Histoire socialiste/Thermidor et Directoire/11-5

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Chapitre XI-S4.

Histoire socialiste
Thermidor & Directoire (1794-1799)
Chapitre XI-S5.

Chapitre XI-S6.


5. — Institutions scientifiques, littéraires et artistiques.

À la place des anciennes Académies supprimées, la loi du 3 brumaire an IV sur l’organisation de l’instruction publique créa l'Institut. Divisé en trois classes : 1° sciences physiques et mathématiques ; 2° sciences morales et politiques ; 3° littérature et beaux-arts, il fut composé de membres résidant à Paris, d’associés nationaux et d’associés étrangers. Il était destiné à suivre les travaux scientifiques et littéraires et à travailler, par recherches et publications de découvertes, au perfectionnement des sciences et des arts.

La création du Bureau des longitudes chargé d’observations astronomiques et météorologiques de façon, en même temps, à servir la science et à être utile à la navigation, est due à la loi du 7 messidor an III (25 juin 1795). Cette loi plaçait l’Observatoire dans les attributions du Bureau des longitudes.

Du reste, un des caractères de l’époque fut, non seulement l’utilisation au point de vue immédiat de toutes les découvertes scientifiques, mais encore la provocation systématique à de nouvelles découvertes accomplies, peut-on dire, sur commande pour satisfaire des besoins urgents. Ainsi, les aérostats sous forme de ballons captifs, furent employés par l’armée ; on ne se borna pas à utiliser l’art de l’aérostation, on le perfectionna relativement à la production du gaz, à la légèreté et à la solidité de l’étoffe de soie (rapport au Directoire sur les progrès réalisés dans l’aérostation de juillet 1793 au 11 messidor an IV-29 juin 1796, date du rapport. Archives nationales, AFiii89). Dans son rapport du 14 nivôse an III (3 janvier 1795), Fourcroy constate que 34 ascensions militaires ont déjà eu lieu et que « plusieurs compagnies d’aérostiers ont été formées « . C’était dans le parc de Meudon qu’on les instruisait et qu’on fabriquait les appareils, en même temps qu’on s’y livrait à des expériences sur les poudres et les boulets. Le 1er brumaire an VI (22 octobre 1797), Garnerin faisait au parc Monceau son expérience de parachute renouvelée, le 3 messidor an VII (21 juin 1799), au jardin Tivoli, sur l’emplacement duquel se trouve actuellement la rue de Londres, où le 8 thermidor an VII (26 juillet 1799), Blanchard fit, avec l’astronome La Lande, une ascension à l’aide de « cinq ballons réunis en un seul groupe » (recueil d’Aulard, l.Y, p. 651).

La première disposition relative à l’uniformité des poids et des mesures avait été le décret de l’Assemblée constituante du 8 mai 1790 demandant à cet effet le concours de l’Angleterre et proposant de baser le nouveau système sur la longueur du pendule simple qui bat la seconde. Cependant, à la suite d’un rapport d’une commission de l’Académie des sciences, l’Assemblée constituante avait, le 26 mars 1791, adopté comme base le quart du méridien. En conséquence de ce vote, l’Académie des sciences avait nommé diverses commissions et, finalement, Méchain et Delambre s’étaient trouvés chargés de la mesure de l’arc du méridien entre Dunkerque et Barcelone. Par la loi du Ier août 1793, la Convention ratifiait comme base « la mesure du méridien de la terre, et la division décimale » ; en attendant que les travaux nécessaires fussent terminés, était indiquée, d’après d’anciens calculs, une détermination provisoire des unités admises.

Les travaux de Delambre et de Méchain, le premier chargé de la partie Nord, de Dunkerque à Rodez, et le second de la partie Sud, de Rodez à Barcelone, commencés en juin 1792, suspendus pendant l’année 1794 et le début de 1795, furent repris, en vertu de la loi du 18 germinal an III (7 avril 1795) qui consacra l’existence du nouveau système ; seulement la substitution des nouvelles mesures aux anciennes ne commença qu’avec la loi du 1er vendémiaire an IV (23 septembre 1795), encore ne s’agissait-il que de l’usage du mètre à la place de l’aune à Paris et dans la Seine. Ces deux dernières lois, ainsi que je l’ai déjà mentionné (§ 2), s’occupaient aussi de la vérification des poids et mesures. Divers arrêtés du Directoire (27 pluviôse an VI-15 février 1798 pour le stère, 19 germinal et 11 thermidor an VII-8 avril et 29 juillet 1799 pour les mesures de capacité, loi du 17 floréal au VII-6 mai 1799 et arrêté du 26 vendémiaire an VIII-18 octobre 1799 pour les monnaies) visèrent à étendre l’application du nouveau système. Chose remarquable, une commission internationale de savants étrangers avait été convoquée à Paris pour étudier les calculs des savants français et fixer définitivement avec eux la valeur des unités fondamentales des poids et mesures, le kilogramme et le mètre. Lorsque cette commission qui comprit des délégués du Danemark, de l’Espagne, de la Sardaigne et des Républiques alliées, se réunit, le 25 vendémiaire an VII (16 octobre 1798), nos savants, Delambre et Méchain pour le mètre, Lefebvre-Gineau pour le kilogramme, venaient de terminer leurs travaux qui furent vérifiés et approuvés. Des rapports lus à une séance générale de l’Institut, le 2 prairial an VII (21 mai 1799), résultait pour les valeurs définitives, comparées aux valeurs provisoirement admises, une très légère différence en moins. Ces rapports furent présentés au Corps législatif par l’Institut, le 4 messidor an VII (22 juin 1799), avec les deux étalons en platine, donnant la longueur du mètre et le poids du kilogramme, qu’avaient établis Étienne Lenoir et Fortin sous la direction des savants de la commission. Ces étalons furent déposés le même jour aux Archives nationales où ils sont toujours. La loi du 19 frimaire an VIII (10 décembre 1799) abrogea la fixation provisoire de la longueur du mètre, établie le 1er août 1793 et maintenue par la loi du 18 germinal an III, et elle consacra la nouvelle détermination. Tout récemment, la loi du 4 juillet 1903 a substitué, comme unités fondamentales du système métrique, au mètre et au kilogramme déposés aux Archives le 4 messidor an VII, les prototypes internationaux sanctionnés par la Conférence générale des poids et mesures tenue à Paris en 1889, faits conformément à ce mètre et à ce kilo, et déposés au pavillon de Breteuil à Sèvres ; ce sont les copies de ces prototypes, déposées aussi aux Archives, qui sont devenues les étalons légaux pour la France : le mètre et le kilo de l’an VII, laissés aux Archives, n’ont plus qu’une valeur historique.

Si, dans la période révolutionnaire, on s’est, d’une façon générale, indiscutablement intéressé aux œuvres scientifiques, en fut-il de même pour les œuvres d’érudition ou d’art ? Cela est contesté par certains auteurs d’autant plus sévères qu’ils le sont de parti pris. Sans doute, des destructions regrettables ont eu lieu ; seulement ces destructions, qui n’ont pas été spéciales à cette période, caractérisent non l’esprit des révolutionnaires, mais l’ignorance des esprits qui étaient en la circonstance ce que l’ancien régime les avait faits. C’est ce qu’a dû constater l’homme dont les rapports mensongers du 14 fructidor an II, 8 brumaire et 24 frimaire an III (31 août, 29 octobre et 14 décembre 1794) sur les actes de « vandalisme » ont été exploités avec amour par tous les réactionnaires, l’évêque Grégoire. Entre parenthèses, lorsque celui-ci, parlant du « vandalisme », a écrit dans ses Mémoires (t. Ier, p. 346) : « Je créai le mot pour tuer la chose », il s’est vanté, du moins dans sa prétention d’avoir été le premier à vouloir empêcher la chose. Quant à la création du mot. M. Eugène Despois (Le vandalisme révolutionnaire, p. 222) a objecté, à tort, que ce mot se trouvait déjà dans un rapport de Lakanal (voir Procès-verbaux du comité d’instruction publique, de J. Guillaume, t. Ier, p. 478) : en tout cas, ce rapport aboutit à un décret de la Convention du 6 juin 1793 ayant pour but de réprimer la chose : « La Convention nationale, ouï le rapport de son comité d’instruction publique, décrète la peine de deux ans de fers contre quiconque dégradera les monuments des arts dépendant des propriétés nationales ». Grégoire a dit lui-même de ces dégradations dans le dernier rapport cité plus haut (Moniteur du 27 frimaire-17 décembre, p. 365) : « Voilà les effets de l’ignorance ». C’est ce qu’a avoué aussi, sans le vouloir, M. Courajod ; parlant de la Convention après Thermidor, il écrit dans son volume, Alexandre Lenoir, etc. (p. xxii) : « Elle ne changea pas et elle ne pouvait pas changer les mœurs, les idées et le tempérament révolutionnaires » ; or (p. clxx). il remarque que « ces hommes étaient tels que les avait faits le milieu dont ils sortaient ». Ce que ne pouvait changer la Convention, ni avant ni après Thermidor, n’était donc, de l’aveu de M. Courajod, que le résultat du régime monarchique qui les avait ou plutôt ne les avait pas éduqués et qui paraît lui avoir été cher. La preuve que ce critique a plus écouté ses passions rétrogrades qu’un amour désintéressé de l’art, se trouve dans sa manière d’apprécier ce qu’il ne peut vraiment pas désapprouver : quand le blâme ne lui est pas possible, on agissait « plus ou moins consciemment » (p. xxiii) ; quand on a parlé trop clairement dans son sens pour permettre la moindre insinuation d’inconscience, « on hurlait… en faveur de l’art » (p. xliv). Du reste, les Courajod toujours prêts à calomnier outrageusement les partis avancés, savent faire bénéficier de leur silence inique tous ceux qui tentèrent d’enrayer le mouvement démocratique. Ah ! si Mercier, au lieu d’avoir été un Girondin, avait été un Jacobin ou un Montagnard, quel étalage indigné de leur amour de l’art n’aurions-nous pas eu à propos de cette phrase écrite dans un rapport ridicule, qu’elle ne dépare pas, au Conseil des Cinq-Cents, le 17 fructidor an IV (3 septembre 1796) : « C’est le refrain éternel de la folie de crier au vandalisme, parce que l’on a mutilé des monuments périssables ». Si M. Courajod n’a pas reproché cette phrase à Mercier, il est vrai qu’il a signalé une autre opinion de celui-ci, mais pour la reprocher aux républicains avancés de la Révolution. Mercier ayant, avant 1789 (L’École royale des élèves protégés, p. lxxxvii), combattu l’institution d’écoles gratuites de dessin, M. Courajod traduit : « voilà ce que les révolutionnaires pensaient des arts en général » ; puis, prévoyant l’objection que suscite un pareil procédé, il se borne à déclarer péremptoirement à la page suivante : « qu’on ne m’objecte pas que je rends la Révolution injustement responsable des opinions personnelles d’un excentrique écrivain dont l’orthodoxie démagogique est suspecte », et il maintient son inqualifiable généralisation. Laissons les gens d’une partialité si difficile à satisfaire et voyons les actes.

Les Archives nationales installées au Louvre en vertu de la loi du 20 février 1793, avaient été organisées par la loi du 7 messidor an II (25 juin l794) ; mais c’est un arrêté du 5 floréal an IV (24 avril 1796) qui constitua pour Paris le bureau de triage auquel en grande partie fut dû leur classement. Pour la province, la loi du 5 brumaire an V (26 octobre 1796) avait décidé le transport aux chefs-lieux des départements des archives précédemment centralisées aux chefs-lieux des districts.

Une loi du 25 vendémiaire an IV (17 octobre 1795), sur l’organisation de la Bibliothèque nationale, ancienne Bibliothèque du roi, mettait à sa tête huit conservateurs, deux pour les imprimés, trois pour les manuscrits, deux pour les antiques, médailles et pierres gravées et un pour les estampes, qui, tous les ans, désignaient parmi eux un directeur. La Bibliothèque Sainte-Geneviève saisie comme bien de corporation religieuse et nationalisée, était devenue la « Bibliothèque du Panthéon », qui servit alors surtout aux écoles centrales ; la Bibliothèque Mazarine, devenue la « Bibliothèque des Quatre-Nations », resta ce qu’elle était. En frimaire an III (décembre 1794), avait été, grâce notamment aux collections du comte d’Artois, constitué le « dépôt national littéraire de l’Arsenal », qu’un arrêté du Directoire, du 9 floréal an V (28 avril 1797), transforma en « Bibliothèque nationale et publique de l’Arsenal ». Toutes ces bibliothèques purent, en vertu de la loi du 26 fructidor an V (12 septembre 1797) et de diverses circulaires ministérielles, avec certains privilèges spéciaux pour la Bibliothèque nationale, s’accroître en puisant dans les dépôts provisoires où avaient été placées les bibliothèques des émigrés et des communautés ecclésiastiques. La bibliothèque de l’ancienne abbaye de Saint-Germain-des-Prés avait malheureusement été détruite par un incendie dans la nuit du 2 au 3 fructidor an II (19 au 20 août 1794).

Le Musée du Louvre, après divers retards, avait été ouvert le 18 brumaire an II (8 novembre 1793) et le projet de constituer des musées dans les départements date de cette même année : le 10 fructidor an III (27 août 1795), on ouvrait celui de Toulouse ; d’autres musées s’ouvrirent notamment à Marseille, Lyon, Avignon, Rennes (rapport le Daubermesnil aux Cinq-Cents, le 3 vendémiaire an VII-24 septembre 1798). Quant au Musée du Louvre, je dois constater que, dès la fin de l’an II, on eut recours, pour l’enrichir, à un procédé qui ne saurait être trop flétri. Des chefs-d’œuvre de l’école flamande étaient enlevés de Belgique et expédiés à Paris aux applaudissements de Grégoire (rapport, cité plus haut, du 14 fructidor an II) pour qui cela n’était pas du vandalisme, au contraire ; dans la séance de la Convention du 4e jour sans-culottide de l’an II (20 septembre 1794), Guyton de Morveau annonçait « l’arrivée du premier envoi des superbes tableaux recueillis dans la Belgique ». Ces spoliations, ces indignes abus de la force, que Bonaparte et le Directoire devaient en Italie, sur une plus grande échelle, l’un commettre, l’autre encourager, furent réprouvés, à la fin de l’an IV (septembre 1796), mais rien que pour l’Italie, dans une brochure de Quatremère de Quincy intitulée Lettres sur le préjudice qu’occasionnerait à la science le déplacement des monuments de l’Italie ; à la suite de la brochure figurait une pétition dans le même sens signée, sans distinction d’opinions, par de nombreux artistes tels que Lethière, Fontaine, Percier, Moreau jeune, Lesueur, Pajou, David, Suvée, Vien, Girodet, Boizot, Soufflot, Roland. Il est vrai que d’autres, parmi lesquels Isabey, Gérard, Carle Vernet, Lenoir, signèrent, en sens contraire, une pétition publiée dans le Moniteur du 12 vendémiaire an V (3 octobre 1796). Ce qu’on prit ainsi fut repris plus tard ; cependant est restée au Muséum la collection d’histoire naturelle du stathouder sur les biens duquel « la France croit devoir exercer un droit… qui lui est acquis par la force des armes », avait tranquillement écrit, le 21 ventôse an III (11 mars 1795), à l’assemblée batave, notre représentant près l’armée du Nord, Alquier (Moniteur du 13 germinal-2 avril 1795). À la suite d’une proposition du général Pommereul, l’auteur, en l’an IV, des Institutions propres à faire fleurir les arts en France, Benezech, ministre de l’Intérieur, par un arrêté du 23 floréal an V (12 mai 1797), adjoignit au Musée du Louvre, sous le nom de Chalcographie française, un établissement chargé de l’exécution de gravures, soit à l’aide des planches anciennes dont il devenait le dépositaire, environ un millier, soit avec les planches nouvelles qu’il ferait exécuter, et de la vente des épreuves. Cette vente était complètement organisée le 1er prairial an VII-20 mai 1799 (recueil d’Aulard, t. V, p. 517).

La collection de monuments de l’ancienne statuaire française et d’objets d’art, formée par Alexandre Lenoir et dispersée par la Restauration, avait été ouverte au public le 15 fructidor an III (1er septembre 1795). Il n’est que juste de louer Lenoir de son initiative et de sa persévérance ; mais on doit dire aussi, malgré la malveillance de M. Courajod, qu’il fut heureusement autorisé, puis félicité de son « zèle », par le comité d’instruction publique de la Convention (Alexandre Lenoir, etc., p. clxii, note) dont l’arrêté du 29 vendémiaire an IV (21 octobre 1795) — arrêté confirmé par le ministre de l’Intérieur le 19 germinal an IV (8 avril 1796) — transforma le « dépôt national des monuments des arts rue des Petits-Augustins » (sur l’emplacement actuel de l’École des Beaux-Arts, rue Bonaparte) en un « Musée de monuments français ».

D’autre part, un arrêté du 9 thermidor an III (27 juillet 1795) ordonna la réunion dans l’ancien couvent de Saint-Thomas-d’Aquin des éléments du Musée d’artillerie dispersés en 1789.

Les manufactures des Gobelins et de Sèvres furent conservées, mais ne reçurent que des fonds très insuffisants. Cependant la production continua puisque le jury de l’exposition de l’an VII (voir §8) déclarait qu’il n’y avait ailleurs « rien de comparable aux produits étonnants de Sèvres » (Moniteur du 2 brumaire an VII-23 octobre 179S).

Aux actes en faveur des choses, il faut joindre les actes en faveur des personnes : en l’an III, par trois décrets en date du 17 vendémiaire, 27 germinal et 18 fructidor (8 octobre 1794, 16 avril et 4 septembre 1795), la Convention alloua 605 500 livres en secours ou gratifications à des savants, gens de lettres et artistes.

Conformément à l’art. 301 de la Constitution de l’an III, la loi du 3 brumaire an IV sur l’instruction (titre vi) avait institué sept fêtes nationales par an, en l’honneur de la République, de la Jeunesse, des Époux, de la Reconnaissance, de l’Agriculture, de la Liberté (celle-ci durait deux jours) et des Vieillards. Ces fêtes devaient être célébrées dans chaque canton par des chants patriotiques, des discours sur la morale civique, des banquets fraternels et divers jeux publics. C’était là une tentative pour éliminer les fêtes religieuses et la religion catholique romaine, « en leur substituant des impressions nouvelles plus analogues à l’ordre de choses actuel, plus conformes à la raison et à la saine morale », pour employer les termes d’une lettre du Directoire à Bonaparte, citée par M. Aulard (Histoire politique de la Révolution française, p. 642). L’architecte Chalgrin eut la direction de ces fêtes à Paris de l’an IV à l’an VII (1795 à 1799).

À l’occasion de la fête de la Liberté, le 10 thermidor an IV (28 juillet 1796), on put constater que des généraux commençaient à se croire tout permis ; une revue calme, la Décade philosophique, écrivait, en effet, dans son n° du 20 thermidor an IV-7 août 1796 (t. x, p. 301) : « Des crocheteurs revêtus d’habits de généraux ont rudoyé le peuple de la manière la plus indigne… Il n’est pas impossible de maintenir l’ordre dans les fêtes, sans lâcher la bride à l’insolence de quelques militaires qui se prévalent de la force qu’on leur a momentanément confiée ». Le 9 thermidor an VI (27 juillet 1798), cette même fête vit « l’entrée triomphale des objets de sciences et d’arts recueillis en

Portrait d’Isabey, par Gérard.
(Musée du Louvre.)
Italie » et auxquels il a été fait allusion tout à l’heure. Une trentaine de chars contenant des statues, des tableaux, « des animaux des déserts brûlants d’Afrique, d’autres venus des climats glacés du Nord », et quelques arbustes rapportés « de l’île de la Trinité » défilèrent sous la pluie, depuis le Jardin des Plantes jusqu’au Champ-de-Mars, en suivant ce qui constituait alors les boulevards extérieurs de la rive gauche. Le discours prononcé à ce propos par le ministre de l’Intérieur, François (de Neufchâteau), est un modèle de cette niaise vantardise qu’ont si grossièrement exploitée depuis les meneurs nationalistes ; il félicita sérieusement les plus grands génies artistiques de la bonne aubaine qui leur arrivait : « C’était pour la France, s’écria-t-il, que vous enfantiez vos chefs-d’œuvre… réjouissez-vous, morts fameux, vous entrez en possession de votre renommée », et, avec une outrecuidante inconscience, il déclara qu’une telle cérémonie était la preuve de la disparition du « vandalisme ». Le lendemain, 10 thermidor (28 juillet), ces objets furent présentés au Directoire.

Une des grandes attractions de ces fêtes fut le feu d’artifice ; il y eut aussi des courses diverses et voici, pour les amateurs de records, les résultats obtenus par les vainqueurs, le jour de la fête de la République, le 1er vendémiaire an VII (22 septembre 1798) : courses à pied, 251 m 50 en 32 secondes 7/10 ; courses à cheval, 2 575 mètres en 3 minutes 31 secondes ; courses de chars, 1 478 mètres en 2 minutes 13 secondes (Décade philosophique du 20 vendémiaire an VII-11 octobre 1798, t. XIX, p. 113-116).