit infiniment plus difficile, à rendre ſes uſurpations utiles à ſes peuples. Au milieu du tumulte des armes, l’agriculture fut encouragée, & il s’éleva des manufactures groſſières de coton.

Il s’eſt formé deux établiſſemens Européens dans le Travancor.

Celui que les Danois ont à Colefchey eſt ſans activité. Il eſt rare & très-rare que cette nation y faſſe le plus petit achat ou la moindre vente.

Le comptoir Anglois d’Anjinga eſt placé ſur une langue de terre, à l’embouchure d’une petite rivière, obſtruée par des ſables durant la plus grande partie de l’année. La ville eſt remplie de métiers & fort peuplée. Quatre petits baſtions ſans foſſé & une garniſon de cent cinquante hommes la défendoient. Cette dépenſe a été jugée inutile. Un ſeul agent conduit aujourd’hui les affaires, avec moins d’éclat & plus d’utilité.

Territoire d’Anjinga, tu n’es rien ; mais tu as donné naiſſance à Eliza. Un jour, ces entrepôts de commerce fondés par les Européens ſur les côtes d’Aſie ne ſubſiſteront plus. L’herbe les couvrira, ou l’Indien vengé aura bâti ſur leurs débris, avant que quelques ſiècles ſe ſoient écoulés. Mais, ſi mes écrits ont quelque durée, le nom d’Anjinga reſtera dans la mémoire des hommes. Ceux qui me liront, ceux que les vents pouſſeront vers ces rivages, diront : c’eſt-là que naquit Eliza Draper ; & s’il eſt un Breton parmi eux, il ſe hâtera d’ajouter avec orgueil, & qu’elle y naquit de parens Anglois.

Qu’il me ſoit permis d’épancher ici ma douleur & mes larmes ! Eliza fut mon amie. O lecteur, qui que tu ſois, pardonne-moi ce mouvement involontaire. Laiſſe-moi m’occuper d’Eliza. Si je t’ai quelquefois attendri ſur les malheurs de l’eſpèce humaine, daigne aujourd’hui compatir à ma propre infortune. Je fus ton ami, ſans te connoître ; ſois un moment le mien. Ta douce pitié ſera ma récompenſe.

Eliza finit ſa carrière dans la patrie de ſes pères, à l’âge de trente-trois ans. Une âme céleſte ſe sépara d’un corps céleſte. Vous qui viſitez le lieu où repoſent ſes cendres ſacrées, écrivez ſur le marbre qui les couvre : telle année, tel mois, tel jour, à telle heure, Dieu retira ſon ſouffle à lui, & Eliza mourut,

Auteur original, ſon admirateur & ſon ami, ce fut Eliza qui t’inſpira tes ouvrages, & qui t’en dicta les pages les plus touchantes. Heureux Stern, tu n’es plus, & moi je ſuis reſté. Je t’ai pleuré avec Eliza ; tu la pleurerois avec moi ; & ſi le ciel eût voulu que vous m’euſſiez ſurvécu tous les deux, tu m’aurois pleuré avec elle.

Les hommes diſoient qu’aucune femme n’avoit autant de grâces qu’Eliza. Les femmes le diſoient auſſi. Tous louoient ſa candeur ; tous louoient ſa ſenſibilité ; tous ambitionnoient l’honneur de la connoître. L’envie n’attaqua point un mérite qui s’ignoroit.

Anjinga, c’eſt à l’influence de ton heureux climat qu’elle devoit, ſans doute, cet accord preſqu’incompatible de volupté & de décence qui accompagnoit toute ſa perſonne & qui ſe mêloit à tous ſes mouvemens. Le ſtatuaire, qui auroit eu à repréſenter la Volupté, l’auroit priſe pour modèle. Elle en auroit également ſervi à celui qui auroit eu à peindre la Pudeur. Cette âme inconnue dans nos contrées, le ciel ſombre & nébuleux de l’Angleterre n’avoit pu l’éteindre. Quelque choſe que fit Eliza, un charme invincible ſe répandoit autour d’elle. Le déſir, mais le déſir timide la ſuivoit en ſilence. Le ſeul homme honnête auroit osé l’aimer, mais n’auroit osé le lui dire.

Je cherche par-tout Eliza. Je rencontre, je ſaiſis quelques-uns de ſes traits, quelques-uns de ſes agrémens épars parmi les femmes les plus intéreſſantes. Mais qu’eſt devenue celle qui les réuniſſoit ? Dieux qui épuisâtes vos dons pour former une Eliza, ne la fites-vous que pour un moment, pour être un moment admirée & pour être toujours regrettée ?

Tous ceux qui ont vu Eliza la regrettent. Moi, je la pleurerai tout le tems qui me reſte à vivre. Mais eſt-ce aſſez de la pleurer ? Ceux qui auront connu ſa tendreſſe pour moi, la confiance qu’elle m’avoit accordée, ne me diront-ils point : Elle n’eſt plus, & tu vis ?

Eliza devoit quitter ſa patrie, ſes parens, ſes amis pour venir s’aſſeoir à côté de moi, & vivre parmi les miens. Quelle félicité je m’étois promiſe ! Quelle joie je me faiſois de la voir recherchée des hommes de génie ; chérie des femmes du goût le plus difficile ? Je me diſois, Eliza eſt jeune, & tu touches à ton dernier terme. C’eſt elle qui te fermera les yeux. Vaine eſpérance ! Ô renverſement de toutes les probabilités humaines ! ma vieilleſſe a ſurvécu à ſes beaux jours. Il n’y a plus perſonne au monde pour moi. Le deſtin m’a condamné à vivre & à mourir ſeul.

Eliza avoit l’eſprit cultivé : mais cet art, on ne le ſentoit jamais. Il n’avoit fait qu’embellir la nature ; il ne ſervoit en elle qu’à faire durer le charme. À chaque moment elle plaiſoit plus ; à chaque moment elle intéreſſoit davantage. C’eſt l’impreſſion qu’elle avoit faite aux Indes ; c’eſt l’impreſſion qu’elle faiſoit en Europe. Eliza étoit donc très-belle ? Non, elle n’étoit que belle : mais il n’y avoit point de beauté qu’elle n’effaçât, parce qu’elle étoit la ſeule comme elle.

Eliza a écrit ; & les hommes de ſa nation, qui ont mis le plus d’élégance & de goût dans leurs ouvrages, n’auroient pas déſavoué le petit nombre de pages qu’elle a laiſſées.

Lorſque je vis Eliza, j’éprouvai un ſentiment qui m’étoit inconnu. Il étoit trop vif pour n’être que de l’amitié ; il étoit trop pur pour être de l’amour. Si c’eût été une pasſion, Eliza m’auroit plaint ; elle auroit eſſayé de me ramener à la raiſon, & j’aurois achevé de la perdre.

Eliza diſoit ſouvent qu’elle n’eſtimoit perſonne autant que moi. À préſent, je le puis croire.

Dans ſes derniers momens, Eliza s’occupoit de ſon ami ; & je ne puis tracer une ligne ſans avoir ſous les yeux le monument qu’elle m’a laiſſé. Que n’a-t-elle pu douer auſſi ma plume de ſa grâce & de ſa vertu ? Il me ſemble du moins l’entendre : « Cette muſe sévère qui te regarde, me dit-elle, c’eſt l’Hiſtoire, dont la fonction auguſte eſt de déterminer l’opinion de la poſtérité. Cette divinité volage qui plane ſur le globe, c’eſt la Renommée, qui ne dédaigna pas de nous entretenir un moment de toi : elle m’apporta tes ouvrages, & prépara notre liaiſon par l’eſtime. Vois ce phénix immortel parmi les flammes : c’eſt le ſymbole du génie qui ne meurt point. Que ces emblêmes t’exhortent ſans ceſſe à te montrer le défenſeur DE L’HUMANITÉ, DE LA VÉRITÉ, DE LA LIBERTÉ ».

Du haut des cieux, la première & dernière patrie, Eliza, reçois mon ferment. JE JURE DE NE PAS ÉCRIRE UNE LIGNE, OU L’ON NE PUISSE RECONNOITRE TON AMI.

Cochin étoit fort conſidérable, lorſque les Portugais arrivèrent dans l’Inde. Ils s’emparèrent de cette place, dont ils furent chaſſés depuis par les Hollandois. Le ſouverain, en la perdant, avoit conſervé ſes états, qui dans l’eſpace de vingt-cinq ans, ont été envahis ſucceſſivement par le Travancor. Ses malheurs l’ont réduit à ſe réfugier ſous les murs de ſon ancienne capitale, où il ſubſiſte d’environ 14400 liv. qu’on s’eſt obligé, par d’anciennes capitulations, à lui donner ſur le produit de ſes douanes. On voit dans le même fauxbourg une colonie de Juifs induſtrieux & blancs, qui ont la folle prétention de s’y être établis an tems de la captivité de Babylone, mais qui certainement y ſont depuis très-long-tems. Une ville entourée de campagnes très-fertiles, bâtie ſur une rivière qui reçoit des vaiſſeaux de cinq cens tonneaux, & qui forme dans l’intérieur du pays pluſieurs branches navigables, devroit être naturellement floriſſante. S’il n’en eſt pas ainſi, on ne peut en accuſer que le génie oppreſſeur du gouvernement.

Ce mauvais eſprit eſt, pour le moins, auſſi ſenſible à Calicut. Toutes les nations y ſont reçues, mais aucune n’y domine. Le ſouverain qui lui donne aujourd’hui des loix, eſt brame ; ou le peuple eſt ſous le gouvernement théocratique, qui devient avec le tems le plus mauvais des gouvernemens, la main des dieux appeſantiſſant le ſceptre des tyrans, & la ſainteté de l’une des autorités ſoumettant en aveugle & ſous peine de ſacrilège aux caprices de l’autre. Les ordres du deſpote ſe tranſforment en oracles, & la déſobéiſſance des ſujets eſt qualifiée de révolte contre le ciel. Le trône de Calicut eſt preſque le ſeul de l’Inde occupé par cette première des caſtes. On en voit régner ailleurs de moins diſtinguées. Il y en a même de ſi obſcures ſur le trône, que leurs domeſtiques ſeroient déſhonorés & chaſſés de leurs tributs, s’ils s’aviliſſoient juſqu’à manger avec leurs monarques. Ces gens-là n’ont garde de ſe vanter d’avoir ſoupé chez le roi. Ce préjugé n’eſt peut-être pas plus ridicule qu’un autre. Il abat l’orgueil des princes ; il guérit les courtiſans d’une vanité. Tel eſt l’aſcendant des ſuperſtitions. C’eſt ſur-tout par elles que l’opinion règne dans le monde. Par les ſuperſtitions, la ruſe a partagé l’empire avec la force. Quand l’une a tout conquis, tout ſoumis ; l’autre vient & lui donne des loix à ſon tour. Elles traitent enſemble ; les hommes baiſſent la tête, & ſe laiſſent lier les mains. S’il arrive que ces deux puiſſances mécontentes ſe ſoulèvent l’une contre l’autre, c’eſt alors qu’on voit ruiſſeler dans les rues le ſang des citoyens. Une partie ſe range ſous l’étendard de la ſuperſtition ; l’autre marche ſous les drapeaux du ſouverain. Les pères égorgent les enfans ; les enfans enfoncent, ſans héſiter, le poignard dans le ſein des pères. Toute idée de juſtice cède ; tout ſentiment d’humanité s’anéantit. L’homme ſemble tout-à-coup métamorphosé en bête féroce. L’on crie-d’un côté : Rebelles, obéiſſez à votre monarque. On crie de l’autre : Sacrilèges, impies, obéiſſez à Dieu, le maître de votre roi, ou mourez. Je m’adreſſerai donc à tous les ſouverains de la terre, & j’oſerai leur révéler la pensée ſecrète du ſacerdoce. Qu’ils ſachent que ſi le prêtre s’expliquoit franchement, il diroit. Si le ſouverain n’eſt pas mon licteur, il eſt mon ennemi. Je lui ai mis la hache à la main, mais c’eſt à condition que je lui déſignerois les têtes qu’il faudroit abattre. Les brames, dépoſitaires de la religion & des ſciences dans tout l’Indoſtan, ſont employés comme miniſtres dans la plupart des états, & diſpoſent de tout à leur gré ; mais les affaires n’en ſont pas mieux conduites.

Tout le Calicut eſt mal adminiſtré, & ſa capitale plus mal encore. Elle n’a ni police, ni fortifications. Son commerce, embarraſſé d’une infinité de droits, eſt preſqu’entiérement dans les mains de quelques Maures les plus corrompus, les plus infidèles de l’Aſie. Un de ſes plus grands avantages, eſt de recevoir par la rivière de Beypour, qui n’en eſt éloignée que de deux lieues, le bois de teck, qui ſe trouve en abondance dans les plaines & ſur les montagnes voiſines.

Les poſſeſſions de la maiſon de Colaſtry, voiſines de Calicut, ne ſont guère connues que par la colonie Françoiſe de Mahé, qui renaît de ſes cendres, & par la colonie Angloiſe de Taſtichery, qui n’a éprouvé aucun malheur. Cette dernière, qui a une population de quinze à ſeize mille âmes, avoit pour défenſeurs trois cens blancs & cinq cens noirs. Ils ont été rappelés depuis que la nation a acquis ſur ces mots un aſcendant qui ne leur laiſſe plus craindre de voir ſes loges inſultées. Actuellement elle retire tous les ans, avec très-peu de frais, de celle-là, quinze cens mille livres peſant de poivre, & quelques autres denrées de peu d’importance.

À la réſerve de quelques principautés qui méritent à peine d’être nommées, les états dont on vient de parler, forment proprement tout le Malabar, contrée plus agréable que riche. On n’en exporte guère que des aromates, des épiceries. Les plus conſidérables ſont le bois de ſandal, le ſafran d’Inde, le cardamome, le gingembre, la fauſſe cannelle & le poivre.