Journal d’une enfant vicieuse/1-03

La bibliothèque libre.
Jean-Claude Lattès, collection Les classiques interdits (p. 55-64).
◄  II
IV  ►

CHAPITRE III

Les pets de Valentine

Javais coutume de m’amuser à la campagne avec une paysanne qui était d’une ferme voisine du bourg. Nous jouions « au ménage » ; je faisais la demoiselle, et elle faisait la domestique. Ou bien c’était le jeu à la maîtresse d’école, et il n’est pas besoin de dire que souvent l’élève était mise à genoux et recevait le fouet avec des verges, mais sur ses jupes, car, comme nous jouions dans le jardin, je craignais, si je la troussais, que ma tante vînt à passer et ne nous troussa pour de bon. Un jour la maman de Goton (c’est ainsi que s’appelait cette petite paysanne) vint jusque dans le jardin où nous étions à jouer, elle se jeta sur ma petite amie, lui tira les cheveux et les oreilles, lui claqua les joues en répétant :

— Ah ! vilaine malhonnête, tu vas en avoir, je t’le promets, pour te punir de m’avoir brisé mes bouteilles. Tu savais bien c’que t’avais fait c’matin, saloperie, c’est pour ça que tu t’sauvais ; mais maintenant que je te tiens, j’vais te faire danser.

Là-dessus la commère, à mon grand étonnement, prit mon amie sous ses bras, et, en dépit de la rage de Goton qui cherche à égratigner et à ruer, elle lui lève ses robes et, sur son cul qu’elle avait fort gros, elle lui applique avec des brins d’osier une correction que je ne pus m’empêcher de trouver terrible. Goton poussait des cris épouvantables et joignait, à ces appels désespérés, des décharges postérieures non moins bruyantes. Son bourreau ne semblait faire attention qu’à la bien fouetter. Moi qui d’abord avait souffert une honte énorme à voir ainsi maltraiter mon amie, sans pouvoir m’interposer, je m’amusais maintenant à la voir ainsi se débattre, je prenais plaisir à regarder les grimaces de sa figure, les contractions de ses fesses et, dois-je le dire ? à l’entendre lâcher des pets sous les coups.

Le lendemain Goton vint encore me trouver, mais la démarche mal assurée, car la fessée avait endommagé son derrière et gênait ses mouvements ; elle avait encore les yeux rouges et gonflés et paraissait toute honteuse.

— Goton, lui dis-je, presque en la voyant, il faut que nous nous amusions bien aujourd’hui : jouons à la maîtresse d’école.

Je ne pouvais lui faire une proposition plus désagréable. Goton refusa absolument ; alors je lui dis qu’au lieu de faire la maîtresse, je ferais l’élève et que c’est elle qui administrerait la discipline au lieu de la recevoir. À cette condition elle consentit au jeu que je lui demandais, et elle se vengea sur ma peau avec des houssines épineuses de la correction qu’elle avait reçue la veille. Je goûtais je ne sais quelle singulière joie à me vautrer dans l’herbe, la tête par terre, et à présenter mes fesses aux cinglades de Goton. Puis voulant pousser plus loin le jeu, pour qu’on ne nous surprît pas, nous allâmes au fond d’un petit bois de pins qui se trouvait derrière la maison. Goton, qui jouait tout-à-fait bien son rôle de maîtresse de maison, me prit l’oreille et me souffleta en me disant, comme sa maman lui avait dit la veille :

— Eh ! salope, tu vas en avoir dans ton sale cul.

Alors, d’un coup de genou, et comme je ne me défendais que pour la forme, elle me fit m’étaler à plat ventre, le derrière en l’air ; trousse mes jupes, me met les fesses à nu, puis leur lance un coup terrible : c’est là que je l’attendais. Au moment où elle me frappe ma chair, je lui lâche, pour me venger, un pet qu’elle a certainement senti et entendu. Elle se mit d’abord à rire, mais voyant que, comme un vieux roussin, je continue ma musique du derrière, elle devient furieuse et me cingle les fesses sans interruption, tandis que je lui réponds à chaque coup par une nouvelle explosion de mon postérieur. À la fin, sur un coup trop fort, je me relève brusquement et je la fais tomber. J’allais lui rendre la correction qu’elle venait de m’administrer lorsqu’elle me demanda sa grâce d’une façon suppliante. J’avais relevé ses jupes, et le spectacle que m’offrait son pauvre cul me fit pitié. Pourtant le jeu me plaisait tellement qu’après une courte hésitation, je ne pus me refuser au plaisir de lui donner quelques cinglées qui, quoique légères, lui firent pousser de grands cris. Elle réussit enfin à m’échapper ; je la vis, avant que j’aie eu l’idée de la retenir, se glisser tout d’un coup sur les mains, se relever, rabattre ses jupons et se mettre à fuir à toutes jambes. Depuis, elle n’a jamais voulu revenir jouer avec moi, me trouvant sans doute trop cruelle. Heureusement qu’elle n’a rien dit, à sa maman, de nos jeux, ce que j’avais craint un instant.

Pendant quelques jours, j’ai donc été contrainte de jouer toute seule à la maîtresse d’école. Je montais dans une chambre de débarras qui se trouvait au second étage de la maison, et où il y avait une glace. Après avoir fermé la porte à clef, je m’agenouillais en tournant le dos à la glace, la tête renversée sur le plancher, de manière à voir l’image que réfléchissait le miroir. Alors me retroussant les jupes, je faisais à la fois la maîtresse et l’élève : mon derrière était à l’enfant coupable et mon bras à la correctrice. Je m’amusais aussi de voir mes fesses rougir sous les tapes que je leur donnais ; puis je me divertissais fort des grimaces que je faisais faire à mon cul, le tendant, le voyant se desserrer, avancer sa bouche plissée, l’ouvrir et lâcher des pets au miroir. À un certain moment, j’éprouvais un plaisir très vif, et je me pâmais sur le plancher, m’enfonçant un doigt dans le trou de mon derrière, tandis que de l’autre main je me pressais mon bouton. Je me divertis ainsi plusieurs jours à ce jeu, jusqu’à ce que, ayant rencontré ma tante comme je sortais de ma chambre, j’eus une si grande crainte d’être surprise et mon cœur battit si fort que je me jurai de ne plus recommencer : ma tante pourtant ne s’est jamais doutée de rien. Quand je suis allée voir Valentine, je lui ai demandé de jouer à la maîtresse d’école, et nous l’avons fait dans la chambre des servantes : je ne sais pourquoi j’avais moins peur d’être surprise chez elle que chez ma tante.

Valentine est d’ailleurs fort sale : un soir nous étions dans la charmille, elle lâche un gros pet.

— Tu ne m’accompagnes pas ? fait-elle.

Je la regardai en riant, mais un peu étonnée de cette liberté.

— Viens avec moi aux latrines, dit-elle alors, j’ai envie.

Je la suivis. Une fois entrées, nous fermons la porte à clef, puis Valentine retrousse jupes, robes, chemise et étale son cul qui est fort large. Alors elle me fit entendre une véritable musique avec son derrière. Des sons de flûte suivaient de longues et bizarres décharges d’artillerie, puis des notes vives, des voix de basses se succédaient au milieu de parfums peu délicats. À la fin, elle se courba le derrière en avant, et je vis un gros boudin jaune qui lui pendait entre les fesses. Elle fit tout le tour des latrines et dansant avec son étron au cul, et enfin montant sur le siège et s’accroupissant devant le trou, elle l’y laissa tomber.

— À ton tour, me dit-elle.

Mes mains sur les hanches je riais à gorge déployée, et le rire me secouait si bien le ventre que, malgré moi, je lâchai des pets au nez de Valentine qui s’était agenouillée devant mon cul et à chaque vent s’écriait :

— Celui-là sent le fromage, ou bien celui-là fleure le vieux chou.

Et nous riions toujours à qui mieux mieux. Enfin il a fallu me mettre sur le trône et y aller moi aussi de mon étron. Valentine regardait les crottes brunes tomber une à une dans le trou, annonçant celles qui étaient les petites, les moyennes et les grandes. Quand j’eus fini, elle me torcha elle-même le cul avec une feuille de papier, puis trouvant que le papier n’était pas bon pour cet office, elle me mit la langue dans le derrière. Je trouvais cela à la fois ignoble et délicieux.

Ayant une nouvelle envie, nous allions recommencer l’opération de compagnie — il y avait deux trous — et tâcher de faire s’accorder nos pets ensemble, tandis que nous frotterions du doigt notre petit bouton, quand Manon qui veille toujours sur nous, vint nous dire à travers la porte qu’on nous cherchait. Nous nous essuyâmes le derrière à la hâte, nous rabattîmes nos jupes, nous nous rajustâmes et sortîmes.

Valentine m’a conté alors un tour qu’elle a joué à une vieille dame dévote et prude qui était descendue au château chez sa belle-mère et devait y passer quelques jours. Il y avait un petit cabinet dans la chambre de cette dame, et dont la porte était condamnée. Valentine voulait lui faire croire que c’était une garde-robe qui servait de porte-manteaux. Le soir, quand la vieille dame fut couchée et commença ses prières, Valentine alla avec les servantes du château et étouffant leurs rires elles lâchaient le plus de pets qu’elles purent en ayant soin de les pousser retentissants. Elles avaient mangé haricots et navets en conséquence. À la fin Valentine, revêtue d’un grand drap noir, ouvre sans bruit la porte, se glisse en coup de vent auprès de la chandelle qu’elle éteint, et à la lueur du clair de lune qui éclaire la chambre, se troussant et se courbant, elle approche ses deux fesses découvertes du visage de la dame, et elle lui lâche au nez une dernière mais tonitruante pétarade, au risque de lui envoyer au visage autre chose que du vent, puis, vive comme l’éclair, elle disparaît. La vieille dame se levant alors, à la fois dégoûtée et terrifiée, se mit à prier le ciel, croyant que c’était le démon qui venait la tenter. Le lendemain, Valentine ayant recommencé cette farce, la vieille dame partit, n’osant dire pourquoi elle quittait si vite le château. Valentine déclara ce qu’elle avait fait à sa belle-mère qui rit beaucoup, la blâma un peu de son incongruité, mais en réalité fut fort satisfaite du départ de cette prude dont l’humeur ennuyait tout le monde.