L’École de la paix sociale/01

La bibliothèque libre.
Alfred Mame et fils (p. 3-6).


§ 1

L’histoire et la méthode de l’École.


Les deux premiers termes du programme assigné à la présente notice se rapportant, à vrai dire, au même objet : l’histoire de l’École se confond avec celle de la découverte et de la propagation de sa méthode. Les premiers germes de cette découverte furent créés en 1829 et en 1830. Puis ils se développèrent sans relâche, grâce aux voyages que j’entrepris en Europe et en Asie avec le concours d’une foule de personnes dévouées comme moi à la réforme sociale. En mentionnant tout d’abord ce concours, comme c’est mon devoir, j’ai surtout en vue les amis dont les noms figurent en tête des monographies de familles ouvrières qui constituent à la fois le principal résultat et le meilleur exposé de la « méthode sociale », base de notre enseignement. Je me reporte en outre aux nombreuses dames qui ont montré une aptitude extraordinaire dans les recherches réclamées par la confection des budgets domestiques de ces familles. Ces budgets sont l’élément essentiel des monographies ; et cependant, à quelques exceptions près, les noms de mes collaboratrices les plus utiles sont complètement omis dans l’ouvrage intitulé les Ouvriers européens, où ces monographies ont été publiées. Cette omission a deux causes dominantes. En premier lieu, pendant vingt ans, je n’ai pas soupçonné que cette partie de mes travaux deviendrait l’objet d’une publication, et je n’ai pu songer, après l’achèvement de chaque étude locale, à réclamer de ceux qui m’avaient prêté leur concours l’autorisation de publier leurs noms. En second lieu, les deux éditions des Ouvriers européens présentent à peine la cinquième partie des documents recueillis au cours de mes voyages.

Les sympathies qui se groupaient autour de ces premiers travaux furent singulièrement encouragées par l’approbation solennelle que l’Académie des sciences de Paris donna en 1855 à la méthode d’observation décrite dans la première édition in-folio des Ouvriers européens (O.e., I, iii, 4, p. 436.) En cette matière spéciale, l’Académie était l’autorité compétente ; mais, en fait, son approbation s’étendit moralement à la doctrine que j’avais induite des monographies et résumée sommairement dans l’appendice annexé à l’in-folio. Lors donc que je développai cette doctrine en 1864 dans mon second ouvrage la Réforme sociale en France, je trouvai la presse et le public préparés à faire bon accueil à ce livre, et beaucoup d’esprits disposés à en adopter les conclusions. À partir de cette époque, les adhérents de la méthode et de la doctrine se multiplièrent : ils fondèrent, conjointement avec moi, les cinq institutions dans lesquelles ils se groupent aujourd’hui, à savoir : la Société d’économie sociale, les Unions de la paix, l’École des voyages, les Conférences sociales et le Comité de la Bibliothèque. Enfin, ils m’aidèrent à créer cette Bibliothèque, qui est le principal résultat de nos communs efforts.

Depuis 1865, ces efforts ont eu pour objet la composition et la réimpression des quarante-six volumes et brochures énumérées dans la composition de la Bibliothèque sociale, p. 62. De 1877 à 1879, notamment, nous avons publié la deuxième édition in-8o des Ouvriers européens, en faisant de nombreuses additions à l’édition in-folio, qui était épuisée depuis 1856. Dès que ce travail fut achevé, les maîtres de l’école qui adoptent la Bibliothèque sociale comme base de notre enseignement, me prièrent de résumer toute cette bibliothèque en un seul volume ayant pour titre la Constitution essentielle de l’humanité. Ce nouveau travail, commencé en 1879, fut terminé en décembre 1880. Pendant ce mois, l’École fondait sa Revue périodique. Le 15 janvier 1881, le jour même où je signais la préface de la Constitution essentielle et où paraissait le premier numéro de la Revue, un travail complémentaire me fut demandé. Les amis qui président au développement de l’École en France et à l’étranger m’engagèrent à condenser, dans une très petite brochure, les enseignements de la Bibliothèque, déjà résumés dans la Constitution essentielle. Cette brochure devait seconder l’action que chacun d’eux exerce dans la localité qu’il habite : elle répondrait aux questions qui leur sont journellement adressées par les personnes qui veulent à la fois participer aux travaux accomplis par les deux sociétés-sœurs de l’École (§ 15) et recevoir l’enseignement donné par la Revue. La présente notice répond à ce désir de mes amis.