L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/L’auteur n’est pas persuadé que les atomes aient formé le monde

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Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 234-235).

L’AUTEUR N’EST PAS PERSUADÉ QUE LES ATOMES
AIENT FORMÉ LE MONDE

Que les atomes aient formé le Monde par hasard,
Comme l’a écrit le philosophe Épicure,
C’est une fausseté bien sûr,
Et je ne suis point persuadé de son système.

Je ne dis pas que le hasard ne puisse faire
Une plante, un diamant, un gros rocher ;
En y mettant un temps infini, je suis certain
Qu’il a pu faire quelque chose dans ce grand vase.

Mais faire tant de grandes espèces d’animaux,
Et pour que durât la propagation,
Faire tant de moniches, tant de gros cas,

Et leur donner de l’inclination à se conjoindre !
Qu’ils disent ce qu’ils voudront, ces matérialistes,
Il fallait quelqu’un qui eût bonne caboche.

SUR LE MÊME SUJET

Je serais franchement d’opinion
Que la matière a toujours existé,
Et que personne jamais ne l’a créée,
Puisqu’en dehors d’elle on ne voit rien.

J’adopterais encore dans mon esprit
Cette idée, qui n’est pas hors de raison,
Que si l’espèce humaine a été fabriquée,
Son créateur n’était pas intelligent.


Avec Thalès je serais d’avis
Que le principe de toutes choses fut la mer,
Ou, avec d’autres, l’élément du feu.

Mais quand je pense au plaisir de jouir,
Alors je dis : « Ah ! ce bonheur,
» Un autre que Dieu ne pouvait le créer. »