L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/En public ne se commettent point de délits

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Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 211-212).

EN PUBLIC NE SE COMMETTENT POINT DE DÉLITS

Autrefois, dit-on, n’allaient pas
La nuit sur la Piazza se promener les Dames ;
Mais quel mal y peuvent-elles faire, les pauvrettes ?
Tant que l’on se promène, on ne s’enfile pas.

Avec les putains elles ne se mêlaient pas,
Ce qui autrefois était chose infâme ;
Mais autrefois s’ourdissaient encore plus de trames,
Et autrefois davantage on jouissait.

Quand le divertissement est public,
Il n’est jamais de certain mal, croyez-m’en ;
Gardez-vous de celui qui se fait dans les maisons.

Ce qui pourrait arriver de plus dans cette foule,
Et le moment n’est pas si facile à saisir,
C’est qu’on puisse à l’oiseau donner quelque secouée.

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Ce qu’elles font de mal je voudrais le savoir.

Est-ce parce qu’elles sortent avec leurs Cavaliers ?
Avec qui donc sortiraient-elles ? avec la chambrière,
Quand leurs maris, ni en gondoles ni sur terre ferme,
Ne veulent se promener en leur compagnie ?

Voulez-vous qu’elles restent seules dans leur coin ?
Eh ! laissez-les aller flâner un peu,
Un tantinet de jouissance leur fait du bien.

Elles ne restent que trop chez elles tout le jour ;
Mais sachez-le, je vous le dis pour conclure,
De vos dires elles ne pensent pas un fétu.