Histoire universelle de l’Église (Alzog)/Période 1/Époque 1/Partie 2/Chapitre 01

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DEUXIÈME PARTIE.
DÉVELOPPEMENT EXTÉRIEUR DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE.
DANS LE IIe ET IIIe SIÈCLE




CHAPITRE PREMIER.
I. PROPAGATION DU CHRISTIANISME. — II. PERSÉCUTIONS
DE L’ÉGLISE CHRÉTIENNE..

Fabricii Salutaris lux, etc. Blumhardt, Essai d’une histoire univ. des missions. Le Quiem, Oriens christianus. Paris 1740, 3 v. Wiltsch, Manuel de la géogr. et de la statistique chrét. § I, p. 32 sq.



§ 62. — Propagation de l’Église chrétienne en Asie.

Dès les temps apostoliques, l’Église s’étendit sur un vaste territoire, et les Églises particulières furent de bonne heure très-nombreuses. Il s’agissait désormais d’agrandir les Églises déjà fondées, d’en créer de nouvelles dans de nouvelles contrées. C’est ce qui se réalisa bientôt, non-seulement dans les limites de l’empire romain, mais encore dans tes pays limitrophes. La Providence se servit précisément des désordres d’une guerre incessante pour propager la religion de la paix. Les armées, qui envahissaient le territoire de l’empire, y laissaient bien des guerriers captifs ; ces prisonniers entendaient, durant leur captivité, parler du Christianisme ; ils apprenaient à en connaître la vertu civilisatrice par eux-mêmes et par les nombreux exemples dont ils étaient entourés. Rendus à la liberté, ils devenaient, auprès de leurs barbares compatriotes, les prédicateurs de la religion de leurs ennemis.

La ruine de Jérusalem avait affaibli, sans doute, mais non entièrement vaincu l’attachement des Juifs d’Asie à la loi mosaïque. Lorsque cette ville se releva de ses ruines, les chrétiens, émigrés avant sa destruction, y revinrent avec Siméon, leur évêque. Les treize évêques qui lui succédèrent jusqu’au règne d’Adrien furent, comme Siméon, d’origine juive, et la communauté continua d’observer la loi judaïque. Mais lorsque le fameux pseudo-messie, Bar Cochba, c’est-à-dire le fils de l’étoile[1], eut, par le soulèvement des Juifs, déterminé la dévastation de toute la Palestine (dep. 132), la communauté des judéo-chrétiens de Jérusalem fut dissoute. Les exilés s’unirent aux chrétiens, jadis païens, d’Ælia Capitolina, nouvellement construite dans la proximité, et dont le premier évêque, Marc, était d’origine païenne, comme le furent ses successeurs. Une Église plus importante en Palestine qu’Ælia, était Césarée. Quant à Antioche, dont l’apôtre Pierre avait été l’évêque, et qu’après Évode, successeur de Pierre, saint Ignace glorifia par son martyre (107), elle restait toujours la première et la plus belle des Églises de l’Orient[2]. En Syrie florissaient les Églises de Séleucie, Bérée, Apamée, Hiérapolis, Cyr et Samosate. Dans l’Orsoëne on bâtissait dès 228 une église chrétienne à Édesse, capitale de la province. En Mésopotamie on cite de bonne heure les communautés d’Amida, de Nisibe et de Cascar. Les chrétiens d’Arménie reçurent une lettre de Denys d’Alexandrie sur la pénitence[3]. Maris, disciple de l’apôtre Thaddée, fut, dit-on, évêque de Séleucie, près du Tigre, en Chaldée. L’Église de Séleucie, importante dès l’origine par ses rapports avec Ctésiphon, devint une pépinière pour le royaume des Parthes, appelé plus tard royaume Persique. Pantène, chef de l’école des catéchumènes d’Alexandrie, propagea activement le christianisme dans l’Inde (dans l’Arabie Heureuse)[4]. La semence implantée par l’apôtre Paul en Arabie porta des fruits nombreux[5]. On vit plus tard un chef de cette contrée (ἡγουμενὀς τῆς Ἀραϐιας) demander à être instruit de la doctrine évangélique par le célèbre Origène. Malgré les fatigues de ce long voyage, le pieux théologien d’Alexandrie accomplit cette tâche digne d’un vrai serviteur de Dieu. Enfin le Christianisme eut de nombreux adhérents en Perse dans le IIe et IIIe siècle[6].

§ 63. – Églises chrétiennes en Afrique.
Wetzer, Makrizii historia Coptor. christianorum in Ægypto. Solisb. 1828. Munteri primordia Ecclesia africanæ. Hafn. 129 Melch. Leydecker Hist. eccl. Afric. Ultraj. 1690. 4.

L’Égypte avait vu de bonne heure l’évangéliste saint Marc gouverner, comme premier évêque, l’Église d’Alexandrie[7]. Mais depuis lors, et jusqu’au commencement du IIIe siècle, la grande influence des Juifs dans la basse Égypte, la Libye et la Pentapole, la dévastation et la dépopulation de ces provinces, causées par le soulèvement des Juifs, sous Adrien [115], et enfin le grand nombre des gnostiques, entravèrent la fondation d’Églises nouvelles, et particulièrement l’institution d’un certain nombre d’évêques[8], jusqu’au moment où l’Église d’Alexandrie fut gouvernée successivement par trois évêques célèbres, Démétrius, Héraclas et Denys. Les esprits étaient d’autant plus disposés à recevoir alors le Christianisme, qu’ils se détournaient de plus en plus du sombre culte de l’Égypte, et reconnaissaient, aux leçons des grands théologiens d’Alexandrie, que la doctrine chrétienne répond seule aux besoins de la nature humaine. Les origines de l’Église chrétienne, dans l’Afrique occidentale[9], sont obscures. Il est vraisemblable que Rome y envoya de bonne heure des ouvriers évangéliques. Baronius prétend faire remonter l’origine de cette Église aux apôtres, principalement à Pierre, ce qui est combattu par Schelstrate[10]. Carthage devint la métropole des Églises d’Afrique ; de là, la doctrine chrétienne se répandit en Numidie et en Mauritanie, avec tant de succès, que Tertullien, l’illustre prêtre de Carthage [† vers 240][11], dit que le nombre des chrétiens surpassait celui des païens dans les villes de l’Afrique. À la fin du IIe siècle, Agrippinus évêque de Carthage, tenait déjà un synode de soixante-dix évêques d’Afrique et de Numidie, et saint Cyprien réunissait autour de lui les évêques de trois provinces, au nombre de quatre-vingt-sept[12].

§ 64. – Extension du Christianisme en Europe[13].
Holzhauzen, Fondation de l’Église chrétienne dans les provinces soumises aux évêques de Rome (Illgen. Gazette hist., t. VIII, p. 4).

L’apôtre Paul et ses compagnons avaient implanté le Christianisme dans la Grèce et les contrées environnantes. La plus florissante des Églises d’Italie était, sans contredit, celle de Rome, cité bienheureuse, vivifiée par la parole, arrosée par le sang, glorifiée par la mort des princes des apôtres. Avec : Pierre et Paul, une multitude dei chrétiens (ingens multitudo), au rapport même de Tacite, fut cruellement martyrisée et mise ignominieusement à mort durant la persécution de Néron[14]. Vers le milieu du IIIe siècle, l’Église de Rome avait un grand nombre de prêtres, de diacres, de sous-diacres, de lecteurs et de clercs inférieur (voyez plus bas, § 33). Diverses Églises d’Italie furent, dit-on, fondées par des disciples immédiats, par des contemporains des apôtres[15]. Ainsi saint Romulus à Fiesole, saint Apollinaire à Ravenne, saint Anathalon à Milan, saint Marc à Aquilée, saint Zamas à Bologne. Bari, en Apulie, se glorifie d’avoir reçu de saint Pierre, son premier évêque, saint Maur, qui fut martyr sous Domitien. Les Églises de Bénévent, Capoue, Naples, Palerme et Syracuse en Sicile, se glorifient de traditions semblables ; on en trouve d’analogues sur les Églises de Pavie, Urbin, Mantoue, Vérone, Pise, Florence et Sienne[16].

On ne peut positivement affirmer que l’apôtre saint Paul ait évangélisé l’Espagne ; on peut encore moins le prouver de l’apôtre saint Jacques, fils de Zébédée[17], dont pourtant le tombeau, à Compostelle, fut, dès la plus haute antiquité, visité par la piété des Espagnols. On croit avoir constaté par une inscription qu’on y a découverte, que l’Évangile y fut annoncé dès le Ier siècle[18]. Dans le IIIe siècle, l’histoire fait mention des Églises de Léon, Astorga, Cæsar-Augusta, Tarragone, etc. Dix-neuf évêques espagnols assistaient au synode tenu en 306, à Elvire[19] (Illiberis). Durant la persécution de Valérien, l’évêque Fructuosus, les diacres Augurius, et Eulogius[20] illustrèrent l’Église d’Espagne par leur glorieux martyre[21].

Bien avant l’introduction du Christianisme, le peuple des Gaules avait été soumis à l’influence et à la direction religieuse et politique de la forte et puissante hiérarchie des Druides[22] ; après les victoires de César, les lois romaines restreignirent l’empire de la religion nationale, et la mythologie romaine, se mêlant peu à peu aux croyances populaires, affaiblit par là même la foi primitive. Ce fut alors que l’Asie Mineure envoya les apôtres de l’Évangile aux Gaulois troublés et mécontents[23], et dès le IIe siècle, l’histoire cite avec orgueil les florissantes Églises de Lyon et de Vienne, et l’évêque Pothin, disciple de saint Polycarpe, martyrisé en 177, et cet autre martyr, également formé à l’école de Polycarpe, saint Irénée, le vigoureux et intelligent adversaire des gnostiques [† 202], et Posthumius, que sa piété et son amour pour Jésus-Christ avaient amené d’Asie dans les Gaules, à la suite de saint Irénée, pour y travailler avec zèle à l’établissement du Christianisme.

Ce fut au milieu du IIIe siècle que, grâce à l’évêque de Rome, Fabien[24], furent, dit-on, fondées les Églises de Toulouse, Narbonne, Arles, Clermont, Limoges, Tours et Paris (Denys, évêque de Paris, confondu dans le moyen âge avec Denys l’Aréopagite)[25]. Bientôt les Églises des Gaules

entrent dans un rapport actif et vivant avec celles de l’Italie et de l’Afrique. Cyprien prie l’Évêque de Rome, Corneille, d’exiger des évêques gaulois la déposition de Marcianus, évêque novatien d’Arles. Peu après s’élèvent rapidement les Églises de Marseille et de Nantes. Les évêques de Reims, Rouen, Vaison, Bordeaux, des envoyés de diverses autres Églises viennent au concile d’Arles [314], tenu contre les Donatistes[26].

Saint Irénée nous apprend déjà que le Christianisme s’était répandu dans les deux Germanies (ἐν Γερμανίαις), c’est-à-dire dans les pays longeant la rive gauche du Rhin jusqu’en Belgique[27]. Il est certain que l’Église de Trèves, alors capitale de la Gaule Belgique, celles de Metz et de Cologne existaient déjà à la fin du IIIe siècle, et que leurs premiers évêques furent Eucharius, Clément et Materne. Materne, évêque de Cologne, après avoir pris part aux décisions portées à Rome contre les Donatistes [313][28], se trouva, bientôt après, avec son Diacre Macrin, au concile d’Arles [314], auquel assistaient l’évêque Agroecius et l’exorciste Félix, de Trêves[29]. Une histoire moins certaine est celle de l’origine de trois autres Églises, datant de cette époque, savoir Tongres, Spire et Mayence, dont saint Crescens doit avoir été le premier évêque. On sait mieux comment furent fondées les Églises des contrées du Danube, de la Norique, de la Rhétie et de la Vindélicie. Des soldats chrétiens, séjournant dans les camps et les colonies romaines de ces provinces, y répandirent les premières semences du Christianisme. La plus ancienne de ces églises est celle de Lorch (Laureacum), dont l’évêque Maximilien reçut la couronne du martyre à Celeda (Cilly en Carniole), sa ville natale [285]. Une mort aussi glorieuse enleva l’évêque Victorinus [303] à l’Église de Pettau en Styrie et sainte Afre à celle d’Augsbourg[30]. Le Christianisme avait été également répandu depuis la fin du IIe siècle, surtout par des prisonniers, parmi les Goths, belliqueux et farouches, qui habitaient la Mœsie et la Thrace, et troublaient les contrées voisines par de continuelles invasions[31].

En Bretagne, au delà de la Manche, comme dans les Gaules, la domination, la mythologie et la civilisation romaines avaient singulièrement diminué l’influence des Druides ; mais là aussi le Christianisme exerça sa vertu civilisatrice. Quand l’Église d’Angleterre, s’appuyant sur les témoignages postérieurs d’Eusèbe et de Théodoret[32], prétend, pour mettre un apôtre à la tête de son épiscopat, que saint Paul vint annoncer le Christianisme dans la Grande-Bretagne, rien ne justifie ses pieux efforts ; mais ce qui est pleinement constaté, c’est que, de bonne heure, des communautés chrétiennes, dont parlent Tertullien et Origène, dès le commencement du IIIe siècle, se fondèrent, favorisées[33] par les soldats et les colons romains. Le vénérable Bède affirme qu’un chef breton, nommé Lucius, demanda et obtint des maîtres chrétiens d’Éleuthère, évêque de Rome sous Marc Antonin. L’édit de proscription de Dioclétien[34] frappa rudement et de bien des manières l’Église de Bretagne [303]. Saint Alban en fut le premier martyr. Dans le synode d’Arles, si souvent cité, on voit déjà paraître les trois évêques d’Eboracum (York), de Londres et de Lincoln.

Ainsi se propage de tous côtés le Christianisme. Écoutons un moment les Pères, dont le langage est peut-être un peu emphatique dans cette circonstance[35]. « Il n’est pas de peuple, dit saint Justin, grec ou barbare, chez lequel on n’adresse des prières ou des actions de grâces au Père et Créateur du monde, au nom du Christ crucifié. » Saint Irénée ne parle pas seulement en général des Églises chrétiennes répandues dans le monde, jusqu’aux confins de la terre, mais il cite spécialement et positivement les Églises de Libye et d’Égypte, celles des Celtes, des Ibères et même des Germains. « Chez les Parthes, les Mèdes, les Élamites, s’écrie Tertullien dans son enthousiasme, chez les habitants de la Mésopotamie, de l’Arménie, de la Phrygie, de la Cappadoce, du Pont, de l’Asie Mineure, de l’Égypte, de Cyrène, les races diverses des Gétules et des Maures, les populations de l’Espagne, de la Gaule, de la Bretagne et de la Germanie, partout nous trouvons des fidèles. » — « Les chrétiens, dit-il ailleurs, sont assez nombreux pour mettre sur pied des armées non moins nombreuses que celles des Parthes et des Marcomans. »

Au milieu de ces triomphantes énumérations, il ne faut pas oublier cependant que partout, en face des chrétiens, se trouvait une population bien plus nombreuse encore de païens, comme le prouvent et la nécessité où furent Constantin le Grand et ses successeurs de combattre le paganisme, dans tout l’empire, par de fortes ordonnances, et la tentative que put faire Julien, cinquante ans après la reconnaissance publique du Christianisme, de restaurer le paganisme et de le rétablir comme religion de l’État.

§ 65. — Causes de la rapide propagation du Christianisme.

Ces causes se trouvent en partie dans les circonstances extérieures, mais bien plus encore dans l’esprit même du Christianisme. Sous le premier rapport, il faut se rappeler d’abord que, chez presque tous les peuples de la terre, il existait des prophéties annonçant la venue d’un Messie[36], et que, plus qu’ailleurs, elles s’étaient répandues parmi les Romains. En second lieu, la tradition universelle d’un commerce immédiat de la Divinité avec le genre humain, et les sacrifices expiatoires usités partout, étaient une excellente préparation à la doctrine fondamentale du Christianisme, à savoir, le sacrifice du fils de Dieu. Enfin, ce qui devait encore faciliter et hâter le progrès de cette doctrine, c’était la connaissance généralement répandue de la langue grecque et l’union politique de tant de peuples divers soumis à un même empire. Les Romains, jadis libres, frémissaient d’indignation d’être soumis, comme des esclaves, au joug impérial, et les autres nations subjuguées déploraient la perte de leur indépendance et de leur nationalité. Dans cette décadence religieuse et cette oppression politique, les meilleurs esprits réclamaient instinctivement l’intervention d’une force morale qui les affranchit et les fit jouir des biens d’une meilleure vie. Le Christianisme vint répondre à ce besoin religieux, que ne pouvaient satisfaire ni les efforts de la philosophie du siècle, ni les pratiques superstitieuses des religions de l’Orient. Le Christianisme, calmant les angoisses de ces esprits troublés, de ces cœurs mécontents, et dissipant les incertitudes du doute, vint consoler le pécheur, pardonner au coupable, rendre au pauvre de ce monde l’espérance des joies célestes, aux esclaves le sentiment de la vraie liberté et de la dignité humaine, aux maitres le respect des droits de l’humanité. Quelle puissante influence n’exerçaient pas d’ailleurs les missionnaires chrétiens, la confiance avec laquelle ils parlaient et démontraient l’accomplissement des prophéties sibyllines dans la personne du Christ[37], et bien plus encore leur conduite et la vie sainte et dévouée des premiers chrétiens ! Leur mépris du monde, la pureté de leurs mœurs, leur charité cordiale, leur bienfaisance soutenue, leur douceur, le pardon des injures, et surtout leur courage héroïque au milieu des persécutions, excitaient l’étonnement de tous, et les païens eux-mêmes ne pouvaient leur refuser une sincère admiration. « Les chrétiens, dit le païen Cæcilius, dans Minutius Félix, s’aiment avant de se connaître, » et Tertullien rappelle le cri d’étonnement des adversaires de l’Évangile : « Voyez comme ils s’aiment entre eux et comme ils sont prêts à mourir les uns pour les autres[38] ! » Ce devait être une cause divine pour laquelle tant d’hommes mouraient avec joie, et c’est ainsi que le sang des martyrs devenait une semence de chrétiens.

Ainsi l’enthousiasme des uns à embrasser le Christianisme enflammait le zèle des autres pour le répandre. Ce devenait un devoir consolant pour les philosophes convertis de convertir d’autres philosophes : Justin, Clément, Tertullien l’attestent par leurs exemples. Tous servaient la cause sainte et gagnaient des âmes à Jésus-Christ, le négociant par ses voyages et ses nombreuses relations, le soldat par la franchise des camps, l’esclave par sa position dans la famille. Chacun devenait missionnaire dans la place qu’il occupait[39]. La plus grande part d’influence appartenait aux esclaves, à qui l’on confiait l’éducation des enfants, et aux femmes, toujours plus généreuses et plus ardentes dans les choses religieuses. Ainsi s’explique l’absence de détails sur les missionnaires proprement dits. Chaque chrétien était missionnaire parmi ses compatriotes, et le Christianisme se répandait par mille canaux dans tous les détails de la vie[40]. Et si toutes ces causes ne nous expliquent point encore suffisamment le triomphe de l’Évangile sur le paganisme, ajoutons que la vertu mystérieuse du Sauveur agissait incessamment sur les cœurs[41], et que le don des miracles, si puissant sur les esprits, fut accordé à l’Église, dans toute sa plénitude jusque dans le IIIe siècle[42]. Les apologistes en appellent principalement aux guérisons miraculeuses, aux délivrances des possédés comme à des faits qui se passaient journellement sous les yeux des païens. Sans ce don des miracles et des guérisons, sans cette assistance divine toute spéciale, jamais l’Église n’aurait triomphé de l’opposition du paganisme, souvent si désespérée, dont nous allons parler tout à l’heure. C’est ce que S. Augustin fait remarquer avec son éloquence ordinaire[43].

§ 66. — Obstacles à la propagation du Christianisme.
Kortholt, Paganus obtrectator, s. de calumniis Gentilium in christianos, lib. III. (Hamb. 1698) Lubecæ, 1703. Hulderici Gentilis obtrectator. Tiguri, 1744. Beugnot, Hist. de la destruction du paganisme en Occident. Paris, 1835, 2 vol. Zschirner, Chute du paganisme, publiée par Niedner. Leipzig, 1829, p. 255 sq., 335 sq. Van Sanden, Hist. des Apolog., trad. du hollandais par Quadt et Binder. Stuttg. 1846, 2 vol.

À côté des nombreuses circonstances favorables à la propagation du Christianisme que nous venons d’énumérer, se trouvaient des obstacles non moins nombreux qui l’arrêtaient dans sa marche, et que suscitaient d’une part les Juifs encore puissants, et de l’autre les païens, bien plus redoutables. Parmi tes Juifs, il s’était formé, suivant les principes de l’école de Hillel et de quelques sectes plus anciennes, une secte forte et opiniâtre, fidèle aux traditions et aux cérémonies les plus minutieuses, aux interprétations les plus littérales à la fois et les plus subtiles.

L’ensemble de leur doctrine constituait le Rabbinisme ; le Talmud était leur code. Celui-ci, renfermant les traditions dont nous venons de faire mention, comprenait la Mischnah (2e loi, composée vers 220), et la Gemara (complément) de Jérusalem rédigée vers la fin du IVe siècle, et la Gemara de Babylone, recueillie de 430 à 521. Ce judaïsme étroit des écoles, en augmentant l’aveuglement des Juifs, les empêchait, d’une part, de reconnaître la vérité, la mission du Christ ou du Messie apparu dans le temps[44], et, de l’autre, leur inspirait une haine indélébile contre les chrétiens. Aussi les écrits de controverse qui apparaissaient de temps en temps avaient peu d’influence sur eux[45].

Quant aux païens il fallait, pour les convertir, vaincre les opinions et les passions qui avaient dominé le vieux monde, qui étaient enracinées par les siècles et mêlées à tous les intérêts. Il fallait revêtir le vieil homme d’un être nouveau, changer, réformer, transformer complétement ses pensées, ses sentiments, ses actions. Le culte des idoles exerçait encore sur la masse la puissance magique que lui donnait la pompe de ses fêtes, son incontestable antiquité, son analogie avec l’éducation reçue, et surtout sa complaisance pour toutes les passions sensuelles. La multitude idolâtre était entretenue dans ses erreurs par les prêtres dont le Christianisme ébranlait la considération aux yeux des peuples, et par les marchands qui trouvaient dans le culte des idoles une abondante source de profits[46]. Des savants eux-mêmes, se voyant atteints dans l’objet de leur amour et de leur gloire par les attaques dirigées contre les divinités et la littérature païennes, crurent devoir entrer en lice. Qu’étaient-ce que les ennemis du paganisme, les propagateurs de l’Évangile ? des ignorants sortis des rangs des Juifs, voués dès longtemps à la haine publique, et qui, loin de flatter les passions, imposaient à leurs adhérents un combat perpétuel contre la sensualité. C’étaient des ennemis de l’État, puisqu’ils s’opposaient à un culte aussi ancien que l’État lui-même, des ennemis d’une religion née, grandie, identifiée avec la république, puisqu’ils cherchaient à répandre une religion nouvelle, rigoureusement interdite par les lois de l’empire[47].

À ces motifs naturels d’opposition s’ajoutaient les opinions les plus fausses, les calomnies les plus odieuses contre les chrétiens et leur doctrine. On les accusait d’athéisme, parce qu’ils adoraient en esprit et en vérité un Dieu esprit[48] ; leurs assemblées nocturnes, nécessitées par les persécutions, donnaient occasion à des bruits infâmes de conspiration, d’incestes, de crimes contre nature. On cherchait à rendre vraisemblables ces dernières accusations par l’amour fraternel dont les chrétiens donnaient des preuves si manifestes[49]. D’après de vagues et incertains renseignements sur la Cène, ce repas mystique devenait l’abominable festin de Thyeste, et l’adultère des femmes chrétiennes était suffisamment prouvé d’après les opinions alors reçues, par cela qu’elles prenaient du vin. On les accusait non-seulement d’adorer le bois, mais d’être des onolâtres[50]. Si parfois les esclaves défendaient les intérêts du Christianisme, c’était un renversement de l’ordre légal, et la torture leur arrachait souvent l’aveu des crimes dont les chrétiens étaient méchamment soupçonnés. La populace attribuait à cette secte impie toutes les catastrophes politiques, la guerre, la famine, les tremblements de terre, tous les signes de la colère des dieux délaissés (non pluit Deus, duc ad christianos)[51] ; les gens lettrés et polis approuvaient par politique les opinions du vulgaire, et méprisaient les chrétiens comme un peuple superstitieux et fanatique. C’est alors que l’État crut devoir user de sa force pour opprimer une secte si pernicieuse à la chose publique, si ennemie de l’humanité[52], si impie envers les Césars (irreligiosi in Cœsares). En effet, les chrétiens regardaient souvent comme inconciliable avec leur vocation la nécessite de prêter le serment militaire ou de remplir les fonctions publiques, et jamais ils ne rendaient aux images de l’empereur les hommages idolâtriques de la multitude. Tous ces motifs réunis excitèrent contre les chrétiens de sanglantes persécutions, provoquées d’abord par le peuple, depuis Marc Aurèle par le peuple, les lettrés et l’empereur, et depuis lors déterminées par des raisons politiques autant que par les convictions religieuses des empereurs. D’après cela, qui ne s’étonnerait de voir un homme comme Gibbon attribuer la propagation du Christianisme à des causes purement naturelles[53] ?

SITUATION DES CHRÉTIENS SOUS LES EMPEREURS
DANS LES IIe ET LES IIIe SIÈCLES.


Sources. — Les Apologistes ; Lactantius, de Mortibus persecutor. Ruinart, Acta sincera et selecta martyr. Le Calendarium martyrum primitif (en grec Μηνολόγιον), devenu le Matyrologium. Le plus ancien dans l’Église latine est celui de saint Jérôme ; le plus vulgaire est le Matyrol. rom., publié par Ordre du pape Grégoire XIII, ed. Baronius, 1586, auxit. Herib. Rosweid, S. J. édit. nouv. Mechlin. 1846. Ratisb., 1847. Chez les Grecs, le plus célèbre Menotogium est celui qui fut fait au IXe siècle par les ordres de l’empereur Basile le Macédonien, réédite en 1727 par le cardinal Urbini.
Travaux sur les sources. — Tillemont, Hist. des empereurs, etc. Kortholt, de Persecution. Eccles. primæv. Kilon., 1689. Martini, Persecut. christian. sub. imp. rom. causæ earum et effectus. Rost. 1802. Schumann de Mansegg, Persécution de l’Église primitive. Vienne, 1821. Kœpke, de Statu et cond. christianor. sub. impp. rom. alterius p. Chr. sæc. Berol., 1828.


§ 67. — Dans le IIe siècle.

Autant la domination de Nerva avait été douce envers tes chrétiens, autant celle de Trajan leur devint funeste [98-117]. La loi qu’il porta contre les associations


particulières (έταιρειαι), ainsi que les anciennes lois en faveur du maintien de la religion de l’État, pouvaient être invoquées contre les chrétiens. C’est dans ce sens qu’il répondit à la demande de Pline le Jeune, gouverneur de Bithynie [110], qu’il ne devait pas rechercher les chrétiens, mais qu’il fallait ne pardonner à ceux qui étaient accusés qu’autant qu’ils renieraient le Christ, et punir quiconque s’opiniâtrerait dans ces croyances[54]. Ces ordres contradictoires ne donnaient aucune garantie aux chrétiens contre la populace juive ou païenne. C’est ainsi qu’à l’instigation des Juifs on crucifia (108), à l’âge de cent vingt ans, Siméon, évêque de Jérusalem, tandis qu’on donnait en spectacle au peuple dégénéré de Rome le martyre de l’héroïque évêque d’Antioche. Chargé de fers par les ordres de l’empereur, traîné d’Antioche à Rome, Ignace y fut déchiré par les lions du cirque[55]. Il ne fut point rendu de décret de proscription sous Adrien [117-138] ; cependant la populace effrénée se porta à de tels excès de violence contre les chrétiens que Sérénius Granianus, proconsul d’Asie en fut outré et demanda qu’une loi réglât la conduite légale qu’il fallait tenir à leur égard. L’empereur adressa sa réponse au successeur de Granianus, Minucius Fundanus, qui avait fait noyer dans le Tibre Symphorose, et mourir ses sept fils sur la roue[56]. Les dispositions d’Antonin le Pieux [138-161] furent encore plus favorables, comme le prouva sa conduite envers quelques villes grecques[57], et bien plus encore l’étonnant edictum ad commune Asiæ, promulgué à l’occasion d’une persécution dirigée contre les chrétiens par le peuple d’Asie, qui attribuait à la colère des dieux contre cette secte nouvelle un terrible tremblement de terre. Cet édit portait « Que si quelqu’un inquiétait désormais un chrétien pour sa croyance, celui-ci devait être renvoyé de la plainte, quand même il se déclarerait ouvertement chrétien, et l’accusateur devait être puni[58]. »

Sous Marc-Aurèle [161-180], la condition des chrétiens empira. Leur enthousiasme religieux excitait la haine du froid et stoïque empereur, qui attribuait à un vain entêtement, et non à leur conviction, la facilité et la joie avec laquelle il les voyait mourir (ϰατἁ ψιλἠν παράταξιν)[59]. Aussi ne prit-il aucune mesure contre les violences du peuple, dont la fureur, excitée par les malheurs continuels de l’empire, éclata dans l’Asie Mineure, la Gaule méridionale (Lyon, Vienne), et il confirma par son silence les vieilles accusations d’athéisme, d’inceste et d’orgies ensanglantées. Avant de faire mourir les chrétiens, on leur faisait subir, pour obtenir leur apostasie, les plus cruelles tortures. L’empereur finit par porter des lois plus sévères contre eux que contre des ennemis barbares, entretenu et poussé qu’il fut dans sa haine par l’hypocrite Crescens, et surtout par l’infâme Peregrinus Proteus, qui, après avoir flatté les chrétiens, les trompa, et termina sa carrière par le suicide[60]. Le dernier des apôtres, l’invincible Polycarpe, évêque de Smyrne, refusa de maudire le divin maître qu’il avait servi pendant quatre-vingt-six ans, et mourut [vers 167] héroïquement sur un bûcher[61]. Dans les Gaules, on martyrisa le nonagénaire Pothin, une jeune et courageuse esclave nommée Blandine, l’adolescent Ponticus, âgé de quinze ans, et un grand nombre de fidèles [177] ; à Rome, Ptolémée, Lucius, Justin et plusieurs autres [161-168]. Ailleurs, une légion presque entière de chrétiens (legio Fulminatrix, Fulminea) sauva par ses prières[62] l’armée et l’empereur, mourant de soif au moment de combattre les Marcomans et les Quades en Pannonie [174], sans que ce miracle parvint à changer la disposition hostile de l’empereur, qui attribua sa victoire miraculeuse à Jupiter Pluvius. Son fils Commode [180-192] fut, dit-on, grâce à sa concubine Marcia, plus favorable au Christianisme, ce qui n’empêcha pas qu’on exécuta comme chrétien le sénateur Apollonius et l’esclave qui l’avait dénoncé[63]. Septime Sévère [192-211], guéri par le chrétien Proculus, favorisa d’abord les chrétiens, et finit par promulguer un édit [202] défendant avec une égale sévérité d’embrasser le Christianisme et le Judaïsme. Cependant une violente persécution s’éleva à la fois en Égypte, dans les gaules, en Italie, en Afrique ; dans ce dernier proconsulat, et à Alexandrie surtout, elle fut si sanglante qu’on y croyait à la venue de l’antechrist[64]. Là furent cruellement mis à mort Léonides, père d’Origène, la vierge Potamienne, Marcella, sa mère, Basilides et plusieurs autres. On remarqua plus particulièrement l’héroïque fermeté de la jeune Perpétue, de Félicité et des autres compagnes de leurs souffrances, à Carthage [vers 203][65]. On vit Perpétue, âgée de vingt-deux ans, portant dans ses bras l’enfant qu’elle venait de mettre au monde, résistant aux larmes paternelles d’un vieux païen, qui se jetait à ses pieds pour la retenir, s’avancer, ferme et sereine, vers les bêtes féroces du cirque, et mourir, inébranlable dans sa foi, au milieu des douleurs les plus atroces. Les douze martyrs scillitains, ainsi nommés de la ville de Scillite, située dans la province d’Afrique, furent aussi héroïques dans leurs douleurs et leur mort [200]. Ce fut peu de temps auparavant que Tertullien prit la parole en faveur des chrétiens, et chercha à adoucir leurs souffrances par les éloquentes inspirations de son Apologétique [198].

Les philosophes païens de ce siècle n’eurent pas une médiocre part aux dispositions des empereurs et du peuple à l’égard des chrétiens. Ils firent des tentatives désespérées pour soutenir le paganisme. Ils cherchèrent à l’adapter au caractère de l’Évangile, dont le spiritualisme répond si bien aux besoins de l’intelligence, en spiritualisant à leur tour le paganisme, en donnant un sens allégorique à ses mythes, en tirant des inductions morales des pratiques de son culte, en repoussant son anthropomorphisme, en combattant à la fois l’incrédulité et la grossière superstition des païens. Mais ce qu’ils détruisaient d’une part, ils le relevaient de l’autre : c’est ainsi que les Néoplatoniciens, en particulier, et les Néopythagoriciens fomentaient, à l’exemple d’Apollonius de Tyane (3-96 av. J.-C.), le fanatisme le plus extravagant et la superstition la plus insensée[66]. On en voit déjà les traces dans Plutarque, de Chéronée [50-120], dans le rhéteur Apulée, de Madaure en Afrique [vers 170], dans Numénius, d’Apamée en Syrie, et Maxime de Tyr. Le Portique lui-même prit une direction nouvelle avec Épictète, M. Corn. Fronton, Marc-Aurèle, Cl. Galénus[67] [v. 200]. La vertu ne consista plus pour eux, comme pour l’antique stoïcien, dans la lutte, mais dans la patience. Ils ne voyaient dans le Christianisme qu’une erreur populaire, à la fois nuisible et méprisable. L’indifférentisme sophistique et éclectique fut bien plus dangereux pour les chrétiens. Les sceptiques ne s’étaient d’abord moqués que des tentatives faites pour spiritualiser les croyances populaires du paganisme ; plus tard, ils attaquèrent le Christianisme lui-même ; tels furent Lucien, de Samosate [v. 200], et Celse [apr. 150]. Lucien analysa avec une grande sagacité la plupart des systèmes philosophiques, dévoila les folies des fables mythologiques, frappant les uns et les autres du fouet de sa sanglante satire. Partant de ce principe : Il n’y a de démontrable que ce que les sens peuvent atteindre ; au delà, il n’y a que folie ; — Il se riait d’un côté, de la foi aux dieux du paganisme, qu’on avait prétendu spiritualiser, aussi bien que du Christianisme et de ses tendances vraiment spiritualistes, et, de l’autre, il se moquait d’Apollonius de Tyane, chef de la philosophie fantastique et fanatique du siècle, aussi bien que du Christ, divin idéal de la secte nouvelle. Ses sarcasmes contre la charité fraternelle et le courage des martyrs chrétiens, qu’il traitait d’hommes abusés, ses plaisanteries contre leurs vertus héroïques, qu’il qualifiait d’aveugle superstition, sont un témoignage d’autant plus puissant en leur faveur qu’il est tout à fait involontaire[68]. Celse (qui est probablement celui à qui Lucien dédia son Alexandre), quoique épicurien de fait, adopta, pour combattre plus sérieusement le Christianisme, les opinions des platoniciens et des stoïciens. Son Discours de la vérité est une réfutation continuelle d’Origène[69]. Il y attaque la nature divine, la mission et la doctrine du Christ, qu’il représente comme un vil imposteur, dont les miracles prétendus ne sont pas plus étonnants que les prodiges journaliers des jongleurs égyptiens. Quand ce seraient d’ailleurs des miracles, dit-il, les chrétiens ne peuvent et ne doivent pas plus en conclure que le Christ est Fils de Dieu, que les païens n’ont regardé comme dieux ou fils des dieux Aristée de Proconnèse, Abaris l’Hyperboréen, et plusieurs autres thaumaturges, malgré les prodiges opérés par eux. Les chrétiens sont de petites gens, d’un esprit étroit et mesquin, dont la doctrine, incapable de soutenir le moindre examen, consiste à imposer et à exiger une croyance aveugle et une obéissance absolue. Vainement ils en appellent à l’accomplissement des prophéties de l’Ancien et du Nouveau Testament, dans et par la personne du Christ ! Ils sont tellement divisés entre eux qu’à peine leurs différentes sectes ont, encore de commun autre chose que le nom et qu’on sait à peine de quoi il s’agit quand on parle du Christianisme.

§ 68. — Dans le IIIe siècle.

Caracalla [211-217 apr. J.-C.], qui se débarrassa de son frère en le faisant assassiner, ne porta aucune loi spéciale pour protéger les chrétiens ; aussi les persécutions isolées ne manquèrent point sous son règne, et il fallut quelque temps pour que la politique et les dispositions plus favorables du nouvel empereur parvinssent à adoucir le sort des chrétiens, dans toutes les provinces[70]. Caracalla étant tombé sous les coups de Macrin, capitaine de ses gardes, qu’il avait voulu tuer lui-même, celui-ci s’éleva au trône, et rendit, pendant les dix-neuf mois de son règne, le sort des chrétiens plus tolérable, en défendant toute condamnation fondée sur le mépris des dieux[71]. L’armée mécontente, l’ayant tué à son tour, lui donna pour successeur le petit-fils de Caracalla, âgé de quatorze ans. C’était Avitus Bassianus, surnommé Héliogabale [218-222 apr. J.-C.], du nom syrien d’une de ses idoles. Dans l’excès de ses puériles extravagances et de ses monstrueux désordres, il oublia pour ainsi dire les chrétiens, ou les épargna, pour les gagner au culte syrien qu’il rendait au soleil[72]. Alexandre Sévère [222-235], d’abord élevé à la dignité de césar par Héliogabale, puis proclamé seul maître de l’empire, après la mort du petit-fils de Caracalla, avait été favorablement prédisposé pour les chrétiens par les soins de sa mère Mammée, attirée elle-même au Christianisme par les leçons d’Origène, à Antioche. Alexandre fit placer dans son oratoire (Larium) les statues d’Abraham et du Christ, à côté de celles d’Orphée et d’Apollonius de Tyane. Il avait sans cesse à la bouche le principe fondamental de la morale chrétienne : « Faites donc aux hommes tout ce que vous voulez qu’ils vous fassent : car c’est là la loi et les prophètes[73]. » Il en ornait l’entrée de son palais[74] ; il recommandait de mettre, dans la nomination aux emplois et aux dignités de l’État, la sollicitude que les chrétiens apportaient à l’élection de leurs supérieurs. Ce repos accordé à l’Église pendant vingt ans, lui permit en beaucoup d’endroits d’élever des temples chrétiens.

Mais avec Maximin le Thrace, meurtrier et successeur d’Alexandre, recommença une nouvelle persécution [233-238 apr. J.-C.]. Le nouvel empereur, craignant que les chrétiens ne vengeassent la mort de Sévère, les persécuta par cela même que celui-ci les avait favorisés. De nombreux confesseurs signalèrent la courte durée de son règne. L’histoire fait mention du diacre Ambroise, du prêtre Protoctète, à Césarée, et d’un grand nombre de martyrs, tels que les évêques de Rome, Pontien et Anthère[75]. On place dans ce temps le fameux martyre de sainte Ursule et de ses compagnes[76], que les indications positives de la légende rejettent après 451. Pupiénus et Balbin passèrent rapidement sur le trône [238]. Gordien tint jusqu’en 244, grâce aux victoires remportées en Orient par Mésithée, son ami. À la mort de ce dernier, Philippe l’Arabe détacha l’armée du parti de Gordien et priva à la fois ce prince du trône et de la vie. Philippe montra, durant son règne [244-249], tant de bienveillance aux chrétiens qu’en le comparant aux princes qui les avaient persécutés, ils crurent qu’il était chrétien lui-même. Le bruit se répandit en effet, peu après sa mort, qu’ayant voulu prendre part aux saints mystères, durant la solennité de Pâques, il en avait été repoussé, à cause de ses crimes antérieurs, par Babylas, évêque d’Antioche, et qu’il s’était mis au rang des pénitents[77]. Le nombre des croyants augmenta à mesure que les préjugés contre les chrétiens tombèrent, durant la longue paix dont ils jouirent, et qui ne fut interrompue que par la persécution de Maximin. Mais, parmi ces nouveaux fidèles, il y en eut beaucoup qui entrèrent dans l’Église sans véritable vocation, par cela même qu’on n’en exigeait plus les sacrifices pénibles imposés anciennement. Ils augmentèrent le refroidissement de la charité fraternelle qu’avait déjà produit, dans plusieurs Églises, la tiédeur morale de ses membres. Il fallait donc, pour rallumer la charité éteinte, un feu dévorant et purificateur, et il fut allumé par Dèce [249-251].

Des lois pénales portées contre les chrétiens signalèrent son élévation au trône impérial Tous les proconsuls durent intimer aux chrétiens l’ordre d’abandonner leur religion et de sacrifier aux idoles. On devait les y contraindre par de lentes tortures. La promulgation de l’édit impérial excita une terreur universelle. Beaucoup de chrétiens, surtout des classes élevées, apostasièrent. Dèce s’était mis à l’œuvre avec une résolution effrayante. Il voulait renverser radicalement l’Église, en faisant périr les ecclésiastiques, non qu’il fût poussé par sa haine contre Philippe l’Arabe, qui avait été favorable aux chrétiens, ni qu’il eût une prédilection particulière pour la religion païenne, mais il était convaincu que, d’après son essence, le Christianisme était incompatible avec la constitution et l’esprit de l’empire romain. C’est pourquoi il insistait pour que les églises fussent détruites, pour qu’on employât les supplices les plus raffinés, qu’on n’eût égard ni à l’âge, ni au sexe, ni à l’état ; il voulait briser la fermeté des chrétiens. L’Église eut en effet la douleur de voir chanceler et tomber beaucoup de ses enfants (lapsi : thurificati, sacrificati, libellatici, acta facientes). Mais il y en eut un bien plus grand nombre qui restèrent fidèles à la foi et la scellèrent de leur sang : tels furent les évêques Fabien, de Rome ; Babylas, d’Antioche ; Alexandre, de Jérusalem. Les chrétiens qui fuyaient perdaient leurs biens en sauvant leur vie, et ne pouvaient plus revenir dans leur patrie[78]. Quand Dèce tomba devant les Goths, la persécution se ralentit [251-253], et les agitations politiques sous Gallus laissèrent quelques moments de repos à l’Église. On se contenta d’exiler les ecclésiastiques. Ainsi furent bannis, et plus tard mis à mort, les évêques Cornélius, Lucius, son successeur, et d’autres[79]. Cependant, ni les dures extrémités où furent réduits les Romains par les Goths et les autres Barbares, ni la prise d’Antioche par les Perses, ni les horreurs de la peste, ni les murmures d’un peuple exaspéré, qui attribuait toutes ces catastrophes aux chrétiens, ne purent porter l’empereur à des mesures aussi cruelles contre l’Église que celles de Dèce. Mais la persécution recommença systématiquement sous Valérien [253-260], quoiqu’il eût paru d’abord user d’indulgence. Poussé par son favori et confident Macrien, ardent païen, il ordonna d’abord l’exil des évêques et des prêtres [257], interdit les assemblées religieuses, fit emprisonner et martyriser ceux qui persévéraient. Puis, par un second édit [258], il décréta que les évêques, les prêtres et les diacres fussent décapités[80], et c’est ainsi que les chrétiens virent avec douleur mourir Sixte, évêque de Rome, son diacre Laurent, et Cyprien, l’immortel évêque de Carthage. Le proconsul Galère Maxime exécutait avec la plus fidèle cruauté l’édit de l’empereur. À Utique il fit décapiter, en une fois, cent cinquante-trois adorateurs du Christ (massa candida)[81]. Heureusement que Gallien [260-268] ne ressembla point à son père ! Il accorda la paix aux chrétiens, et à l’Église la joie de se voir, pour la première fois, légalement reconnue comme corporation religieuse (religio licita)[82]. Cette paix, qui se prolongea durant les années du règne de Claude, fut de nouveau interrompue par un édit [275] de persécution d’Aurélien [270-275]. Mais le meurtre de ce césar en empêcha l’exécution[83].

Les chrétiens jouirent alors, et jusqu’en 303, des dispositions bienveillantes de Dioclétien [284-305], si bien que, durant cette paix de quarante années, l’Église put à la fois se développer au dedans et s’étendre au dehors. Avec les augustes Dioclétien et Maxime Hercule régnaient les césars Constance Chlore et Caïus Galérius ; chacun d’eux était indépendant dans sa province. Eusèbe[84], qui, à dater de ce moment, devient historien contemporain, se réjouit de l’extension du Christianisme à cette époque, de la grandeur des églises élevées dans toutes les villes ; il vante la considération dont jouissent, à la cour impériale, les chrétiens qu’on revêt des charges les plus éminentes. Mais, à ce tableau de la prospérité de l’Église, il en ajoute un plus sombre et plus triste. « À mesure, dit-il, que les chrétiens furent plus libres, ils tombèrent dans la négligence, la paresse, et l’envie ; ils s’armèrent les uns contre les autres et combattirent, par la parole comme par le glaive, évêques contre évêques, Église contre Église ; l’hypocrisie se joignit à la plus grande perversité. Mais alors la justice divine intervint ; le châtiment éclata avec la persécution suscitée contre les chrétiens engagés dans l’armée. » Le césar Galérius en fut le moteur. Sa mère Romula lui avait inoculé l’amour des superstitions païennes et la haine des chrétiens qui s’abstenaient des sacrifices idolâtres[85]. Galérius influença peu à peu l’esprit de Dioclétien, et, sa victoire sur les Perses, rappelant à l’empereur l’antique éclat de la puissance romaine, réveilla en lui le vif désir de restaurer le paganisme dans l’État, malgré la difficulté de cette entreprise, en face du développement toujours croissant du Christianisme. Convaincu, comme Dèce, que le Christianisme était incompatible avec l’empire romain, il résolut de prendre tous les moyens pour arriver à son but, d’étayer son projet de destruction par des moyens légaux comme par la violence, et à cet effet il convoqua une assemblée de jurisconsultes (Hiéroclès), de généraux, de gouverneurs ; il interrogea les entrailles des animaux, il consulta l’Apollon de Milet. De toutes parts on prononça l’arrêt des chrétiens[86]. Galérius sut profiter du moment favorable, tout à coup une troupe de soldats se précipite dans la magnifique église de Nicomédie et la détruit [23 févr. 303]. Les chrétiens, depuis longtemps paisibles, s’étonnent et s’alarment. Le lendemain un décret impérial ordonne d’incendier toutes les églises, de brûler tous les livres des chrétiens, de confisquer tous les biens ecclésiastiques, de priver de leurs dignités et des droits de cité tous ceux qui ne renieraient point le Christianisme[87]. Libre à chacun d’accuser les chrétiens. Tout chrétien qui ne renie pas sa foi est soumis à la torture. L’esclave chréttien ne peut Être affranchi tant qu’il reste chrétien. Bientôt le feu mis au palais impérial, probablement à l’instigation de Galérius, les révoltes en Arménie et en Syrie et la résistance des chrétiens occasionnent au second édit [303]. Les évêques, les ecclésiastiques doivent tous être emprisonnés, et les prisons, destinées aux criminels les plus infâmes, regorgent peu après d’une multitude de prêtres. Un troisième édit ordonne de contraindre, par les tortures les plus cruelles, les chrétiens captifs à sacrifier aux idoles. Dioclétien espérait que les évêques et les maîtres une fois domptés, les fidèles suivraient leur exemple. Alors l’Église vit des troupes d’hommes et de femmes mourir pour leur foi, se précipiter dans la flamme des bûchers avec un incroyable courage. Mais elle eut aussi la douleur d’en voir d’autres renier leur croyance et abandonner les livres saints réclamés par les païens (traditores). Cependant le but de Dioclétien n’était point encore atteint. Il parut un quatrième édit [304], qui ne laissait aux chrétiens que le choix entre le sacrifice aux idoles ou la mort[88]. Les gouverneurs, les tribunaux païens s’empressaient de réaliser les ordres impériaux. En Phrygie, le proconsul fit incendier une église remplie de monde. Eusèbe prétend même que c’était une ville entière[89]. Partout le nombre des victimes fut effrayant ; encore ne furent-elles pas toutes enregistrées. Ce fut particulièrement l’Église d’Orient qui souffrit sous Dioclétien et Galérius. Prisca et Valéria, leurs femmes, qui étaient chrétiennes ou désiraient l’être, furent obligées de sacrifier aux idoles. Les chambellans Dorothée et Gorgonius furent étranglés. « Un autre serviteur de l’empereur, Pierre, digne de son nom, dit Eusèbe, fut cruellement déchiré à coups de fouet et lentement brûlé sur un gril. » En Afrique, en Italie, dans une partie des Gaules, la rage de Maximien Hercule fut telle qu’on lui attribua l’extermination de toute la légion Thébéenne[90] et de leur héroïque chef, Maurice, parce qu’ils avaient refusé d’emprisonner et de poursuite les chrétiens. Constance Chlore, au contraire, fut très-favorable aux chrétiens dans son gouvernement des Gaules, de l’Espagne et de la Bretagne, et son fils Constantin bien plus encore. Tout à coup les deux augustes abdiquent en faveur des césars Galérius et Constance [305]. Quoique les nouveaux césars Maximin et Sévère fussent des créatures de Galérius, ce dernier fut bientôt dépossédé par Maxence à Rome [306]. Maxence feignit, par politique, de partager les sentiments de Constantin qui, dans la même année, et après la mort de son père, avait été proclamé auguste par les soldats,.

La rage de l’auguste Galérius et de son césar Maximin n’en fit qu’augmenter en Orient. On arrosa tous tes comestibles de vin et d’eau offerts en sacrifice. On décapita à la fois trente-neuf confesseurs en Palestine [310]. Ce ne fut qu’après une maladie longue et douloureuse, en vue de la mort et de l’inutilité du sang répandu, que Galérius se décida à arrêter la persécution. Il dit, dans son édit de tolérance, publié en 311 « L’intention de l’empereur était de ramener les chrétiens à la religion de leurs pères. Mais la plupart ayant persévéré dans leur opinion, et les empereurs ayant reconnu qu’on pouvait honorer le Dieu des chrétiens et rendre en même temps aux dieux de l’empire l’honneur qui leur est dû, ils voulaient étendre sur les chrétiens leur bienveillance accoutumée, en leur accordant d’être chrétiens, s’ils l’entendaient ainsi, et de se réunir dans leurs assemblées, mais à la condition de n’entreprendre rien de nuisible à l’État et même de prier leur Dieu pour l’empereur et l’empire[91]. »

Sur ces entrefaites Constantin, à la vue du signe miraculeux de la croix[92], ayant remporté sur Maxence une victoire jusqu’alors douteuse [312], qui le rendit seul maître tout-puissant de l’Occident, promulgua avec Licinius, auguste de l’Europe orientale, un édit contraire aux opinions politiques dominantes sur la suprématie de la religion de l’État et qui accordait aux chrétiens une liberté de religion et de conscience universelle et absolue [312]. Un édit plus libéral encore parut bientôt à Milan [313] et rendit complète la joie des chrétiens[93]. Cet édit, non-seulement accordait aux chrétiens, comme aux autres sujets de l’empire, d’exercer librement leur religion, mais encore il permettait à chacun d’embrasser le Christianisme ; de plus, on devait leur rendre les églises et les biens qu’on leur avait enlevés, en indemnisant les acquéreurs actuels avec les fonds de l’État. « Cet exemple des deux empereurs ne permit pas à Maximin de rester seul, en Orient, à persécuter les chrétiens. Il adressa, par conséquent, un édit hypocrite au préfet Sabinus. Mais enfin sa défaite près d’Andrinopolis, où il fut battu par Licinius, le fit réfléchir et sembla avoir changé ses dispositions à l’égard des anciennes victimes de sa fureur. Il accorda publiquement aux chrétiens d’Orient les libertés qu’ils avaient obtenues en Occident, et mourut bientôt après, à la suite d’une effroyable maladie. Constantin et Licinius restèrent seuls maîtres de l’empire romain, dans lequel le Christianisme sembla avoir remporté une victoire définitive et perpétuelle sur le paganisme, dont les empereurs avaient proclamé d’avance le triomphe par cette célèbre inscription : Nomine Christianorum deleto, qui rem publicam everiebant ; superstitione christiana ubique deleta. Par contre, la prédiction du Christ s’était accomplie : « Vous souffrirez dans le monde ; mais ayez confiance, j’ai vaincu le monde[94]. »

Le siècle que nous venons de parcourir vit la tendance de l’école néoplatonicienne, indiquée plus haut, s’exprimer et se réaliser formellement, par les travaux d’Ammonius Saccas d’Alexandrie [au commencement du IIIe siècle] et de son disciple Plotin de Lycopolis, en Égypte[95], à qui nous devons la connaissance détaillée des points les plus importants de la doctrine néoplatonicienne [†270]. Ils s’efforcèrent surtout d’établir que, sous leurs symboles multiples et leurs manifestations extérieures, les religions populaires n’étaient que l’expression formelle des systèmes philosophiques. Pour démontrer cette unité intime, ils insistèrent principalement sur le sens allégorique des mythes. L’obscurité mythologique qui enveloppe la figure de Pythagore, les merveilles attribuées à Apollonius de Tyane, contemporain du Christ, leur servaient à donner à ces personnages, dans le paganisme, le rang, la dignité, la mission véritable de Jésus dans l’Église chrétienne. S’appuyant sur l’hypothèse, inattaquable d’après eux, de l’unité foncière de toutes les philosophies et de toutes les religions populaires, les néoplatoniciens entreprirent, de fonder en une unité définitive la seule vraie philosophie (le platonisme surtout), avec la seule religion véritable, non point en procédant par une méthode logique, strictement philosophique, mais en donnant à leur doctrine le caractère d’une révélation divine, qui excluait par la même d’autres recherches longues et pénibles. Les représentants du système étaient considérés comme des voyants et des saints qui, affranchis du joug des sens, avaient obtenu le don de la contemplation des choses divines. Ammonius fut nommé le savant de Dieu (θεοδἰδαϰτος) ; Plotin, rougissant d’avoir reçu la vie comme le reste des mortels, ce qui répugnait à la nature sublime et demiurgique qu’il s’attribuait, cachait avec soin quand et par qui il avait été engendré. Il s’attribuait une grande puissance magique ; deux fois, disait-il, au milieu des efforts qu’il avait faits pour s’élever au-dessus des flots ensanglantés de la mer du monde, le Dieu, qu’aucune forme, qu’aucune image spirituelle ne peut représenter, lui avait apparu. Son but étant d’établir l’unité fondamentale de toutes les religions, il ne devait point y avoir pour lui d’opposition entre son système et celui de l’Évangile ; aussi s’en appropria-t-il diverses propositions[96]. On dit même qu’Ammonius et Porphyre appartinrent d’abord au Christianisme. Mais la lutte devait éclater nécessairement, puisque la doctrine de Jésus-Christ se présentait comme la seule vraie révélation divine et rejetait positivement toute fusion avec la religion païenne[97]. Cette opposition absolue du Christianisme aux religions païennes et populaires était considérée, par les néoplatoniciens, comme une interprétation fausse et judaïque des principes d’ailleurs vrais de la doctrine chrétienne, provenant de ce qu’on ne distinguait point entre la Divinité, une dans le tout (τὸ θειον), et la Divinité multiple dans sa manifestation (θεοὶ μεριϰοἰ ὲθνάρχαι). Ce ne fut qu’après la mort de Plotin que les néoplatoniciens, partant de ce point de vue, évidemment dirigé contre les vérités chrétiennes, entrèrent en une opposition ouverte et directe avec le Christianisme. Ce fut d’abord Philotraste l’ancien, dans sa biographie d’Apollonius de Tyane, dont les prétendus miracles devaient éclipser toutes les merveilles de l’Évangile ; ce fut ensuite, et d’une manière plus marquée, le Syrien Porphyre, disciple de Plotin [† 304]. Porphyre estimait fort la personne du Christ, mais il prétendait que ses disciples, nommément Jean, l’avaient entouré d’une auréole divine. C’est pourquoi il attaque la véracité des sources du Nouveau Testament, cherche à y relever des contradictions en s’appuyant particulièrement sur la discussion de Pierre et de Paul, blâme les interprétations des docteurs, l’allégorisme d’Origène, se moque des prophéties du Messie, de Daniel surtout, torture les faits de la vie de Jésus, demande pourquoi il est venu si tard pour sauver les hommes, pourquoi les chrétiens rejettent les sacrifices, tandis que Dieu paraît s’y complaire dans l’Ancien Testament ; déclare enfin le Christianisme une doctrine hostile à toute civilisation avancée, ennemie de toutes les lois de l’État.

On ne peut cependant méconnaître dans les ouvrages de Porphyre des éléments chrétiens, particulièrement dans sa lettre à sa femme Marcella[98], et il est obligé d’avouer qu’il y a des témoignages solides en faveur de la sainteté du Christ. Ce fut dans des vues analogues qu’Hiéroclès, gouverneur de Bithynie et préfet d’Alexandrie, sous Dioclétien, composa son Discours véridique. Pour ramener les chrétiens au paganisme, il reprend en partie les objections de Celse et de Porphyre, et compare les miracles de Jésus à ceux d’Apollonius de Tyane[99]. « Vous dites que le Christ est Dieu, parce qu’il a rendu la vue à quelques aveugles et fait quelques autres œuvres du même genre : mais les Grecs ne regardent pas le grand Apollonius comme un dieu ; malgré ses nombreux miracles, ils ne le considèrent que comme un homme chéri de Dieu. » Toutes ces attaques furent vigoureusement repoussées plus tard par Eusèbe.

Observation. On varie beaucoup sur le nombre des persécutions. On en compte ordinairement dix depuis le IVe siècle, et l’on a évidemment voulu par là faire allusion aux dix plaies de l’Égypte et à la bête aux dix cornes de l’Apocalypse[100]. On diffère encore dans l’énumération de ces dix persécutions ; mais on admet généralement les indications de saint Augustin[101] : I, sous Néron ; II, sous Domitien ; III, sous Trajan ; IV, sous Marc-Aurèle ; V, sous Septime-Sévère ; VI, sous Maximin ; VII, sous Dèce ; VIII, sous Valérien ; IX, sous Aurélien ; X, sous Dioclétien.

§ 69. — Les apologistes chrétiens ; leur tendance.
Les apologistes grecs (Justin, Athénagore, Théophile, Tatien, Hermias), ed. Prudentius Maranus. Paris., 1742, l tome in-fol. ; Venet., 1747. Fabricius, Delectus argumentor. et Syllabus scriptor. qui verit. relig. christ. asseruerunt. Hamb., 1725, in-4. Otto. Corpus apologetar. Christianor. sæc. II. Jen. 1847 sq. 6 vol. (Justin et Tatian.) Cf. Mœhler, Patrologie, t. I, p. 188-313 ; Ritter, Hist. de la Philos. chrét., t. I, p. 289-344. Bœhringer, l’Hist. eccl. sous forme de biograph., t. I, p. 1.

Les chrétiens se défendaient contre les plus cruelles persécutions en les supportant avec patience, contre les plus indignes calomnies en les réfutant avec calme. Ainsi se défendirent surtout ceux des chrétiens qui étaient instruits dans les lettres humaines ou la jurisprudence romaine ; ainsi, déjà, un disciple immédiat des apôtres, l’auteur inconnu de la lettre à Diognet[102], avait à la fois réfuté les reproches et les fausses accusations des païens et justifié les chrétiens, en décrivant leur vie avec une inimitable simplicité. Plus tard, d’après le témoignage d’Eusèbe, le philosophe Aristide et l’évêque Quadratus, d’Athènes, adressèrent à l’empereur Adrien des apologies du christianisme, qui se sont perdues, ainsi que celles de Méliton, évêque de Sardes, d’Apollinaire d’Hiérapolis, et de Miltiade, adressées à Marc-Aurèle[103]. Heureusement la postérité a conservé un modèle accompli de ces défenses, simples et éloquentes, des chrétiens des premiers siècles, dans la grande apologie adressée à Antonin le Pieux, et la petite apologie à Marc-Aurèle, par saint Justin, martyr[104]. Ce philosophe, mécontent des systèmes philosophiques qu’il avait étudiés, saisi d’enthousiasme à la vue des martyrs chrétiens, embrassa hardiment le christianisme et scella à son tour sa foi de son sang [entre 161 et 168]. Son disciple Tatien[105] attaqua et mit à nu, dans un langage passionné, les ignominies du paganisme [vers 170]. Athénagore, philosophe athénien, repoussa, avec autant de douceur que de dignité, les accusations d’athéisme et d’inceste, dans son apologie adressée à Marc-Aurèle ; il chercha à y démontrer philosophiquement le dogme de la résurrection, bafoué par les païens, et à convaincre l’empereur, par la vie des chrétiens, qu’ils n’étaient point indignes de sa protection[106]. Théophile, évêque d’Antioche [entre 170 et 180], écrivit bientôt après trois livres au païen Autolyque, et, dans un style aussi élégant que pur, il dépeignit les divisions intestines et l’insuffisance patente du paganisme[107]. Il y a souvent de l’obscurité et de la légèreté dans les sarcasmes d’Hermias contre les philosophes païens, dont il démontre les contradictions[108]. Clément d’Alexandrie, au contraire, homme d’une science profonde et d’une haute culture, s’efforça d’amener peu à peu les païens à la conviction de la vertu du christianisme, en montrant que son développement est conforme aux besoins les plus vrais de la nature humaine et en exposant les rapports de l’histoire antérieure au Christianisme avec le Christianisme lui-même[109]. Origène, le plus illustre de ses disciples, garda d’abord le silence, comme le Sauveur devant Pilate, ne jugeant pas les libelles de Celse et consorts assez importants pour pouvoir égarer de vrais croyants. Mais bientôt après, il composa, à la prière de son ami Ambroise, et en réponse aux attaques de Celse, l’apologie du Christianisme la plus complète et la plus solide qui eût encore paru[110].

En Occident, la plus ancienne défense du Christianisme est l’Octave de l’Africain Minutius Félix (sous Marc-Aurèle ou Antonin) ; c’est un dialogue d’une forme agréable, dans le genre des Tusculanes : le païen Cécilius y présente les objections les plus ordinaires de cette époque ; le chrétien Octave les réfute, et Cécilius finit par s’écrier « Nous avons triomphé tous deux : toi de moi, moi de l’erreur[111] ! » Plus habile et plus éloquent que tous ses prédécesseurs, Tertullien entreprit victorieusement la justification politique des chrétiens dans son Apologétique[112]. Il y parle non-seulement comme jurisconsulte, mais encore comme philosophe ; il démontre la vérité de la religion chrétienne, par cela seul que l’âme humaine est naturellement chrétienne, tandis que le paganisme est faux parce qu’il est essentiellement contraire à la nature humaine. L’éloquent et saint évêque de Carthage, Cyprien, demanda à son tour qu’on épargnât les chrétiens, en démontrant la vanité des idoles qu’ils repoussaient[113]. Enfin le rhéteur africain Arnobe, de persécuteur devenu fidèle, donna au commencement de la persécution de Dioclétien, une preuve authentique de sa conversion sincère et de l’esprit chrétien qui l’animait, en écrivant contre les Gentils sept livres, où il dévoile les vices et les absurdités du paganisme et défend souvent avec éclat la doctrine évangélique[114].

Toutes ces apologies se réduisent à trois chefs principaux :

1o elles tendent à réfuter les accusations d’athéisme[115], de crimes contre nature, de haute trahison, etc. ; elles répondent à l’objection de la nouveauté en exposant l’harmonie de l’Ancien et du Nouveau Testament, en démontrant que le Christianisme est plus ancien que tous les systèmes philosophiques, avec lesquels il ne peut se confondre, comme le prétendaient les Alexandrins ; enfin elles réclament contre l’illégalité des jugements prononcés contre les chrétiens.

2o Elles démontrent que le paganisme est le plus monstrueux égarement de l’esprit humain, en rappelant l’immoralité et la folie de tant de cultes divers et la corruption générale des mœurs des païens, destitués de tout moyen vivant et véritable de moralisation et d’épuration. « Le paganisme et le polythéisme n’ont pu trouver tant d’accès que dans des cœurs obscurcis et corrompus par le péché, » car le culte des païens n’est que le culte des démons[116].

3o Enfin elles exposent la pureté de la doctrine chrétienne. Elle est si conforme à la raison que l’âme humaine, naturellement chrétienne (anima naturaliter Christiana), la comprend tout d’abord. Elle est constatée, dans le fait, par l’accomplissement des prophéties ; elle transmet aux hommes une force toute divine, que prouve, aux yeux de tous, la vie noble et pure des chrétiens, si opposée à la vie grossière des païens. Le Christianisme, bien loin d’être la source des malheurs publics qu’on lui attribue, en est le plus sûr remède, l’adoucissement le plus certain ; il diminue le nombre des pécheurs, augmente celui des intercesseurs auprès du Dieu unique du ciel et de la terre.

On rencontre parfois dans ces apologies quelques erreurs, quelques exagérations, lorsqu’elles réfutent le paganisme ; elles s’appuient aussi à tort sur des ouvrages plus ou moins apocryphes, comme le livre d’un ancien sage persan, nommé Hystaspes, les livres très-accrédités en Égypte du mythique Hermès Trismégiste, enfin les livres Sybillins en grande partie interpolés avec leurs oracles et le fameux acrostiche sur le Christ[117].

§ 70. — Des martyrs de l’Église catholique.
Lactant., de Mortib. persecut. Tertull. Lib. ad martyr. Orig. Exhortatio ad martyrium. Cypr., ep. 11 ad martyr. Gallonius, de SS. Martyr. cruciatib. Romæ, 1594. Sagitarius, de Martyr. cruciatibus. Francof. et Lipsiæ, 1696, in-4. — Prudentius, Περὶ Στεφάνων (Peri Stefanôn), hymni XIV. (Opp., ed. Daventriæ, 1492, in-4. Recens. et adnot. illustr. Chr. Cellarius. Halæ, 1733, in-8. Ed. Faustus Arevalus, Romœ, 1798-99, in-4.). Chateaubriand. les Martyrs, 2 vol. — Perrone, Prælection. theol. Romæ, 1835, V, p. 186-206. Staudenmaier, Esprit du Christ., 4e édit., t. II, p. 966.
Voici : je vous envoie comme des brebis au milieu des loups.
Ὑμεῖς δὲ ἔστε μάρτυρες τούτων (Humeis de este martures toutôn).
Matth. X, 16 ; Luc, XXIV, 28.

La conduite tenue à l’égard des chrétiens par quelques empereurs, tels que Néron, Maximin, Dèce, Dioclétien et Galérius, l’emploi des tortures épouvantables inventées contre les disciples de Jésus-Christ, ne peuvent laisser de doute sur les nombreuses et cruelles souffrances qu’ils ont endurées. Ce que les Romains avaient admiré dans un Mucius Scévola, un Régulus, devenait fréquent, ordinaire parmi les chrétiens[118] ; vouloir soutenir le contraire avec Dodwell[119], c’est faire preuve d’une triste prévention. On est tout aussi peu fondé à prétendre que l’ostentation et un aveugle fanatisme furent généralement le mobile de la conduite des martyrs : c’est oublier que les docteurs les plus éclairés de l’Église adressèrent de fréquents reproches à ceux qui se précipitaient au martyre avec un zèle inconsidéré (ce qu’on voit déjà dans Ep. eccl. Smyrnen. de martyrio Polycarpi). Mourir pour Dieu, afin d’arriver à la conscience de son amour pour Dieu et d’en prouver par le fait l’étendue, conformément à la parole du Christ : Le disciple n’est point au-dessus du Maître[120], tel était le véritable fondement de l’héroïsme des chrétiens marchant au martyre. Ils savaient que le Sauveur avait dit : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme[121]; celui qui conserve sa vie la perdra, et celui qui aura perdu sa vie pour l’amour de moi, la retrouvera[122]; où je serai, là sera aussi mon serviteur[123]. » Ils étaient animés surtout par cette parole : « Une grande récompense vous est réservée dans le ciel »[124], et encore « Si nous souffrons avec lui, nous régnerons aussi avec lui (le Christ) »[125]. et nous serons reconnus par lui devant notre Père céleste. Mais pour être reconnu par le Maître, il fallait le reconnaître devant les hommes[126]. Ceux qui confessaient leur foi en Jésus-Christ, et la scellaient de leur sang, devenaient les témoins (μάρτυρες) de la divinité de la religion chrétienne ; ceux qui proclamaient Jésus-Christ en courant le danger de perdre leur vie, leur honneur ou leurs biens, sans goûter la mort, étaient des confesseurs (confessores). Les chrétiens, en se dévouant ainsi généreusement et joyeusement à la mort, d’ailleurs si pleine de terreur, contribuèrent singulièrement à consolider et à propager l’Église de Jésus-Christ. Le sang des martyrs, disait Tertullien, est une semence de chrétiens. Le martyre est un des caractères propres de l’Église catholique. Une avec et dans le corps de Jésus-Christ[127], elle s’unit encore à lui dans le martyre de la croix, et le partage. Seuls, ses adhérents meurent, nombreux et joyeux, pour leur foi, tandis que les schismatiques, les hérétiques, rameaux desséchés de l’arbre de la croix, meurent rarement dans le martyre[128] : Il est inutile, disent-ils, de confesser sa foi devant les hommes, la confession intérieure suffit : le martyre est un suicide. Ce sont les sophismes de la lâcheté, répondait l’Église catholique, en les anathématisant[129] ; sa maxime invariable était que la communauté intérieure des fidèles doit se réaliser par le fait d’une communauté extérieure. Quand on a la foi dans le cœur, on est prêt à la confesser ouvertement au besoin : renier la communion extérieure avec l’Église, c’est perdre l’union intérieure avec Jésus-Christ. Plutôt donc que de se séparer du Christ, qui est la vie, les chrétiens s’écriaient : La mort est notre gain ! et le jour du martyre était le vrai jour de naissance fêté parmi eux[130]. Mais qu’était-ce que la mort, auprès du déshonneur dont on cherchait à flétrir les Vierges chrétiennes[131] ! Tandis que les apostats, trop nombreux souvent, étaient rejetés de l’Église catholique, ceux qui persévéraient dans la foi, invisiblement unis aux martyrs, se plaisaient à proclamer leurs noms dans les assemblées religieuses, à se réunir sur leurs tombeaux, pour y célébrer les saints mystères au jour anniversaire et glorieux de leur naissance céleste, pour y ériger des chapelles, des églises, et y honorer les ossements qui avaient servi d’organes à la glorification de ces âmes saintes[132].

L’Église de Smyrne alla de bonne heure au-devant des calomnies païennes, dans la lettre qu’elle écrivit sur le martyre de son saint évêque Polycarpe, en disant dans son enthousiasme religieux[133] : « Le Christ, nous le reconnaissons comme Fils de Dieu ; les martyrs, nous les chérissons comme de dignes disciples du Seigneur dont nous admirons la divine charité, et dont nous désirons imiter l’héroïque dévouement. »


    impolitos, non peritos grammatica, non armatos dialectica, non rhetorica inflatos, piscatores Christus cum retibus fidei ad mare hujus sæculi paucissimos misit, atque ita ex omni genere tam multos pisces et tanto mirabiliores quanto rariores etiam ipsos philosophos cepit, etc. »

  1. Nomb. XXIV, 17.
  2. Euseb. Hist. ecclesiast. III, 36.
  3. Euseb. Hist. ecclesiast. VI, 46.
  4. L’Arabie Heureuse, parce que Philostorg. Hist. ecclesiast. II, 6, nomme les Homérites et les Sabéens Indiens, et que saint Jérôme, de Viris illust. c. 36, rapporte que Panthène trouva chez eux l’Évangile de saint Matthieu, qu’ils auraient reçu de saint Barthélémy, dont les travaux apostoliques dans l’Arabie Heureuse sont constatés. Cf. Tillemont, t. I, Mosheim, Comment. de Rebus christ. ante Constant. Max. p. 206. Euseb, Hist. ecclesiast. V, 10 : VI. 19. Gildemeister, Scriptor. Arabum de rebus Indicis loci et opuscula inedita. Bonnæ, 1838.
  5. Gal. I, 17.
  6. Arnob. (vers 297) ad Gentes, II, 7 (Galland. Biblioth. t. IV, p. 150).
  7. Apollon, chrétien né Juif, dont parlent les Act. XVIII, 24 ; XIX, 11 ; Cor. I, 12 était un Alexandrin.
  8. Euseb. Hist. ecclesiast. II, 16 ; VI, 2.
  9. Munteri Primordia Ecclesiæ afric. Hafn., 1829.
  10. Baron. ad a. 49, n. 8. E. Schelstrate, Ecclesia africana sub primatu Carthag. Par. 1690. 4.
  11. Ad Scapul. c. 2 : « Tanta hominum multitudo pars pæne major civitatis cujusque : » et c. 5 : « Quantis ignibus, quantis gladiis opus erit : Quid ipsa Carthago passura est decimanda a te ? » P. 86 et 88. Apologet. c. 37 : « Hesterni sumus et vestra omnia implevimus, urbes, insulas, castella, municipia, conciliabula, castra ipsa, etc. » p. 33.
  12. Cypr. ep. 71 et 73. August. de Baptismo, II, 13. Mansi, Collectio conciliorum, t. I, p. 967-92. Harduin. t. I, p. 159-180.
  13. Cf. § 50.
  14. Terlull. de Præscr. c. 36 ; Tacit. Annal. XV, 44.
  15. Selvaggio. Antiq. christ. lib. I, c. 5-7, p. 1. Mogunt., 1787, p. 86-137.
  16. Cf. Joann. Lami Deliciæ erudit., t. VIII. p. 25 sq. ; t. XI, Præf.
  17. Nat. Alex. Hist. Eccl. sæc.I, diss. 15, sur saint Paul et saint Jacques (t. IV, p. 834 sq.)
  18. Gruteri Thesaur. incription. n. 9, p. 238. L’authenticité de cette inscription est défendue par Walch, Persecutio christianor. Neron. Jen., 1753 ; elle est mise en doute par Scaliger et plusieurs autres. Cf. Iren. Contra hær. I, 10 p. 49. Annot. p. 43, Tertull. Adv. Jud. c.7.
  19. Mansi, t. II, p. 6.
  20. Act. des Mart. Ruinart, p. 910.
  21. Ce paragraphe est modifié dans le texte allemand de la dernière édition, ainsi qu’il suit : « Sur une plaque de marbre, on a trouvé une inscription où l’empereur Néron est loué d’avoir purgé la Province des brigands, et de ceux qui voulaient introduire parmi les hommes une religion nouvelle. 'La prédication du christianisme aurait donc eu lieu en Espagne dès le 1er siècle. Au IIIe siècle, furent établies les églises de Léon, Astorga, Cæsar-Augusta, Tarragone. Les écrivains espagnols veulent faire remonter l’origine du christianisme dans leur patrie à sept disciples, envoyés par Pierre et Paul. Dix-neuf évêques, etc.
  22. Cæsar, de Bello gall. I, 31 ; VI, 12-16. Mone Hist. du Pagan. dans l’Europe sept. Leipzig et Darmst., 1822, t. II, p. 358. Opinion sur le Druidisme, par M. le comte de J. (Univ. cathol., 1843, mai, p. 389-95).
  23. La fondation de l’Église de Paris, par Denys l’Aréop. (Act. XVII, 34), est niée par Sirmond, Lannoy, Petau et d’autres. Cf. Petr. de Marca, ep. de Evang. in Gallia initiis (Valesii ed. Hist. ecclesiat. Eusebii) ; elle est défendue par Nat. Alex. Hist. Eccl. I sæc. diss. 16, t. IV, p. 343 sq. Cf. Euseb. Hist. ecclesiast. V, 1.
  24. Ceci ne repose cependant que sur l’unique témoignage de Grégoire de Tours, Hist. Francor, I, 28 ; X, 31.
  25. Un écrivain français d’une érudition aussi vaste que solide, M. l’abbé Faillon, a prouvé jusqu’à l’évidence, qu’une première mission eut lieu en Provence vers l’an 47 de notre ère. Elle se composait, de sainte Marie-Madeleine, saint Lazare son frère, premier évêque de Marseille, sainte Marthe sa sœur, sainte Salomé, Marie femme de Zébéiée, mère de saint Jean l’Évangiste, saint Maximin apôtre d’Aix… Arles, Périgueux, Toulouse, Paris, Senlis, Beauvais, etc., furent évangélisés vers la fin du Ier siècle ou au commencement du IIe par Trophyme, Front, Saturnin, Denys l’Aréopagite, Rieul et Lucien. Voir les Monuments inédits sur l’apostolat de sainte Marie-Madeleine en Provence, par l’abbé Faillon, les Vies des saints du Diocès de Beauvais, par Ag. Sabatier, p. 5, 151, 417 ; Vie de saint Front, par l’abbé A. B. Pergot ; Origines chrétiennes de la Gaule, par l’abbé Richard.
  26. Cf. Harduin, t. I, p 267 ; Mansi, t. II, p. 476.
  27. Iren. Contra hær. I, 10, p. 49.
  28. Opt. Milevit. de Schism. Donatist. I, 23.
  29. Dom Calmet. Hist. de Lorraine, t. I, p. 7. Nic. ab Hontheim. diss. diplom. Trevirensis in prodomo, t. I, p. 64 (diss. de æra fundati episcopatus Trevir.). Tillemont, t. IV, p. 1802. Bolland. Act. Sanct. Jan. t. II, p. 922. Tous trois tâchent de prouver qu’Eucharius vint dès le IIIe siècle à Trêves, et que Materne ne parut qu’au commencement du IVe siècle dans ces contrées.
  30. Chronicon Laureacens et Petaviens. Archiep. et Episc. (Pezii. t. I, Script. rer. austr.) ; sur sainte Afre cf. Ruinart.
  31. Sozomen. Hist. ecclesiast. II, 6 ; Philostorg. Hist. ecclesiast. II, 5.
  32. Euseb., Demonstr. evangel., c. 3 et 7. Theodoret. Comment. in 2 Timoth. IV, 17 et in Ps. 116 (Opp. ed. Schulze, t. IV, p. 329 sq.) Lingard, Antiq. of the Anglo-Sax. Church.
  33. Tertull. Adv. Jud. c. 7 ; Origen. in Matth. tract. 38. Cf. Usserii Britannicar. ecclesiar. antiqu. Lond. 1687. Bingham, Origg. eccl. t. III, p. 557 sq. Thiele. Comment. de Eccles. Britannicæ primordiis, P. 1. Halæ, 1839.
  34. Gildas, Querulus de excidio Britann. ap. Galland, Biblioth. t. XII.
  35. Justin. M. Dial. c. Tryph. c. 117. Iren. Contra hær. I, 10. Terlull. Adv. Jud. c. 7 ; Apologet. c. 37.
  36. Pour les Chinois, voyez Windischmann, Hist. de la Philos, Ire part. p. 364 et 454. Pour les Perses, cf. Plutarch., de Iside et Osiride, c. 17, et le Zend-Avesta, trad. par Kleuker, IIe P. 175 ; IIIe p. 111. Addit. au Zend-Avesta, par Kleuker, t. 1, p. 127-441. Lassaulx Des sacrifices chez les Grecs et les Romains, de leur rapport avec celui du Golgotha. Wurzb. 1844.
  37. Σιϐύλλη, de σιοῦ, éolien, pour θεοῦ, et βυλὴ pour βουλὴ, c’est-à-dire προφῆτις. Sibyllinor. oraculor. lib. VII, ed. Jo. Obsopæus. Paris, 1589, ed. III, 1607, in-8. Serv. Gallæus. Amst., 1689 et Galland. Biblioth. PP. t. I, p. 333 sq. Cf. Prolegom., p. LXXVI sq., auxquels s’ajoute la découverte nouvelle des lib. XI-XIV, dans Angelii Maji scriptor. veter. nova collectio, t. III, p. 3. Romæ, 1828, in-4. Cités probablement pour la première fois par Justin. Apolog. I, c. 20, 44. Celse, dans Orig. contra Cels., VII, 7, n. 4, leur reproche d’avoir été falsifiés par le parti chrétien. Cf. V, 8, n. 3, ad fin. August., de Civit. Dei, XVIII, 47, est du même avis. Il est certain que la prophétie sibylline, telle que nous la possédons, n’est pas authentique, celle que la Sibylle vendit à Tarquin fût brûlée, et celle qu’on recueillit plus tard eut un sort semblable. Malgré leur manque d’authenticité, les livres sibyllins sont néanmoins d’une grande valeur historique. On n’aurait jamais songé à inventer de pareilles prophéties, s’il n’y avait eu déjà, dans le peuple, une disposition à les admettre, et si l’on n’avait pu les relier à d’autres oracles analogues et déjà existants. Ces oracles furent inventés en Égypte, avant l’ère chrétienne, par les Juifs, nourris dans l’idée et l’attente du Messie, et par les païens qui s’étaient rapprochés du judaïsme. C’est ce que prouvent évidemment les citations faites par Alexandre Polyhistor, Strabon et Josèphe. Le reste a été inventé par les chrétiens dans le Ier et le IIe siècle. Cf. Nat. Alex. Hist ecclesiast. sæc. I, diss. 1 (t. IV, p. 132-139). — Bleek, de l’Apparition et de la Collection des oracles sibyllius (Gazette de Scheiermacher. Berlin, 1819. Cf. Mœhler, Patrologie, t. I, p. 944.
  38. Tertull. Apolog. c. 39, ed. Haverc., p. 325. Minut. Felix, c. 9 (Galland, t. II, p.385).
  39. Euseb. Hist ecclesiast. III, 37. Justin. Dial. c. Tryph. c. 8. Origen. cont. Cels. III, 3, 10.
  40. Jean, VI, 44, 66 ; VII, 38 sq. ; XII, 32. — Just. Dial. c. Tryph., c. 7 : « Quand à toi, prie avant tout le Seigneur qu’il t’ouvre les portes de la lumière ; car personne ne peut reconnaître ou entrevoir ces choses si le Seigneur lui-même et son Fils Jésus-Christ ne les manifestent. »
  41. Justin. Apolog. II, c. 8 ; Dial. c. Tryph., c. 85. Tertull. Apolog., c. 23, de spectacul., c. 29. Iren. contra Hæres. II, 31, 32. Orig. contra Cels. I, 1, n. 3-10, n. 7 ; II, 1, n. 1. Euseb. Hist. ecclesiast. V, 7. Voir, sur la manifestatinplus grande des miracles, Mamachi Origin, et antiquitat. Christ., t. I, p. 363 sq. Dieringer, Théorie des faits divins du Chistian., t. I, p. 109 sq.
  42. Münter, les Chrétiens dans les familles païennes avant Constantin. Cop. 1828.
  43. August., de Civit. Dei, XXII, 5 : « Et ipse modus, quo mundus credidit, si consideretur, incredibilior invenitur. Ineruditos liberalibus disciplinis, et omnino, quantum ad istorum doctrinas attinet,
  44. G. Surenhus, Mischna, texte avec traduct. lat. et comment. Amst., 698-703. o. T. f. trad. en allem. par Rabe Anvers, 1760-63. 6. V. 4. Pinner, Compend. du Talmud de Jérus. et de Babyl. Berlin, 1832. Id., Le Talmud Babyl., hébr. et allem., avec comment. Berlin, 1842. t. I, f. En général, ils usent de la tactique perfide dont parle saint Jean, VIII, 30, et se gardent de combattre ouvertement le christianisme. Ils se contentent de passer sous silence l'existence du Christ et de ses disciples. Wolfi Biblioth. hebr., P. II, p. 979-86.
  45. À ces écrits appartiennent ceux de Just. Martyr. Dialog. c, Tryphone Judæo ; Tertull. adv. Judæos ; Cyprian. Testimonior. adv. Jud., lib. III.
  46. Act. apost. XIX, 25. Plin. Epist. X, 97 : « Prope jam desolata templa…, sacra solemnia diu intermissa…, rarissimus victimarum emptor. »
  47. Cic. de Legg. II, 8.
  48. Justin. Apolog. I, c. 6, 13, 17.
  49. Athenagor. Legat. pro christianis, c. 3. Tertull. Apolog., c. 16, 39, 40. Minut. Felix, c. 12 (Galland. Biblioth., t. II, p. 387).
  50. Tertull. Apolog. c. 16. Dans Origen. contra Cels. VI. 30, Celse appelle les chrétiens des ὀνοϰέφαλοι. Conf. Hasaeus, diatribe de onolatria olim Judæis (Tac. hist. V, 4. Diod. Sicul. apud Phot. bibl. cod. 244) et Chnstianis impacta. Lips., 1716, 4 Münter, les Chrétiens dans les familles païennes, p. 15 sq.
  51. Cf. Tertull. Apolog., c. 40. Si Tiberis ascendit in mœnia, si Nilus non ascendit in arva, si cœlum stetit, si terra movit, si fames, si lues, statim : Christianos ad leonem ; — et le Comment. de Havercamp. Arnob. adv. Gentes répond déjà très-bien « Si Allamanos, Persas, Seythas idcirco voluerunt (dii gentilhum) devinci, quod habitarent et degerent in eorum gentibus christiani ; quemadmodum Romanis tribuere victoriam, quum habitarent et degerent in eorum quoque gentibus chustiani ? » I, 6. (Galland. Biblioth., t. IV, p. 136.) Cf. Justin. Apolog. I, c. 12 au comm.
  52. Tacit. Ann. XV, 44, Superstitio exitiabilis, odium generis human Sueton. Vita Neron, c. 6 : Genus hominum superstitionis novæ ac maleficæ. Minut. Felix, c. 12. Tertull. Apolog., c. 13.
  53. Gibbon, History of the decline and fall of the roman empire. London, 1776 sq. VI. C’est surtout dans le 16e chap. qu’on trouve l’extension du Christianisme attribuée à des raisons naturelles.
  54. Plin. Epist. I, X, 97, 98. Trajan mande à Pline : « Conquirendi non sunt : si deferantur et argantur, puniendi sunt ; ita tamen, ut qui negaverit se christianum esse… veniam ex pœnitentia impetret. » Cf. Haversaat, Défense des lettres de Pline sur les chrétiens. Gœtt. 1788. Tertull. Apolog., c. 2. Euseb. Hist. ecclesiast. III, 33. Sur l’expression de Pline, dont on a souvent abusé : « Cibus promiscuus tamen et innoxius, » cf. Gazette de Bonn, nouv. série, IIIe ann., 3e liv., p. 191-200, et sur les balnea promiscua (bains communs aux deux sexes), id. 4e livr., p. 171-178.
  55. Euseb. Hist.ecclesiast., III, 32 ; III, 36. Act. du mart. de saint Ignace, dans Galland. Biblioth.. t. I, p. 290 sq. Cf. Ruinart.
  56. Justin. Apolog. I. c. 69. Rufin Hist. ecclesiast., IV, 9. Euseb., IV, 8, 9 et 26. Sulpit. Sev. II, 31. Orosius, VII, 13. Adrien ordonna : « Si quis igitur accusat et probat adversus leges quidquam agere memoratos homines (christianes), pro merito peccatorum etiam supplicia statues. Illud meherculle magnopere curabis, ut si quis calumniæ gratia quemquam horum postulaverit reum, in hunc pro sui nequitia supplicis severioribus vindices : » C’est là probablement le texte original chez Ruffin, 1. c. Cf. Palma, prælect. h. e., t. I, p. 68-71.
  57. D’après Eusèbe, Hist. ecclesiast., IV, 26, aux villes de Larisse, Thessalonique, Athènes et à tous les Grecs.
  58. Eusèbe, IV, 13, qui l’attribue par mégarde à Marc-Aurèle. L’authenticité de cet edictum ad commune Asiæ soulève du reste des doutes graves, le langage en étant tout à fait chrétien et une sorte de développement de l’édit d’Adrien. Aussi a-t-il été combattu par Hoffner, de Edicto Antoniano pro Christ. Argent., 1781. Cf. Mosheim, de Reb. christ. ante Const. Max., p. 240. Antonin le Pieux reprocha à plusieurs villes leur fureur contre les chrétiens, au rapport de Meliton, dans Euseb. IV 26.
  59. Conf. Julius Capitolinus, in Vita Marc. Aurel. Monol. (εἰςἑαυτόν), XI, 3.
  60. Meliton, év. de Sardes, s’en plaint dans son Apologie. (Euseb., Hist. eccl., IV, 26.)
  61. Meliton. Apol. dans Eusèbe, Hist. ecclesiast., IV, 26 ; IV, 15 ; V, 1-3.
  62. Tertull. Apolog., c. 5 ad Scap., c. 4 ; Euseb. V, 5 ; Greg. Nyss. Or. II in martyr. ; Oros. VII, 15 ; Dio Cass. epit. Xiphil, lib. 71, c. 8 ; Jul. Capitol. in Marcum Antonin., c. 24. Cf. Stolberg, P. VIII, c. 84-90 ; Rauscher, t. I, p. 338 sq.
  63. Euseb. V, 21 ; Hieronym. Catal., c. 12.
  64. Tertull. ad Scap., c. 4 ; Spartianus, in Vita Septimi Severi, c. 17 ; Eusèbe, VI, 1 et 7.
  65. Act. martyr. c. not. Holsten. et Possinii (Galland. Biblioth., t. II, p. 165-197). Cf. Ruinart. Ces deux héroïnes chrétiennes n’étaient point montanistes, comme le pourrait faire penser la couleur montaniste des actes, ce qu’il faut attribuer à celui qui les a rédigés, ainsi que l’a prouvé le cardinal Orsi. Voyez Stolberg, t. VIII, p. 285 sq. Sur les martyrs Scyllitains ; cf. Ruinart et Stolberg, t. VIII, p. 206-8, et Tillemont, éd. de Venise, 1732, t. III, p. 131-155.
  66. Müller, de Hierarchia et studio vitæ ascet. in sacris et myster. Græcor. Romanorumque latentib. Havn., 1803. Schlosser, Hist. de l’Antiquité, t. III, P. III, p. 188-96.
  67. Cf. Minut. Felix, c. 31. c. 9.
  68. Luciani Opp. ed. Lehmann. Lipsiæ, 1822, 9 t. Il ne parle du Christianisme que dans Ἀλέξανδρος ἥ ψευδόμαντις (Alexandros hê pseudomantis), c. 25, 28, Περὶ τῆς περεγρίνου τελευτῆς (Peri tês peregrinou teleutês), c. 11-16. Ἀληθής ἱστορία (Alêthês historia), I, 22, 30 ; II, 4, 11. Cf. Eichstadii Progr. Lucianus num scriptis suis adjuvare religionem christ. voluerit ? C.-G. Jacob, Caractère de Lucien. Hamb., 1832. Sur le dialogue Philopatris, faussement attribué à Lucien, voy. plus bas, § 103 ad init.
  69. Celsus, Ἀληθής λόγος (Alêthês logos) (Opp. Orig. ed. De la Rue, t. I). Cf. Fenger, de Celso epicureo. Havn., 1828 ; de Celso disputatur et fragmenta libri contr. Christ. colliguntur. Regiom., 1836, in-4. Philippi de Celsi philosophandi genere. Berol., 1836.
  70. Tertull. ad Scap. c. 4. Domitii Ulpiani, lib. X, de Officio Procons. Lactant. Instit. div. V, 11.
  71. Dio Cass. lib. LXXVIII, c. 12.
  72. Lampridius in Heliogab., c. 3.
  73. S. Matth. VII, 12.
  74. Euseb. VI, 21, 28 ; Lamprid. in Alex. Sever., c. 22, 28, 29, 43 et 44.
  75. Euseb. VI, 28 et 29.
  76. Historiquement, le martyre de sainte Ursule et de ses compagnes n’est mentionné que dans les martyrologes ou calendriers du IXe siècle ; le martyrologe romain n’en parle pas. Wandelbert de Prüm (vers 851) place au 21 octobre le martyre de mille vierges et de leur conductrice, et dans le calendrier du monastère d’Essen de la fin du IXe siècle il est question de onze mille vierges. Cette tradition vulgaire repose évidemment sur une fausse manière de lire les expressions : Ursula et XI. M. artyres V. irgines. Cf. Chronic. Hirsaug., t. I, p. 450. Note de cette dernière édition : Pour nous la tradition vulgaire n’est pas si évidemment erronée. À côté des vierges qui moururent en défendant le double trésor de leur foi et de leur virginité, furent massacrés des prêtres, des fidèles, des femmes, des enfants eux-mêmes. Leur foi, leur courage, leur mort, leur donnèrent tant de points de ressemblance avec Ursule et ses compapgnes, qu’on les honora dans la suite comme faisant partie de la sainte troupe. Voir Acta sanctorum, t. LVIII, p. 74 sq. Ag. Sabatier.
  77. Euseb. Hist. ecclesiast. VI, 34 ; Hieronym. Chronic. ad ann. 246. — Sévera, femme de Philippe, était en correspondance avec Origène.
  78. Euseb. VI, 39, 42 ; Lactant. de Mortibus persecut. c. 4 ; Cyprian. de Lapsis et epp. ill. temporis.
  79. Dion. Alex. dans Euseb. Hist. ecclesiast. VII, 1 Cypr. Ep. 57, p. 204 ; ep. 58, lib. ad Demetrian., p.431.
  80. Euseb. VII, 10 sq. ; Cyprian. Ep. 82 (Opp. ed. posth. Baluz. unus ex monach. congreg. Sancti Mauri. Ven., 1728, p. 340).
  81. La tradition de la Massa candida, que Prudence célèbre, Περὶ στεφάνων, Hymn. XIII, 67 sq., repose sur un fait réel. Cf. August. Sermo 306 ; Tillemont, t. IV, p. 175 sq. ; Rauscher, 1. c., t. II, p. 96 sq.
  82. Euseb. VII, 13.
  83. Euseb. VII, 30 ; Lactant. loc. cit., 6.
  84. Euseb. VIII et IX ; Lactant. loc. cit., c.7-13.
  85. Lactant. c. 11.
  86. Lactant de Mortib. persecut., c. 10, 11 ; Euseb. de Vita Const., Mag. II. 50.
  87. Lactant. c. 13 ; Euseb. VIII, 2. La 2e et 3e édit. Euseb. Hist. ecclesiast. VIII, 6.
  88. Euseb. de Martyrib. Palæst. c. 3 ; suppl. à Euseb. Hist. eccles., lib. VIII ad fin.
  89. Lactant. Instit. div. V, 11 ;’Éuseb. Hist. ecclesiast. VIII, 4, 8, 9-13.
  90. la légion thébéenne, nommée, pour la première fois, dans le Ve siècle, dans la Vita Romani (Bolland. Acta SS. febr., t. III, p. 740), par Eusèbe, évêque de Lyon († 450, ou encore un Euchère plus récent vers 529), a été passée sous silence par Lactance, Eusèbe, Sulp. Sévère, Orose et Prudence. Par contre, il est constant que, dés le Ve siècle, il y a eu un temple dédié à Maurice à Agaune (aujourd’hui Saint-Maurice dans le Valais), que Romain aimait à visiter. Ruinart, Tillemont, t. IV, p. 421 ; Stolberg, t. IX, p. 302 sq. ; Dœllinger, mettent cette histoire en doute. D’autres, comme Baronius, Rauscher, t. II, p. 131 ; Ressberg, Hist. eccl. d’Allemagne, t. I, p. 101, pensent que c’est une transposition du martyre que Maurice, tribun des soldats, souffrit avec soixante-dix des siens, à Apamée en Syrie (voy. Theodoret, Græc. affect. curat. disput, VIII). Enfin le fait est défendu contre les attaques de Dubordieu, Diss. hist. sur le martyre de la légion thébéenne. Amst., 1712 ; d’abord par J. de l’Isle, Défense de la vérité de la lég. théb. Nancy, 1737 ; Bolland. Acta sanct ad 22 m. sept., et en dernier lieu par Palma, Prælect. hist. ecclesiast., t. I, P. II, p. 5-7.
  91. Lactant. loc. cit., c. 34 ; Euseb. VIII, 17.
  92. Euseb. Vita Const. I. 27-30. Cf. par le signe avec l’inscription : τούτῳ νίκα, Socrat. Hist. eccles. I, 2 ; Lactant. de Mortib. persecut. c. 44 ; Sozom. Hist. ecclesiast. I, 3 ; Rauscher, p. II, p. 208-10 et 215. — Hug. Justification de Constantin le Grand (journal ecclésiast. de l’archevêché de Frib. 1830, 3e livr., p. 53-70) ; Dieringer, Système des faits divins, t. I, p. 207-213.
  93. Lactant. I. c. 48 ; Euseb. Hist. ecclesiast. X, 5.
  94. Jean XVI, 33.
  95. Plotin. Les cinquante-quatre livres de prophéties ordonnées et mystiquement disposées en six Ennéades par ses disciples : Vita Pythagoræ ; de Abstinentia ab esu carnis ; fragm. II Πἐρὶ τῆς εϰ λογἱων φιλοσοφἱας ; la Vie de Plotin par son disciple Porphyre (Opp. omnia Porphyrii, Vita Plotini, éd. Creuzer. Oxon., 1836, 3 tomes in-4). Cf. Hist. de la Philos. par Tennemann, t. VI ; par Ritter, t. IV ; Staudenmaier, Philosoph. du Christ., t. I, p. 519 sq. ; Vogt, Neoplaton. et Christian. Berlin, 1836, P. 1 ; Steinhart, De dialectica Plotini ratione. Hal. 1829 ; Idem. Meletemata Plotiniana. Hal. 1840 ; Neander, sur la position de Plotin dans l’histoire du monde (Mém. de l’Acad. de Berlin, 1845).
  96. Mosheim, de Stud. ethnicor. christianos imitandi. (Diss. ad Hist. ecclesiast. pert. Alton., 1733.)
  97. Euseb. Hist. ecclesiast. VI, 19, Præpar. evang. XI, 19 ; Socrat. Hist. ecclesiast. III, 23. Cf. Dieringer, Système des faits divins, t. I, p. 79.
  98. Porphyrii Αόγοι ϰατὰ Χρισιανῷν, lib. XV, fragm. dans Holstenius, de Vita et script. Porphyr. Romæ, 1630 ; et Fabricius, Bibl. gr., t. IV, p. 207 sq. Methodius, évêque d’Olympe (au commenc. du IVe siècle), écrivit contre lui. Cf. Ullmann, infl. du Christ. sur Porphyre (Études et critiques théol., ann. 1832, 2e livrais.).
  99. Euseb. Contra Hierocl. Col., 1688. Cf. Lactant., de Mortib, persecut. c. 16.
  100. Exode VII, 10 ; Apoc. XVII, 22.
  101. August., de Civ. Dei, XVIII, 52. Lactance, 1. c., ne parle que de six persécutons Sulpice Sévère en compte neuf.
  102. Επιοτολὴ πρὸς Διόγνητον(Patr. apost. opp, ed. Hefele.). Cf. Mœhler, Patrol., t. I, p. 164-74 ; Id. Œuvres compl. publ. par Dœlinger, t. I, p. 19-31.
  103. Euseb. IV, 3 ; Hieronym. de Viris illustr., c. 19-20 ; Euseb. IV, 26, 27 ; Hieronym., lib. I, c. 26 ; Euseb. V, 17 ; Hieronym., lib. I, c. 39.
  104. Justin. Apolog. I et II, ed. Braun. Bonn, 1830. Cf Arendt., Recherches critiques sur les écrits de Just. dans la Rev. trim. de Tub., 1834, 2e livrais. Semisch, Justin le Martyr, monographie ecclés. P. I. Berlin 1840. Otto, de Justini Mart. scriptis et doctrina. Jen., 1841, Id. ed. Just. Opp. Jen., 1842. Peut-être les deux apologies n’en font-elles qu’une adressée à Antonin le Pieux.
  105. Λόγος πρὸς Ἕλληνας (Logos pros Hellênas), ed. Worth., Oxon., 1700. Cf. Daniel, Tatien l’Apolog. Halle, 1838.
  106. Πρεσϐεία περὶ χριστιανῶν (Presbeia peri christianôn), ed. Lindner. Longosal., 1744 (Galland. Biblioth., t. II, p. 3 sq.). Cf. Le Nourry, Appar. ad Max. Bibl. Patr., t. I, p. 476. Mosheim, de Vera ætate apolog. quam Athenag., etc. (Diss., vol. I, p. 269).
  107. Euseb. IV, 20 ; Hieronym., de Viris illustr., c. 25, Περὶ τῆς τῶν χριστιανῶν πίστεως (Peri tês tôn christianôn pisteôs), ed. Fell. Oxon., 1648, ed. Wolf. Hamb. 1724.
  108. Διασυρμὸς τῶν ἔξω φιλοσόφων (Diasurmos tôn exo philosophôn), ed. Dommerich, Halæ, 1794 ; ed. et illustr. Menzel. Lugd. Batav., 1840.
  109. Clem. Alexand. Opp. omn. ed. Potter. Oxon., 1715, t. II, Venet, 1755. 1. Λόγος προτρεππιϰὸς πρὸς Ἕλληνας (Logos protreppikos pros Hellênas) ; 2. Παιδαγωγός (Paidagôgos) ; 3. Στρώματα (Strômata).
  110. Orig. Contra Cels. lib. VIII, ed. Spencer. Cantabr., 1677 (Orig., ed. De la Rue, t. I).
  111. Ed. Lindner. Longosal., 1773. – Nouv. édit. crit. d’Ed. de Muralto, præfatus est Orelli. Tur., 1836, p. 1-17. argumenta IX, quæ probant apologeticum Minucianum non minus ante Tertullianeum quam ante Cypriani librum de vanitate idolorum esse sriptum.
  112. Tertull. ad Nation. lib. II ; ad Scap. procons. (Opp. omn. ed. Havercamp, c. perpetuo commentario. Lugd, Bat., 1718 ; ed. Ritter. Bonn, 1824). Hefele, Tertull. comme apologiste (Tub., Revue trimestrielle, 1834, 1re livrais., p. 30).
  113. Cypr. ad Demetrian. de idolor. vanit. (Opp. omn. Venet., 1728, p. 431-462).
  114. Arnob. Disput. adv. gent., lib. VII, ed. Salmasius e recens. Heraldi cum notis aliorum. Lugd. Batav., 1651. in-4 ; ed. Orelli. Lipsiæ, 1810, additam. 1817 (Gallandii Biblioth., t. IV, p. 131-216). Cf. Meyer, de Ratione et argumento Apologetici Arnobiani. Havn., 1815).
  115. Justin. Apol. I, c. 6 et 13.
  116. Ps. XCV, 5 ; 1 Cor. X, 29 ; Justin. Apolog. I, c. 9 ; II, c. 10.
  117. Justin. Apolog. I, c. 20, 44. Cohort. ad Græcos, c. 38. Theophil. ad Autol. II, 31, 33, 36. Surtout Lactant., Institut. divin. V. 13.

    L’acrostiche : Ἰησοῦς Χριστὸς Θεοῦ υἱὸς σωτὴρ σταῦρος (Iêsous Christos Theou huios sôtêr stauros). oracul. Sibyll., lib. VIII, v. 217-250.

  118. Minut. Felicis Octav., c. 37. Lactant., Institut. divin.. V, 13. On se servait d’anneaux de fer, d’entraves, d’eau bouillante, de plomb fondu ; on brûlait les blessures, on attachait les pieds à des troncs repliés qu’on détendait tout à coup ; mais le martyre le plus cruel était celui du déshonneur qu’on infligeait aux femmes et aux vierges.
  119. Dodwell, de Paucitate martyr. (Diss. Cyprianica XII), réfuté par Ruinart dans la Præf. ad Acta martyr. Cf. Iren. Contra hær. IV, 33, p. 272, et Euseb., de martyr. Palæst.
  120. Matth. X, 32 ; Luc, IX, 20.
  121. Jean, III, 16 ; X, 11, 17, 18 ; Matth. X, 24 ; Jean, XV, 20.
  122. Matth. X, 28.
  123. Matth. X, 39 ; XVI, 25 ; Marc. VIII, 35 ; Luc. IV, 24 : XVII, 33.
  124. Jean XII, 25, 26.
  125. Luc. VI, 22, 23.
  126. 2 Tim., 11, 12.
  127. Ignat. ep. ad Tralliau., c. 11.
  128. Justin. Apolog. I, c. 26. Tertull. Scorpiace, c. 1 : « Quum igitur fides æstuat, et Ecclesia exuritur de figura rubi, tunc Gnostici erumpunt, tunc Valentiniani proserpunt, tunc omnes martyriorum refragatores ebulliunt, calentes et ipsi offendere, figere, occidere. p. 616.
  129. Clem. Alexand. Strom. IV, 4, p. 571. Les uns disent : Confesser Dieu, voila le martyre ; les autres : confesser Dieu aux dépens de sa vie, c’est un suicide ; d’autres encore trouvent dans leur crainte des sophismes nouveaux. Mais l’Église catholique demande de ses membres, non pas qu’on se mette en avant, même pour de bons motifs, mais qu’on reconnaisse publiquement devant les puissances la foi au Fils de Dieu, qu’on la défende au besoin, et que toujours on soit prêt à sacrifier pour elle sa vie et a sceller sa croyance de son sang. Cf. Strom. IV, 7, p. 582 sq. ; IV, 10, p. 597.
  130. Kortholt. de Martyr. natalitis in prim. Eccl. Francof., 1698. Sagittarii lib. de Martyr, natal. in prim. Eccl. Francof., 1696.
  131. August., De Civit. Dei, I, 26-29.
  132. Euseb. IV, 15. Déjà à la mort de saint Ignace et de saint Polycarpe.
  133. Euseb. IV, 15, conserve la lettre : Ἐπιστολή τῆς Ἐϰϰλησίας τὸ Θεοῦ ἡ παροιϰοῦσα Σμύρναν — πάσαις ταῖς ϰατὰ πάντα τόπον τῆς ἁγία ϰαθολιϰῆς Ἐϰϰλησιας παροιϰίαις (Epistolê tês Ekklêsias to Theou hê paroikousa Smurnan — pasais tais kata panta topon tês hagia katholikês Ekklêsias paroikiais).