Idées républicaines, augmentées de remarques/6

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VI.

Lorſque notre Evêque, fait pour ſervir, & non pour être ſervi, fait pour ſoulager les pauvres, & non pour dévorer leur ſubſtance, fait pour catéchiſer, & non pour dominer, oſa dans des tems d’anarchie, s’intituler Prince de la ville dont il n’étoit que le paſteur ; il fut manifeſtement coupable de rebellion & de tirannie.

VI.

L’on ne devoit pas attendre qu’après avoir vomi ſon fiel & ſon amertume contre les Miniſtres de Jeſus-Chriſt, De Volt. épargnat un Evêque. L’Evêque de Geneve eſt un Tiran, les premiers ſont des Deſpotes, la différence n’eſt pas extrême, mais il étoit juſte que le Prélat eut une diſtinction marquée ; perſonne ne l’auroit ſi heureuſement trouvé que l’Auteur dans la qualité de Rebelle. Cependant comme l’on peut hardiment contredire M. D. V. ſans craindre de combatte la vérité, on lui ſoutient que les Evêques de Geneve ne furent jamais ni Tyrans, ni Rebelles. Le rebelle eſt celui qui refuſe d’obéir à ſon Souverain : le tiran abuſe de ſon autorité & mépriſe les Loix pour vexer ſes ſujets. A ces deux traits reconnoitra-t-on l’hiſtoire des Evêques de Geneve.

Cette ville ayant paſſé dans la dépendance de l’Empire, l’adminiſtration de ſon Gouvernement fut fixée au X. ſiecle par la conceſſion des Empereurs de la maniere qu’elle étoit exercée depuis quelque tems par l’Evêque. Il ne paroit pas que les Citoyens y euſſent quelque part marquée. Les Actes publics de ces tems là ne dépoſent qu’en faveur de l’autorité Epiſcopale. La juriſdiction temporelle de l’Evêque fut confirmée par une Bulle de l’Empereur Fréderic I. en faveur d’Ardutius. La ſouveraineté du Prélat n’altéroit point les franchiſes dont Geneve jouiſſoit en qualité de Ville Impériale. La maniere même dont ils en uſerent ſervit à étendre la liberté du Gouvernement. Ce fut l’éfet des événemens qui intéreſſoient les droits eſſentiels des Citoyens, & dont les Evêques ne vouloient pas prendre l’iſſue ſur eux ſeuls. L’on convoquoit le Conſeil général, plus nombreux alors qu’il n’eſt aujourd’hui, parce qu’il n’étoit pas Repréſentant ; & ces aſſemblées générales que les affaires de l’Etat rendoient plus fréquentes, partagerent inſenſiblement la juriſdiction temporelle entre l’Evêque & le Peuple, ou plûtôt elle leur devint commune, à quelques privileges près réſervés à l’Evêque qui lui conſervoient la qualité de Souverain ; & ſous l’harmonie de leur juriſdiction chacun vivoit content & par conſéquent heureux. La qualité de Prince s’allioit parfaitement avec les devoirs de Paſteur : le Paſteur paiſſoit ſes ouailles, & le Prince veilloit ſur le bien de ſes ſujets.

Au reſte nous verrons toujours avec ſatisfaction rapprocher du portrait d’un parfait Evêque tracé de la main de l’Auteur, les vertus qui caractériſent le reſpectable Prélat qui remplit le ſiege de l’Egliſe de Geneve.