Institutes coutumières/1607/Livre III

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Abel L’Angelier (p. 30-42).
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Livre III.

Tit. I.

De conventions, contracts
& obligations

I.


COnuenances vainquent loy.

II.

On lie les bœufs par les cornes, & les hommes par les paroles.

III.

Il n’y a au marché que ce qu’on y met.

IIII.

C’eſt pourquoy vn ancien couſtumier dict que Quand miſe ou arbitrage eſt mis ſur deux qui ne ſe peuuent accorder, ils ne peuuent prendre vn tiers s’il ne fut mis en la miſe. Ce qui eſt pris du droict ciuil.

V.

Toute debte peut l’en quitter.

VI.

Toutesfois de larrecin ou d’iniures dont il y a claim & plait l’on n’en peut accorder ſans iuſtice.

VII.

Celuy qui auant quitte, ſe mesfaict.

VIII.

Qui prent obligation, ou donne terme en debte priuilegée, la faict commune.

IX.

Generale renonciation ne vaut.

X.
Quant argent faut, finaiſon nulle.
XI.

I’ay touſiours eſté d’aduis, & ſuis encores, que Qui promet fournir & faire valoir, s’oblige en ſon nom, & ſans diſcuſſion : quoy qu’il ait eſté iugé au contraire.

XII.

Quant deux s’obligent enſemblement l’vn pour l’autre & vn chacun d’eux ſeul pour le tout, ils renoncent en effect au benefice de diuiſion & diſcuſſion.

XIII.

Le & cætera, des notaires ne ſert qu’à ce qui eſt de l’ordinaire des contracts.

XIIII.

L’Entente eſt au diſeur.



Tit. II.

De mandemens, procvrevrs
& entremetteurs.

I.


Assez faict qui faict faire.

II.

Qui outrepaſſe ſa charge, chet en deſadueu.

III.

Meſſire Philippes de Fontaine remarque Que noſtre vſage ne ſouffroit pas que procureur quiere heritage à autruy, mais qu’il retient ce qu’on luy à baillé a garder.

IIII.

Iadis auſſi nul de pays couſtumier n’eſtoit receu à faire demande par procureur en la Cour du Roy ſans ſes lettres de grace, ſi ce n’eſtoit pour prelat, communauté d’Egliſes, ou de villes.

V.
Ou biẽ à ſe defendre. Ce qui n’auoit lieu en pays de droict eſcript, ny en Cour de Chreſtienté : & ce tant en matiere ciuile que criminelle.
VI.

Qui s’entremet doit acheuer.



Tit. III.

De commvnavté, Compagnie
ou ſocieté, & principalement entre le mary & la femme.

I.


Commvnavté n’a lieu ſi elle n’eſt conuenuë par expres, ou ſi la loy ou couſtume ne l’ordonnent, quelque demeure qu’on ait faict enſemble.

II.

Qui a compagnon a maiſtre, & principalement quant c’eſt le Roy.

III.

De bien commun on ne faict pas mouceau.

IIII.

Si l’vn des deux ayant choſe commune s’en ſert, il n’eſt tenu d’en faire profit à l’autre, s’il n’auoit eſté ſommé, & refuſant de faire partage.

V.

Mary & femme ſont communs en tous biens meubles & conqueſts immeubles au lieu que jadis elle n’y prenoit qu’vn tiers.

VI.

Laquelle communauté eſt continuée entre le ſuruiuant ne faiſant inuentaire, & ſes enfans mineurs.

VII.
Et quant le ſuruiuant ſe remarie, la communauté eſt continuée par tiers entre luy, ſa ſeconde femme n’ayant enfans, & ſeſdits enfans : & par quart ſi la ſeconde femme auoit enfans & qu’elle n’euſt non plus faict inuentaire ny partage auecques eux. Et ainſi des autres mariages.
VIII.

Si aucun des enfans continuant la communauté, decede pendant icelle ; les ſuruiuans y prendront telle part que s’ils eſtoient tous viuans.

IX.

Le tout ſi bon ſemble auſdits enfans mineurs : autrement ils peuuent reprendre leurs droicts.

X.

Si le ſuruiuant mariant l’vn de ſes enfans luy donne mariage, la communauté eſt diſſoluë pour ſon regard.

XI.

Mary ou femme ayant melioré leur propre, ou reüny quelque choſe à leur fief & domaine, ſont tenus d’en rendre le my-denier.

XII.

Quant l’on rachepte quelque rente, dont l’heritage de l’vn ou de l’autre eſtoit chargé, elle eſt confuſe tant que le mariage dure : mais iceluy diſſolu la moitié de la rente ſe reprent ſur le meſme heritage.

XIII.

Toutes donations, laigs, & ſucceſſions eſcheuës pendant le mariage, entrent en communauté : ſinon que ce fut heritage donné ou laiſſé par celuy auquel on deuoit ſucceder.

XIIII.

Si quelques deniers ont eſté baillez au mary à la charge de les employer en heritages propres, & ne l’a faict ; la femme ou ſes heritiers renonceans à la communauté les reprendront ſur ladicte communauté : ſinon ſur les propres du mary decedé & ſans cõfuſion, cõme tenoit maiſtre Mathieu Chartier, l’oracle du Palais. Ce qui n’a lieu quant la femme prent communauté : d’autant qu’en ce faiſant elle prendroit deux fois.

XV.
Le droict de pouuoir renoncer à la communauté paſſe à l’heritier.
XVI.

Femme renonçant à la communauté pert le don mutuel qu’elle pourroit auoir, reprent ſes propres, & acqueſts qu’elle auoit auãt ſon mariage, auec ſes bõs habits. Ce faiſant eſt deſchargée de toutes debtes, eſquelles elle ne s’eſt obligee en ſon nom.

XVII.

Femme vefue prend part à la reparation ciuile adiugée pour la mort de ſon mary, ores qu’elle renonce à la communauté comme auſſi faict l’enfant ores qu’il ne fuſt ſon heritier, & ſans charge de debtes.

XVIII.

Lon ne ſe peut aſſembler pour faire corps de communauté, ſans congé & lettres du Roy.

XIX.

Si le mur du voiſin penche demy-pied ſur l’autre, il peut eſtre contrainct de le refaire.



Tit. IIII.

De vente

I.


Qvi vend, dict le mot.

II.

Il y a plus de fols achepteurs que de fols vendeurs.

III.

Iamais bon marché ne fut net.

IIII.

Il n’eſt pas marchand qui touſiours gaigne.

V.

Tant vaut la choſe qu’elle ſe peut vendre.

VI.

L’on n’a pas pluſtoſt vendu la choſe qu’on n’y a plus rien.

VII.
Deliurance de meuble vendu preſuppoſe payement.
VIII.

Quand le vendeur recognoiſt la vente, mais dict que ce fut par force, guarentir luy conuient, & puis apres plaider de la force s’il luy plaiſt.

IX.

En choſe venduë par decret, euiction n’a point de lieu.

X.

En vente faicte par decret, ne chet reſciſion pour deception d’outre moitié de iuſte prix.

XI.

Ny en vente de ſucceſſiõ ou droits vniuerſels ny en baux à ferme, ny en meubles par couſtume generale de la France.

XII.

De tous marchés on en vuide par intereſt.

XIII.

Vin de marché n’entre point en compte du prix, pour en prendre droicts de ventes : ſinon qu’il fuſt fort exceſſif.

XIIII.

Il ne prend courtier qui ne veut.

XV.

Courretiers ſont tenus rendre la marchandiſe ou le prix, par priſe & detention de leurs perſonnes.

XVI.

Vn vendeur de cheuaux n’eſt tenu de leurs vices, fors de morve, pouſſe, corbes & courbatures : ſinon qu’il les ait vendus ſains & nets : auquel cas il eſt tenu de tous vices latens & apparens iuſques apres huict iours de la deliurance faicte.

XVII.

Languayeurs ſont tenus reprendre les porcs qui ſe trouuent mezeaux en la langue. Et s’il ny auoit rien en la langue, & neantmoins ſe trouuent mezeaux dans le corps, le vendeur eſt tenu en rendre le prix, ſinon que tout vn trouppeau fuſt vendu en gros.

VIII.
En meubles, la meſure s’en doit faire ſelon le lieu ou la vente ſe faict : en immeubles, ſelon le lieu de leur ſituation.
XIX.

En vente faicte à faculté de rachapt les droicts ſont deus au ſeigneur ou fermier du iour de la vente, & non de la faculté expirée.



Tit. V.

De retraicts.

I.


Il y a trois ſortes de retraicts : conuentionnel, lignager, & ſeigneurial & : en quelques lieux vn quatrieſme, a droict de bienſeance, & communauté.

II.

Le ſeigneurial eſt cenſuel ou feudal, & s’appelle couſtumierement droict de retenuë.

III.

Le feudal a lieu par tout le Royaume, le cenſuel en quelques couſtumes ſeulement.

IIII.

Retraict lignager eſt preferé au ſeigneurial, & le conuentionel à tous autres.

V.

Mais le retraict lignager ne dure qu’vn an apres l’enſaiſinement ſans qu’on ſoit tenu rien faire ſignifier : le ſeigneurial xxx. ans, ſi on ne faict ſçauoir le contraict.

VI.

Retraict ſeigneurial & conuentionnel eſt ceſſible : le lignager non, ſi ce n’eſt à vn lignager.

VII.

Le Roy n’a droict de retraict ſeigneurial : auſſi n’en peut on vſer contre luy : mais bien a retenuë par droict de bienſeance.

VIII.

L’Egliſe a droict de retenuë : mais il faut qu’elle le cede, ou en vuide ſes mains dans l’an & iour.

IX.

Diſme infeudée acquiſe par l’Egliſe n’eſt ſubiette à retraict.

X.

Cil ne requiert pas ſuffiſamment les choſes à retraict : qui à Court aduenant ne les requiert.

XI.

Il eſt au choix du retrayant faire adiourner l’acquereur pardeuant le Iuge de la perſonne, ou de la ſituation de la choſe vendue.

XII.

Congé de Cour contre le retrayant auant conteſtation emporte gain de cauſe.

XIII.

Defaut de fournir par le retrayant à ce qu’il eſt tenu par les couſtumes le faict dechoir du retraict.

XIIII.

Qui ne ſeroit habile à ſucceder, ne peut à retraict aſpirer.

XV.

Baſtards ne ſont receus à retraict.

XVI.

Le fils peut retraire l’heritage vendu par ſon pere.

XVII.

Voire quand il n’auroit eſté ny né, ny conceu lors de la vente.

XVIII.

Retraict accordé volontairement ſans iugement eſt reputé vendition.

XIX.

Retraict n’a lieu en vſufruict, ny en meubles s’ils ne ſont fort precieux & des grandes maiſons.

XX.
En eſchange d’immeubles, donation, fieffe & bail à rente non rachaptable & ſans bourſe deſlier, retraict n’a lieu.
XXI.

Mais en emphyteoſe & rentes foncieres venduës y a retraict, & non en rente racheptable.

XXII.

L’eſchange eſt reputé frauduleux quand l’vn des contractans ſe retrouue iouyſſant dans an & iour de la choſe qui auoit baillée en contreſchange.

XXIII.

En rentes foncieres venduës ſeroit-il pas raiſonnable preferer les debteurs d’icelles, ſuiuãt quelques couſtumes ?

XXIIII.

Biens confiſqués ne ſon ſubjets à retraict.

XXV.

Tant que celuy qui n’eſt en ligne a des enfans qui ſont en ligne, retraict n’a lieu.

XXVI.

Voire la ſeulle eſperance d’auoir des enfans, & le lien de mariage conſeruent le droict de la ligne.

XXVII.

Mais tous les enfans eſtans decedés, & l’eſperance faillie il y a lieu de retraict dans l’an & iour du dernier decedé.

XXVIII.

Heritages vendus par decret ſont neantmoins ſubjets à retraict.

XXIX.

Retraict lignager ne ſe recognoiſt à quartier.

XXX.

Et pour ce quand pluſieurs heritages ſont vendus par vn meſme contract, & par vn meſme prix, deſquels les vns ſont ſubjets à retraict, les autres non, il eſt au choix de l’acquereur de delaiſſer le tout, ou ceux de la ligne ſeullement.

XXXI.

Mais le ſeigneur n’eſt contraignable prendre ce qui n’eſt de ſon fief.

XXXII.

Le retrayant n’eſt tenu payer que le prix, frais, & loyaux couſts de la premiere vente, ores que la choſe ait marché en beaucoup d’autres mains pendant l’an & iour du retraict.

XXXIII.

Loyaux couſts ſont entendus frais de lettres, labourages, ſemences, façons & reparations neceſſaires.

XXXIIII.

Pendant le temps du retraict l’acquereur ne peut alterer les choſes au preiudice du proëſme.

XXXV.

L’an du retraict ne court que du iour de la ſaiſine en roture : ou en fief, du iour de la reception en foy.

XXXVI.

Le ſeigneurial plus couſtumierement court xl. jours apres le contract exhibé.

XXXVII.

La faculté de rachapt n’empeſche point le cours du tẽps du retraict.

XXXVIII.

Le ſeigneur feudal ou cenſuel qui a receu les droicts ſeigneuriaux, cheuy & compoſé, ou baillé ſouffrance d’iceux, ne peut vſer de retraict.

XXXVIIII.

Mais il n’en eſt exclus pour auoir receu les cens, rentes ou autres redeuances annuelles.

XL.

Par couſtume generale du Royaume le temps des retraicts lignagers & feudal court contre les mineurs, abſens, croiſés, furieux, bannis, & tous autres ſans eſperance de reſtitution, contre ce qu’on tient en droict eſcript.

XLI.

Tout heritage retenu par puiſſance de ſeigneurie eſt reputé reüny à iceluy, s’il n’y a declaration au contraire.

XLII.
Les fruicts ſont deus au retrayant du iour de l’adiournement & offres bien & deuëment faictes, ores qu’il n’y ait conſignation.
XLIII.

En matière de retraict, & quaſi touſiours le iour s’entent depuis le ſoleil leué iuſques au couché.



Tit. VI.

De lovage.

I.


Venduë ou achapt paſſe loüage.

II.

Celuy qui ſert & ne parſert, ſon loyer pert.

III.

Il n’y a point de raiſon en ce qui ſe dict, que Mort en mariage rompent tout loüage, ſi on ne l’entent de ceux qui meurent ou ſe marient pẽdant le temps du loüage de leurs perſonnes.

IIII.

Le locataire doit eſtre tenu clos & couuert.

V.

Le proprietaire peut contraindre ſon hoſte de garnir ſa maiſon de meubles exploictables pour ſeureté de ſon loüage : Et à faute de ce, l’en peut faire ſortir.

VI.

Il eſt permis au proprietaire faire ſaiſir les biẽs de ſon hoſte encores qu’il ne ſoit ny obligé ny condamné pour les termes qui luy ſont deus.

VII.

Les grains & biens meubles d’vn fermier & locataire ſont taiſiblement obligés pour les moiſons & loyers du proprietaire.

VIII.

Les proprietaires ſont preferez à tous autres creanciers pour les moiſons & loyers de l’annee courant.

IX.

Le locataire peut vſer de retention de ſes loüages pour reparations neceſſaires par luy faictes du conſentement du proprietaire, ou apres ſommation precedente.

X.

Qui iouït & exploicte vn heritage apres le terme finy ſans aucune denonciation, peut & doit iouyr vn an apres à pareil prix que deuant.

XI.

Le temps du loüage finy le locataire a huict iours pour vuider : apres leſquels il y eſt contrainct par execution & miſe de ſes meubles ſur les carreaux.



Tit. VII.

De gages et hipotheqves.

I.


Il a deux ſortes de gage ; vif & mort.

II.

Vif-gage eſt qui s’acquitte de ſes iſſuës, Mort-gage qui de rien ne s’acquitte.

III.

Mort-gage n’a couſtumierement lieu qu’en deux cas : en mariages de maiſnés, ou de filles, ou pour don & aumoſne d’Egliſes.

IIII.

Pleige, plaide : gage, rend.

V.

Meubles n’ont point de ſuitte par hypothecque quand ils ſont hors de la poſſeſſion du debteur.

VI.

Toutesfois ſi le meuble ſaiſy n’eſtoit payé par le debteur, & qu’il fuſt ſaiſy par celuy qui le luy auoit vendu, il y auroit lieu de ſuitte.

VII.
Et pareillement au profit du creancier, ſi le ſaiſy le vendoit depuis ſon execution.
VIII.

Item celuy qui tient le gage, a hypotheque priuilegiée ſur iceluy auant tous autres. Et ſi ne peut le debteur demander reſpit contre iceluy, par l’ordonnance du Roy Philippes Auguſte.

IX.

Bourſe, ou argent n’a point de ſuitte.

X.

Les premiers vont deuant.

XI.

Scedule priuee recogneuë en iugemẽt ou pardeuant notaires emporte hypotheque du iour de la recognoiſſance ou de la denegation d’icelle en iuſtice, apres qu’elle a eſté verifiée.

XII.

Et neantmoins en ſeparations de biens, les creanciers chirographaires du defunct ſont preferez à tous les creanciers de ſon heritier.

XIII.

Par l’Edict de Moulins hypotheque a lieu ſur les biens du condamné du iour de la ſentence confirmee par arreſt.

XIIII.

Contracts paſſez ſous ſeel de Cour laye engendrent hypotheque.

XV.

Contracts paſſez en Cour d’Egliſe n’emportent point d’hypotheque.

XVI.

Les mineurs & les femmes ont hypotheque taiſible & priuilegee ſur les biens de leurs tuteur & maris du jour de la tutele, & contract de mariage.

XVII.

Es cas eſquels y a hypotheque taiſible, les realiſations, nantiſſements, & ſaiſines introduictes par aucunes couſtumes ne ſont point requiſes.