Joyeusetés galantes et autres/L’Honnête Scrupule

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Joyeusetés galantes et autresA l’Enseigne du Beau Triorchis (Mlle Doucé) (p. 159-161).

L’HONNÊTE SCRUPULE

Et vous ne voyez plus Durand ?
— Oh ! plus du tout !
— Pour quelle cause ?
Il vous a donc fait quelque chose
D’effroyable, et son crime est grand ?
— Très grand.
— Vous étiez, ce me semble,
L’an dernier encor très amis ;

On vous voyait toujours ensemble.
— Autant qu’il peut être permis
D’être amis, nous l’étions. Quel être !
Toujours joueur, toujours dispos,
Tenant mille amusants propos.
Rien que son aspect faisait naître
La gaîté. Quel esprit charmant !
Des farces, des plaisanteries
Nouvelles à chaque moment !
Quelles inventions nourries
De malice et de bonne humeur !
Un jour je faisais ma toilette,
Quand, à pas de loup, mon farceur
Vient, et sa main à l’aveuglette
Prend mon nœud. Je dis : Finis donc,
Imbécile, ça me chatouille.
Il secoue, et dingdong ! dingdong !
Je sens ma pine qui se mouille…
Avons-nous ri ! ! !
— Bah !
— Chaque jour
Amenait quelque nouveau tour,
Écoutez : j’étais en chemise
Dans ma chambre (il venait souvent

À l’heure du soleil levant,
Alors que notre âme se grise
Du parfum humide des fleurs.
Il entre comme d’habitude ;
Sur mon cul je sens les rondeurs
De ses deux couilles au poil rude ;
Puis, brusquement, criant : Coucou !
Il met sa pine dans ma fesse.
Je riais, je vous le confesse,
Jusqu’aux larmes, de voir ce fou
Pousser et repousser son membre,
En se tortillant par la chambre,
Bref, il décharge dans mon cu.
— Mais ce qu’il a fait est donc grave ?
Car enfin, lorsqu’on a vécu
De la sorte, on devient esclave
D’un ami pareil.
— En effet ;
Mais nous avons rompu. Nous sommes
Brouillés à mort.
— Qu’a-t-il donc fait ?
— On m’a dit qu’il était pour hommes !