L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/À la signora Perrina

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Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 103-104).

À LA SIGNORA PERINA

Madrigal

Signora Perina,
Si vous vouliez
Que dans la tirelire
Je vous le misse,
Je vous l’y mettrais,
Oui en vérité.

Sans salive
Je vous l’enfoncerais,
D’une grosse pluie
Je vous arroserais,
Et un gentil bambin
En serait incarné.

Un grand plaisir
Vous éprouveriez,
Si mon oiseau
Dedans vous preniez :
Un pareil jamais
Vous n’avez goûté.

Mille caresses
Je vous ferais,
Mille baisers
Je vous donnerais,
Que votre mari
Ne vous saurait faire.

À LA MÊME

Signora Perina, ma chère, si vous l’avez,
Faites-m’en de grâce la charité ;
Les morts peuvent aller trouver tout le monde,
Et il ne me serait pas permis d’y aller ?

Il faut que vous m’en fassiez part,
De cette fève, qui par vous est dispensée ;
Plus de mérite vous acquerrez
À me l’offrir, si vous me l’apportez.

En ma faveur personne ne se remue ;
Il y a un an que je pâtis, et je vous jure
Qu’à peine sais-je comment elle est faite.

Pour me l’apporter ici, quand elle sera cuite,
Je sais que vous avez toute prête la soupière ;
Vous me dites : « Je l’ai bien, mais elle est cassée ; »
N’importe, pourvu que je bâfre ;
Qu’elle soit comme elle voudra, suffit aux Vénitiens,
Si elle laisse fuir la sauce, qu’elle tienne le grain.