Journal (Eugène Delacroix)/6 juin 1855

La bibliothèque libre.
Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 29-30).

6 juin. — En rentrant de ma promenade dans la forêt, vers dix heures, je trouve un article de la Presse, très bon pour moi. J’extrais ces pensées de Marc-Aurèle[1] qui y sont citées :

« Il faut partir de la vie comme l’olive mûre tombe en bénissant la terre sa nourrice et en rendant grâces à l’arbre qui la produite. Vivre trois ans ou trois âges d’homme, qu’importe quand l’arène est close ? Eh ! qu’importe, pendant qu’on la parcourt ? Mourir est aussi une des actions de la vie ; la mort, comme la naissance, a sa place dans le système du monde. La mort n’est peut-être qu’un changement de place. O homme ! tu as été citoyen dans la grande cité ; va-t’en avec un cœur paisible ; celui qui te congédie est sans colère. »

J’avais fait le matin la plus délicieuse promenade. Je me lève un peu tard malheureusement. Revenu par l’allée qui longe l’Ermitage venant du chêne Prieur jusqu’à la grande qui traverse tout le bois.

  1. La grave et noble figure de l’empereur philosophe avait plus d’une fois tenté le pinceau du peintre. Il exécuta une composition connue sous le nom de Marc-Aurèle mourant, qui compte parmi ses plus belles œuvres. (Voir Catalogue Robaut, nos 923-926.)