L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/Sur l’emprisonnement de N.-H. Marcello

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Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 203-204).

SUR L’EMPRISONNEMENT DE N. H. MARCELLO

Lorsque je pense à ce pauvre Marcello,
Qui est là, comme un chien, dans un cachot,
De frayeur je chie sous moi,
En me figurant que je sois lui.

On ne voit venir qu’un bargello
Qui, à peine jour, vous apporte votre manger cuit,
Et, à la fin de la journée, dans ce réduit
On ne voit revenir que ce même homme.

Là point de lumière, et jamais de feu,
Si longue et si large que soit la nuit,
Et les souris vous font tout autour vilaine danse.

On n’y entend que des trépignements et des coups ;

Mais le plus affreux, le plus terrible de cet endroit,
C’est que jamais on n’y peut foutre.

POUR LE MÊME

« Oh ! elle tire en longueur cette coïonnerie !
« Quand est-ce que je sortirai de prison ?
« Dois-je y rester à tout jamais, comme un coïon,
« Sans avoir la compagnie d’une moniche ?

« Ah ! fichtre ! ceci passerait la cruauté,
« De voir mon oiseau, dans un petit coin,
« Frémir et délirer comme fait un lion,
« De ne pouvoir enfiler qui je voudrais.

« À quoi sert d’avoir une clef
« Quand on ne peut se procurer la serrure ?
« Ainsi suis-je sans moniche, ayant un cas.

« C’est pour moi un supplice trop pénible.
« N’ayant pas la moniche, je me manuélise
« Et engraisse les souris de mon produit. »