Joyeusetés galantes et autres/''LA SULTANE ROZRÉA''
LA SULTANE ROZRÉA
.....Le vent soufflait dans les orangers, et il
sentait bon.
I
— « Giaour, dit la sultane, en lui lavant à l’eau de rose la verge qu’il avait fort belle et démesurément longue, giaour, ton gland est arrondi et vermeil comme la coupole des mosquées au soleil couchant ! »
Et elle le lui essuya avec l’organe de la parole.
Après les spasmes d’une jouissance sans mélange, le maréchal des logis Corbineau se tortilla négligemment la moustache :
— « J’ai senti bien des langues dans ma vie, exclama-t-il, mais, c’est égal, je suis esbrouffé ! »
.....Le vent soufflait dans les orangers, et il sentait bon.
II
Le petit nègre d’Éthiopie souleva la portière de brocart à franges d’or ; il était vêtu d’un tablier blanc, pas plus grand que la main, et portait des tchiboucks à bouquins d’ambre, ronds et laiteux ; d’un sachet brodé de perles, il tira le latakieh dont les brins sont fins comme les cheveux, et roux comme les poils du veau.
— « J’aime autant le caporal, dit le maréchal des logis Corbineau, en se tortillant négligemment la moustache, mais, c’est égal, je suis esbrrouffé ! ! »
.....Le vent soufflait dans les orangers, et il sentait bon.
III
La sultane Rozréa détacha de la muraille sa viole à trois cordes, et commença de battre un refrain lent et cadencé.
Elle chanta :
Auprès des rivages du Phase,
Aux pieds du sourcilleux Caucase,
J’ai vu le jour ;
Chaude fille de Géorgie,
Je n’ai de goût que pour l’orgie,
Et pour l’amour !
À peine ma toison se frise,
Je tache à peine ma chemise,
Car j’ai quinze ans.
Et déjà, de ses lèvres fines,
Mon con serra les quinze pines
De quinze amants !
Oui, cette imperceptible fente
Huma de semence écumante
Plus d’un tonneau.
Mais aujourd’hui c’est toi que j’aime !
Viens ! et tu seras le seizième !
Mon Corbineau !
— « J’aime autant la chanson de la mère Camus dit le maréchal des logis Corbineau, en se tortillant négligemment la moustache, mais, c’est égal, je suis esbrrrouffé ! ! ! »
.....Le vent soufflait dans les orangers, et il sentait bon.
IV
— « Décousez le sac ! » dit le capitan-pacha.
On décousit le sac, et la sultane Rozréa apparut, pâle, échevelée, et tournant vers Corbineau un œil éteint.
— « Corbineau, murmura-t-elle, c’est toi seul que j’aime ! ! »
— « Recousez le sac, dit le capitan-pacha, et à l’eau ! »
.....Le Bosphore tournoya en cercles infinis.
— « L’eau n’est pas très froide pour la saison, dit le maréchal des logis Corbineau, en se tortillant négligemment la moustache, mais, c’est égal, je suis esbrrrrouffé ! ! ! ! »
.....Le vent soufflait dans les orangers, et il sentait bon.
V
— « Emmenez ce chien, et asseyez-le où vous savez ! » dit le capitan-pacha.
Les chefs des eunuques, Abou-Gastrah et San-Kouyoku, bondirent comme des tigres vers Corbineau ; mais l’un d’eux s’étant embarrassé dans ses jupes battantes, celui-ci profita de l’occaz pour risquer un œil sous les vêtements de l’esclave. Il vit deux cuisses maigres et pelées, et quelque chose de flasque, au milieu, qui pendait.
— « J’ai vu de fiers clitoris dans ma vie, dit le maréchal des logis Corbineau, en se tortillant négligemment la moustache, mais c’est égal, je suis esbrrrrrouffé ! ! ! ! !»
.....Le vent soufflait dans les orangers, et il sentait bon.
VI
Sur la place publique se dressait une longue tige de fer, en manière de paratonnerre ; on l’aimanta de Corbineau.
Quand la pointe entra, il fit la grimace…
Quand elle sortit, il cria : « Nom de Dieu ! » et tourna la tête pour voir…
Eunuques et icoglans avaient disparu.
Il ne restait que le capitan-pacha, lequel se grattait le cul d’un geste ironique, et souriait jaune.
— « J’avais prêté mon anus à bien des usages, dit le maréchal des logis Corbineau en se tortillant négligemment la moustache, mais, c’est égal, je suis esbrrrrrr… »
Et il claqua.
.....Le vent soufflait dans les orangers, et il sentait bon.