Introduction (O. C. Élisa Mercœur)

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Œuvres complètes d’Élisa MercœurMadame Veuve Mercœur2 (p. 43-46).


INTRODUCTION.

Lorsque MM. Urbain Canel et Adolphe Guyot entreprirent d’éditer les Heures du soir, Livre des Femmes, ils vinrent prier Élisa de leur donner une nouvelle, pour le premier volume qu’ils allaient mettre incessamment sous presse. — Je n’ai rien en portefeuille, répondit Elisa. — Eh bien, mademoiselle, mettez-vous à l’ouvrage, et nous reculerons la publication de ce numéro : nos abonnés s’attendent à y trouver quelque chose de mademoiselle Mercœur ; nous tenons beaucoup à ne pas leur enlever le plaisir qu’ils s’en promettent. Si vous êtes assez bonne pour nous accorder la faveur que nous réclamons de votre obligeance, pendant que vous écrirez, nous ferons imprimer les morceaux qui doivent entrer dans la composition de ce volume. Travaillez. — Mais, messieurs, pour travailler, il faut des matériaux, et je n’en ai pas. — Il vous sera peu difficile d’en trouver, mademoiselle. Je lui rappelai alors qu’elle avait marqué dans le supplément du Dictionnaire historique de Ladvocat, un passage dont elle voulait faire un drame ; je lui dis que je pensais qu’il pouvait convenir également pour une nouvelle, et qu’avec la force d’imagination que je lui connaissais et l’élégance de son style, elle pouvait de ce sujet faire une nouvelle, dont la lecture excitât le plus vif intérêt. Mon idée lui sourit ; et, un mois après, le succès qu’eut la Comtesse de Villequier me prouva que j’avais eu raison de donner à Élisa le conseil de l’écrire.

Elle s’identifia si bien avec les personnages qu’elle mettait en scène, que je crus, lorsqu’elle en fut à la catastrophe, qu’elle perdait la tête. Le malheureux ! s’écria-t-elle en se dirigeant vers le lit, il me fait peur. Je courus à elle, et lui demandai ce qu’elle avait. Elle me répondit que Villequier lui faisait horreur, à le voir se rouler dans le sang de sa femme et de sa suivante qu’il venait d’assassiner. Puis, prenant une de mes mains qu’elle plaça sur son cœur, elle me fît sentir qu’il battait avec tant de violence, qu’on eût dit qu’il allait s’échapper de son sein. Elle me pria de lui préparer une tasse de tilleul. Lorsque ses sens furent un peu calmés, j’écrivis sous sa dictée ; et, lorsque tout fut fini : Eh bien ! me dit-elle en consultant à son tour mon cœur qui était extrêmement agité, Villequier te fait peur aussi ! Oh ! que je suis contente ! Et elle m’embrassa.

Les personnes qui voudront se donner la peine de prendre connaissance du passage dont j’ai parlé, dans le supplément du Dictionnaire historique de Ladvocat, se convaincront, après avoir lu l’article Villequier, page 622, qu’il fallait que le génie de ma pauvre fille fût une mine bien féconde de pensées, pour qu’elle empruntât si peu ailleurs.

Veuve Mercœur,
Née Adélaïde Aumand.