Journal de ma vie (Bassompierre)/Quatrième tome/Appendice

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Journal de ma vie. Mémoires du maréchal de Bassompiere
Texte établi par le marquis de ChantéracRenouard, libraire de la Société de l’histoire de France (tome 4p. 343-371).


APPENDICE


I


Le 27 février 1629, le roi écrivait de sa main à la reine sa mère :

« Madame, voyiant que Mr de Savoye nous vouloit amuser sur des propositions qui estoient du tout a mon desavantage, que je croy que mon cousin le cardal de Richelieu vous mande, je me suis resolu de prendre les pasages, et pour cest effect j’ay commandé aux mareschaux de Crequi et de Basonpierre de les aller ataquer avec dix compagnies des gardes, dix de Suises, douze de Piemont et quinze de Saux, et mes mousquetaires et huit cens chevaux, et moy qui suivray avec le reste de l’armée ; cette ataque ce fera vendredy 2me de mars, vous vous pouvez assurer que quand l’armée des Espagnols et celle de Mr de Savoye y seroient, que nous les forcerons s’il plait à Dieu ; pour Casal, toute la crainte que nous avons, c’est que les Espagnols ne nous attandent pas, et que ils levent le siege dès ausi tost que ils soront que je seray dans le Piemont : ils ont deja retiré tous leurs canons et toute leur infanterie, et ont mis dans leurs forts leur milice (qui sont des païsans du Milanois) et la cavalerie, parce que elle se peut retirer sans coure fortune. Si mon frère ne se haste plus qui n’a fait jusques a ceste heure, il n’arivera que quand tout sera fait. Je vous suplie de m’aimer toujours, et croire que je suis

Madame,
Vostre très humble et très obeisant fils.
Louis.
A Embrun, ce 27 fevrier 1629. »

(Lettres du Roi et autres, pour servir à l’histoire de l’année 1629 (origin.). Bibl. Nat. Fonds Fr. 3825, fol. 39.)




II



Voici la formule du serment prêté par le capitaine Reding :

« Nous soubzsigné Henry Reding, cappitaine lieutenant au regiment des Suisses de la garde du Roy, et tous noz officiers et soldats icy assemblez par commandement de Sa Majesté, jurons tous unanimement, et promettons a Monsieur le Duc de Savoye, entre les mains du sr cavalier Jean Baptiste Gabaleon, consr d’Estat, et veadour general des gens de guerre de Son Altesse, icy present et acceptant au nom d’icelle, de tenir comme en depost les forteresses de Ste Marie et de St François des Gravieres de Suze, et de les rendre et restituer à Sa dite Altesse, ou bien a celuy qu’Elle deputera, incontinant apres l’execution des articles arrestez et signez entre Monsieur le Cardinal de Richelieu pour le Roy, et Monsieur le Prince de Piemont pour Monsieur de Savoye, et ce sans gaster, endommager, ny affoiblir lesditz chasteaux en façon que ce soit, ensemble toutte l’artillerie, munitions de vivre et de guerre, avecq tout ce que de plus sera contenu en l’inventaire, la coppie duquel nous sera remise, deuement signée, entrant dans lesdites forteresses sans les consommer ny diminuer en tout ny en partie ; le tout reellement et de bonne foy, faict et passé devant la porte de ladite forteresse le treizieme jour de mars 1629. En presence de Monsieur le Mareschal de Bassompierre, lieutenant general en l’armée du Roy et colonel general des Suisses, Monsr de Chasteauneuf, consr du Roy en ses conseils d’Estat et [privé], chancelier de ses ordres, et de Monsr de Seneterre, aussy consr du Roy en ses ditz conseils, et gentilhomme ordinaire de la chambre de Sa Majesté. Signé : Reding, Bassompierre, de l’Aubespine, Senetere. »

(Lettres et autres pièces pour servir à l’histoire de 1629 à 1634 (origin.). Bibl. Nat. Fonds Fr. 3827, fol. 35.)

Bien qu’il ait été dit à la page 397 du tome III que Wolfgang-Théodoric Reding, fils d’Henri Reding, avait prêté serment comme capitaine en sa place, il paraît, par cet acte, qu’Henri Reding commandait encore à ce moment la compagnie dont il s’était démis en faveur de son fils.




III



Dans une lettre autographe datée de Suze, le roi écrivait à la reine-mère ce qui suit :

« Madame, ayant cherché en ce païs quelque chose pour vous envoyier, je n’ay seu trouver que quelques vases d’agate et de cristail de roche, lesquels je vous suplie de vouloir accepter, et suis tres marry qu’ils ne soint plus beaux. Je vous anvoye ausi une charge de mulet d’aigre de cedre que ceux de Gennes m’ont anvoyié ; je vous suplie d’en vouloir bien faire faire l’essay avant que d’an boire : car venant de ce lieu là, je n’an veux pas repondre et aimerois mieux mourir cinquante mil fois qu’il vous fut arivé le moindre mal du monde de quelque chose qui vint de ma part ; je vous suplie donc ancore d’en bien faire faire l’essay avant que d’an boire. Je finiray en vous supliant de m’aimer toujours, et croire que je suis

Madame,
Vostre tres humble et tres obeisant fils.
Louis.
De Suze, ce 28me avril 1629. »

(Lettres du Roi et autres pour servir à l’histoire des années 1629 et 30 (origin.). Bibl. Nat. Fonds Fr. 3828, fol. 37.)


IV



Le duc de Rohan dit dans ses mémoires :

« Les premiers qui entrèrent dans le fort mirent le feu à quelques caques de poudre, afin d’avoir un prétexte de faire main basse, comme il leur avoit été commandé, ce qu’ils firent. »

Mais, dans le camp royal, on rejetait la responsabilité de l’incendie sur les défenseurs de la ville, comme on peut le voir dans le récit du siége envoyé par le roi aux gouverneurs de province.

Le roy a Mr de Noailles, François, dernier may 1629.

« Monsr de Nouailles, vous aurez apris par mes precedentes comme aprez mon retour de Suze a Valence, je m’estois resolu de commancer le chastiment des rebelles de mon royaume par le siege de la ville de Privas qui en avoit esté jusques icy la retraicte en tous ces quartiers de deça. Maintenant je vous diray qu’ayant par ung extresme travail et diligence faict mener mon canon devant la place (ce que les rebelles avoient jusques alors tenu comme impossible, veu la difficulté des chemins et des avenues de lad. ville), je les ay si vivement battus par mon artillerye et pressés de telle sorte par une attaque generale que je fis faire le xxvje de ce moys, qui me donna tous leurs dehors, que les assiegez estonnez et cognoissans que par leurs crimes et par l’audace qu’ils avoient eue de m’attendre avec mon armée et voir tirer mon canon huict jours durant, ils s’estoient renduz indignes de toute grace, une partie se resolut de chercher son salut en la fuitte, et sortit de la place le lendemain xxvije au soir, pour se retirer a la faveur de la nuict et des montagnes, ce qu’ilz ne peurent faire si dilligemment, que plusieurs tombans dans les gardes que j’avois mises aux advenues et passages des montagnes ne receussent en cet endroit la juste punition de leurs crimes. L’aultre partie, avec St André de Montbrun, que le duc de Rohan avoit jecté dans la place pour y commander et faire resouldre les habitans a une si temeraire deffence, se retira en foule dans le fort de Thoulon qui est au dessus de la ville sur une haulte montaigne, jusques au nombre de sept a huict cens, tant soldatz que habitans d’icelle. Mais comme, par ung juste jugement de Dieu, la confusion et le desordre estoient parmy eulx, St André et quatre des cappitaines qui estoient avec luy, voyants qu’ils ne pouvoient davantage tenir ny se sauver de ce fort (que je fis aussy tost environner de quelques regiments), estans venus d’eux mesme sans parolle de qui que ce soit dans mon camp, pour se presenter a moy et implorer ma misericorde (ce qui m’eust touché le cœur s’ils y eussent eu recours plus tost), j’estimay que je les debvois retenir pour aviser a ce que j’aurois a faire d’eux. Ceux qui estoient restés ayans encore depuis faict contenance de se deffendre, comme ilz ont veu qu’ilz ne pouvoient eviter le mal qui les pressoit, se sont pareillement rendus a ma discretion ; mais Dieu voulant les perdre et vanger par eux mesme leur rebellion et desobeissance, a permis que quelques uns d’entre eux, endurcis de plus en plus au mal, ont de propos deliberé mis le feu dans ung grand sacq ou il y avoit quantité de pouldre a canon, laquelle ayant enlevé celuy qui l’avoit allumé et quelques autres, tant de ces miserables que des soldatz de mes gardes, François et Suisses, que j’avois ordonnez pour asseurer ce fort et empescher qu’il n’y arrivast du desordre, mes gardes, excitez par ce mauvais acte, estimants que ce fust une mine que l’on eust faict jouer contre eux, s’emporterent de fureur et, contre mon intention et mes deffences, tuerent la plus part de ceux qui s’estoient jectez dans le dit fort, si bien qu’il se peut dire que ceux la ont receu par leur faict mesme le chastiment qu’ilz meritoient ; aucuns se sont sauvez dans cet accident inopiné, et d’aultres ont esté faictz prisonniers en grand nombre, entre lesquelz, oultre St André, Clauzel et Vanderome, il y a encore six ou sept hommes de commandement, et le reste sont soldatz et habitans de lad. ville. Ainsy cette place dont l’assiette est fort advantageuse et les dehors bien fortiffiés de bastions, cornes et demy lunes, oultre les forts qui estoient alentour, dont celuy de Thoulon sembloit estre inaccessible, a esté emportée en dix jours, et ce succez se peult dire, comme il est veritablement, d’autant plus important et considerable, que cette prise assure le repos du pays de Vivaretz et la liberté de la riviere du Rosne qui avoit esté depuis plusieurs années incessamment troublée par ceux qui estoient dans cette ville, en laquelle ont pris naissance les troubles et factions excitées en divers temps en ce royaume par les rebelles de la religion pretendue refformée. Ayant faict sauver les femmes, je n’ay peu denier le pillage de la ville a mes soldatz qui m’ont servi si courageusement en cette occasion ; mais, chose estrange, quelques deffences rigoureuses que j’ay peu faire et quelque soing que j’aye faict aporter pour empescher que la ville fust bruslée, ayant faict esteindre le feu par diverses fois, elle a esté enfin toutte consommée, et Dieu a voulu qu’elle portast des marques perpetuelles de sa longue rebellion. Ce que je plains, est la perte que j’ay faicte d’aucuns des officiers de mon armée et de ma noblesse, que je regrette plus que je ne puis dire, entre autres des marquis d’Uxelles et de Portes, mareschaux de camp, Marcillac, cappitaine au regiment de mes gardes, Espagne lieutenant, et dix ou douze autres officiers et gentilshommes de marque ; mais telles actions ne peuvent arriver sans perte et mesme de ma noblesse que je ne puis retenir, et qui se porte dans les perils avec tant de hardiesse et de valleur, qu’il ne peut qu’il n’en demeure tousjours quelques uns, lesquelz sont estimez des autres heureux de mourir glorieusement en la presence de leur roy et pour le bien de l’estat. Je veux esperer que la suitte de mon voyage sera plus douce, et que l’obeissance volontaire plustost que l’exemple me conviera a user d’autant de clemence et de bonté envers ceulx qui s’y porteront d’eux mesme, que la rebellion et opiniastreté de ceux cy m’a contrainct à mon grand regret d’user de severité et de rigueur contre eulx. C’est de quoy je prie Dieu de tout mon cœur et qu’il vous tienne, Monsr de Nouailles, en sa saincte garde. Escript au camp de Privas, ce dernier jour de may 1629.

Signé : Louis.
Bouthillier. »

(Lettres, etc., à Mr de Noailles par les rois, etc. T. II, fol. 365. Bibliothèque du château de Mouchy-Noailles.)


V



Ce contrat est mentionné à la cote 100 de l’Inventaire fait apres le deceds de Mr le mareschal de Bassompierre.

« Item, un contrat passé devant Lecat et Contenot, notaires audit Chastelet, le 12e janvier 1630, contenant dame Charlotte Jeannin, veuve de feu Mre Pierre de Castille, intendant et controlleur general des finances, tant en son nom que comme tutrice et soy faisante forte des enfants mineurs dudit deffunt et d’elle, avoir vendu, cedé et transporté a hault et puissant seigneur Mre Georges Affricain de Bassompierre, marquis de Removille, acceptant par ledit seigneur marechal son frère, une grande maison dite Beauregard, size pres le village de Chailliot, joignant le clos des Minimes de Nigeon, plus la haute justice, appartenances et dependances d’icelle et autres droits de jurisdiction, avec touts les meubles qui étoient en ladite maison, aux charges y declarées, et outre, moyennant la somme de 80425 l. 15 s., sur laquelle en fut payé comptant par ledit seigneur marechal des deniers dudit seigneur marquis de Removille a ladite dame de Castille es dits noms, la somme de 53275 l. 15 s., et pour les 27150 l. restant, ledit seigneur marechal en auroit au nom dudit seigneur marquis de Removille constitué a ladite dame de Castille es dits noms, 1696 l. 17 s. 6 d. de rente ; en marge duquel contrat est une saisine du 10e avril audit an 1630, signé Marie Leclerc ; avec lequel contrat se sont trouvez les deux inventaires des meubles et tiltres de la maison et les tiltres specifiés audit inventaire, et la ratification qui en a été faite par ledit seigneur marquis de Removille, passée par devant Valentin, tabellion juré au duché de Lorraine, le 24 dudit mois de janvier 1630, signée de Bassompierre et Valentin ; inventorié au dos dudit contrat et ratification d’iceluy, l’un comme l’autre, et pour tout 100. »

En vertu de cet acte, les neveux et nièce du maréchal, créanciers de sa succession, firent leurs réserves à l’inventaire pour maintenir leurs droits de propriété sur le château de Chaillot, en leur qualité d’héritiers du marquis de Removille, leur père. Louis de Bassompierre, fils du maréchal et son seul héritier par bénéfice d’inventaire, protesta contre leurs protestations, dans lesquelles, à leur tour, ils persistèrent. En 1652, la succession étant bien loin encore d’être liquidée, les créanciers firent vendre le château, dans lequel les neveux de Bassompierre s’étaient établis. La reine d’Angleterre l’acheta et y fonda le monastère de la Visitation-Sainte-Marie de Chaillot. Ce fut dans l’église de ce couvent que Bossuet prononça en 1669 son oraison funèbre.


VI



La muse latine célébra la promptitude et le succès de la levée obtenue pendant cette ambassade, par deux petites pièces de vers, dont la première renferme une allusion au nom de Bassompierre :


Cur Bassompetrum ex gallis heroibus unum
Helveticæ cautes rhetaque saxa volunt ?
Ingentem facerent cautes et saxa ruinam
Fulciret petras ni basis ista petra.

Nil absque Helvetiis italo rex noster in orbe
Efficiat, pugnet Gallia tota licet ;
Nec quicquam Helvetii sine te præstare valebunt,
Se licet his Pallas præbeat ipsa ducem.
Helvetii sunt namque manus queis vincitur hostis,
Hasque adeò nutu solus ad arma moves.
Ergo quidquid aget justis rex inclitus armis,
Bassompetreum gloria sola manet.

(Répertoire de M. de Bassompierre. — Bibl. Nat. Fonds Lat. 14226.)


VII



Les trois phrases relatives à l’affaire de Nice ont été ajoutées après coup par l’auteur ; les deux premières : Le sergent major de Nice, etc., et : A quy Monsieur le cardinal commit, etc., sont rajoutées dans le texte ; la troisième est écrite en marge. Il y a lieu de penser que Bassompierre a retrouvé sur cette affaire des souvenirs qu’il a négligé de transcrire.

Peut-être s’agissait-il d’une négociation pour livrer au roi Nice de la Paille, place du Montferrat, que Spinola avait récemment conquise, et qui était occupée par des troupes suisses. Mais il est plus probable que le traité en question avait pour objet de mettre en la puissance du roi le port de Villefranche, voisin de Nice en Provence, peut-être même la ville de Nice. Dans une lettre du 4 ou du 5 août 1630, le marquis d’Effiat écrivait au cardinal de Richelieu :

« Je prétends avoir une intelligence infaillible pour prendre Villefranche et le chasteau, qui est l’unique port de mer de M. de Savoie. »

Et le cardinal répondait, à la date du 6 :

« Si vous pouvez faire l’affaire des deux places voisines qu’on vous à proposées, ce seroit un coup extraordinairement importent. Ne craignez point de promettre 100 mil escus et de donner toutes seuretez : ils seront bien employez. On donneroit encore charge honorable à la personne avec qui on traittera. »

(Lettres et papiers d’État, t. III, p. 832.)




VIII



La poésie, pendant ce temps, célébrait les exploits des dernières campagnes, et Bassompierre inscrivait dans son Repertoire des vers qui égalaient sa gloire à celle d’Achille :

Quòd reduci, palmisque caput Mavortis onusto
Accessi, et vates carmina nulla tuli
Miraris, Musas que ade culpabis inertes,
Bassompierii quòd tacuere decus.
Ne tamen incusa, metuit pimpleus Apollo,
Quærenti et causam talia verba dedit :
Post domitos toties hostes terrâque marique,
Emensa hesperii post juga celsa soli,
Postque tot eversas armis vitricibus urbes
Funeraque iliacis æquiparanda rogis,
Heroa Æacidæ æquandum cui cederet Hector
Te satis elatè scribere posse putas ?
Parve poeta, sile : non es, mihi dixit, Homerus,
Et tamen, aut nunquam est hic opus Iliade.

(Bibl. Nat. Fonds Lat. 14226.)




IX



Dans un pamphlet intitulé : Conversation de Me Guillaume avec la princesse de Conty aux Champs Elysées, on suppose que Madame, la défunte épouse de Gaston, adresse tout à coup cette question à la princesse de Conti qui arrive aux Champs-Élysées :

« Mon Dieu, ma Cousine, j’ay bien oublié de vous demander des nouvelles du pauvre mareschal de Bassompierre. »

La princesse de Conti répond :

« On dit, Madame, un peu devant que je partisse de l’autre monde, qu'il commençoit à enfler, et qu'il estoit fort bouffi ; je n’attends que l'heure que nous le voyons icy avec le mareschal de Marillac, qui a (ce dit-on) une fievre lente où les medecins ne cognoissent rien. »

Et maitre Guillaume, le bouffon imaginaire, le fou philosophe des pamphlets du temps, s’écrie :

« O que ces fievres lentes sentent bien son empoisonné, aussi bien que l’enfleure du pauvre Bassompierre ! »

La supposition de maître Guillaume était gratuite : Bassompierre ne mourut pas de son enflure, et ce ne fut pas la fièvre lente qui tua Marillac.


X



« Celuy qui conduisoit l’affaire estoit Besançon, homme de cœur et de courage, qui s’estoit eschapé de prison, ou le mareschal d’Estrée l’avoit faict mettre a cause de la vieille querelle, en sorte qu’il n’osoit plus se monstrer, et estant homme agissant et ambitieux de parvenir, ne se peut tenir a rien faire, outre que c’estoit pour faire affront au mareschal d’Estrée son ennemy, qui estoit aupres de la Roine de la part du Roy, que de la faire eschaper. II fit toutes les negotiations, allées et venues avec le marquis de Vuardes le jeune, qui estoit dans la Capelle avec sa femme la contesse Moret, ou il commandoit en l’absence de son pere. L’entreprise se debvoit executer le mardy 16e juilliet que la Roine debvoit partir, et pour cet effect avoit envoyé ses carrosses de relais a la campagne ; mais a cause de quelques gens de guerre qui estoient encores aux passages de la riviere, elle ne peust faire son coup que le jeudy au soir 18e. »

(Journal de la cour sous Louis XIII, manuscrit de la collection Godefroy, portefeuille cclxxxv, fol. 42.)


XI



On lit à ce sujet, dans le Repertoire du maréchal de Bassompierre, les vers qui suivent :

Bassompierium referebant carcere clausum
Armigeri curas seposuisse dei ;
Attamen in mediis turmis, ad flumina Rheni
Bassompierii fulminat ense manus :
Fulminat, et cuneos findens, fundens que decoro
Vulnere, dextra decus saucia grande refert.
Utraque vera canit, nec dissona fabula narrat :
Otia agit patruus, militat inde nepos.

Pugnat uterque tamen ; generosâ in mente nepotis
Bassompierii mens generosa viget ;
Corpore quæque nepos excepit vulnera nuper,
Hæc eadem patruus vulnera mente gerit.
Sed decus hinc magnum surgit : nam sancia dextra
Plus laudis, quàm si plus valuisset, habet.

(Bibl. Nat. Fonds Lat. 14225.)




XII



Extrait d’un acte capitulaire tiré des archives du chapitre d’Épinal, conservé dans les archives de la maison de Bassompierre.

« Nous Dames Abbesse, Doyene, Chanoinesses, et Chapitre de l’insigne Eglise collegiale et séculiere de St Gœry d’Espinal, immediatement sujettes au St Siege, attestons....

« Que madame Margueritte de Bassompierre a esté chanoinesse en cette eglise avant qu’elle eut l’âge de quinze ans, que le 14 mars 1628 elle obtint du pape Urbain Huict, a la recommandation de S. A. Charles IV, duc de Lorraine, bulles d’acces a la mesme dignité abbatiale pour en jouir apres le decés de la Dame Claude de Cussigny, alors abbesse, sa cousine ; que dans ces bulles elle y est qualifiée pour estre issue de noble race du costé paternel et maternel ; qu’elle n’avoit alors que quinze ans ; que le sept may mil six cent vingt neuf, Messire George African de Bassompierre, marquis de Removille, grand escuyer et conseillier d’Estat du serenissime Duc de Lorraine et de Bar, et Bailly de la province de Voge, pere de laditte Dame Margueritte de Bassompierre, presenta, comme son procureur fondé, au chapitre de lad. Eglise lesdittes bulles, a l’occasion desquelles il y eut difficulté  ; que le 1er novembre 1635, madame de Cussigny estant decedée, madite Dame Margueritte de Bassompierre se presenta le 8 decembre suivant, pour prendre possession de lad. dignité abbatiale, a quoy il y eut aussy opposition ; que le 4 decembre 1639, elle remercia, s’estant mariée avec Monsieur le marquis d’Haraucour.... »

(Pièce signée, et revêtue du sceau du chapitre.)




XIII



Ce livre, intitulé : Philotime, ou examen des notes d’Aristarque sur l’histoire des rois Henry le Grand et Louis le Juste, composée par M. Scipion Dupleix, fut publié en octobre 1637, chez Claude Sonnius, avec privilége du roi. L’auteur déclare dans sa préface que ni Zoïle, ni Patæcion, ni Archilochus ne furent jamais si injurieux que le critique auquel il répond : « Son impudence, dit-il, a passé mesme jusques là que pour donner crédit à son œuvre, ou porter la curiosité du siècle à la voir, il l’a publiée sous le nom de M. le mareschal de Bassompierre, escrite néanmoins à la main, pour n’avoir pas trouvé imprimeur qui se voulût charger de si mauvaise marchandise. » Et pour se mettre plus à l’aise dans sa réponse, il démontre que le maréchal, qui désavoue lui-même cet écrit, n’en peut être l’auteur, et ce pour quatre raisons principales : « La première, que l’on sçait bien que ce seigneur, quoyqu’affligé de la longueur de sa prison, jouit néanmoins de sa santé et d’esprit et de corps avec la mesme vigueur qu’auparavant... La seconde est que ledit sieur mareschal et ses devanciers ont esté de tout temps parfaictement catholiques : et cet injurieux censeur porte à toutes rencontres la cause des religionnaires, tant contre la religion que contre l’Estat... La troisième raison est qu’il n’a point sujet d’estre piqué contre l’auteur de ladite histoire, lequel a parlé honorablement de luy et de ses ancestres a toutes rencontres ; et en ce qui regarde le sujet de sa prison, a rapporté, selon ce qu’il en avoit appris, que c’estoit plustôt une faute qu’un crime, et une trop licentieuse liberté de parler qu’aucune action honteuse... La quatrième raison est que quand mesme il auroit eu quelque mal-talent contre l’historien, luy, qui a commandé des armées royales, auroit si bien sceu commander sa passion, qu’il n’en auroit jamais estendu les pointes sur tant de personnes d’honneur et de mérite. »

Enfin, dans un avis au lecteur, placé à la suite du livre, l’auteur ajoute :

« Depuis que cet examen sur les notes d’Aristarque a esté mis sous la presse, l’historien a eu advis que lesdites notes ont esté faites de diverses mains, et de divers esprits (dont les noms sont encore incognus), mais tous portés d’une mesme malice envers luy : les uns pour avoir de l’aversion au gouvernement présent par luy descrit, ou pour se trouver (à cause de leurs mauvaises actions) en mauvaise posture dans son histoire... Ledit advis porte aussi que M. le mareschal de Bassompierre ayant fait certaines notes sur ladite histoire, ils ont pris de là occasion de publier les leurs soubs son nom, afin de donner plus de crédit à leur malice et impostures. »

Il existe plusieurs copies des remarques attribuées au maréchal de Bassompierre :

1o A la bibliothèque de l’Arsenal, sous ce titre : Fautes remarquées par le sr de B. en l’histoire de Henri 4e, composée par Duplex (Recueil manuscrit de Conrart, t. IX, deuxième suite, p. 1) ;

2o A la même bibliothèque, sous le titre : Lumières pour l’histoire de France contre Scipion Dupleix, 1636 : Copie écrite de la main de Conrart (Mélanges de vers et prose. Fr. Belles-lettres, n°145, p. 991) ;

3o A la bibliothèque nationale, Fr. 10453 : Choses a supprimer, retrancher, adjouster ou rayer en l’histoire du roy Henry le Grand, composée par Scipion Dupleix ; et : Fautes remarquées par M. de B. en l’histoire de Louis XIII, composée par Duplex ;

4o A la même bibliothèque, Fr. 13581. Les deux mêmes titres.

Ces remarques furent imprimées seulement en 1665, année de la première publication des Mémoires, sous ce titre : Remarques de monsieur le mareschal de Bassompierre, sur les vies des roys Henry IV et Louis XIII, de Dupleix. Paris, chez Pierre Bienfait. m. dc. lxv. Avec privilege du Roy.


XIV



Je n’ai pas trouvé de sonnet commençant par ces mots :

Mettre Bassompierre en prison.

Mais, dans le livre intitulé : Le tableau de la vie et du gouvernement de Messieurs les Cardinaux Richelieu et Mazarin, etc. Cologne, Pierre Marteau. m. dc. lxxxxiii., on trouve une pièce de vers qui commence ainsi :

Les Princes au Roy.


Grand roy, faut il qu’un Cardinal
A qui tout le monde veut mal,
Abuse de votre puissance ?
Juste Roy, l’image de Dieu,
Faut il pour ce dur Richelieu
Appauvrir tous les lieux de France,
Tenir Bassompierre en prison,
Pousser Gaston jusqu’en Lorraine,
Et chasser Roger[1] de Dijon,
Faire des édits à Soissons,
Suspendre une cour souveraine,
Reléguer en une semaine
Trois princesses[2] de leur maison,
Menacer d’abbattre les testes,
Bannir trois maistres des requestes,
Exiler les grands de l’État,
Tenir la terre et la marine,
Faire crier partout famine ?
C’est le jeu de cet apostat.
. . . . . . . . . . .




XV



C’était à titre de parent que le maréchal de Bassompierre chargeait M. d'Hocquincourt d'exercer sur son neveu une sorte de tutelle : le père de ce dernier et le maréchal étaient enfants de cousins issus de germain, comme on peut le voir par le tableau suivant :

Guillaume Picart, seigneur d’Estelan.
Jeanne de la Garde.

Anne Picart. Jean Picart, seigneur de Radeval.
Jean de Monchy, seigneur de Montcavrel. Geneviève Basset.
_
_
Nicolas de Monchy, seigneur de Moncavrel. Georges Picart, seigneur de Radeval.
Jossine d'Ailly. Louise de la Motte-Blequin.
_
_
François de Monchy, seigneur de Montcavrel. Louise Picart, dame de Radeval.
Jeanne de Vaux, dame d'Hocquincourt. Christophe, baron de Bassompierre.
_
_
Antoine de Monchy, seigneur de Montcavrel. François, maréchal de Bassompierre.
Anne de Balsac.
_
Georges de Monchy, seigneur d'Hocquincourt.




XVI



Les deux lettres suivantes, qui se trouvent aux pages 21 et 22 du tome XIV du recueil manuscrit de Conrart (Bibliothèque de l’Arsenal), font supposer que la princesse de Guemené s’interposa auprès du duc de Weymar, pour obtenir en faveur du marquis de Bassompierre un traitement plus doux.

De Monsieur le duc Bernard de Saxe-Weymar
A Madame la princesse de Guemené.

« Madame, je vous demande pardon si dés raisons assez puissantes m’ont retenu jusques icy de vous rendre mes tres humbles remercimens des soins qu’il vous a plu prendre de ma santé. Ils m’ont esté si avantageux et la faveur de vos lettres si precieuse, qu’ils m’ont fait oublier les maux que j’avois ressentis, mais non les obligations que je vous en ay, qui me feront rechercher avec passion les moyens de vous temoigner ma veritable reconnoissance. J’en eusse rencontré, Madame, dans le commandement que vous m’avez fait en faveur du sr marquis de Bassompierre, s’il n’eut esté prevenu par auparavant par mon obeissance, et l’ordre que j’avois donné pour faire cesser le sujet de ses plaintes, qui me fait croire avec raison que quelque bon génie m’inspire souvent à rendre mes effets conformes a vos desirs ; et les miens seront accomplis quand je pourray en quelque bonne occasion faire voir combien je cheris l’honneur de vos commandemens, et qu’il n’y a personne au monde qui soit plus veritablement que moy

Madame,
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur.
Bernard de Saxe.
Ce 15 juin 1639. »


De Monsieur le marquis de Bassompierre
A Madame la princesse de Guemené  :
(que M. le duc de Weymar luy a envoyée).

« Madame, j’estime tant l’honneur que vous m’avez fait de temoigner que vous prenez quelque part a ma mauvaise fortune, que je treuve du gain dans la perte de ma liberté, puis qu’elle me cause une grace si signalée ; aussi la reçois je avec tout le respect que je dois ; et quand la courtoisie et la generosité de Monsieur le duc de Saxe Weymar n’auroit point prevenu vostre recommandation, elle seroit capable de me faire rencontrer des plaisirs dans Beinfeld, et de me rendre douces les plus insupportables peines. Ce sont, Madame, les moindres effets que produisent une cause si puissante comme votre souvenir, que je ne merite en aucune façon, et dont je vous avoue que j’ay esté surpris, ne m’imaginant point que vous puissiez avoir tant de bonté pour les prisonniers d’autruy, apres en avoir toujours eu si peu pour les vôtres. Je me loue donc de mon malheur, Madame, puis qu’il me fait estre heureux, et si toutes les fois que je seray en prison, vous me voulez honnorer de la même sorte, je vous assure, Madame, que je ne tâcheray d’estre libre que pour me faire reprendre, et mepriseray tous les avantages du monde pour acheter par quelque nouvel accident une gloire pareille a celle que je reçois a cette heure de votre assistance et du soin que vous prenez pour moy, qui n’en auray jamais de plus particulier que je l’ay de vous rendre tous les services a quoy est obligé

Madame,
Votre tres humble et tres obeissant serviteur,
Bassompierre.
De Beinfeld, ce 24 avril 1639. »




XVII



Dans le Bulletin de la Société belfortaise d’émulation (année 1872-1873, p. 53), on lit une lettre, jusqu’alors inédite, du maréchal de Bassompierre au comte de Ribeaupierre : cette lettre, entièrement autographe, est datée du 16 juin 1634. Le maréchal appelle le comte de Ribeaupierre « Monsieur mon cher frère », et le remercie des démarches qu’il à faites pour obtenir la liberté de son neveu de Bassompierre, alors prisonnier pour la première fois, en le suppliant de lui continuer son assistance.

Dans le même bulletin on peut lire une lettre de la marquise de Removille, adressée au fils du comte de Ribeaupierre, et relative au payement du prix d’un cheval vendu par lui à M. de Bassompierre.


XVIII



Le poëte Malleville, le secrétaire et le fidèle ami du maréchal de Bassompierre, a consacré quelques stances à ce chien favori.

Que perfides sont nos esbats,
Et que les plaisirs d’icy bas
Souvent se changent en supplices,
Puisque Medor, qui fut si beau,
Au milieu mesme des delices
Treuve les ombres du tombeau !
. . . . . . . . . . . .
Dieux que son heur estoit parfait,
D’entretenir par quelque effet
De son adresse inimitable
Le plus illustre malheureux,
Et le plus innocent coupable
De ce regne si rigoureux.
. . . . . . . . . . . .
Quand la mort eut fermé ses yeux
Il fut ravy dedans les cieux
Malgré la Parque trop severe,
Et depuis cet enlevement
Jupiter a comme son frere
Un chien qu’il aime cherement.
. . . . . . . . . . . .
Si tost qu’il se vit transporté
Dans ce palais dont la clarté
Ne peut augmenter ny descrestre,
Il vit bien qu’il changeoit de lieu
Mais non pas qu’il changeoit de maistre,
Ayant fait rencontre d’un Dieu.
. . . . . . . . . . . .

Apres l’honneur qu’il a perdu,
Toute autre puissance eut rendu
Sa fortune trop inégale,
Et ce chien ne pouvoit flatter,
Tant il avoit l’âme royale,
Que Bassompierre, ou Jupiter.
. . . . . . . . . . . .

Et, dans d’autres stances, sur la mort d’une belle chienne, nommée Petite, il rappelle le souvenir de Médor, et termine ainsi :

Mais je m’abuse en ce discours :
Si le sort qui reigle nos jours,
Ravit dans le ciel cette belle,
C'est afin qu’un nœud solemnel
Fasse de son Medor et d’elle
Un hymen qui soit eternel.

Petite, puisses tu là haut
Jouir d’un bonheur sans defaut
Avec une moitié si digne ;
Et voisins du chien d'Orion,
Faire tous deux un nouveau signe
Entre la Vierge et le Lion.

(Poésies du sieur de Malleville. Paris, Nicolas Bessin. m. dc. lix.)


XIX



Tallemant des Réaux dit, dans son Historiette de Bassompierre :

« On croit qu’il estoit marié avec la princesse de Conty..... Il eut un fils de la princesse de Conty, qu’on a appelé la Tour-Bassompierre ; on croit qu’il l’eust reconnu s’il en eust eu le loisir. Ce la Tour estoit brave et bien fait. En un combat où il servoit de second, ayant affaire à un homme qui depuis quelques années estoit estropié du bras droit, mais qui avoit eu le loisir de s’accoustumer à se servir du bras gauche, il se laissa lier le bras droit et battit pourtant son homme. Il logeoit chez le mareschal ; depuis il est mort de maladie. » (T. III, p. 337 et 338.)

Goulas, dans ses mémoires encore inédits, après avoir fait l’éloge du maréchal de Bassompierre, ajoute :

« Néanmoins chascun le blasma de n’avoir donné aucun ordre a ses affaires, et d’avoir laissé un fils qu’il avoit eu de la princesse de Conty, des mieux faits et des plus braves de la cour, sans subsistance et sans establissement. »

Ce reproche paraîtra moins fondé si on consulte l’Inventaire du maréchal de Bassompierre, dans lequel on lit les mentions suivantes :

« La 8e (pièce) ecrite de la main dud. seigneur mareschal intitulée charges ordinaires de ma maison en l’année 1641 : Au sr de la Tour par an 1800 liv. »

« Plus y est un estat de la depense des hommes et chevaux de Mr de la Tour fait par led. de la Marre au dos duquel est un ecrit signé dud. de la Marre du 20e decembre 1645 contenant que led. seigneur mareschal luy a alloué la somme contenue aud. estat. »

François de la Tour mourut peu de temps après son père ; du moins ne vivait-il plus en 1652, comme on le voit par la pièce suivante :

« Exploit de saisie arrest a la requeste du sr du Monceau entre les mains du sr comte de Tillieres de ce que luy et sa femme peuvent avoir entre leurs mains appartenant au sr de Bassompierre, dont est extrait ce qui suit :

« L’an mil six cent cinquante deux, le deuxiesme jour d’aoust, par vertu de certaine sentence de nosseigneurs des requestes du pallais en date du dix septiesme may dernier et a la requeste de Mr Guillaume du Monceau consr du Roy, tresorier provincial de l’extraordinaire des guerres, en ayant droit par transport de Mr Michel Barbier, aussy consr du Roy, tresorier provincial de l’extraordinaire des guerres, Robert Legoix, marchand linger, bourgeois de Paris, et Louis Collard, aussy bourgeois de Paris, creanciers a la succession vacante de Mre François de la Tour de Bassompierre..... J’ay huissier aux requestes du pallais soubsigné, faulte de payement avoir esté fait par led. sieur de Bassompierre, j’ay saisi et arresté de par Le Roy, nostre sire, entre les mains de Mre Tenneguy le Veneur, chevalier, comte de Tillieres, et dame Catherine de Bassompierre, son espouse, tous et un chacun les deniers qu’ilz ont appartenant a feu Mre François de Bassompierre, vivant chevalier, seigneur de la Tour, et qui auroient esté deposez entre leurs mains par feu Mre François de Bassompierre, chevalier des ordres du Roy, mareschal de France..... »


XX



Dans le Repertoire du maréchal de Bassompierre (Bibl. Nat. Fonds Lat. 14225) on lit l’extrait suivant de la bulle impériale :

« Te igitur ob predicta, imperii principem non facimus, sed quippe e Clivia domo tot principum scaturigine oriundum unà cum omnibus a prefato Ulderico per masculinam lineam legitime descendentibus, naturæ privilegio, sanguinis nobilitate hereditatis que jure natum imperii principem declaramus, et ut in imperii comitiis pristino Cliviæ principum ordini restituaris volumus, jubemus, imperamus. »




LETTRES INÉDITES ET AUTOGRAPHES.


Dans son Repertoire (Bibl. Nat. Fonds Lat. 14225), le maréchal de Bassompierre a conservé un certain nombre de lettres, copiées de sa main, dont quelques-unes se rapportent à des faits racontés dans ses mémoires. Ces dernières sont reproduites ici, avec renvoi au texte.


I



« Monsieur, je me devrois contenter des frequentes importunités que vous recevés de ma niece de Beuvron sur le sujet de mes malheureuses affaires sans y adjouster encores celle de mes lettres ; mais la necessité ou je suis de remedier a mes dettes (quy sont depuis les quattre années de ma prison sy excessivement augmentées qu’elles me menassent d’une certaine ruine) me force de recourir à vous pour suplier tres humblement Sa Majesté de ma part de me voulloir continuer la mesme grace que sa bonté m’avoit desja accordée l’esté passé, de remettre ma charge de colonel general des Suisses entre les mains de quelque personnage quy luy soit agreable, capable d’y servir dignement, et de m’en donner aussy une honneste recompence, n’ayant autre moyen que celuy la de me garantir de mes creanciers. Je l’ay exercée vint et un an avesque honneur et gloire ; le roy m’a souvent tesmoygné d’en estre satisfait, et les Suisses ne m’ont pas seulement rendu une entiere obeissance, mais aussy des tres grandes preuves de leur affection, laquelle m’obligeroit (s’il m’ettoit permis de donner conseil a Sa Majesté) de confier cette charge entre les mains de quelque proche parent de Mr le cardinal, non seulement parce qu’il est important qu’elle soit possedée par une personne seure et affidée, mais aussy pour la satisfaction personnelle des Suisses, quy croyront lors estre puissemment assistés et protegés de l’autorité de Mr le cardinal. J’adjoute que cette consideration faciliteroit extremement une puissante levée de Suisses sy Sa Majesté en avoit un jour besoin. Ce n’est point flaterie ny adulation quy me le fait dire, mais l’ardente passion que j’ay au bien du service du roy, laquelle ne desperira jamais qu’avesques ma vie, quelque rude traitement que j’en puisse recevoir. Faites moy la faveur, Monsieur, d’appuyer ma requeste des raysons que vous croyrés y devoir estre adjoustées, et puisque la bonté et la facilité des personnes quy sont dans l’employ leur attire l’importunité des malheureux, souffrés, s’il vous plait, celle que vous fera parfois ma niece de Beuvron sur le sujet de ma liberté, que je souhaite particulierement pour vous pouvoir tesmoygner le recentiment des soins que vous avés de moy quy suis, Monsieur, etc. »

Cette lettre paraît devoir s’adresser au comte de Chavigny, qui s’intéressait vivement aux affaires du maréchal de Bassompierre, et qui était en même temps l’ami du cardinal de Richelieu.


II



« Monseigneur, Vostre Eminence sçait mieux que personne se que je suis, se que je vaus, et a quoy je suis propre ; son jugement est sy clair qu’il ne faut ny se deffendre, ny s’excuser, ny contrarier a rien de ce qu’il aura decidé : aussi n’ay je maintenant recours a sa bonté que pour la suplier tres humblement de ce ressouvenir des services que j’ay rendus a cet ettat, de ma longue detention et de mon immuable fidelité, m’asseurant que (sy Elle y fait reflexion) sa generosité ne permettra pas que j’acheve de viellir et mourir inutile en une sayson ou le plus chetif soldat de se royaume peut au moins servir de nombre. Les années de ma captivité (quy peuvent avoir changé mon visage) n’ont point changé l’extreme passion que j’ay toujours eue au service du roy, et les presentes occasions l’augmentent de telle sorte que je me tiendrois du tout indigne, je ne dis pas de l’honneur d’estre un des premiers officiers de sa couronne, mais de porter le nom de simple gentilhomme, et du moindre de ses sujets, sy je ne luy offrois de nouveau ma vie (que Sa Majesté et V. Em. sont fideles tesmoins que je n’ay jamais espargnée en la servant) pour estre employée sous l’honneur des commendemens de V. Em. en telle façon qu’il luy plaira la destiner, et sy par le passé quelqu’une de mes accions a despleu a V. Em. (dont je proteste n’avoir jamais eu le dessain) je luy en demande avec toute sorte de sommition les tres humbles pardons que ma faute merite, voulant esperer qu’elle sera touchée de la longue suitte de mes maux, et qu’elle me fera l’honneur de me rendre ses bonnes graces affin que je puisse passer le reste de mes jours et mourir avec la calité, Mr, etc. »


III



Monsieur, quand je n’aurois jamais eu aucune part en vos bonnes graces, ny mesme en vostre connoissance, celle que vous avés de mes grandes et longues peines seroit capable d’esmouvoir vostre charité a mon assistance. De trois maisons que j’avois, celle quy estoit en Alemaigne a esté bruslée par les Suédois, l’autre dont je porte le nom rasée par ordre du roy, et a celle quy me reste nommée Harouel (seule relique de trente mille escus de rente que mes peres m’avoint laissé) j’ay entretenu depuis quattre ans la garnison que S. M y a voulu establir, laquelle estoit suffisante pour la garder contre les surprises et coups de main, mais non contre le canon, n’ayant autre fortification que celle de ses fossés comme Lesigny, Fresne, ou Grosbois. On m’a donné avis que l’on voulloit faire desmolir quelques chasteaux en Lorraine, et que je devois prendre garde que le mien ne fut de ce nombre : c’est ce quy me fait adresser a vous, Monsieur, et vous suplier tres humblement de voulloir divertir ce dessain par vostre credit, et par vos remonstrances fondées sur tant de pertes que j’ay desja faites, sur l’extreme ruine que celle cy me causeroit, et sur le peu de necessité qu’il y a de me la faire souffrir, n’y ayant point d’aparence que les ennemis soint a l’avenir en ettat de tenir la campagne en Lorraine, ny d’y mener le canon, sans lequel ils ne sçauroint prendre ce chasteau, et contre lequel en suitte ils ne le sçauroint garder. Je ne desespere pas que la bonté de Son Eminence ne m’accorde cette grace, puisque mesme je ne veux pas cesser d’esperer que touchée de la compassion de mes longues miseres, elle ne me face bientost misericorde en me procurant ma liberté quy luy sera le reste de mes jours absolument asservie. Sy ce bien me peut arriver, Monsieur, j’auray un soin tres particulier de m’acquiter vers vous de toutes mes obligations passées, et de cette presente, quy me rendent parfaitement, Monsieur, etc. — Du 23me may 1638. »


IV



Lettre à M. d’Erlach.

« Monsieur, la mauvaise fortune ne cesse jamais de donner de nouvelles persecutions a ceux qu’elle à une fois commencé d’attaquer. Il s’est depuis peu trouvé des personnes assés malicieuses pour donner avis au roy qu’un gentilhomme nommé Scanevelle m’estoit venu trouver dans la Bastille, et qu’apres m’avoir fait diverses propositions, je l’avois envoyé vers vous a dessain de vous convier de ne mettre la ville de Brisac entre les mains de S. M qu’a condition de me faire sortir de prison. Cette calomnie est tellement impertinente, et sy contraire a ma probité, et a l’extreme passion que j’ay au bien du service du roy (de la pure grace duquel j’attans tout mon bien et ma liberté) qu’il semble qu’elle se confonde et destruise d’elle mesme. J’ay creu neammoins, Monsieur, estre obligé de vous advertir que je ne sçay quy est ce Scanevelle, et que je ne l’ay jamais veu, connu, ny pratiqué, affin que s’il vous a dit quelque chose de ma part, vous sachiés que c’est tres faucement, et qu’au contraire j’employerois de tout mon cœur toutes mes plus instantes prieres et persuasions a vous convier et conjurer par nostre amitié a vous conformer aux volontés du roy, et de luy donner toutes sortes de satisfactions en ce quy conserne Brisac, et que je crois vous donner ce conseil selon mon honneur, ma conscience et l’affection que je vous porte, et que c’est le plus conforme a l’utilité publique et a la vostre particuliere. Je vous suplie tres humblement, Monsieur, de me mender s’il est vray que Scanevelle vous aye parlé de moy, ou sy l’imposture est complette ; et de me vouloir conserver vostre affection quy m’est fort chere, vous asseurant de la mienne tres parfaitte et que je suis veritablement, Monsieur, vostre, etc. — Ce 21e d’aust 1639. »


1re lettre à M. des Noyers.

« Monsieur, sy Mr du Tremblay pour accreditter le discours qu’il m’a fait sur le sujet de Scanevelle ne m’eut quant et quant monstré la lettre qu’il en a receue du roy contresinnée de vous, il ne m’eut jamais persuadé que l’on eust peu donner un avis a S. M sy eslongné d’aparence et de verité, ny qu’elle l’eut receu avec quelque sorte de doute de mon extreme pation au bien de son service. J’attans depuis neuf années de la seule bonté du roy la liberté dont il m’a privé, n’ayant jamais pensé ny recherché aucun autre moyen de me la procurer, et moins l’intervention du colonel d’Erlach quy seroit honteuse a un homme de ma qualité, et contre mon devoir. Je vous suplie tres humblement, Monsieur, de me faire la faveur d’asseurer S. M et S. Em. de cette pure et naÿve verité, et que s’il se trouve que ce Scanevelle soit entré de mon sceu dans la Bastille, qu’il m’ait fait quelque proposition, ou mesme qu’il m’ait veu ou que depuis vint ans j’aye connu ou pratiqué aucun quy porte ce nom, ou bien que j’aye envoyé ce Scanevelle ou quelque autre personne au colonel d’Erlach, ou que je luy aye fait porter aucune parole d’affaire ou de compliment, je me declare coupable et criminel, et ne demande aucune grace, comme je suplie aussi en toute humilité S. M et S. Em. de me faire justice de l’auteur d’une sy lache et sy infame imposture, et de ce Scanevelle s’il a employé mon nom en quoy que ce soit. Je desire sy ardemment le progres et l’advencement des affaires du roy que (bien loin d’en retarder l’effet pour mon interest particulier) je voudrois y employer de bon cœur ma propre vie sy elle y ettoit utile, et S. M ne tarderoit gaire a estre pleinement satisfaite du colonel d’Erlach sy j’avois autant de pouvoir sur son esprit comme le mien seroit porté a l’y disposer. Je luy escris pour le desabuser, en cas que quelqu’un luy ait voulu faucement parler de ma part, et comme je ne puis ny ne dois aucun commerce avec un estranger, quy ne passe par vos mains, j’y depose ma lettre affin que vous en usiés selon que vous le jugerés pour le mieux, comme je vous en suplie tres humblement, Monsieur, et de me vouloir conserver la part en vos bonnes graces que j’y ay autrefois possedée comme vostre, etc. — 1639. 22me d’aust. »


2e lettre à M. des Noyers.

« Monsieur, la lettre que je vous escrivis avant hier vous desclara sinserement ce que je sçavois sur le sujet de Scanevelle : je vous diray par celle cy ce que j’en viens d’aprendre, quy est que le dit Scanevelle vint trouver il y a quelques jours le sieur de l’Espinay tresorier des menus, quy prend quelque soin de mes chetives affaires, (lequel depuis deux mois je n’ay peu voir a cause d’une paralisie quy le tient au lit) et luy dit qu’il avoit esté nourry mon page, (ce quy est vray, mais son pere vivant allors il avoit un autre nom) et qu’il s’en alloit en l’armée du feu duc de Weimark ou il avoit quelque charge, auquel lieu, s’il m’y pouvoit rendre quelque bon servisse suyvant les faux bruits quy couroint icy de ma liberté, qu’il le feroit avec grande affection en reconnoissance de la nourriture que je luy avois donnée, dont ledit L'Espinay le remersia. Voyla, Monsieur, la seule chose quy jusques a maintenant est venue a ma connoissance. Le roy pourra faire interroger ledit Scanevelle et sçavoir de luy s’il a eu quelque conference avec moy verbale ou par eserit, ou sy mesme il m’a veu depuis vint ans qu'il est hors de page ; ce que je vous mende naÿvement, Monsieur, comme je le viens d’aprendre en la presence de Mr du Tramblay, comme je feray aussy tout ce que je pourray sçavoir a l’advenir, vous suppliant tres humblement d'en asseurer le roy et S. Em., comme de la parfaite passion que j’ay a leur tres humble service, et de me croyre asseurement, Monsieur, vostre, etc. — Ce 24me d'aust 1639. »





fin de l'appendice.

  1. Belgarde.
  2. La Reyne, Conty, Cheuvreuse.