L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/L’auteur s’éclaire, mais trop tard

La bibliothèque libre.
Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 256-257).

L’AUTEUR S’ÉCLAIRE, MAIS TROP TARD

Soixante fois le soleil a parcouru
Tout le Zodiaque, depuis le jour où j’ai ouvert les yeux
Jeune homme, j’étais du nombre des bénêts,
Et en devenant vieux j’ai quelque peu gagné.

J’ai vu que le Diable n’était pas aussi laid
Que le dépeignent ces bélîtres,
Et ce que je me coïonnais, mais richement,
À croire qu’existaient Jupiter et Pluton.


Le mal, c’est qu’en même temps que chez moi
Allait en augmentant l’intelligence,
Mon cas allait toujours en décroissant,

À tel signe qu’aujourd’hui il ne vaut plus rien,
Et qu’en dedans de moi je m’en vais disant :
Mieux eût valu mourir coïon.