L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789/II/IV

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CHAPITRE IV

DE LA CONDITION MATÉRIELLE DES ESCLAVES


« Il répugne à toute idée supérieure de l’humanité d’envisager la personne tout entière uniquement comme un instrument destiné à servir aux besoins d’autrui. » (G. Roscher, Principes d’économie politique, I, 4.)


I. — Les esclaves ne sont guère que des corps, des instruments de travail. — Aucune réglementation de leur travail, sauf pour les dimanches et fêtes. — Nègres employés à la culture, aux sucreries ; nègres ouvriers, domestiques.
II. — Pas de prescriptions relatives au logement des esclaves. — Cases des nègres.
III. — Nourriture des esclaves. — Obligations légales des maîtres à ce sujet. — Elles paraissent mal conçues en principe. — Leur Insuffisance dans la pratique. — La question du samedi. — Mesures vainement multipliées pour contraindre les maîtres à s’adonner aux cultures vivrières.
IV. — Vêtements. — Escla\es peu ou point habillés par leurs maîtres, sauf les domestiques. — Amour des nègres pour la toilette. — Règlement sur le luxe des esclaves. — Leurs divertissements, en particulier la danse.
V. — Malades, infirmes, vieillards doivent être soignés par les maîtres. — Maladies auxquelles les nègres sont plus spécialement sujets. — Les avortements. — Mortalité considérable.
VI. — Arguments tirés de la condition des nègres pour défendre l’esclavage. — Mémoire de Malouet sur cette question. — Amélioration relative du sort des esclaves vers la fin du xviiie siècle. Ordonnance de 1786. — En fait, leur situation est toujours restée misérable.


I

Dans l’homme, ce qui importe le plus, c’est la vie intellectuelle et morale : le développement qu’elle atteint chez les individus pris d’abord isolément, puis dans l’ensemble, sert à mesurer le degré de civilisation auquel une société est parvenue. Or, nous venons de le voir, ce côté de l’existence fut à peu près nul pour les esclaves. Il n’y a pour eux que le domaine des sens. Malgré l’hypocrisie officielle des lois et règlements faits pour assurer leur salut, ils furent en somme uniquement ce qu’ils étaient dans l’antiquité, c’est-à-dire des corps (σώματα). Plus d’homme moral, partant plus de personnalité. Il ne reste qu’une machine vivante dont il importe de tirer le plus de rendement possible. Il faut l’entretenir, la régler, empêcher seulement qu’elle ne s’arrête ou qu’elle ne fasse explosion, j’entends par là que la matière animée, surmenée et comme surchauffée, ne tourne ses forces contre son conducteur. Examinons donc comment se fit dans la pratique cette exploitation.

Nous ne suivrons pas ici l’ordre adopté par le Code Noir, parce qu’il nous paraît plus logique de rapprocher les articles 15 à 21, qui traitent de la police des esclaves, des articles 32 à 43, dans lesquels il est question de la manière dont ils sont jugés et châtiés pour les différents délits commis par eux.

L’esclave est surtout un instrument de travail. Sauf la garantie que lui assure l’article 6 du Code Noir, de ne pas travailler les dimanches et jours de fêtes, rien n’est réglementé pour lui à cet égard. Il dépend uniquement de l’arbitraire de son maître, qui a le droit d’user de lui jusqu’à l’extrême limite de ses forces. « Si le travail, dit P. Du Tertre[1], auquel Dieu engagea le premier homme, est un châtiment de sa rébellion, et si la justice vengeresse y a tellement obligé les malheureux enfants de ce père que Job assure qu’il ne leur est pas moins naturel que le vol à l’oiseau, on peut dire que les nègres souffrent la plus rigoureuse peine de cette révolte. » Or, ne l’oublions pas, c’étaient des êtres habitués la plupart du temps à vivre d’une vie libre et nonchalante, que les Européens contraignirent aux labeurs les plus pénibles exécutés sans relâche. Assurément les plus à plaindre étaient les nouveaux venus ; car, par la suite, les nègres créoles étaient façonnés de bonne heure à la vie laborieuse. Pour la culture de la canne à sucre ou du tabac, les nègres étaient aux champs depuis le lever du soleil jusqu’à la fin du jour, sans autre répit que le temps nécessaire pour absorber leur nourriture. Leur énergie était sans cesse ranimée par le fouet du commandeur. « On ne leur laisse que trois ou quatre heures pour dormir, surtout au moment de la saison du petun[2]. » Encore ceux-là n’étaient-ils pas les plus malheureux ; ceux qui souffraient le plus étaient sûrement ceux qu’on employait à la fabrication du sucre. C’est le P. Labat qui nous fournit les details les plus complets sur cette fabrication, ainsi que sur la culture de la canne[3]. Les cannes récoltées sont d’abord broyées par les moulins à sucre. Ce sont des négresses qui sont chargées de les mettre en rouleaux. Or, pour peu qu’elles avancent trop la main à l’endroit où les tambours se touchent, elles sont entraînées et le plus souvent écrasées. Ces accidents se produisent surtout la nuit. Dans certains cas, on a tout au plus le temps de couper la main ou le bras de la victime[4]. On a soin d’obliger les nègres et les négresses à fumer et à chanter pour les empêcher de succomber au sommeil ; sinon, en écumant les chaudières, ils peuvent tomber dedans. Ils peinent, en effet, dix-huit heures sur vingt-quatre. « Sur les six heures qu’ils ont en deux fois pour dormir, il faut qu’ils en ôtent le temps de leur souper et souvent celui d’aller chercher des crabes pour se nourrir. » Le lever a lieu une demi-heure avant le jour. On fait la prière et, dans les maisons bien réglées, il y a même un petit catéchisme. Quelques maîtres donnent alors un peu d’eau-de-vie, mais c’est l’exception. Les nègres qui entrent au service des fourneaux de la sucrerie y restent sans sortir jusqu’à six heures du soir. Ils doivent s’arranger pour manger sans que le travail soit interrompu.

Il est juste de mentionner que les nègres employés comme ouvriers à diverses petites industries et surtout comme domestiques, ainsi que les négresses occupées aux travaux du ménage ou servant de nourrices, avaient une existence infiniment moins dure. Mais ceux-là étaient en petit nombre.



II

En compensation du labeur de forçat imposé à la plupart, que leur est-il dû ? Juste l’indispensable pour vivre, et encore, dans bien des cas, ne le leur donne-t-on pas.

Remarquons d’abord qu’il n’est nullement question, ni dans le Code Noir, ni dans aucun autre règlement, de la manière dont les esclaves doivent être logés. C’est pourtant une question assez importante. Comme on l’a dit, « cette obligation ne peut être considérée que comme résultant implicitement de celle de nourrir, vêtir et entretenir les esclaves en santé comme en maladie[5] ». Les renseignements que nous trouvons à cet égard nous sont encore fournis par le P. Du Tertre, par le P. Labat et par Moreau de Saint-Méry, qui tous trois ont vu les choses de près. Nous ne recourrons pas aux témoignages postérieurs, qui dépasseraient l’époque à laquelle nous devons nous arrêter. Contentons-nous simplement d’indiquer qu’à partir de la fin du xviiie siècle ce côté de la condition matérielle des esclaves s’améliora dans une certaine mesure, comme les autres[6], en vertu du progrès des idées d’humanité. Mais voici ce qui en était au début.

Le § vii du tome II du P. Du Tertre (pp. 517 et suiv.) est intitulé : Des cases des nègres et du petit ménage qu’ils font pour s’entretenir.

L’auteur nous indique en premier lieu que, « pour éviter la mauvaise odeur qu’exhalent leurs corps, on les place toujours au-dessous du vent du logis de leurs maîtres ». Le P. Labat (IV, 211) nous donne aussi une autre raison de cette précaution : c’est à cause du feu qui se met assez fréquemment dans les cases, et qui ainsi risque moins d’atteindre la maison des maîtres ou les autres bâtiments. En effet, les nègres entretiennent du feu jour et nuit dans leurs cases. Elles ne sont, d’ailleurs, jamais très loin du corps de logis principal, afin qu’on puisse à tout instant les surveiller.

« Chaque nègre qui n’est point marié a sa petite case à part ; l’homme et la femme n’en ont qu’une pour eux deux et pour leurs petits enfants ; mais, dès qu’ils sont grands, le père a soin de leur en bâtir quelqu’une proche de la sienne. » (Du Tertre.) Ces cases « n’ont guère plus de 10 pieds de longueur sur 6 de large et 10 ou 12 de haut ; elles sont composées de quatre fourches qui en font les quatre coins et de deux autres plus élevées, qui appuient la couverture qui n’est que de roseaux, que la plupart font descendre jusques au pied de terre. » Au lieu de roseaux, ils les palissadent souvent avec de gros pieux se touchant les uns les autres, « si bien que leurs cases sont closes comme une boîte ». C’est par crainte du vent, car ils n’y sont que pendant la nuit, et les nuits sont extrêmement froides. Le jour n’entre que par la porte, qui est de 5 pieds de haut.

« Tous les esclaves d’une même famille bâtissent leurs cases en un même lieu, en sorte néanmoins qu’ils laissent 10 ou 12 pas de distance » ; ils les placent en cercle de manière à faire comme une espèce de place au milieu. « M. le général de Poincy, qui en avait 7 à 800, avait fait entourer leur quartier de murailles et leur avait fait bâtir des cellules de pierre et de brique. Ce quartier s’appelait la ville d’Angole ; mais, une partie ayant été détruite par le feu, depuis ils se sont bâtis comme les autres. »

« Leur lit fait peur à voir, et il n’y a personne qui ne le crût plus propre à faire souffrir un corps qu’à lui procurer le repos nécessaire pour réparer les forces. Ce lit est composé de branches d’arbres entrelacées en forme de claie et élevé de 3 pied de terre sur quatre gros bâtons ; mais il n’y a ni draps, ni paillasse, ni couverture. Quelques feuilles de baliziers[7], dont ils ôtent la grosse côte, leur servent de paillasse, et ils se couvrent de quelques méchants haillons pour se garantir du froid, qui leur est d’autant plus pénible pendant la nuit qu’ils ont eu pendant tout le jour les pores ouverts par la chaleur extrême où ils sont exposés en travaillant. » Les seuls objets que l’on trouve, d’ailleurs, dans leurs cases, sont quelques calebasses.

Assurément il n’y a pas lieu de s’attendrir outre mesure sur ce manque de confortable ; car, dans leur pays d’origine, les nègres n’étaient guère mieux sous ce rapport, et ils ne s’en trouvaient pas trop mal.



III

Ce qui avait pour eux plus d’importance, c’était la nourriture. À ce point de vue non plus ils n’auraient pas été trop malheureux, si l’on s’en rapportait aux ordonnances. Avant le Code Noir, il ne semble pas que rien ait été déterminé d’une manière précise à ce sujet, car, s’il est ordonné à plusieurs reprises de nourrir les nègres, on ne dit pas comment. Dès le 13 juillet 1648, une ordonnance du gouverneur de la Martinique[8] prescrit aux habitants « de planter et cultiver des vivres » pour assurer la nourriture des esclaves, et aux officiers des milices d’y veiller et d’en rendre compte. Nous lisons dans Du Tertre (II, 515 à 520) que, de bonne heure, certains Français, pour se soustraire à cette obligation, voulurent imiter le système pratiqué par des Hollandais qui, chassés du Récif, étaient venus s’établir à la Martinique et à la Guadeloupe, et gouvernaient leurs esclaves « à la façon du Brésil », c’est-à-dire, au lieu de leur fournir nourriture et habits, leur laissaient le samedi libre et une certaine quantité de terre pour travailler. Les nègres plantaient des pois, des patates, du manioc, et particulièrement des ignames, « qu’ils aiment sur toutes choses ». Les femmes cultivaient des herbes potagères, des concombres, des melons de toute sorte et des giraumons, que les hommes allaient « vendre au marché, les dimanches et les fêtes, entre les deux messes ». Le produit devait leur servir, à l’occasion, à acheter de la viande et du poisson. Cependant, comme ils n’étaient pas aussi bien « stylés à ce petit ménage » que ceux du Brésil, ils étaient contraints de voler. Il paraît n’y avoir eu de suffisamment nourris que les esclaves chargés de faire cuire le sucre. Aussi jugea-t-on utile de réglementer le régime alimentaire par le Code Noir. L’article 22 est ainsi conçu : « Seront tenus les maîtres de faire fournir, par chacune semaine, à leurs esclaves âgés de dix ans et au-dessus, pour leur nourriture, deux pots et demi, mesure de Paris, de farine de manioc, ou trois cassaves pesant chacune 2 livres et demie au moins, ou choses équivalentes, avec 2 livres de bœuf salé, ou 3 livres de poisson, ou autres choses à proportion ; et aux enfants, depuis qu’ils sont sevrés jusqu’à l’âge de dix ans, la moitié des vivres ci-dessus. » L’article 23 interdit de donner à la place de l’eau-de-vie de canne ou guildive, et l’article 24 d’accorder aux esclaves un jour de liberté en remplacement de la nourriture.

Ces prescriptions sont conformes aux Mémoires qui ont servi à préparer le Code Noir. Des notes mises en marge du mémoire de Patoulet nous indiquent que c’était l’avis des trois Conseils souverains des îles, qui avaient pu constater les abus. Cet intendant écrit, en outre : « De cette ordonnance il en arrivera deux choses, l’une la conservation des esclaves, et l’autre le repos des peuples qui sont fatigués et même la plupart ruinés par le vol et le pillage qu’ils souffrent des esclaves qui, ne recevant pas de nourriture des patrons, en cherchent partout et n’en peuvent trouver. » Il fallait donc que la situation fût déjà bien mauvaise pour que le représentant du roi s’exprimât ainsi. Nous allons voir quelles difficultés on eut à obtenir que les règlements fussent suivis à cet égard.

Mais, auparavant, nous ferons observer qu’il est singulier qu’on ait songé à fournir les esclaves de vivres pour une semaine. N’était-ce pas, en principe, un premier inconvénient, vu l’imprévoyance des nègres, qui étaient la plupart du temps incapables de calculer ce qu’ils pouvaient manger chaque jour pour atteindre la fin de la semaine en gardant encore une partie de leurs provisions ? De là sans doute une inégalité de régime, excès un jour, privation le lendemain, très mauvaise au point de vue hygiénique, surtout pour des gens astreints à un travail régulier des plus rudes. Mais leur distribuer leur ration chaque jour avait probablement paru trop compliqué. Il l’eût été encore davantage, ou plutôt les maîtres auraient considéré comme trop onéreux de faire préparer dans chaque habitation la nourriture pour tous. Et pourtant cela n’eût-il pas mieux valu à la fois pour les uns et pour les autres ? Les nègres, occupés tout le temps, étaient à peu près dans l’impossibilité de faire une cuisine quelconque, et ils devaient en être réduits à absorber la plupart de leurs aliments sans préparation. Qu’on ne s’étonne pas de nous voir insister sur ce côté de la vie matérielle des esclaves. C’est, en effet, en grande partie parce qu’il ne tint jamais une place suffisante dans les préoccupations des propriétaires que la mortalité devint si grande parmi les nègres. L’insouciante inhumanité des maîtres fut un déplorable calcul. En admettant même que les distributions d’aliments eussent été absolument régulières, qu’on songe aussi à ce régime exclusif de bœuf salé et de poisson, qui était la plupart du temps de la morue de conserve ; de boisson autre que l’eau il n’est évidemment pas question, sauf parfois pour ceux qui sont occupés aux sucreries. Cette nourriture échauffante et peu réparatrice n’était déjà nullement en rapport avec la somme de labeur exigée de ces malheureux. Or nous constatons que, dans la pratique, les maîtres ne leur donnent même pas les rations obligatoires. Ce manque de nourriture fut une des causes les plus fréquentes du marronage des nègres.

Après le Code Noir, les ordonnances, déclarations, édits, règlements, arrêtés promulgués pour assurer la nourriture des nègres sont innombrables. Ces mesures se répètent à chaque instant, ce qui est la meilleure preuve qu’elles n’étaient pas observées. Il serait évidemment sans intérêt de les rappeler toutes. Aussi nous contenterons-nous d’analyser les documents qui nous fournissent quelques indications particulières.

Le 2 janvier 1696, un arrêt du Conseil supérieur de la Guadeloupe[9] réitère la défense d’accorder aux nègres le samedi au lieu de les nourrir et vêtir. Le 3 mai 1706, un règlement du Conseil de Léogane[10] ordonne qu’il sera planté « 150 pieds de manioc par chaque tête de nègres depuis l’âge de dix ans jusqu’à soixante, et 10 pieds de bananiers » ; de plus, « il sera fourni une fois l’an, ou dans deux récoltes, tous les ans, un baril de grains, soit pois, maïs ou mil par tête desdits nègres, sans que cela puisse diminuer les autres vivres qui sont ordinairement en terre, soit patates ou ignames, à peine aux contrevenants de 50 livres par chaque tête desdits nègres, qui ne seront pas fournis de la quantité de vivres susdits, et de 100 livres en cas de récidive ». Le 7 juin de la même année, le Conseil du Cap rend un arrêt[11], calqué sur le précédent, et, le 14 mars 1707, il en rend un autre[12] nommant des conseillers pour vérifier, avec des officiers de milice, si la quantité de vivres prescrite se trouve plantée sur les habitations. Le 2 mai 1707[13], le Conseil de Léogane nomme deux conseillers commissaires pour liquider les amendes dues par les contrevenants à l’arrêt qui ordonne de planter des vivres. À la Martinique aussi, une ordonnance des administrateurs, du 1er janvier 1707[14], constate que le Code Noir est mal observé et défend de donner du tafia, des sols marqués, ni aucun jour de la semaine aux esclaves pour leur tenir lieu de subsistance. À la Guyane, les habitants traitent avec une grande dureté leurs esclaves. Ils leur donnent l’après-midi du samedi pour remplacer la nourriture, ce qui les oblige à travailler le dimanche ou à voler. Certains qui, « par les infirmités ou par leur paresse, prennent ces jours pour se reposer, dépérissent insensiblement faute de subsistance[15] ». Sa Majesté veut que le Code Noir soit exécuté.

Une ordonnance du roi, du 6 décembre 1723[16], porte amende contre les capitaines et les habitants, lorsque les dénombrements des vivres auxquels ils auront assisté ne se trouveront pas justes. Il est prescrit d’avoir 500 fosses de manioc par tête de domestique blanc ou noir (art. 1er). La vérification sera faite chaque année en décembre par le capitaine des milices de chaque quartier, accompagné de 4 habitants nommés par les général et intendant (art. 2). Chaque contrevenant sera frappé d’une amende de 500 livres.

Le 10 juillet 1731, le Ministre écrit à M. de la Chapelle[17] : « J’ai vu ce que vous me marquez au sujet de l’abus qui s’est glissé dans la colonie de donner le samedi aux esclaves. Il faut distinguer les maîtres qui ne le leur donnent que par gratification et pour leur procurer le moyen de nourrir leurs enfants, comme M. le marquis de Sennectere assure qu’il le fait. À l’égard des premiers, l’intention du roi est qu’on fasse exécuter contre eux les ordonnances, qui leur défendent d’en user ainsi ; mais, à l’égard des autres, ils méritent qu’on les excepte de la règle et qu’on en tempère la rigueur en leur faveur. » Cette lettre nous fait voir qu’à la vérité il y avait des maîtres humains, mais aussi qu’il fallait rappeler le plus grand nombre à l’exécution de leurs devoirs. Les Conseils, chargés d’appliquer les règlements, se composaient de propriétaires qui pouvaient n’être pas eux-mêmes toujours exempts de reproches. En fait, on trouve rarement la trace de condamnations frappant les maîtres pour un pareil délit. Nous en avons noté une à la date du 6 novembre 1736[18], prononcée par le Conseil supérieur de la Guadeloupe contre un habitant qui avait accordé le samedi à ses nègres au lieu de les nourrir ; ce fut sur la plainte d’un nègre qui, pris en marronage, avait donné ce motif de son évasion. Mais il fallait que la vérité de telles plaintes éclatât bien à tous les yeux pour qu’on se décidât à en tenir compte. Nous voyons, en effet, d’autre part, par une lettre du Ministre à l’intendant de la Martinique[19], du 3 octobre 1738, que, des nègres s’étant plaints de la mauvaise nourriture, leurs plaintes ont été jugées sans fondement. La garantie accordée par l’article 26 du Code Noir, qui permettait aux esclaves de s’adresser au procureur général et « mettre leurs mémoires entre ses mains », était purement illusoire. Quant aux poursuites d’office, elles n’avaient jamais lieu.

Le 1er décembre 1736, les général et intendant de la Martinique promulguent une ordonnance[20] enjoignant de planter 25 bananiers par tête de nègre et de laisser après la première récolte 50 rejetons par chaque tête (art. 1). Dix sols d’amende par chaque pied qui manquera et, en cas de récidive, deux mois de prison (art. 7). Le mal s’étend partout, car on tâche de prendre des mesures générales. Ainsi, le 19 août 1761, le gouverneur général des îles constate dans une ordonnance[21] que les mesures multipliées à ce sujet n’ont pas eu l’effet qu’elles devaient produire. Or il ne s’agit plus seulement de la subsistance des nègres, mais même de celle des habitants qui, dans le cours de la guerre, ayant manqué des secours du commerce de France, ont dû recourir à l’étranger et tomberaient à l’avenir sous sa dépendance. En conséquence, les habitants devront avoir sur leurs habitations le tiers en sus de la quantité de vivres plantés qui se trouvent par eux déclarés, plus la quantité nécessaire de grains qui sont plus propres à se conserver. Autre ordonnance des administrateurs, du 10 octobre 1762[22] : elle en rappelle une du 20 août précédent, qui avait réglé la formation de plusieurs magasins de grains dans les différents quartiers de la colonie ; mais la mesure a été reconnue insuffisante. C’est pourquoi, désormais, chaque habitant sera tenu de planter une quantité de terrain suffisante pour la subsistance de ses nègres pendant six mois, et les vivres devront être emmagasinés chez lui au 1er mai suivant (art. 1). Cette provision sera renouvelée tous les six mois, tant que la guerre durera (art. 2). De plus, chaque habitant ayant plus de 50 nègres aura un carreau de terre planté en manioc ; celui qui aura plus de 100 nègres, 2 carreaux, et ainsi de suite. Pendant la guerre de Sept Ans, le baril de manioc avait atteint le prix de 60 livres à la Martinique. Aussi reconnaît-on de plus en plus la nécessité de prendre des mesures efficaces. Mais on n’y parvient pas. En effet, le 10 novembre 1763, le Conseil supérieur se voit obligé de prendre un arrêté[23] pour surseoir à l’exécution d’un règlement préparé à cet effet. Il y est dit : « Quoique les inconvénients qui résultent des abus que la Cour se proposait de réformer par le règlement soient très grands et tels qu’ils tendent à la perte nécessaire de la colonie, cette réformation ne paraît pas cependant pouvoir convenir ni s’accorder avec les circonstances actuelles. » Ledit règlement est cependant promulgué le 2 juillet 1765 par un autre arrêt du même Conseil[24]. Il enjoint aux propriétaires d’avoir 500 fosses de manioc par tête de nègre payant la capitation ; si les terres sont impropres à la culture du manioc, on y suppléera par des plantations de riz, de bananes ou de patates, que le pays produit abondamment.

Malgré ces précautions, les nègres continuèrent sans cesse à être mal nourris. Dès que la guerre survenait et que les arrivages de France étaient suspendus, c’étaient les maîtres eux-mêmes qui risquaient d’être pris par la famine. Un arrêt du Conseil supérieur de la Guadeloupe, du 14 janvier 1784[25], témoigne aux administrateurs le désir de voir s’établir dans la colonie une classe d’habitants vivriers, qui auraient pour unique but la culture des vivres et l’entretien des bestiaux, surtout pour parer aux nécessités pouvant résulter de la guerre. Comment se fait-il qu’on n’ait pas songé plus tôt à recourir à ce moyen ? Comment même ne le mit-on pas au moins alors en pratique ? C’est ce qu’il est difficile de s’expliquer, sinon par nous ne savons quelle insouciance des colons habitués à vivre au jour le jour ? L’auteur d’un Mémoire relatif à la Guyane[26], Préville, signale cette impossibilité qu’il y a de déterminer les habitants à cultiver assez de vivres. Dessalles[27] constate, lui aussi, que presque tous les habitants, surtout les cultivateurs de café, aiment mieux donner le samedi à leurs esclaves que les nourrir. « Les esclaves préfèrent cette méthode, parce qu’alors ils se jettent sur les plantations des nègres attachés aux grandes sucreries, les pillent et les dévastent entièrement. » Or il est d’avis qu’il n’y a guère moyen de remédier à un pareil désordre.

En résumé, par quelle aberration les maîtres en arrivèrent-ils à pratiquer presque constamment ce système de ne pas nourrir leurs esclaves ? À supposer qu’un propriétaire comptât qu’ils vivraient ainsi aux dépens des voisins, ceux-ci faisaient naturellement le même raisonnement ; c’était donc l’organisation du pillage réciproque et forcé. Il semble, en vérité, que les colons aient tout fait pour inciter au mal ces natures originairement plus frustes que perverses. Et plus tard certains esclavagistes eurent beau jeu à venir dire : « Que voulez-vous faire de ces bêtes brutes qui à la stupidité de l’animal joignent la méchanceté ? » Nous sommes obligés de reconnaître, hélas ! que le régime auquel ils furent soumis ne contribua pas peu à les rendre tels.



IV

La question des vêtements[28] avait moins d’importance, étant donné que le climat des Antilles permet de s’en dispenser ou à peu près. Aussi ceux que les maîtres fournissaient à leurs esclaves étaient-ils des plus sommaires. Du Tertre (II, 520) n’indique pour les hommes qu’un caleçon de grosse toile et un bonnet ; pour les femmes, une jupe ou cotte de toile, souvent assez courte, et rien sur la tête ; point de chausses ni de souliers pour les uns ni pour les autres. Les enfants restaient complètement nus jusqu’à quatre ou cinq ans. Le dimanche, les hommes portaient une chemise et un caleçon de couleur, avec un chapeau ; les femmes, une chemise et une jupe de toile blanche ou de serge rouge ou bleue.

Le Code Noir dit simplement (art. 25) : « Seront tenus les maîtres de fournir à chaque esclave, par chacun an, deux habits de toile ou quatre aunes de toile, au gré des maîtres. »

Puis, on ne semble plus s’être occupé de la question. Labat[29] écrit que les hommes portent un caleçon et une casaque, et les femmes, une jupe et une casaque. Les maîtres raisonnables se conforment aux prescriptions du Code Noir et fournissent deux rechanges complets par an. Mais il y en a qui ne donnent qu’un habit pour toute l’année ou ne renouvellent que les caleçons et les jupes ; d’autres profitent de la facilité de ne donner que de la toile et du fil.

Nous Voyons dans Dessalles (III, 299) que, de son temps, l’obligation relative aux vêtements n’est presque jamais exécutée, sous prétexte qu’elle serait trop coûteuse. Mais « le nègre industrieux sait bien se procurer, et au delà, les commodités de l’existence. » Comment s’arrangeait-il, puisque, d’après les règlements, l’esclave ne pouvait rien acquérir, rien posséder en propre (Cf. chap. v, au sujet du pécule) ? C’est que, de même que pour les mœurs, les prescriptions légales avaient beau être des plus sévères, presque toujours elles étaient enfreintes ; de même, et par un heureux effet ici, la rigueur de la loi était tempérée dans la pratique par la tolérance et parfois même la générosité des maîtres. Ou bien les esclaves profitaient du peu de temps qui leur était laissé libre pour cultiver des légumes et élever de la volaille, ainsi que nous l’avons indiqué, ou bien ils allaient soit à la chasse, soit à la pêche, et, si c’était pour le compte de leur maître, celui-ci était dans l’usage de leur laisser quelque chose de leur prise, surtout lorsqu’elle avait été fructueuse ; enfin les plus habiles s’ingéniaient à se faire bienvenir de leurs maîtres par de petits services particuliers, de petites attentions, même intéressées, qui leur étaient payées largement en retour. C’étaient principalement et presque uniquement les domestiques qui étaient ainsi à même de s’insinuer dans les bonnes grâces de leurs maîtres ; les nourrices surtout en profitaient pour elles et pour leurs enfants. Ne parlons pas de certains autres profits que les négresses réalisaient généralement quand elles avaient su plaire. Bref, il y avait pour les esclaves divers moyens de parvenir à avoir quelque chose ; et, l’argent qu’ils se procuraient, c’était particulièrement à leur toilette qu’ils le consacraient. « Leur plus grande ambition, c’est d’avoir de belles chemises et quelques galons à leur chapeau ; les femmes sont curieuses de jupes de belle toile blanche, qu’elles préfèrent à toutes les étoffes, comme plus capables de relever leur noirceur[30]. » Elles portent aussi des colliers et bracelets de rassade[31] blanche à quatre ou cinq rangs, avec rubans de couleur à leurs cheveux, leurs chemises, leurs jupes. « Autrefois il y avait des nègres à la Martinique qui, par un abus intolérable, portaient l’épée[32] ; » mais depuis, on ne leur a plus permis qu’un bâton. On reconnaît bien là l’esprit d’imitation si naturel à l’homme. De même, il y en avait qui attachaient leurs cheveux avec des fils de coton pour les rendre plus longs. Quelques-uns se rasaient la tête à la façon des religieux, ou par bandes ou en étoiles. Ceux d’Angola se tatouaient. Du Tertre appelle cela « une espèce de broderie » qui fait saillie ; car ils ignoraient l’art de marquer le dessin à fleur de peau seulement. Avant de connaître l’usage des chemises, ils s’oignaient le corps d’huile de palmiste, afin de paraître plus noirs ; par la suite, ils se bornèrent au visage.

La plupart de ces détails nous sont confirmés par Labat[33], chez qui nous constatons déjà les progrès du luxe des esclaves. Les dimanches et fêtes, « les hommes ont une belle chemise, avec des caleçons étroits de toile blanche, sur lesquels ils portent une caudale de quelque toile ou étoffe légère de couleur. Cette candale est une espèce de jupe très large qui ne va que jusqu’aux genoux, et même qui n’y arrive pas tout à fait. Elle est plissée par le haut et a une ceinture comme un caleçon, avec deux fentes ou ouvertures qui se ferment avec des rubans sur les hanches, à peu près comme on voit, en Italie et en France, ces laquais qu’on appelle des coureurs. Ils portent sur la chemise un petit pourpoint sans basques, qui laisse trois doigts de vide entre lui et la caudale, afin que la chemise qui bouffe paraisse davantage. Quand ils sont assez riches pour avoir des boutons d’argent, ou garnis de quelque pierre de couleur, ils en mettent aux poignets et au col de leurs chemises. À leur défaut, ils y mettent des rubans. Ils portent rarement des cravates et des justaucorps. Lorsqu’ils ont la tête couverte d’un chapeau, ils ont bonne mine ; ils sont ordinairement bien faits. Je n’ai jamais vu, dans tous les lieux de l’Amérique où j’ai été, aucun nègre qui fût bossu, boiteux, borgne, louche ou estropié de naissance. Lorsqu’ils sont jeunes, ils portent deux pendants d’oreille, comme les femmes ; mais, dès qu’ils sont mariés, ils n’en portent plus qu’un seul. — Les habitants qui veulent avoir des laquais en forme leur font faire des candales et des pourpoints de la couleur et avec les galons de leurs livrées, avec un turban au lieu de chapeau, des pendants d’oreille et un carquant d’argent avec leurs armes. — Les négresses portent ordinairement deux jupes, quand elles sont dans leurs habits de cérémonie. Celle de dessous est de couleur et celle de dessus est presque toujours de toile de coton blanche, fine, ou de mousseline. Elles ont un corset blanc à petites basques, ou de la couleur de leur jupe de dessous, avec une échelle de rubans. Elles portent des pendants d’oreille d’or ou d’argent, des bagues, des bracelets et des colliers de petite rassade à plusieurs tours, ou de perles fausses, avec une croix d’or ou d’argent. Le col de leur chemise, les manches et les fausses manches sont garnies de dentelles, et leur coiffure est de toile bien blanche, bien fine et à dentelle. Tout ceci doit s’entendre des nègres et négresses qui travaillent assez en leur particulier pour acheter toutes ces choses à leurs dépens. Car, excepté les laquais et les femmes de chambre, il s’en faut bien que les maîtres leur donnent tous ces habits et tous ces ajustements. Comme les négresses sont pour l’ordinaire fort bien faites, pour peu qu’elles soient bien habillées, elles ont fort bon air, surtout quand on est fait à leur couleur. Car pour ceux qui n’y sont pas accoutumés, ils doivent se contenter de les regarder par derrière ; autrement elles leur paraîtront justement comme des mouches dans du lait. »

Moreau de Saint-Méry[34] insiste assez longuement sur le luxe des vêtements de certains nègres esclaves : « … Tel nègre très petit-maître peut offrir sur lui une dépense qu’on ne payerait pas avec 10 louis de France, et souvent sa garde-robe en vaut 4 ou 5 fois autant. » Telle négresse met sur sa tête jusqu’à 10 à 12 mouchoirs superposés pour former un gros bonnet. « Quel luxe quand le moindre de ces douze mouchoirs coûte un demi-louis de France, et qu’on songe que celui de dessus ne pouvant être mis plus de huit jours, il faut avoir des suppléments !… On a vu des négresses qui avaient jusqu’à cent déshabillés, qu’on ne pouvait évaluer à moins de 2.000 écus de France… Ce n’est pas seulement dans les villes que le luxe des esclaves est très apparent. Dans plusieurs ateliers, celui qui a manié la houe ou les outils pendant toute la semaine fait sa toilette pour aller le dimanche à l’église ou au marché, et l’on aurait de la peine à le reconnaître sous ses vêtements fins. »

Ces citations nous montrent combien les nègres aimaient à se parer. Aussi dut-on faire des règlements sur le luxe des esclaves. En voici un des général et intendant de la Guadeloupe, du 4 juin 1720[35]. L’article 1er déclare que les mulâtres et Indiens, esclaves employés à la culture des terres, ne pourront être habillés que conformément au Code Noir, sous peine de prison et de confiscation. D’après l’article 2, les domestiques seront communément habillés ou de Vitré ou de Morlaix, ou de vieilles hardes équivalentes seulement de leurs maîtres ou maîtresses, avec colliers et pendants d’oreille de rassade ou argent, et pourpoint et candale de livrée, suivant la qualité desdits maîtres et maîtresses, avec chapeaux et bonnets, turbans et brésiliennes simples, sans dorures, ni dentelles, ni bijoux, ni pierreries, ni soie, ni rubans.

Mais il ne dut guère être tenu compte de ces prescriptions ; nous pouvons en juger par les détails rapportés dans un arrêt du Conseil supérieur de la Guadeloupe, du 2 septembre 1749[36], défendant de louer des boutiques ou logement quelconque aux nègres, même avec billet et permission de leurs maîtres. « Leurs habillements bien au-dessus de leur état, leur maintien hardi, insolent, les bijoux dont ils se parent, les festins, les bals qu’ils se donnent, les cabarets qu’ils fréquentent jour et nuit, le gros jeu qu’ils y jouent[37] ne sont que la plus petite partie des plaintes qu’il (le procureur général) est obligé de porter à la Cour. » Naturellement, pour satisfaire aux dépenses de ce luxe immodéré, il leur faut gagner de l’argent, et ils ne le peuvent que par la facilité que leur accordent les maîtres en les laissant libres de disposer de leur temps, moyennant une redevance ; nous aurons, du reste, à revenir sur cette question particulière (Cf. chap. v).

Bien entendu, ce serait une grave erreur que de généraliser ces faits ; ils restaient, malgré tout, exceptionnels et plutôt localisés dans les villes. Mais, indépendamment de l’assertion de Moreau de Saint-Méry que nous avons relatée, nous avons des documents qui nous prouvent qu’à la campagne aussi certains esclaves trouvaient le moyen de s’élever au-dessus de leur condition. Ainsi, une ordonnance du gouverneur de Saint-Domingue, du 1er août 1704[38], porte défense aux esclaves d’avoir des chevaux ; or, les chevaux étaient d’un prix assez élevé aux îles. « Quelques défenses, est-il dit, que l’on ait pu faire aux habitants de notre gouvernement de permettre à leurs esclaves d’avoir en propre des chevaux, de s’en servir et en faire commerce, il nous paraît trop visiblement, au préjudice de tout le public, qu’ils n’y font aucune attention, ce qui est cause que les vols de chevaux, les déguisements et les transports d’iceux d’un quartier à l’autre sont si fréquents qu’il nous en vient de toute part des plaintes, même de vols de brides et harnais. » Aussi les maîtres encourront-ils une amende de 300 livres s’ils tolèrent ces abus, et les chevaux et harnais seront confisqués. Il est à penser que, dans la plupart des cas, les maîtres qui accordaient ces autorisations exigeaient une redevance de leurs esclaves ou bien y trouvaient leur commodité. Leur fournir le moins possible, mais en revanche tirer d’eux le maximum, telle était la règle de conduite généralement appliquée.

Pourtant, il est impossible de refréner absolument la nature humaine, et il fallait bien aussi qu’à certains moments l’exubérance naturelle des nègres, contenue d’ordinaire avec tant de rigueur, pût se donner libre carrière. Nous avons vu qu’on avait dû interdire aux cabaretiers de leur donner à boire pendant les offices, parce qu’ils les troublaient souvent de leur tapage. La plupart du temps, ils consacraient l’après-midi du dimanche à des chants et à des danses, se prolongeant parfois jusqu’au lendemain matin, à l’heure du travail. Quand ils ne faisaient pas ces assemblées, ils allaient se rendre visite et se traitaient du mieux qu’ils pouvaient. C’est surtout, dit Du Tertre (II, 526-528) pour les baptêmes qu’ils se donnent de grandes fêtes ; « ils vendraient plutôt tout ce qu’ils ont qu’ils n’eussent de l’eau-de-vie pour solenniser leur naissance ». Ils se livrent aux mêmes réjouissances pour le mariage de leurs enfants ; seulement c’est alors aux dépens des maîtres qui les traitent. Et nous avons constaté combien les vrais mariages étaient rares.

Mais leur principale passion était la danse[39]. La plus ordinaire s’appelle le calenda. Elle est accompagnée de deux tambours, faits de morceaux de bois creux recouverts d’une peau de mouton ou de chèvre. Le plus court porte le nom de bamboula. « Sur chaque tambour est un nègre à califourchon, qui le frappe du poignet et des doigts, mais avec lenteur sur l’un et rapidement sur l’autre ». Nombre de nègres secouent en même temps de petites calebasses garnies de cailloux ou de graines de maïs. L’orchestre est parfois complété par le banza, « espèce de violon grossier à quatre cordes, que l’on pince. Les négresses, disposées en rond, règlent la mesure avec leurs battements de mains, et elles répondent en chœur à une ou deux chanteuses, dont la voix perçante répète ou improvise des chansons. » Le calenda est une danse vive et animée ; il est appelé chica à Saint-Domingue, congo à Cayenne, fandango en Espagne ; son caractère devient, suivant les endroits, extrêmement voluptueux et lascif.

Le vaudoux est une danse religieuse. Ce nom de Vaudoux est appliqué par les nègres à un être surnaturel, qu’ils se représentent sous la forme d’une couleuvre, dont un grand-prêtre ou une grande-prêtresse interprète les volontés. Les esclaves l’invoquent souvent pour lui demander de diriger l’esprit de leurs maîtres. Ils se livrent alors à des sortes de bacchanales, dans lesquelles, surexcités par les spiritueux, ils en arrivent à trembler violemment, à se mordre, et enfin à perdre tout sentiment. C’est dans les assemblées du vaudoux que se tramaient fréquemment les complots ; chaque nègre faisait le serment de ne rien révéler, sous les peines les plus terribles.

La danse à don Pèdre, qui ne date que de 1768, était encore plus violente ; il n’était pas rare de voir des nègres tomber morts, parce qu’ils avaient bu en grande quantité du tafia mélangé de poudre à canon écrasée.

À côté du tragique, voici le plaisant : « Les nègres domestiques, imitateurs des blancs qu’ils aiment à singer, dansent des menuets, des contredanses, et c’est un spectacle propre à dérider le visage le plus sérieux que celui d’un pareil bal, où la bizarrerie des ajustements européens prend un caractère parfois grotesque[40]. » Naturellement tout cela variait, et d’après l’origine même des esclaves et d’après leur condition. Comme le remarque encore Moreau de Saint-Méry[41], « les nègres de la côte d’Or, belliqueux, sanguinaires, accoutumés aux sacrifices humains, ne connaissent que des danses féroces comme eux ; tandis que le Congo, le Sénégalais et d’autres Africains, pâtres ou cultivateurs, aiment la danse comme un délassement, comme une source de voluptés ».

Citons encore la lutte parmi leurs amusements favoris. Ils feignaient des combats et prenaient différentes attitudes de vainqueurs et de vaincus. Ils faisaient en particulier preuve d’une adresse remarquable dans les jeux de bâton, et l’on en voyait se porter des coups pendant un quart d’heure sans pouvoir se toucher. Cet exercice était désigné sous le nom de Jan-coulibé, à la Martinique[42].

Mais il est certain que les colons tâchaient de restreindre le plus possible ces divertissements, qui avaient pour eux leur danger.



V

Nous en aurons fini avec le chapitre des obligations légales des maîtres à l’égard de leurs esclaves, quand nous aurons mentionné l’article 27 du Code Noir. « Les esclaves infirmes par vieillesse, maladie ou autrement, soit que la maladie soit incurable ou non, seront nourris et entretenus par leurs maîtres, et, en cas qu’ils les eussent abandonnés, lesdits esclaves seront adjugés à l’hôpital, auquel les maîtres seront condamnés de payer 6 sols par chacun jour pour la nourriture de chacun esclave. » Nous ne sommes plus, à vrai dire, au temps où l’austère Caton faisait vendre ses vieux esclaves pour ne pas nourrir de bouches inutiles[43]. Par la suite, le droit romain affranchit l’esclave abandonné de son maître[44]. Mais quel triste privilège que celui de la liberté donnée dans ces conditions, et qui le réduit presque à mourir de faim ! Dans le Code Noir, nous constatons évidemment l’influence des progrès de la civilisation, des idées chrétiennes. Mais nous en sommes réduits à nous demander encore ici comment ces prescriptions légales étaient observées dans la réalité. Nous n’avons pu trouver qu’un arrêt du Conseil-Supérieur du Cap, du 15 juin 1744[45], condamnant un maître, qui avait abandonné son esclave infirme, à payer pour lui 15 sols par jour à l’hôpital auquel il avait été adjugé. Mais que de malheureux qui, en fait, devaient mourir faute de soins ! De ceux que la vieillesse seule empêchait de travailler, il n’y en avait guère, car la plupart d’entre eux s’usaient vite au régime auquel on les soumettait. Les incurables par suite d’infirmités, délaissés dans leurs cases, ne languissaient généralement pas longtemps. Il n’y avait en fait que les esclaves capables de leur rendre des services en travaillant que les maîtres fussent intéressés à faire soigner, quand ils étaient atteints de quelque maladie.

Or les nègres étaient plus sujets que les blancs à un certain nombre de maladies. Tels étaient les ulcères, causés souvent par un petit insecte particulier aux Antilles, la chique[46], qui les atteignait plus spécialement, parce qu’ils allaient toujours nu-pieds ; — l’éléphantiasis ; — la ladrerie ; — et surtout le pian ou l’épian[47]. Cette dernière maladie a été confondue assez souvent avec la siphylis, mais elle doit en être distinguée ; les Européens ne la contractent pas, et il est à remarquer que jamais le même individu n’en est atteint deux fois. Un arrêt du Conseil du Petit-Goave, du 14 novembre 1712[48], « permet au nommé La Croix de traiter des nègres pianistes seulement, et lui fait défense au surplus d’exercer l’art de chirurgie, en ayant été trouvé incapable. » Une maladie frappant surtout les petits nègres était le tétanos, vulgairement appelé mal de mâchoire. Longtemps elle avait été réputée incurable, jusqu’en 1788, où nous voyons, dans un Précis des observations de la Guyane[49], qu’il a été découvert un remède, non indiqué d’ailleurs, et que l’auteur déclare n’avoir pas manqué d’efficacité une seule fois depuis plus de dix ans. Or il constate que le tétanos faisait périr annuellement plus de 20.000 négrillons, dans les huit premiers jours après leur naissance. « À Saint-Domingue seul, il en périt tous les ans plusieurs milliers, sans compter que l’ignorance des habitants, qui fait regarder cette maladie comme un maléfice des nègres, les porte à des cruautés révoltantes envers les mères qui ont eu le malheur de perdre leurs enfants. Cette conduite déplorable incite un grand nombre de négresses à outrager la nature pour s’empêcher de devenir mères. Il résulte ainsi de ce mal et du défaut de le connaître une double cause de dépopulation. » En effet, les avortements n’étaient pas rares : en particulier les négresses qui ne voyaient pas la chance de faire affranchir leurs enfants semblent avoir eu assez souvent l’idée de les empêcher ainsi de naître à l’esclavage. De plus, faute de ménagements suffisants, les femmes enceintes étaient exposées à bien des accidents. Ce n’est que vers la fin du xviiie siècle que l’on songea à prendre quelques précautions à ce sujet et à créer des infirmeries pour les nègres malades.

On s’explique donc assez facilement que jamais la population esclave n’ait pu se recruter par elle-même aux Antilles. Causes physiques et causes morales, tout se réunissait pour user rapidement la masse des individus : excès de travail, alimentation insuffisante et mauvaise, peu ou point de soins en cas de maladies, sans parler des châtiments, que nous exposerons plus loin ; joignons-y pour les nouveaux venus la nostalgie, la difficulté de passer presque sans transition d’une vie de nonchalance à un travail continu et forcé, enfin ce refoulement constant de tous leurs instincts, qui était le résultat de la privation de liberté.

Et, cette lamentable existence terminée, voici comment on les traitait : « Quand un nègre est mort, le commandeur en destine quatre autres pour l’apporter à l’église sur deux grandes perches disposées en forme de civière ; et c’est ici où j’ai souvent déploré l’effroyable misère de cette condition ; dans tous les autres états, la misère finit avec la vie du misérable, mais elle persévère encore dans nos esclaves après leur mort, car il ne faut point parler de suaire, et de 50 qui meurent il n’y en a pas deux qu’on ensevelisse dans de la toile ; on les apporte couverts de leurs méchants haillons ou enveloppés de quelques feuilles de baliziers. Ceux qui ont apporté le mort font la fosse où nous les enterrons[50]. »



IV

Cependant, il s’est trouvé de tout temps des défenseurs convaincus de l’esclavage. La question de principe de la soumission d’une race à une autre a soulevé d’interminables discussions, dont nous n’avons pas à parler ici. Mais, dans la pratique, des hommes qui étaient à même de voir les choses de près ont fait valoir surtout les circonstances atténuantes, au moyen de deux arguments : l’un, c’est que la situation des nègres était bien meilleure aux Antilles qu’en Afrique ; l’autre, c’est qu’elle était au moins aussi bonne que celle de la plupart des paysans et des ouvriers d’Europe. Ces raisons sont exposées notamment dans un curieux mémoire de Malouet, Du Traitement et de l’emploi des nègres aux colonies, daté de 1776[51], L’auteur, qui vécut longtemps à Saint-Domingue et à Cayenne, y avait fait preuve de réels talents d’administrateur. Il est d’avis que « l’abandon général de la traite n’opérerait aucun bien en faveur de l’humanité ; car les noirs, en passant de leur pays dans le nôtre, quittent un despote qui a droit de les égorger, pour passer sous la puissance d’un maître qui n’a que le droit de les faire travailler en pourvoyant à tous leurs besoins ». Il compare ensuite le sort des nègres esclaves avec celui des paysans : « À partir de l’enfance, le nègre est comme ces petits paysans, dans le sein de leur famille, soumis à l’autorité paternelle, mais plus soigné et mieux nourri que les pauvres villageois. Devenu fort et laborieux, il commence, malgré la servitude, à goûter les plaisirs de l’amour ; et le maître n’a aucun intérêt à contrarier ses goûts ; il a bientôt ceux de la propriété ; on lui donne un jardin, une maison, des poules, un cochon, et il dispose aussi librement de ses récoltes que tout autre propriétaire. Il n’en est pas qui ait l’atrocité de forcer un esclave à lui donner gratuitement ou à lui vendre à bon marché ses œufs, ses poules, ses légumes. Cette tyrannie serait bientôt punie par le découragement de tout l’atelier ; et sur cela l’intérêt personnel se joint à l’humanité. » Suit une sorte de tableau idyllique de la condition du nègre, toujours par comparaison avec celle des paysans. « Son pécule et les produits de son industrie sont à lui et quittes de tout tribut. » Et plus loin : « Ceux mêmes (les blancs) dont la conduite est la plus déréglée ont au moins l’attention de ne pas troubler les ménages des nègres. Leur extrême jalousie, le désespoir, la vengeance dont ils sont alors capables suffisent pour obliger les maîtres à une grande circonspection. »

Évidemment ce Mémoire nous indique qu’il y a eu changement dans les mœurs et que l’influence des idées philosophiques du xviiie siècle s’est fait sentir même dans nos colonies. Mais n’oublions pas que tout cela dépend de la bonne volonté du maître, que la tyrannie légale n’en subsiste pas moins, et qu’il faut compter avec les passions de ceux qu’elle favorise. Il est certain que pour un maître cupide et inhumain, tout ce que possèdent ses esclaves étant en droit sa propriété, rien ne l’empêche d’en disposer à son gré.

Toutefois, même dans la loi, il se produit alors d’importantes modifications. Les progrès les plus caractéristiques à ce point de vue sont marqués par une ordonnance du roi, du 15 octobre 1786[52] concernant les procureurs et économes gérants des habitations situées aux Îles-du-Vent. Comme on va pouvoir en juger par l’analyse ci-après, elle indique un adoucissement de la condition servile. Mais, malgré tout, une grande partie des rigoureuses prescriptions du Code Noir et de l’Édit de 1724 restent en vigueur.

C’est le titre II de l’ordonnance de 1786 qui traite de la nourriture et de l’habillement des esclaves, en même temps que de leurs châtiments. Bien entendu, le repos des jours fériés est consacré ; mais, de plus, il est interdit de faire travailler les nègres de midi à deux heures, comme avant le lever du soleil et après le jour tombé (art. 1). — « Il sera distribué à chaque nègre ou négresse une petite portion de l’habitation pour être par eux cultivée à leur profit, ainsi que bon leur semblera. » Les produits ne serviront pas à leur nourriture, qui incombe aux maîtres (art. 2). — Sur chaque habitation sera établie une case destinée à servir d’hôpital seulement. « Défend Sa Majesté l’usage pernicieux de laisser coucher les nègres à terre » (art. 4). — Les négresses enceintes, ou nourrices, ne travailleront que modérément, après le lever du soleil jusqu’à onze heures ; elles reprendront à trois heures et cesseront une demi-heure avant le coucher du soleil. Sous aucun prétexte elles ne seront assujetties à des veillées (art. 5). — Toute femme esclave, mère de six enfants, sera exempte, la première année, d’un jour de travail au jardin par semaine, la deuxième, de deux, et ainsi de suite. Elle ne perdra cette exemption que si elle laisse mourir, faute de soins, un de ses enfants avant dix ans (art. 6).

Si nous consultions ensuite les auteurs qui ont décrit de notre temps la situation des esclaves, nous verrions que, malgré les ordonnances postérieures qui visent à augmenter leur bien-être, leur état est resté sensiblement le même. Nous savons parfaitement que, suivant celui qu’on lit, on peut avoir sous les yeux des tableaux tout à fait différents. Ainsi, Granier de Cassagnac trouve que les esclaves sont parfaitement bien traités. Mais consultons Schœlcher, l’abbé Dugoujon, Rouvellat de Cussac, etc. Tous s’accordent malheureusement pour constater que la condition matérielle des nègres n’a pas cessé d’être misérable. Quant à leur condition légale, quant à leur éducation morale, les progrès réalisés sont également bien faibles. Les faits crient hautement la condamnation de l’esclavage, qui a réduit tant d’êtres humains à n’être guère que des bêtes de somme.


  1. II, 523
  2. Du Tertre, II, 524.
  3. Cf. fin du t. III, p. 408 et sqq., et commencement du t. IV. Voir aussi, dans l’Atlas joint à la Description de la partie française de Saint-Domingue, par Moreau de Saint-Méry, les planches 41 et 42 représentant les plans d’une sucrerie et d’un équipage à sucre (avec renvois explicatifs).
  4. Les Anglais se servaient parfois du moulin à sucre comme instrument de supplice et ils faisaient broyer des nègres qui avaient commis quelque crime considérable.
  5. Exposé général des résultats du patronage des esclaves, p. 267.
  6. Cette amélioration fut encore bien relative. Cf. Schœlcher, Colonies françaises. Le premier chapitre est consacré à la situation matérielle des esclaves. L’auteur rapporte ce qu’il a vu, en 1840 : cases misérables, à part quelques exceptions ; vêtements insuffisants : mauvaise nourriture, etc.
  7. Le balizier est une sorte de roseau appelé aussi canne d’Inde. Cf. Du Tertre, II, 126.
  8. Moreau de Saint-Méry, I, 68.
  9. Arch. Col., F, 221, p. 889.
  10. Moreau de Saint-Méry, II, 70.
  11. Moreau de Saint-Méry, II, 73.
  12. Id., ib., 92.
  13. Id., ib., 96.
  14. Arch. Col., C8, 16.
  15. Arch. Col., B, 32, p. 256, 29 décembre 1710. Projet d’ordonnance concernant la nourriture des nègres.
  16. Arch. Col., F, 236, p. 779.
  17. Arch. Col., B, 55, Îles-du-Vent, p. 306.
  18. Arch. Col., F, 225, p. 175.
  19. Arch. Col., F, 256, p. 63.
  20. Arch. Col., F, 236, p. 781.
  21. Moreau de Saint-Méry, IV, 401.
  22. Id., ib., 506.
  23. Arch. Col., F, 256, p. 965.
  24. Arch. Col., F, 260, p. 397.
  25. Arch. Col., F, 232, p. 421.
  26. Arch. Col., F, 21. Mémoire du 21 octobre 1785, p. 33.
  27. III, 289.
  28. Voir Moreau de Saint-Méry, Descr. de Saint-Domingue, Atlas, pl. 25 et 26 représentant différents costumes de nègres et négresses.
  29. Nouveau voyage aux isles… IV, 202.
  30. Du Tertre, II, 520.
  31. « La rassade, dont les Caraïbes, les nègres et même les femmes blanches se servent pour faire des bracelets et autre chose de cette nature est une espèce d’émail qui est teint de différentes couleurs. Il y en a qui sont en cylindre, percées dans leur longueur pour être enfilées. » Labat, II, 126.
  32. Du Tertre, II, 522.
  33. IV, 485.
  34. Description de la partie française de Saint-Domingue, I, 69-71.
  35. Durand-Molard, I, 159.
  36. Arch. Col., F, 226, p. 475.
  37. Cf. Durand-Molard, I, 206, ordonnance des administrateurs du 20 septembre 1723, portant que « les esclaves ne peuvent s’immiscer dans les loteries ou jeux ».
  38. Moreau de Saint-Méry, II, 11. Même défense par arrêt du Conseil du Petit-Goave, 4 février 1699, Id., I, 622 ; arrêt du Conseil du Cap, 7 avril 1758, art. 12 ; Id., IV, 225 ; Ordonnance des administrateurs de Saint-Domingue, 25 décembre 1783.
  39. Cf. Moreau de Saint-Méry, Description de Saint-Domingue, I, 52-60 ; et De la danse.
  40. Moreau de Saint-Méry, Descr. de Saint-Domingue, I, 60.
  41. De la Danse, p. 43.
  42. Arch. Col., F, 133, p. 188.
  43. Plutarque, Vie de Caton, VI.
  44. Digeste, XXXX, VIII, 2 (Corpus, édit. Mommsen, t. I, 635).
  45. Arch. Col., F, 90.
  46. Cf. Labat, Nouveau voyage aux isles…, I, 155-137, pour des détails sur la chique.
  47. Cf. A. de la Charrière, Réflexions sur l’affranchissement des esclaves dans les colonies françaises.
  48. Moreau de Saint-Méry, II, 332.
  49. Arch. Col., F, 21.
  50. Du Tertre, II, 538.
  51. Arch. Col., F, 90.
  52. Durand-Molard, III, 696.