L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/En public ne se commettent point de délits
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume Apollinaire, Bibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour, (p. 211-212).
EN PUBLIC NE SE COMMETTENT POINT DE DÉLITS
Autrefois, dit-on, n’allaient pas
La nuit sur la Piazza se promener les Dames ;
Mais quel mal y peuvent-elles faire, les pauvrettes ?
Tant que l’on se promène, on ne s’enfile pas.
Avec les putains elles ne se mêlaient pas,
Ce qui autrefois était chose infâme ;
Mais autrefois s’ourdissaient encore plus de trames,
Et autrefois davantage on jouissait.
Quand le divertissement est public,
Il n’est jamais de certain mal, croyez-m’en ;
Gardez-vous de celui qui se fait dans les maisons.
Ce qui pourrait arriver de plus dans cette foule,
Et le moment n’est pas si facile à saisir,
C’est qu’on puisse à l’oiseau donner quelque secouée.
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Pourquoi tant critiquer et tant blâmer
Le costume d’à-présent et la manière
De vivre qu’ont prise les femmes, le soir ?
Ce qu’elles font de mal je voudrais le savoir.
Est-ce parce qu’elles sortent avec leurs Cavaliers ?
Avec qui donc sortiraient-elles ? avec la chambrière,
Quand leurs maris, ni en gondoles ni sur terre ferme,
Ne veulent se promener en leur compagnie ?
Voulez-vous qu’elles restent seules dans leur coin ?
Eh ! laissez-les aller flâner un peu,
Un tantinet de jouissance leur fait du bien.
Elles ne restent que trop chez elles tout le jour ;
Mais sachez-le, je vous le dis pour conclure,
De vos dires elles ne pensent pas un fétu.